empty (talisa)

Ils étaient bornés, autant l’un que l’autre. Ils se dénigraient, ils se croyaient le plus forts, les plus menaçants, et ils ne lâcheraient pas le morceau. Mais Woody savait, au fond de lui, qu’il avait raison. Parce qu’il vivait depuis bien des années en colocation avec ce monstre, et lui ne serait jamais venu en aide à une personne en détresse sur le bord d’une ruelle. La brunette face à lui avait un fond de bonté, autrement elle aurait poursuivi son chemin. Lui, la lumière s’était complètement éteinte. « Tu devrais avoir peur. » Corrigea-t-il, avant de lever les yeux au ciel quand elle lui dit qu’il ne savait pas non plus devant qui il se trouvait. « Crois ce que tu veux. T’auras été prévenue et j’n’en aurai rien à foutre lorsque tu pleureras ou qu’tu me traiteras de monstre. » Et malgré les menaces, malgré les coups bas et la gifle, ils rentrèrent ensemble chez Woody pour que Talisa soigne ses plaies saignantes. Elle lui posait des questions, peut-être innocentes, peut-être curieuses, auxquelles le trentenaire répondait de son air renfrogné. « C’est avec mes meufs que je suis le pire. » Un autre avertissement, de ne pas trop se coller à lui, de ne pas s’attacher, au risque de souffrir au même titre que toutes les autres. Au moins, Talisa semblait savoir se défendre. « Au moins on s’entend enfin là-dessus. » Qu’il était con. C’était elle qui le disait maintenant. Elle apprenait, lentement. Quand elle eut terminé et que Woody ne montra pas un signe de gratitude, elle le regarda sans broncher, en silence. Il soupira. « Look, je t’ai jamais caché mes intentions. J’avais pas envie d’avoir de l’aide, Talisa. T’as décidé de m’aider quand même. C’est ton problème. » Il était tellement injuste, Woody. Mais c’est qu’il n’avait plus foi en quoi que ce soit.

Il ne voulait pas toujours délibérément faire mal, Woody. Il ne répandait pas la souffrance partout sur son passage juste parce qu’il en avait envie, juste parce qu’il passait une mauvaise journée. Sauf qu’involontairement, ses manières de con, son arrogance et son penchant pour la violence avaient le même résultat. Qu’il fasse les choses consciemment ou non, peu importe, s’il blessait quand mêmes les gens autour de lui. La jeune femme face à lui avait donc raison de voir dans ses menaces une forme d’inquiétude pour elle. Mais il ne le lui avouerait certainement pas. « Fine, fais ce que tu veux. I couldn’t care less. » Cracha-t-il, pour renforcer cette image de dure, impénétrable carapace qu’il s’était forgée. Et voilà qu’elle s’imaginait encore pire de lui, ce qui n’était pas pour arranger les choses entre eux. Polygame, quelle belle blague, lui qui était incapable d’être dans une véritable relation avec une seule femme, comment pourrait-il l’être avec plusieurs en même temps ? Il arqua un sourcil en la voyant faire semblant d’applaudir. « T’as quel âge, bordel … » Murmura-t-il d’une voix grincheuse. « Alors si je suis si pathétique, pourquoi t’es encore là, Talisa ? » Il n’allait certainement pas la contredire ou se défendre, puisqu’il ne tenait visiblement pas à remonter dans son estime. Qu’elle s’imagine le pire, au moins ça la ferait peut-être déguerpir. Comme pour la forcer un peu plus encore, la pousser au bout de ses limites, Woody assena le coup fatal en se montrant ingrat et froid. Pour couronner le tout, un rire s’échappa d’entre ses lèvres en entendant la crise de Talisa. « Ouais, je suis content. » Lâcha-t-il après son monologue, quand elle lui affirma avec véracité que ce qu’il voulait, c’était qu’on lui tourne le dos. « Et tu seras peut-être contente bientôt, toi aussi. » Ajouta-t-il, faisant référence à ce qu’elle lui avait dit à propos du moment où il crèverait. De ses emmerdes en moins. « Y’en aura pas de prochaine fois. » Conclut-il. Elle n’aurait pas à le placer en garde à vue, elle n’aurait pas à le ramasser dans une ruelle, elle n’aurait rien à faire de ça. Il ne serait plus une emmerde, ni pour elle ni pour qui que ce soit.