make it right (athéna)

Il fallait admettre, si cette pause d’avec Zelda semblait avoir été bénéfique pour cette dernière, j’avais plutôt l’impression de m’être par moi-même propulsé dans un tourbillon des plus chaotiques. Elle s’en sortait indemne et moi, je n’avais jamais été plus dans le brouillard que ça. C’était en raison de toute une série d’événements, formant une chaîne des plus bouleversantes. Des trucs qui, pris individuellement, étaient déjà bien assez déstabilisants, mais qu’une fois raccordés tous ensemble, formaient carrément une histoire digne d’un téléroman incroyable. J’avais d’abord commencé à développer des sentiments pour Athéna pour ensuite me faire complètement péter ma bulle quand elle était retournée avec son ex, Isaac. Ensuite, Ally était réapparue dans ma vie pour m’apprendre que j’avais un fils de trois ans, bientôt quatre, dont elle m’avait caché l’existence. Mon meilleur ami Jeff m’avait de son côté annoncé qu’il allait se marier. Et pour couronner le tout, j’avais couché avec Freja, ma colocataire, rendant notre relation des plus bizarres depuis cette fameuse nuit où nous avions franchi une limite que nous ne nous étions jamais même imposés tellement c’était inconcevable que ça se produise. Et malgré ça, Zelda voulait encore bien de moi, et j’étais incapable de lui donner ça parce que de mon côté, je ne savais plus du tout où j’en étais. Trop de changements, ça me rendait un peu anxieux. J’avais donc décidé de me rendre au bar-resto du coin, encore trop incertain à savoir si j’avais plutôt envie de bouffer mes émotions, ou de les noyer dans l’alcool. J’aurais au moins les deux options à portée de la main. Quand je rentrai dans l’établissement, mon regard fut automatiquement dirigé vers une tête rousse, et pas seulement parce que j’avais une obsession, non, mais aussi parce que je reconnus Athéna. Si en temps normal j’aurais décidé de faire demi-tour pour éviter la confrontation, je me rendis vite compte en voyant la posture de la jeune femme et le verre presque vide reposant contre la paume de sa main, qu’elle n’était pas du tout dans son assiette. Et pas trop en contrôle de ses moyens, non plus. Ravalant ma fierté, je me dirigeai vers la rouquine. « Salut, Athéna. » M’annonçais-je, au moins pour commencer. « Tu attends quelqu’un, cette fois, ou bien t’es seule ? » Je n’avais pu retenir cette pique, lui rappelant cette autre fois où je m’étais pointé chez elle avec des fleurs alors qu’elle était avec Isaac. Alors qu’elle m’avait oublié. Elle n’avait certainement pas besoin que je le lui rappelle, mais c’était fait.

Athéna tourna son visage vers moi, et si jusqu’à maintenant je n’avais vu que sa chevelure qui s’enflammait encore et toujours sous les lumières du bar, je ne tardai pas à constater que son visage, lui, était plus sombre que jamais. Elle avait des cernes violacés sous ses yeux fatigués, elle avait le teint plus blême encore qu’à la normale, et aucune tentative de sourire ne se trouvait sur ses lèvres. Je fronçai tout légèrement les sourcils en prenant place à côté d’elle, puisqu’elle me désignait la place nonchalamment. Une invitation était une invitation, aussi distante et froide fut-elle. Je ne savais même pas pourquoi je décidai de m’asseoir avec elle. Je n’avais pas forcément envie de lui parler après ce que nous nous étions dit. Mais je voyais qu’elle n’allait pas bien, pas bien du tout, et c’était plus important que tout le reste. Silencieusement, je fis signe au serveur que je désirais quelque chose à boire. Il me fit signe qu’il serait là dans un moment. Je jetai un coup d’œil à Athéna, qui avait toujours le regard rivé sur son verre vide. Le serveur arriva face à moi. « Une bière noire s’il-te-plaît. N’importe laquelle, ta plus populaire. » Dis-je, avant qu’il ne reparte me verser une pinte. Quand je l’eus enfin entre les mains, Athéna me demanda froidement ce que je voulais. « Rien. Je venais boire une bière, comme tu vois. » Répondis-je, tout aussi distant, avant de soupirer. « Puis je t’ai vue et t’avais l’air de quelqu’un qui avait peut-être besoin d’un peu de compagnie. » Même si là, tout de suite, j’avais plutôt l’impression que j’étais sur le point de me faire rembarrer. Un peu comme la dernière fois.

Dans un soupir, Athéna me demanda si elle avait l’air si désespérée que ça. J’eus une légère grimace en relevant les yeux vers elle. « Si c’est la vérité que tu veux … » Et avec tout ce qui s’était passé entre nous, je pense que l’honnêteté sous toutes ses formes était nécessaire. « … T’as pas l’air dans ton assiette du tout, non. » Lâchais-je. Remarquez, je ne l’étais pas forcément non plus. Je pense que les récents événements y étaient peut-être pour quelque chose, ou alors peut-être que pas du tout de son côté. Tout ce que je savais c’était que moi, je me sentais comme une vraie merde depuis qu’elle m’avait claqué la porte au nez et que j’étais rentré chez moi bredouille. Je m’étais rarement senti aussi con, aussi coupable, aussi humilié. Je bus une gorgée de ma bière noire pendant qu’Athéna calait son verre d’eau, comme soudainement prise d’une sage conscience. Elle plongea son regard dans le mien, et contre toute attente, elle s’excusa. J’avalai difficilement, l’écoutant sans broncher, visiblement gêné. « Je suis désolé aussi. J’ai pas réagi de manière très mature, j’ai pas aidé la situation non plus, j’imagine … » À mon tour, je jouai avec mon verre, avant de reprendre : « C’est vrai que ça m’a fait mal sur le coup de te voir avec lui. Mais je sais qu’tu m’avais rien promis. C’est moi qui me suis laissé emporter trop vite … » On avait pourtant dit que nos situations étaient compliquées, je lui avais pourtant dit que je n’étais qu’en pause avec Zelda. Mais j’avais quand même laissé mon cœur s’emballer comme il le faisait toujours quand une femme qui me plaisait me regardait comme Athéna m’avait regardé. J’avais osé y croire. Et elle avait tôt fait de briser cette bulle dans laquelle je flottais. « J’espère que t’es heureuse avec lui. Vraiment. » J’esquissai un faible sourire en la regardant à nouveau. À voir son état, elle ne respirait pourtant pas le bonheur.