you fill my head with you (athéna)

Si les premiers jours de ma pause d’avec Zelda avaient semblé longs, confus, me laissant perplexe quant à ce que je vivais et ce que je ressentais, je me sentais maintenant un peu plus en paix avec cette décision de recul. Parce qu’il ne s’agissait que d’un recul par rapport à nos sentiments, pas par rapport à nous-mêmes. J’avais revue Zelda à l’hôpital quand on m’y avait gardé durant la quarantaine, et nous avions retrouvé une certaine complicité, une certaine légèreté qu’on croyait avoir perdues au cours des derniers mois. Sans doute était-ce ce dont nous avions vraiment eu besoin, au final. De prendre du temps pour nous. Et ce temps-là, je ne savais peut-être pas forcément encore comment l’utiliser, mais j’avais décidé de me permettre d’explorer certaines émotions, certains feelings que j’aurais autrement laissé bien enfoui au fond de moi. À commencer par ce qui s’était passé avec Athéna, à notre journée au Yoga Space, il y avait quelques semaines de cela. Nous nous étions contentés de nous envoyer des textos suite à cette journée des plus magiques, mais je gardais tout de même toutes ces images en tête. Hey, t’es chez toi ce soir ?, avais-je envoyé à Athéna en début d’après-midi. Je lui avais demandé si je pouvais passer chez elle, en fin de journée, ce qu’elle avait accepté. Comme un adolescent qui essaie d’être romantique, j’étais alors passé chez le fleuriste pour lui acheter un bouquet de fleurs blanches, il y avait dedans ce qu’on appelait des soupirs de bébé et le nom m’avait bien fait rire, alors c’est avec un sourire amusé sur le visage que j’avais sonné à la porte de la rouquine. Comme dans le parfait des clichés, je cachai le bouquet derrière moi et, lorsqu’elle ouvrit la porte, je la saluai d’un grand sourire. « Hey you ! » Je sortis le bouquet de derrière moi et le lui tendis. « Parce que j’dois avouer que tu m’as manquée depuis la dernière fois. » C’était con, nous nous étions dit qu’on prenait ça à la légère, lentement, sans se poser de questions. Nous avions tous les deux un passé amoureux qui n’était pas vraiment chose du passé, en fait. Et me voilà avec mes fleurs et mes grand gestures.

Depuis cette virée en bateau, ta relation avec Athéna a pris un tournant totalement inattendu. Tu ne pensais pas que vous pourriez recoller les morceaux un jour, après ce que tu as fait, après ton mauvais comportement, mais une fois de plus, la jeune femme t'as surpris comme personne ne l'a jamais fait. Aujourd'hui, vous profitez des moments à deux sans trop réfléchir, sans trop vous poser de questions et c'est largement suffisant. Blottie dans tes bras depuis un moment, bercée par la musique à proximité, tu l'observes du coin de l'oeil, voyant ses yeux se fermer petit à petit. Mais alors que vous semblez à des kilomètres d'ici, tous les deux, dans un monde qui n'appartient qu'à vous, la sonnerie de l'appartement vous ramène les pieds sur terre. Tu soupires alors qu'Athéna se lève et quitte tes bras pour aller ouvrir la porte. Tu te relèves à ton tour pour t'asseoir sur le canapé tout en gardant un oeil sur la jeune femme. Athéna semble un peu perdue, même presque gênée et tu ne comprends pas pourquoi. Elle recule d'un pas, t'adressant même un regard, visiblement mal à l'aise. Blasé de ne pas comprendre ce qu'il se passe, tu te lèves finalement du canapé pour rejoindre la rousse sur le pas de la porte. Et c'est là que tu le vois, un bouquet à la main. Tu ne connais absolument pas ce type mais visiblement, lui, connait plutôt bien Athéna. Tu poses une main sur l'épaule de la jeune femme par pur égoïsme et par pure jalousie avant de froncer les sourcils. « Salut. » Dis-tu assez froidement en fixant ce fameux Concho du regard. D'ailleurs, c'est quoi pour un prénom ça, Concho ? Et d'où il sort ce gars ? « Tu ne m'avais pas dit que tu attendais quelqu'un. » Ajoutes-tu en posant tes yeux sur Athéna, essayant de contenir et surtout de masquer l'agacement dans ta voix.

Dès que la porte s’ouvrit, malgré mon grand sourire, mon enthousiasme et mes fleurs, je devinai qu’Athéna n’avait pas le même plaisir de tomber sur moi. Et pourtant, les fleurs étaient peut-être imprévues, mais ma visite, elle, ne l’était pas. Je consultai rapidement ma montre, me confirmant que je n’étais ni trop tôt, ni trop tard. Pourtant, la rouquine recula même de quelques pas et lança un regard derrière elle, visiblement gênée. Je fronçai les sourcils. « Tout va bien ? Je te dérange ? » Bingo, Concho. Ça ne prenait pas une maîtrise en relations humaines pour comprendre qu’elle ne m’attendait plus, qu’elle avait eu autre chose en tête … ou quelqu’un d’autre. Elle me remercia quand même pour le bouquet en l’attrapant enfin, me délivrant au moins de cette pose un peu ridicule. Mais le ridicule, je n’y avais même pas encore goûté, là. Quelques secondes à peine après qu’elle m’ait ouvert la porte, un grand mec aux cheveux blonds apparut dans le cadre de la porte, posant une main protectrice – voire même jalouse – sur l’épaule d’Athéna. Automatiquement, mon regard se porta sur ce contact, puis vers cet homme à nouveau. La jeune femme fit les présentations pendant que je comprenais ce qui se passait. « Salut. » Dis-je, un peu moins froidement que lui, quand même. Je ne tentai même pas de tendre une main vers lui, attendre qu’Athéna me prenne le bouquet des mains avait déjà été une assez grande humiliation, je n’allais pas attendre qu’il me serre la main pendant de longues secondes de ridicule non plus. Lorsque ledit Isaac releva le fait qu’Athéna ne lui avait pas dit qu’elle attendait quelqu’un, je renchéris : « Oui, tu aurais pu me dire que tu avais des plans pour ce soir, tu sais. J’aurais compris. J’serais pas passé. » Ça m’aurait au moins évité de me sentir autant humilié, autant mis de côté. Je ne prétendais pas qu’Athéna et moi ayons quoi que ce soit d’exclusif, au contraire ce que nous avions partagé n’aurait pas pu être plus flou que ça. Mais elle aurait au moins pu avoir la décence de m’épargner cet embarras.

En plus d’avoir Athéna en commun, vous semblez avoir un autre point commun Concho et toi : l’incompréhension. Tu n’étais pas au courant qu’elle attendait quelqu’un, elle ne l’a même pas mentionné alors que tu débarquais à l’improviste chez elle. Mais tu n’as pas vraiment demandé non plus, n’imaginant pas qu’elle pouvait avoir quelqu’un d’autre que toi dans sa vie. Puisque lorsque vous vous êtes revus sur ton bateau, tu lui as demandé si elle voyait quelqu’un et sa réponse a été plutôt simple : non. Alors voir débarquer cet homme, un bouquet de fleurs à la main, ça te laisse plutôt perplexe mais surtout perdu. Athéna reprend la parole, plutôt gênée par cette situation, un peu comme vous tous, finalement. En voyant que la situation se complique, tu décides de prendre un peu de distance pour les laisser discuter tous les deux. Tu auras tout le loisir de dire ta façon de penser à Athéna par après mais là, ils ont besoin de discuter sans que tu sois dans les parages. Et surtout, tu espères que, comme ça, la rousse mettra un point final à cette histoire avec Concho. Ou ce début d’histoire, tu ne sais pas vraiment ce qu’il y a entre eux puisqu’elle ne t’en a jamais parlé. « J’crois que je vais vous laisser discuter. » Dis-tu en reculant un peu, jetant un regard à Athéna avant de retourner sur le canapé. Tu sors ton téléphone de ta poche pour consulter tes mails et tes réseaux sociaux, gardant tout de même un œil, et surtout une oreille, sur Athéna et ce Concho.

Les mains enfin libres, je regrettai finalement de ne plus l’avoir, ce bouquet, parce qu’au moins il les tenait occupées, ces mains. Je ne savais plus où les mettre, ni où me mettre moi-même. Alors que la rouquine tentait de se justifier par l’écoulement trop rapide du temps, une main se posa sur son épaule, en ajoutant au malaise. Je me joins aux paroles de l’homme pour faire comprendre à Athéna que si elle avait prévu voir quelqu’un d’autre, elle aurait pu me prévenir, tout simplement. Je l’aurais mieux que pris que ce que je me prenais en pleine gueule, là, maintenant. Et je t’ai oublié. J’haussai les sourcils. « Ouch. » Dis-je, parce que l’insulte était trop grande pour ne pas être traduite en mot. Qu’il soit passé à l’improviste et change un peu ses plans, d’accord, mais que sa présence lui fasse oublier la mienne ? Ça avait quelque chose d’assez blessant pour l’estime d’un homme, ça. Surtout que la mienne avait toujours été un peu fragile, et je m’étais d’ailleurs confié à Athéna là-dessus. Isaac recula un peu, affirmant qu’il allait les laisser discuter. « Merci. » Dis-je en le regardant. En vrai, il ne m’avait rien fait, lui, il était dans la vie d’Athéna et je n’y pouvais rien, mais j’aurais aimé y avoir ma place même quand lui l’avait aussi. Juste une toute petite place pour au moins être prévenu que j’étais mis de côté. Mais non, même ça, je ne le méritais pas. Je regardai l’homme retourner au salon, loin derrière, et je replongeai mon regard émeraude dans celui d’Athéna. « Alors c’est lui, la raison pour laquelle c’était compliqué de ton côté aussi ? » Demandais-je. « Ça ne m’a plus l’air trop compliqué, maintenant. Enfin, si on me retire de l’équation, et je crois que c’est fait. » Je réfléchissais à voix haute, surtout. Je ne voulais pas intentionnellement blesser Athéna, mais comme elle, elle l’avait fait de manière assez brutale, elle ne pouvait s’attendre à ce que je réagisse mieux. « T’en fais pas, on s’était dit qu’on prenait notre temps et qu’on attendait de voir où ça menait. » Je marquai une pause. « J’imagine que la réponse, c’est nulle part. »

Face à mes paroles, Athéna se braqua complètement, les bras croisés sur sa parole et ne mâchant pas ses mots, cruels et directs. Je reculai légèrement la tête en l’entendant me cracher sa pensée au visage. Tout avait dégringolé tellement vite et d’un coup, ces fleurs qu’elle tenait dans ses mains, elles n’avaient plus aucune signification. Elles n’étaient que la représentation matérielle de l’échec de ma vie sentimentale. « Comment tu veux que je me sente si ce n’est pas comme le deuxième choix ? On passe une journée géniale ensemble et lui il revient comme ça sans prévenir et d’un coup tu m’oublies, carrément ? Tu m’as peut-être pas tout dit mais le message est quand même bien clair. » Répondis-je à mon tour. Je n’avais pas l’habitude de m’emporter, pas l’habitude de me prendre la tête de cette manière, mais j’étais blessé alors même qu’Athéna et moi ne nous étions rien promis. Peut-être avais-je eu davantage besoin d’elle, de croire en quelque chose, que ce que je voulais bien croire. Elle m’avait aidé à oublier mais aujourd’hui, elle me ramenait à la triste réalité. La rouquine recula de quelques pas et alors que j’affirmais que nous n’irions sans doute nulle part, elle et moi, elle me confirma mes propos, sans hésitation. « Si tu traites les gens que t’aimes bien comme ça, peut-être que j’viens de dodge a bullet. Si tu penses que t’avais pas à me justifier ça et pire encore, de même pas me mettre au courant. » Nous allions trop loin dans nos paroles et je le savais, même je me sentais tellement mis de côté et à ce stade de ma vie, ça faisait trop mal. « Qu’est-ce que Tahlia a à voir là-dedans ? Ça ne regarde personne d’autre que toi et moi. » Demandais-je en secouant la tête, grimaçant d’incompréhension.

Même si tu fais semblant d'être sur ton téléphone et de ne pas écouter leur conversation, c'est plus fort que toi. Tu ne peux t'empêcher de te demander si Athéna t'aurait parlé, un jour, de ce mec ou non. Ce n'est pas faute de lui avoir posé la question, pourtant. Alors, tu te promets d'aborder le sujet une fois que leur conversation sera terminée car ça ne sert clairement à rien d'en rajouter, à cet instant précis. Mais rapidement, le ton monte entre eux deux ce qui t'oblige à te redresser du canapé, prêt à intervenir. Quand Athéna s'approche de Concho pour le gifler, tu te lèves et la rejoins en quelques secondes à peine. Tu poses une main dans le bas de son dos pour lui faire sentir ta présence et tenter de la calmer un peu tout en détaillant le jeune homme du regard. « Il vaut mieux que tu t'en ailles, ça risque d'aller trop loin sinon. » Dis-tu à Concho. Tu ne parles pas pour toi mais tu es persuadé que ça risque d'aller trop loin entre eux deux. Déjà là, tu es persuadé qu'Athéna regrette ce qu'il s'est passé et pas seulement parce que tu vois quelques larmes brouiller sa vue. « J'suis là. » Murmures-tu seulement pour Athéna alors que tu l'entoures de tes bras pour calmer ses tremblements et surtout sa colère. Puis, tu attends que Concho s'en aille, lui qui semble encore un peu sonné par ce qu'il vient de se passer. Et toi aussi d'ailleurs, tu ne te serais jamais imaginé un tel scénario en arrivant chez la jeune femme quelques heures plus tôt.

Ce ne serait plus jamais pareil entre nous. Cette douce amitié que nous avions construite ensemble, nous venions de la détruire et tout ça pour trois baisers et quelques caresses. J’aurais dû voir venir toutes ces complications, j’aurais dû savoir que lorsque mon cœur s’en mêlait, ce n’était jamais pour aboutir à quelque chose de positif. Toutes mes histoires me conduisaient dans un mur, alors pourquoi est-ce que je m’entêtais ? Malgré tout, ça me faisait mal de savoir que ce début de je-ne-sais-quoi avec Athéna avait été aussi rapidement balayé. Mais elle avait raison, c’aurait pu être le contraire aussi, c’aurait pu être moi qui me retrouve avec Zelda et elle qui vienne cogner à ma porte. Après tout, Zelda et moi, ce n’était même pas terminé. Athéna me le rappelait très cruellement. « Tu le dis quand même que j’étais un mauvais choix. Alors tu regrettes. » Et je commençais à le regretter aussi, pour la première fois. Je m’étais senti coupable, certes, mais je n’avais pas voulu effacer ces belles heures passées en compagnie d’Athéna. Je m’y accrochais, même, en tentant de me convaincre qu’elle était là, la flamme que je recherchais désespérément. Elle venait de souffler dessus, Athéna, comme un ouragan qui me laissait complètement démuni. « Je t’ai expliqué à quel point j’étais perdu, je t’ai dit que j’avais aucune idée de ce que cette pause signifiait. Et tu retournes vraiment ça contre moi maintenant ? » M’exclamais-je, vexé qu’elle ne sorte ces arguments que maintenant alors que je l’avais mise au courant dès le tout début. Je ne m’étais pas joué d’elle. Je continuai donc de cracher ma déception au visage d’Athéna, qui n’en méritait certainement pas autant. Mes mots dépassaient ma pensée mais d’un coup, c’était son geste qui dépassa toutes les limites. Elle s’approcha de moi et me gifla dans un son qui ne faisait que confirmer la rougeur que j’aurais pour les prochaines heures. Je portai ma main à ma joue et de l’autre, j’attrapai le bouquet qu’elle me renvoyait. Je la dévisageai, visiblement sous le choc et sonné, et ce ne fut que lorsque Isaac revint en me disant à son tour de m’en aller que je sortis de ma transe. « J’comptais pas rester plus longtemps de toute façon. » Et quand il l’enlaça pour la réconforter, je secouai la tête et tournai les talons pour fuir sans les regarder par-dessus mon épaule. J’avais déjà bien trop honte. J’avais déjà bien assez mal.

Il ne faut pas longtemps à Concho pour tourner des talons et quitter le bâtiment. Sans doute humilié, déçu, blessé, tout ça à la fois. Tu ne peux pas porter de jugement sur la relation d'Athéna avec ce type mais par contre, tu peux porter un jugement sur la jeune femme qui a omis de te parler de lui. Ne deviez pas repartir sur de bonnes bases ? Saines, qui plus est ? Athéna doit lire dans tes yeux ce débat sans fin puisqu'elle te repousse plus sèchement que nécessaire, claquant la porte au même instant. Tu ne comprends pas son comportement parce que le fautif, dans cette histoire, ce n'est sûrement pas toi. Alors quand elle ajoute qu'elle ne veut rien entendre, tu ne peux t'empêcher de laisser s'échapper un rire ironique d'entre tes lèvres. « Pardon ? » Demandes-tu en arquant un sourcil, t'approchant de quelques pas de la jeune femme qui te tourne toujours le dos. « Je t'ai demandé s'il y avait quelqu'un dans ta vie, Athéna. Tu m'as dit non. Tu m'as menti et maintenant, j'ai le droit de ne rien dire ? » Tu as un mouvement de recul de la tête, complètement surpris et désemparé face au comportement de la jeune femme. « Ce sera jamais moi, ça. J'suis pas le genre de mec à arriver à ta porte avec des fleurs alors si c'est ce que tu cherches... » Autant arrêter les frais tout de suite. C'est ce que tu aurais dû dire mais tu en es bien incapable. Tu ne peux pas mettre des mots aussi lourds de sens sur ta relation avec Athéna parce que t'en as aucune envie. Tu lui as promis que tu ne prendrais pas la fuite une seconde fois mais là, tu as l'impression que c'est elle qui te pousse vers la sortie.