food is the ingredient that binds us together ‹ carlisle & iphigénie

Depuis les quelques semaines qu'elle était là, Iphigénie avait eu le temps de faire un peu de repérage. Pas dans le quartier où elle vivait, mais dans celui où elle travaillait. Dans le Northern District où se situait son cabinet, l'activité battait souvent son plein. Entre les bars et les restaurants, toutes les boutiques et les petites places, on pouvait affirmait qu'il s'agissait d'un des endroits les plus dynamiques de Bowen. Pas excessif, il était possible d'y faire la fête, comme de se promener en couple ou bien seule, et cela, la jolie blonde l'avait bien compris. Ainsi, elle l'avait appliqué. Pendant les grands trous dont se parait son emploi du temps, elle s'insinuait souvent dans des petites rues adjacentes pour y découvrir par ici une librairie, et par là un boulanger dont le pain au chocolat n'avait rien à envier aux viennoiseries autrichiennes. C'était un plaisir qui, bien qu'elle le gardait pour elle, jouait sur son humeur. On ne pouvait pas dire que la vie était facile depuis qu'elle était arrivée en Australie. Heureusement, sa bonne réputation à Vienne lui avait permis de partir avec un socle d'économie, mais si la situation ne s'améliorait pas, ce socle finirait par subir l'érosion du temps et elle se retrouverait sur le carreau, sans argent, sinon celui que lui rapportait ces quelques consultations qui n'étaient pas suffisantes. Son verre de vin rouge à la main, dont elle faisait machinalement tournoyer le contenu, elle réfléchissait à cette situation tout en gribouillant des calculs sur son calepin. Elle avait encore les moyens pour se permettre de fréquenter régulièrement ce restaurant, à quelques rues seulement de son cabinet et qu'elle avait découvert par chance un jour où elle s'était mise à déambuler. L'autre monde était un endroit sympa et particulièrement fréquenté où elle avait presque pris l'habitude d'aller. Elle connaissait certains serveurs qui se laissaient aller à quelques familiarités, mais ne prêtait que peu d'attention à cela. La majeure partie du temps, elle ramenait de la paperasse avec elle, pour se rassurer, pour se rappeler ce temps où elle croulait sous les rendez-vous et les patients. Le temps d'avant. Un temps qui n'était plus, et qu'elle regrettait malheureusement. Parfois, comme c'était le cas ce soir-là, elle finissait par se perdre dans ses pensées et dans son verre de vin qui n'était jamais le seul de sa soirée et manquait la fermeture. Il fallait que l'on vienne le lui signaler et un sourire mi-gêné, mi-désolé sur le visage, elle réglait sa note et s'éclipsait. Jamais elle ne regardait les autres clients. Tout contact était évité, simplement pour ne pas lire malencontreusement dans leurs âmes. C'était un sale réflexe qu'elle avait développé avec les années. Psychanalyser les gens sans même le leur demander. À la longue, cela devenait pénible et fatiguant. Porter la misère des autres en plus de la sienne en dehors de son cabinet n'était pas simple à vivre. Et pourtant, parfois, elle ne pouvait pas s'en empêcher. Quand elle avait vu cette petite tête blonde entrer avec ses parents en début de soirée, elle avait voulu savoir. Être sûre que cette enfant était heureuse et que ses parents étaient de bons parents. Depuis Éléanore, Iphigénie n'était plus la même, ni en tant que femme, ni en tant que psychologue et divaguant dans ses pensées, repensant au suicide de cette petite fille qu'elle n'avait pu sauver, elle s'était laissé aller, lâchant une larme salée, qui se mêlait à son vin.

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Si au début il avait peur, Carlisle prend de plus en plus confiance en voyant son restaurant presque plein à chaque service. Les réservations sont de plus en plus nombreuses et il est obligé de refuser de la clientèle. Il ne pensait pas que son projet plairait autant. Il sait bien que sa cuisine est bonne et il fait tout avec de bons ingrédients tout en essayant de garder les prix raisonnables. Certains diront qu’il aurait pu augmenter les prix sans perdre de la clientèle et ainsi gagner plus mais ce n’est pas son objectif. Le jeune homme vit assez simplement et n’a pas envie d’extravagance, hormis lorsqu’il s’agit de s’acheter de nouveaux costumes pour le cosplay ou les jeux de rôle. Dans sa démarche il veut avant tout que chacun, peu importe son budget, trouve quelque chose qui lui convient. Pour cela il a une carte très flexible qui s’adapte à toutes les bourses avec des mets plus délicats pour les plus aisés et des basiques revisités avec des ingrédients d’aussi bonne qualité pour ceux qui ont moins la chance de venir au restaurant. Il sait que pour certaines personnes aisées, venir dans un restaurant en accord avec sa bourse est important pour montrer son statut social, mais Carlisle ne veut pas faire de différence. Si certains n’acceptent pas de manger à côté de gens d’une classe sociale bien inférieure, tant pis pour eux. Il laisse les serveurs gérer ce genre de problématique, expliquant gentiment aux clients le principe du lieu : bon, respectueux de l’environnement, aidant les agriculteurs locaux et ouvert à tous. C’est important pour lui car il sait que sans la bourse qu’il a reçu pour avoir la chance d’aller étudier en France, il n’aurait sans doute pas ouvert ce restaurant et ne serait qu’un commis dans un des restaurants de la ville. En général il ne fait pas trop attention aux clients, à part quand il s’agit de ses amis qu’il vient saluer avec plaisir ou encore quand on le demande. Malgré tout il jette des coups d’œils réguliers à l’entrée et à la salle qu’il voit depuis sa cuisine puisqu’elle est ouverte sur le restaurant. C’est un choix que tout le monde n’apprécie pas mais il ne voulait pas cacher sa cuisine mais l’intégrer à l’expérience du client. Ainsi il a remarqué une jeune femme qui vient souvent à présent, toujours seule et avec de nombreux papiers. Cela l’intrigue un peu même s’il ne veut pas se montrer trop curieux. Mais elle a l’air d’aimer le restaurant ce qui lui fait plaisir. A chaque fois qu’il remarque une personne qui est déjà venue, cela lui fait chaud au cœur. Carlisle a pour habitude, les jours où l’affluence est moins importante, de finir le service pour libérer plus tôt ses serveurs. A présent qu’il ne reste plus que deux tables et qu’elles en sont au dessert, il n’a plus rien à cuisiner et commence à tout ranger et nettoyer tout en observant les dernières tables du coin de l’œil. Lorsqu’il remarque que la jeune femme commence à pleurer il ne sait pas quoi faire. Sous prétexte de débarrasser son assiette il s’approche et lui demande « Tout va bien ? »

hj : c'est très bien, j'ai beaucoup aimé tes descriptions

Iphigénie n'avait jamais été très démonstrative. Dans son enfance, elle n'avait jamais été l'objet de marque d'affection, ni de sa mère, qui préférait passer la plupart de son temps à boire et à coucher avec des hommes en espérant s'en faire quelques sous, ni de ses frères, qui se battaient plus souvent qu'ils ne se parlaient. La jeune femme ne savait donc par définition, ni aimer, ni montrer ses sentiments. Elle avait rapidement appris à ravaler toutes émotions, pour se protéger. Ne pas pleurer suite à une gifle, ne pas demander à être bordée lorsqu'ils étaient seuls à la maison. Au centre, quand sa mère la fit interner alors qu'elle n'avait que douze ans, elle était devenue complètement stoïque. Presque robotique. Elle disait oui à tout, parce qu'elle savait que c'était pour elle le seul moyen de se débarrasser au plus vite des contraintes qu'on voulait lui imposer, et éviter d'en susciter d'autres. Ainsi, iphigénie n'avait jamais beaucoup pleurer. Elle avait sangloté quelques fois, au fond de son lit quand elle entendait sa mère rentrer tard, puis elle avait hurlé quand les hommes en blouse blanche l'avaient emmené et c'en était fini. Jusqu'à Éléanore. Quand elle avait appris le décès de cette enfant, elle n'avait pas pu s'en empêcher. Au final, elle avait finit par s'attacher à cette petite qui lui ressemblait tellement et qu'au final, elle n'avait pas été en mesure d'aider. Elle s'en était tellement voulue. Elle aurait trouvé plus juste de prendre sa place, de mourir pour elle, à la place de cette gosse qui n'avait rien vécu sinon de la souffrance. Cela remontait à six mois environ et depuis, malgré des coups de mous, aucune larme ne s'était échappé de ses yeux clairs. Jusqu'à ce soir. Les effluves d'alcool, la fatigue, le stress de cette nouvelle vie, tout cela avait rendu la tâche plus facile. En observant cette enfant radieuse avec ses parents, elle n'avait pas réussi à mettre en pratique toutes ses années d'expérimentations. Elle avait laissé son regard se perdre, et une larme couler le long de sa joue rougit par l'alcool. Elle n'avait même pas entrepris de geste pour l'effacer et dissimuler cette tristesse soudaine. Jamais avant elle ne se serait permis un tel écart avant, mais il fallait bien admettre qu'elle n'était plus la même personne. Quand la voix masculine interrompue le fil de ses pensées, elle ne réagit pas immédiatement. En fait, elle ne comprit pas tout de suite que c'était à elle que l'on s'adressait, ni même ce qu'il venait de se dire. Un peu hébétée et gênée, elle esquissa un sourire qui n'aurait convaincu personne, et balaya sa joue d'une main hésitante. "Je vous demande pardon ? J'étais un peu perdue dans mes pensées !" Ses yeux rougis par des larmes qui n'attendaient que de couler s'étaient alors posés sur l'individu qui n'avait rien d'un serveur. Presque aussitôt ce compte-rendu fait, elle se braqua. Elle ne savait trop pourquoi, mais elle avait soudainement l'impression qu'elle était peut-être la victime d'un plan drague foireux, sans seulement se douter qu'aucune idée de ce genre ne traversait l'esprit de son interlocuteur. Alors, dans la précipitation, ne faisant ni attention à l'heure, ni au fait que bientôt elle serait seule dans ce restaurant prêt à fermer, elle tenta de se débarrasser de lui, comme chaque fois. Sur la défensive. "Je suis vraiment navrée, mais j'attends quelqu'un et..." En vérité, elle n'attendait personne : d'abord parce que même si c'était vrai, elle s'était certainement fait poser un lapin étant donné l'heure qu'il était, mais surtout parce qu'iphigénie était profondément seule et sans le vouloir, elle avait cette expression sur le visage qui sentait le mensonge, la tristesse et la gêne; ce sourire plein de solitude. D'un trait, elle avala le fond de son verre. Comme si ça pouvait l'aider.

hj: il est trop mignon ce petit carlisle @Carlisle Chaplin

Cela fait bien longtemps que Carlisle n’avait pas vu une femme pleurer. IL se souvient du temps où c’était lui qui créait ces larmes, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes. Étant peu attaché aux gens, il pouvait partir sans un regard en arrière. Pour lui l’opportunité de découvrir de nouvelles choses et de nouveaux endroits passait au dessus de la tristesse qu’il pouvait tout de même ressentir. Ce n’est pas un monstre non plus, il a des sentiments. C’est juste qu’il ne tenait pas forcément autant à ses amis ou ses conquêtes que eux tenaient à lui. A présent il doit réparer ses erreurs de jeunesse en se faisant pardonner auprès de ceux qu’il a connu avant de partir étudier en France, ses amis d’enfance qu’il a lâché sans quasiment plus donner de nouvelles. Aujourd’hui c’est un homme assez solitaire qui aime son boulot et pratiquer des activité comme la méditation et le yoga. Il a quelques amis mais il n’aime pas beaucoup faire la fête, ne boit quasiment pas et préfère davantage les soirées films autour d’une pizza que les grandes beuveries dans les bars. Le jeune homme est devenu plus accessible. Pour autant, il s’est fixé quelques limites pour éviter d’avoir à faire souffrir les gens. Cela fait à présent des années qu’il n’a plus embrassé personne et qu’il vit dans un célibat complet. Parfois cela l’attriste mais il fut tellement traumatisée d’apprendre la tentative de suicide d’une de ses anciennes copines après qu’il l’ait quitté, qu’il sait promis que ça n’arriverait plus jamais. Et pour que cela ne se reproduise plus il a établi comme règle de ne plus avoir de rapport amoureux ou sexuel avec quelqu’un. Il était légèrement perdu dans ses pensées en se remémorant tout cela mais ce n’était pas le seul puisque la jeune femme qu’il venait d’aborder pour savoir si tout allait bien, lui annonça après quelques secondes qu’elle était perdue dans ses pensées. Il veut bien le croire, en général quand les gens se mettent à avoir les larmes aux yeux dans une situation banale c’est probablement qu’ils ont pensé à quelque chose qui les a rendu triste. Carlisle comprenait qu’elle n’avait sans doute pas envie qu’il lui parle car malgré ses yeux rougis, elle trouva une excuse pour qu’il s’en aille. Le jeune homme fronça les sourcils quand elle lui dit attendre quelqu’un. « Mmm...ça me paraît compliqué, le restaurant va bientôt fermer. Si une personne doit vous rejoindre, elle devrait se dépêcher. » dit-il gentiment d’un ton calme. Il comprend bien qu’elle peut être gênée de s’exposer ainsi en public et qu’elle n’a sans doute pas envie d’évoquer ce qu’elle ressent avec un parfait inconnu. Enfin, des fois cela fait du bien de raconter sa vie à un illustre inconnu qu’on ne reverra sûrement jamais ou qui, dans tous les cas s’il nous juge, nous n’aurons pas à supporter son jugement à chaque fois que l’on le voit. « Je peux vous débarrasser ? » demanda-t-il avec un sourire en regardant l’assiette vide. Laissant un peu de répit et le temps de la réflexion à la jeune femme, il alla encaisser l’autre table qui s’en allait, les laissant seuls dans le restaurant.