Retournement de situation [Feat. Tahlia Wates]

Donovan et Tahlia en avaient traversé des épreuves, que ce soit dans les enquêtes qu'ils ont menés avec brio ou bien dans le cadre un peu plus privé, comme les soirées qu'ils avaient pu partager ensemble dans des bars, alors oui, il va de soi que lorsque le quadra a appris que Tahlia avait été mise à pied et son supérieur n'avait même pas été prévenu. Il se retrouvait désormais seul face à son équipe, sans savoir quoi faire. Personne ne l'appréciait, la brune était son pilier au commissariat. Il était désormais livre à lui-même.

Après avoir remué ciel et terre pour savoir ce que c'était que ce bordel, Donovan avait tout gagné en écopant d'un avertissement pour son comportement impulsif, mais surtout pour avoir insulté ses supérieurs.

" - Qui a pris cette putain de décision de virer le meilleur élément de mon équipe ? Et ce, sans même me prévenir ?"

Le jeune homme s'était laissé emporté parce qu'on venait de lui retirer son seul repère, alors la colère s'était emparée de lui sans qu'elle ne puisse diminuer.

" - Est-ce que l'un d'entre vous veut bien me répondre ou personne n'a assez de couilles pour ça ?

Voilà comment s'était achevé cette journée riche en émotions. Les jours suivants, le jeune homme avait tenté de joindre son ancienne coéquipière sans jamais réussir à l'avoir. Il avait laissé plusieurs messages vocaux, plusieurs sms sans jamais avoir de réponse. Et comme un flic reste un flic, il avait alors tracé son téléphone pour pouvoir la retrouver. C'est dans un bar, accoudée au comptoir qu'il la trouva. D'un pas vif et furieux il s'approcha d'elle, et sans même prendre la peine de la saluer, il s'assit à côté d'elle et commanda un whisky, il allait en avoir besoin.

" - Putain mais qu'est-ce que tu fous là ? Ça fait des jours que j'essaye de te contacter et toi, tu fais silence radio. Qu'est-ce que ce bordel Tahlia ? D'abord t'es virée du commissariat, ensuite je te retrouve ici à te bourrer la gueule. Est-ce que tu peux m'expliquer, parce que là je ne comprends plus rien."

L'allemand avait finit par diminuer le ton de sa voix pour ne pas l'effrayer, si ce n'était pas déjà fait. Mais putain, Tahlia n'imagine pas à quel point il s'était inquiété pour elle, probablement qu'il ne lui dira jamais d'ailleurs, mais c'était aussi cette inquiétude qui parlait pour lui ce soir.

Elle n'arrivait pas à s'en remettre. Chaque matin, elle se réveillait en pensant qu'elle était sûrement en retard au boulot. Et chaque matin, son cœur se serrait parce qu'elle savait qu'on ne l'attendait plus au commissariat. Les mots de son supérieur, lors de son licenciement, tournaient en boucle dans sa tête. Sa perte de fonction avait eu lieu quand Donovan était encore en arrêt de travail. Et c'était peut-être mieux comme cela. Elle pouvait supporter les regards en biais de ses collègues et leurs messes basses, mais elle n'aurait pas aimé voir la déception dans le regard de Chamberlain. Cela aurait été bien trop dur à voir. Alors, quand elle avait reçu les messages et les appels de son coéquipier, Tahlia les avait fortement ignoré, ne prenant pas la peine de lui répondre ou de décrocher son téléphone. Faire la morte était la meilleure solution. Il finirait par laisser tomber et par l'oublier.

Ce soir-là, elle se retrouvait encore dans un bar, à noyer son mal-être dans son verre. Ce n'était pas qu'une question de travail, c'était toute sa vie qu'elle remettait en question, obnubilée par des idées noires. Elle n'était qu'une incapable, une bonne à rien. Tout ce qu'elle touchait, elle finissait par le détruire tôt ou tard. Buvant une gorgée de son cocktail, elle vit qu'une personne s'installait près d'elle. Tournant légèrement la tête, ses yeux s'écarquillèrent, surprise de voir une silhouette qu'elle connaissait trop bien. Donovan. Donovan qui semblait clairement furax. Il suffisait de voir le ton qu'il employait, même s'il finit par parler plus bas sur sa fin de phrase. La brune arqua un sourcil, haussant nonchalamment les épaules, comme si ce qu'il s'était passé était tout à fait normal. Elle ne se doutait pas un seul instant qu'il s'était inquiété pour elle. Elle pensait juste qu'il était en colère. En colère parce qu'elle lui avait caché des choses au boulot. « Je ne me bourre pas la gueule. » marmonna-t-elle, d'abord. Elle avait tant reproché cette façon de faire chez Donovan, cette addiction à l'alcool, alors qu'elle ne faisait pas mieux. « Il n'y a rien à expliquer. J'ai fait quelques conneries. J'en ai payé le prix. C'est tout. » Elle but une nouvelle gorgée avant d'ajouter, sur un ton qu'elle voulait neutre : « Vois l'avantage, tu es enfin débarrassé de moi. » Sa voix se brisa sur sa fin de phrase, troublée. Au fond, ça lui brisait le cœur de ne plus faire partie de l'équipe de Chamberlain. Elle en avait connu des coéquipiers, mais il avait été le meilleur. Malgré toutes leurs disputes, leurs vacheries, il avait été celui avec qui elle avait accompli de belles choses – peu orthodoxe, certes, mais belles - professionnellement parlant. Elle but encore une gorgée pour se redonner contenance. « Comment tu as su que j'étais là ? » Il était peut-être simplement venu boire un coup et était tombé sur elle, par hasard.

Depuis plusieurs jours au commissariat, le bureau de Tahlia resta vide. Évidemment, le brun ne put s'empêcher de se demander pourquoi elle ne l'avait pas prévenue, pourquoi elle n'avait pas envoyé un simple message pour lui dire qu'elle avait besoin de vacances, mais il ne se doutait pas que ce vide face au sien resterait désormais vide jusqu'à ce qu'une nouvelle recrue s'y installe.

Le flic avait beau tenté de joindre la brunette, mais autant se heurter à un mur. Il n'avait eu aucun retour. Tout comme lorsqu'il avait demandé à obtenir des réponses de la part de ses supérieurs, aucun n'avait jugé nécessaire de le prévenir de cette décision, pourtant non sans conséquence pour son équipe, et surtout sa sécurité. C'était comme si tout le travail qu'il avait fait avec Tahlia était réduit à néant puisqu'il allait être forcé de travailler avec un autre coéquipier qui le détestait forcément.

Un flic reste un flic, et ce même lorsqu'il outrepasse le cadre de son travail pour tracer son ancienne collègue. Illégal vous avez dit ? Donovan n'est pas à son coup d'essai après tout.. Et si c'est pour retrouver la brune, alors il n'a aucune limite. Et c'est dans ce bar qu'il l'a trouva un verre à la main. La colère s'empara de lui, alors qu'il n'était pas sans savoir que Tahlia avait fait face à cette scène plusieurs fois. Elle l'avait tant de fois tiré de la merde, maintenant c'était à son tour. Il repoussa le verre sur le comptoir et ordonna au barman de lui apporter un verre d'eau.

" - Tu oublies à qui tu as à faire Tahlia, malheureusement pour toi, j'connais bien la situation, mais tu sais pertinement que te mentir à toi-même ne t'apportera que des soucis en plus."

C'était comme si Donovan était confronté à son propre démon. Comme s'il avait besoin de ça pour réaliser le genre de déchet qu'il est devenu depuis la perte de Miranda. Il se rendait compte aussi de tous les efforts que Tahlia avait dû faire pour le supporter. C'était le revers de la médaille ce soir.

" - Tu veux vraiment jouer à ça Tahlia ? Tu es prête à partir sur cette pente ? Parce que si c'est le cas, tu sais que je ferai tout pour obtenir les réponses dont j'ai besoin, et peu importe les moyens que j'emprunterai. Alors autant que tu me dises tout de suite ce qui s'est passé."

Puis au fond, il aurait aimé être averti avant de la décision de ses supérieurs.

" - Arrête tes conneries, tu sais que c'est faux. Rien ne sera plus pareil maintenant. Va falloir que je me coltine un connard qui crache sur mon dos toute la journée et en qui je n'ai aucune confiance pour aller sur le terrain."

Profitant du barman qui avait apporté le verre d'eau qu'il avait demandé plus tôt, il lui en commanda un second pour lui. Inutile de dire qu'il devait rester sombre pour gérer la situation du mieux qu'il le pouvait.

" - J'ai tracé ton téléphone." avoua-t-il sans aucun remord dans sa voix.

HRP:

L'arrivée de Donovan était fracassante. A peine eut-elle posé ses yeux sur lui qu'elle vit la colère dans le regard de son supérieur. Les rôles semblaient s'inverser, même si Tahlia ne comprenait pas à cet instant qu'il était là pour l'aider. Elle s'était confrontée tant de fois au mauvais caractère de Donovan, à son refus de voir l'homme qu'il était devenu. C'était désormais à lui de voir la loque qu'elle était en train de devenir. La femme forte qu'elle avait toujours été était en train de craquer. On oubliait qu'elle était humaine, avec ses sentiments, ses émotions, ses points forts et ses faiblesses. La perte de son travail était minime – après tout, à trente ans, elle avait l'opportunité de se diriger vers une nouvelle carrière – mais c'était la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase. Elle n'était qu'une bonne à rien. Et ce constat, elle voulait le vivre seule, ne voulant pas décevoir son entourage, Donovan y compris. Parce qu'il était bien plus que son collègue. Alors, quand il repoussa son verre sur le comptoir, elle le foudroya du regard. Et sa leçon moralisatrice ne la fit pas réagir pour autant. « Ce n'est qu'un verre, putain. » marmonna-t-elle entre ses dents. Mais il avait raison, elle se mentait à elle-même. Simplement, elle n'avait suffisamment de recul pour se rendre compte qu'elle s'engageait dans un gouffre duquel il était difficile de s'extirper. Le ce n'est qu'un verre se transformait vite en soirée trop arrosée, qui lui faisait oublier ce qu'elle était, son couple et son estime de soi. Alors qu'il tenta de savoir ce qu'elle avait fait, Donovan se confronta à un mur. Tahlia se tourna vers lui et arqua un sourcil en entendant sa réponse : « Ce sont des menaces ? Mais vas-y, utilise tous les moyens que tu veux, ça ne changera rien à ma situation ! » Elle n'avait plus rien à perdre. Elle se demandait même pourquoi il mettait tant d'énergie à vouloir avoir des réponses, lui qui lui avait souvent rappelé qu'elle pouvait changer d'équipe. Il était enfin débarrassé d'elle, autant s'en réjouir. Mais Donovan n'était pas d'accord avec cela. Ses paroles furent un nouveau coup de poignard pour la brune qui sentait déjà son masque se fissurer. « Et alors ? Tu t'y feras. Moi aussi j'étais la connasse qui était sur ton dos et en qui tu n'avais pas confiance, au debut. » Avec le temps, ils avaient réussi à s'amadouer. Il le ferait sûrement aussi avec son nouveau coéquipier. Le barman apporta le verre d'eau, ce qui poussa la brune à lever les yeux au ciel, soupirant longuement. Mais alors qu'elle lui demanda comment il l'avait retrouvé, Danno lui avoua, sans remords, avoir tracé son téléphone. « Pardon ? » lâcha-t-elle, subitement, son regard se teintant de colère. « Tu n'as pas fait ça ?! » Cela partait d'une bonne intention, mais pour le coup, elle se sentait trahie. Sans un mot, elle attrapa son téléphone, qu'elle fourra dans la main de Donovan. Et elle explosa : « Tu ne t'es pas dit que je ne voulais pas que tu me retrouves ? Que si je ne répondais pas à tes messages et à tes appels, c'était parce que je ne voulais pas m'expliquer ! » Il était allé contre sa volonté. « J'ai volé des preuves, Danno. J'ai trahi la police. Je t'ai trahi, toi. Et si je ne voulais pas que tu me retrouves, c'était parce que je ne voulais pas voir la déception dans ton regard. » Elle avait subi bien trop de regards désobligeants, moqueurs, déçus. Elle n'aurait pas supporté celui de Donovan. La colère lui fit monter les larmes aux yeux qu'elle essuya rageusement. « Laisse-moi tranquille, s'il te plaît. »

Spoiler:

Donovan n'avait pas pour habitude de faire dans la dentelle, que ce soit dans le domaine du privé ou du professionnel. Alors évidemment, Tahlia aurait dû se douter qu'en le mettant de côté, il allait fouiller jusqu'à obtenir ce qu'il recherchait, et il l'avait eu, puisqu'il avait trouvé l'endroit où elle s'était réfugié. En découvrant l'endroit, le flic avait eu un rictus sur le visage. Ils avaient tous les deux le même endroit pour se réfugier et pour tout oublier, comme si l'alcool pouvait leur éviter d'affronter le quotidien qui les attendait dès qu'ils auront franchi les portes de ce refuge.

Cela va de soi, lorsqu'il vit la jeune femme avec un verre à la main, il savait pertinemment qu'il devait le lui retirer. Elle lui ressemblait presque trait pour trait, voilà pourquoi il savait comment agir, parce que s'il avait eu le courage, c'est ce qu'il aurait dû faire plutôt que de se laisser entraîner sur cette pente quasi impossible à remonter sans aide. Il refusa que Tahlia y plonge à son tour, alors il fera tout pour la sauver, quitte à être sa bouée de sauvetage, comme elle l'avait été durant tout le temps où ils travaillaient ensemble.

" - Tu es tombé sur la mauvaise personne et tu le sais, ce n'est pas à moi que tu vas apprendre qu'un verre en entraîne un autre, et ça jusqu'à ce que tu oublies tout, même l'endroit où tu habites."

Combien de fois avait-il dormi dans la rue, sur un banc ou dans un parc ? Et pour cause, à force de boire, il s'était fait virer du bar sans savoir quel chemin emprunté pour regagner sa caravane. En entendant les propos de la brune, Danno ne pouvait s'empêcher de se creuser les méninges pour faire tout ce qui est en son pouvoir pour la faire revenir parmi son équipe, mais sans savoir ce qu'elle avait fait, son champ d'action était plutôt limité.

" - Tu ne comprends pas Tahlia.. Ce bureau vide qui me fait face tous les jours c'est un crève cœur permanent. Même si un jour quelqu'un s'installe à ce bureau, ce qui ne sera pas demain la veille, mais personne ne pourra t'arriver à la cheville, et encore moins te remplacer."

Depuis le temps qu'ils travaillaient ensemble, Tahlia n'était pas sans savoir que le brun n'était pas un adepte des compliments, alors, elle ne pouvait douter de la sincérité de ses propos. Il le pensait réellement, et dans cette histoire, lui aussi en souffrait. Comme si on lui avait retiré une partie de lui-même.

En voyant l'effet de son annonce quant au fait qu'il est tracé son téléphone, il ne broncha pas. Donovan ne s'attendait pas à voir la jeune femme lui sourit et lui sauter au cou. Elle était lui, mais au féminin. Il l'écouta avec attention avant de prendre la parole à son tour, après avoir obtenu cette vérité dont il avait besoin.

" - Tu ne m'as laissé le choix Tahlia et tu le sais." Il prit quelques secondes pour assimiler ce qu'elle venait de dire. Il savait qu'il venait de briser cette carapace dans laquelle elle s'était enfermée, et c'était une bonne chose qu'il est réussi.. Pour elle. " - La déception ? Tu t'es trompé d'ennemi ma belle. Si quelqu'un doit être déçu, ce ne sera pas moi. Tu sais pertinemment que mes méthodes n'ont jamais été du goût de nos supérieurs, malgré ça, ils ont toujours tout fait pour enterrer les problèmes qu'on pouvait causer, donc au fond, c'est bien parce qu'ils savaient que peu importe les méthodes, le résultat était au rendez-vous."

Évidemment, il n'allait encourager personne à outrepasser la loi, mais le faisant lui-même lorsqu'il ne voyait aucune autre possibilité, il ne pouvait blâmer la brune pour l'avoir fait. C'est que cette affaire devait lui tenir à cœur.

" - Tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça Tahlia, tu devrais le savoir depuis le temps qu'on bosse ensemble." fit-il en s'installant plus confortablement à ses côtés, comme pour lui prouver qu'il ne comptait pas bouger de sitôt. " - C'était quoi cette affaire ?" demanda-t-il en sirotant son verre à son tour.

Quelle erreur de débutante ! Tahlia aurait dû savoir qu'en faisant la morte, elle ne ferait que pousser davantage Donovan à la poursuivre. Elle avait fait pareil avec lui. Plus il la rejetait, plus elle s'accrochait à lui. C'était pour cela que les débuts avaient été si explosifs entre eux, même si aujourd'hui encore, ils n'étaient pas à l'abri de disputes futiles qui prendraient des proportions énormes. Tout comme cet instant où il chercha à lui retirer son verre pour le remplacer par un verre d'eau. Tahlia était vexée et les paroles qui suivirent la poussaient encore plus dans cette émotion. Comme si ce simple verre la dirigeait vers un gouffre duquel il était difficile de s'en sortir. Elle se voilait la face, tout simplement. Elle ne se rendait pas compte qu'à chaque fois qu'elle traversait une mauvaise passe, elle enchaînait les soirées au bar, où elle buvait de façon à oublier ses problèmes. Malchance pour elle, elle était tombée sur l'homme pour qui cette façon de faire était familière, qui savait mettre des mots sur ses douleurs qu'elle essayait de cacher. Alors, elle détourna le regard à la suite de ses mots, qui évoquaient ces verres à enchaîner jusqu'à ne plus savoir où l'on habitait. Tahlia n'avait pas été confrontée à cela, peut-être parce qu'elle tombait sur les bonnes personnes qui la ramenaient. Mais elle n'était pas à l'abri de tomber sur une mauvaise personne, à un mauvais moment. C'était un fait qu'elle occultait pleinement. Elle se permit un simple regard en coin vers Donovan, sans rétorquer quoique ce soit, sans doute parce qu'elle savait qu'il avait raison. Ce fut la suite de son discours qui finit par achever la brune. Ils n'avaient pas l'habitude de se dire tout ce qu'ils pensaient, de se complimenter. Alors, l'entendre parler du manque qu'elle causait au commissariat lui serra le cœur alors qu'elle reposa son regard sur lui. Lui aussi en souffrait et c'était un fait auquel elle n'avait pas pensé. Personne n'était irremplaçable, elle le savait bien, mais elle savait aussi que son remplaçant allait avoir du boulot sur la planche avant d'avoir la confiance de Danno. Elle avait ramé, Tahlia, mais ensemble, ils étaient parvenus à atteindre une belle complicité. Dans leurs conneries, ils étaient les mêmes. Mais ils savaient aussi se protéger et pour un binôme, cela était quelque chose de très important. « Je suis désolée... » souffla-t-elle. Toutefois, même s'il la touchait avec ses mots, Tahlia n'était pas assez sensible pour laisser passer la façon dont il l'avait retrouvé. Le regard noir, elle lui mit son téléphone entre les mains, en ronchonnant. Et ce fut ainsi qu'elle lâcha tout ce qu'elle avait à lâcher. Et elle avoua cette peur de la déception. Aussi sûre était-elle, Tahlia souffrait énormément du regard des autres. Elle craignait tant les rejets et les abandons. Mais de nouveau Donovan tenta de lui faire comprendre qu'il n'était pas comme tout le monde, que lui aussi avait usé de méthodes détournées. « Je le sais. Mais à ce que je sache, tu n'as jamais comploté avec l'ennemi dans le dos de la police. » C'était ce qu'elle avait fait, finalement. Donovan avait souvent détourné les ordres, foncé dans le tas, parfois dangereusement. Mais il ne trahissait ps vraiment les valeurs de la police. Le quadragénaire s'installa mieux sur son siège, de façon à lui faire comprendre qu'il ne partirait pas. "Quand tu as une idée dans la tête, tu ne l'as pas ailleurs."  Tahlia poussa un long soupir, levant les yeux au ciel quand il lui demanda de parler de cette affaire pour laquelle elle avait mis sa carrière en danger. « Tu te rappelles de ce réseau de prostitution qui sévit au nord de la ville ? » Bien sûr qu'il devait s'en rappeler, ils avaient fait de nombreuses descentes dans ce quartier. « Eh bien, j'ai remis au proxénète le dossier qu'on avait en échange de la liberté d'une de ses filles. Et j'ai essayé d'effacer tout ce qu'on avait sur lui avec l'aide d'un hacker, pour éviter les représailles envers cette fille et son gamin. » Il y avait la sécurité d'un gamin en jeu et c'était ce qui avait poussé Tahlia à s'engager dans cette voie. Elle qui rêvait tant d'être mère s'était laissée envahir par la détresse maternelle de Shelby. « Maintenant, elle est libre. Je ne regrette pas de l'avoir fait, mais avec le recul, j'aurais peut-être dû t'en parler... » Il aurait peut-être trouvé un autre moyen d'agir, tout en ayant le même résultat. Il aurait été plus malin.

On dit souvent qu'un flic même à la retraite, reste un flic. Bien qu'il ne soit pas à la retraite, le quadragénaire restait un flic dans toute sa splendeur au grand désarroi de la brune. Il avait tracé son téléphone, après tout, elle connaissait les méthodes du brun, elle aurait dû se douter qu'il ferait tout pour la retrouver peu importe que ses méthodes soient catholiques ou non. Il n'était plus à ça près !

Et d'ailleurs, ça semblait réellement la froisser qu'il est employé un tel dispositif. Ou bien c'était le fait qu'il lui ai retiré son verre ? Donovan connaissait bien cet état d'esprit, ce verre qui était comme un saint Graal, qui représentait la fin de tous les soucis. Mais en réalité, il n'en était qu'un de plus, et il refusait de laisser Tahlia dans cette situation, peu importe ce qu'elle avait fait.

Tandis qu'il était en train d'essayer de la convaincre que ce n'était pas de lui qu'elle devait se méfier, elle finit par s'excuser. S'excuser de quoi ? De l'avoir laissé sans nouvelles ? De ne pas lui faire assez confiance pour lui dire ce qui s'était réellement passé ? Quoiqu'il en soit, ces propos arracha un léger sourire à Chamberlain.

" - Si tu savais tout ce que j'ai pu faire, tu n'aurais jamais tant insisté pour faire partie de mon équipe." fit-il avec un large sourire.

Tahlia ignorait encore beaucoup de choses sur le jeune homme. Il avait des méthodes bien particulières, mais elle ignorait qu'il pouvait aller jusqu'à tuer quelqu'un. C'était déjà arrivé, mais ses supérieurs avaient fait en sorte d'enterrer l'affaire rapidement. Il avait beau prendre tout ça à la rigolade, il était très sincère dans ses propos.

Un nouveau sourire s'afficha sur son visage quand Tahlia constata qu'il était tout aussi déterminé qu'elle.

" - C'est à ça qu'on reconnaît un bon chef d'équipe à ce qui paraît."

Chamberlain et son don pour l'humour.

Danno écoutait le discours de sa coéquipière sur l'affaire qui avait mis un terme à sa carrière. Le réseau de prostitution, bien sûr qu'il s'en souvenait, il a fait plus d'une fois dès descentes là-bas. Il voulait taper un grand coup dans la fourmilière pour tenter d'attraper les chefs, mais pour cela, ça voulait dire aussi mettre en danger les maillons les plus faibles de la chaîne, à savoir les prostituées. Le flic resta quelques secondes bouche bée. Est-ce que ses supérieurs avaient réellement mis un terme à sa carrière parce que Tahlia avait eu un élan d'humanité pour cette demoiselle et de son enfant ? Il sentait la colère monter en lui, mais il ne devait rien montrer à la brune, ça ne ferait que la mettre plus mal à l'aise encore.

" - Tu sais très bien que je t'ai toujours laissé le champ libre pour faire ce que tu pensais juste. Je ne t'ai jamais bridé, enfin pas autant que les autres en tout cas."

Donovan essayait de réfléchir au discours qu'il aurait pu tenir, et à ce qu'il aurait pu faire si la brune était venue lui en parler.

" - Quoiqu'il en soit, ce n'est pas moi qui vaut te blâmer pour ce que tu as fais, j'aurai fait pareil. Peut-être avec un peu plus de torture et de sang, mais l'issue aurait été semblable. Tu n'as pas à te lamenter parce que tu as fais quelque chose de juste. Je comprends que tu te sois prise d'affection pour cette demoiselle et son enfant, mais malheureusement, les supérieurs ne sont pas toujours aussi compréhensifs lorsqu'il s'agit de faire preuve d'un peu d'humanisme.."

Ce n'était peut-être pas ce qu'elle attendait comme réponse, mais c'est celle qui venait de lui apporter. Alors oui, il aurait pu mener une enquête, faire en sorte de les prendre en flagrant délit et ainsi libérer toutes les filles prises dans les mailles du filet, mais Tahlia avait décidé de sauver cette demoiselle, sans la connaître, Donovan savait que ça valait la peine. Il avait confiance en Tahlia, et si elle l'avait fait, c'était parce qu'il y avait une bonne raison.

" - À part traîner dans les bars, tu fais quoi de tes journées maintenant ?"

Danno aurait aimé lui dire qu'il pouvait lui faire regagner une place dans la police, peut-être pas au poste qu'elle occupait, mais au moins faire ce qu'elle aimait tant dans ce métier.

Il l'irritait. Il l'irritait énormément. Il avait tracé son téléphone. Il venait là pour retirer son verre et la faire culpabiliser. Oui, Donovan Chamberlain l'irritait grandement. Mais c'était la roue qui tournait. N'était-ce pas elle qui avait eu la même façon d'agir avec lui ? Bien sûr que si. Alors, elle ne pouvait pas lui en vouloir pleinement. De nouveau, ils jouaient dans la même cour et se ressemblaient encore plus qu'ils ne le pensaient. Elle n'avait pas d'autres choix. Il fallait qu'elle abdique. Qu'elle s'excuse. Qu'elle avoue tout. Etrangement, Donovan afficha un sourire sur ses lèvres face à tout ce qu'elle disait, face à l'aveu de ce qu'elle pensait être une trahison. Donovan n'avait jamais rien comploté dans le dos de la police, ce qu'il renia à demi-mots. Visiblement, elle était loin de savoir ce qu'il avait fait durant ses années de service. « Ou peut-être que j'aurai insisté encore plus pour être dans ton équipe... » ajouta-t-elle, affichant un léger sourire en écho du sien. C'était ce côté tendancieux qu'elle avait apprécié chez lui. Et cette détermination qu'elle remit en avant, ce qui valut une boutade de la part de Danno, qui vit cela comme le critère d'un bon chef. « Dans ce cas, tu es le meilleur chef d'équipe de tout le commissariat. » rétorqua-t-elle, avec le même humour. Mais c'était vrai. Il était la plus grande tête de mule du commissariat. Toutefois, le ton se fit plus sérieux quand ils évoquèrent l'affaire pour laquelle Tahlia avait été mise à pied. L'affaire de Shelby, cette femme qui était venue lui demander de l'aide, qui avait fait appel à l'humanité de la brune et à l'une de ses plus grandes faiblesses : la sécurité d'un enfant. Pour une femme comme Tahlia, dont l'envie d'être mère était puissante, elle n'avait pas pu rester de marbre face à la détresse maternelle de Shelby. Et elle avait réussi son coup, ils étaient maintenant sains et saufs. Et elle, sans emploi. Il y avait aussi le dossier sur Ciàran qu'elle avait dérobé, mais elle ne pouvait pas en parler, de peur d'attirer le regard sur l'italien, qui était son talon d'Achille. Donovan semblait surpris, mais elle ne savait pas comment prendre cette réaction. Allait-il la voir comme une traîtresse ? Il commença en lui rappelant la liberté qu'il lui avait toujours laissé. « C'est vrai. » confirma-t-elle, nostalgique, avant de l'écouter donner son avis. Il ne lui en voulait pas. Il aurait fait pareil... plus brutalement, peut-être, ce qui fit légèrement sourire Tahlia, mais il aurait fait exactement la même chose. « Tu ne peux pas savoir à quel point ça me rassure de t'entendre dire cela. » Il n'était pas contre elle. Elle ne l'avait pas déçu et c'était une belle épine qu'on lui enlevait du pied. Mais c'était leurs supérieurs qui avaient eu les cartes en main et eux ne s'étaient pas laissés attendrir. « Le jour où nos supérieurs feront preuve d'un peu plus d'humanité, tu verras que les équipes feront des merveilles. » Mais pour l'instant, les équipes étaient bridées, face à quelques supérieurs sûrement corrompus. Elle regarda son verre d'eau, avant de redresser la tête quand elle entendit sa dernière question. Sa dernière question qui agit comme un coup de poignard dans le cœur. Elle se mordilla la lèvre, gênée, avant de hausser les épaules : « A part prendre soin de briser mon couple et me demander perpétuellement ce que je vais faire de ma vie, pas grand chose de plus. » Elle n'était même pas en recherche active de boulot parce que ses journées rimaient à soigner ses gueules de bois. « C'est pitoyable. » murmura-t-elle. Elle s'en rendait compte, c'était bien cela le pire. Mais elle n'arrivait pas à passer outre. Même quand on essayait de la bouger, de lui tendre la main, elle faisait la sourde oreille. « Et toi, au commissariat, ça se passe comment ? J'ai vu qu'il y avait un nouveau... » Ce nouveau qu'elle connaissait déjà, à vrai dire, pour avoir passé un soirée avec lui.

Donovan savait que sa manière d'agir ne plaisait pas à Tahlia, mais face au silence qu'elle avait pris soin de faire, il n'avait pas eu d'autre choix que de la tracer. Alors oui, il aurait très certainement été dans le même état en apprenant que quelqu'un avait infiltré sa vie personnelle. Il aurait même piqué une crise, sans doute envenimée par l'effet de l'alcool coulant dans son sang. Mais Tahlia semblait finalement s'être résignée lorsque le barman déposa le verre d'eau devant elle, et que le flic ne se démonta pas devant sa colère.

La brune finit par s'excuser, par expliquer tout ce qui lui passait par la tête. Elle se sentait coupable d'avoir trahie les valeurs pour lesquelles elle avait travaillé tout ce temps. Mais elle n'imaginait pas une seconde tout ce que le quadra a pu faire depuis le début de sa carrière. Elle était loin d'avoir fait quelque chose d'impardonnable à ses yeux en tout cas, pas à ceux de ses supérieurs malheureusement.. Les propos de la jeune femme ne fit sourire. Donovan était une tête brûlée pour le plus grand malheur de la hiérarchie, mais c'était aussi grâce à ça qu'il avait réussi à obtenir certaines choses vis-à-vis d'eux, que les autres n'avaient pas obtenu. Comme quoi, avec un fort caractère peut parfois servir.

" - Si tu avais daigné répondre à mes appels ou mes sms, je t'aurais dis tout ça." finit-il par lâcher avec un léger sourire.

Ses paroles avaient beau adoptées un ton qui se voulait neutre, Tahlia n'était pas dupe et allait certainement percevoir le reproche.

" - Je ne pense pas que ce soit demain la veille !"

Ni même un jour d'ailleurs. Danno doutait vraiment que ce jour arrive, ni demain ni dans plusieurs années. L'humanité ça n'a jamais été leur point fort. Une fois que le quadra avait abordé ce sujet qui semblait si délicat pour Tahlia, puisque c'est celui qui lui avait fait perdre son emploi après tout, il lui demanda ce qu'elle faisait maintenant. Au fin fond de lui, il craignait déjà d'avoir la réponse, il espérait juste se tromper. Il connaissait que trop bien cette situation, lorsque la seule chose qu'on sait faire nous est retiré, on dérive jusqu'à atteindre le point de non-retour.

" - Putain Tahlia bouge toi ! C'est l'occasion de découvrir de nouvelles choses, tout ce que tu n'as pas pu faire jusqu'à présent. Voyage, part en vacances je ne sais pas, mais arrête de bousiller les seules choses qui te rendent heureuse."

Le brun s'arrêta quelques instants pour réfléchir. Peut-être que par l'intermédiaire de Clay, il pourrait trouver un autre emploi à Tahlia, même si ce n'est pas aussi palpitant que la vie de flic de terrain, il y avait tellement de branches dans ce corps de métier que c'était peut-être le moment d'en découvrir une nouvelle.

" - Je ne te promets rien mais.. Est-ce que tu veux toujours faire partie de ce corps de métier ?"

Il était prêt à remuer ciel et terre pour la brune, seulement, elle devait sous-estimer tout ce que Danno pouvait faire pour elle.

" - Ouais y'a un nouveau, mais s'il continue à jouer au con, il va vite dégager." fit-il sans même élever la voix, mais il avait toujours son franc parler qui gênait tant.

En plus d'avoir pris la place de Tahlia, Logan représentait un danger potentiel aux yeux du flic, ils étaient bien trop semblables, et ça effrayait Donovan. S'il racontait à son ancienne coéquipière pourquoi il avait tant d’animosité envers elle, elle éclaterait sans doute de rire.

Tahlia semblait s'être résignée à ne pas taper de crise face à Donovan, mais ce n'était pas pour autant qu'elle en tirait une leçon. A peine il tournera le dos qu'elle se jettera encore plus dans ce gouffre sans fin. Mais ne voulant pas attirer davantage l'attention sur elle, afin qu'elle puisse s'auto-détruire dans la plus grande tranquillité, elle but une gorgée de ce verre d'eau, même si on voyait une lueur provocatrice dans son regard. Pourtant, elle lâcha tout ce qu'elle avait sur le cœur, ses remords et ses rancoeurs. Elle eut cependant ce qu'elle voulait le plus. Donovan ne lui en voulait pas. Elle ne savait pas pourquoi elle tenait tant à son regard sur elle. Mais le décevoir faisait partie de ses craintes. Alors qu'il lui fit part de nouveau de ses appels non décrochés, Tahlia esquissa un léger sourire en comprenant qu'il lui faisait encore passer le message. « C'est bon, j'ai compris. » répondit-elle doucement. Puis ce fut l'humanité inexistante de leurs supérieurs qui fut mise sur le tapis. Ils avaient réussi à virer Tahlia, alors qu'elle avait fait bien moins pire que Danno. Mais elle n'avait pas la fougue et le franc-parler de Chamberlain. Il avait donc été plus simple de se séparer d'elle, alors qu'elle avait toujours été un bon élément, en dépit de son côté tête brûlée. C'était la facilité. Mais cela ne servait à rien de ressasser cela. C'était terminé. Tahlia devait apprendre à l'accepter et ne pas bousiller son quotidien, comme elle l'avoua, gênée, à Donovan. Elle aurait pu lui faire croire qu'elle allait bien, qu'elle était en recherche active de boulot, qu'elle avait son copain pour la soutenir. Mais ce n'était que foutaises. Elle se ruinait. Seule. Donovan s'emporta alors, évoquant tout ce qu'elle pouvait faire à présent. « Pourquoi faire ? Pour retarder l'échéance ? Me faire croire que ça va bien pour sombrer de nouveau une fois que j'aurais remis les pieds ici ? » Elle reporta son regard sur lui, avant d'ajouter : « ça va aller, il faut juste me laisser le temps d'encaisser. » Faire le deuil de son uniforme. Elle croyait que c'était une mauvaise passe comme toutes celles qu'elle avait eu avant. Mais c'était peut-être la mauvaise passe de trop. Buvant une nouvelle gorgée d'eau, elle fronça les sourcils quand il lui demanda si elle voulait encore faire partie du corps de métier de la police. « Je n'en sais rien, Danno. Pourquoi tu me demandes ça ? » Elle ne voulait pas qu'il fasse quoique ce soit pour elle, au risque de se mettre en porte-à-faux envers ses supérieurs. Ses doigts jouant nerveusement avec le verre d'eau, elle préféra passer à autre chose. Autre chose qui n'était pas aussi réjouissant finalement, puisqu'elle évoqua le nouveau du commissariat.Tahlia esquissa un léger sourire face à la réponse tranchée de son ex-collègue. « Il ne fera pas long feu, Logan »  répondit-elle d'abord, montrant au passage qu'elle le connaissait, ce nouveau collègue. « Vous agissez de la même manière tous les deux. Vous êtes aussi fougueux et tête brûlée, aussi bien l'un que l'autre. Ça doit faire des étincelles, non ?! »

Tahlia n'était pas sans savoir que Danno était une tête brûlée dotée d'un fort caractère en plus de ça, et ce soir elle ne semblait pas vouloir aller contre lui. Mais le flic n'était pas dupe, après tout, il n'était pas flic pour rien et la brune semblait l'avoir oublié au fil de la discussion. Il savait qu'aussitôt le dos tourné elle allait replongé, elle ne fait que prêcher un converti au fond. Ce qu'elle ignore en revanche, c'est que le quadra était prêt à recourir aux pires moyens, comme faire appel à un détective pour la filer et savoir ce qu'elle, avec qui elle est. Ça relève presque de l'obsession, mais il se sent obligé, sans ça, Tahlia finira comme lui, et il refusa de la laisser de détruire comme ça. C'est la raison pour laquelle il lui fit une énième fois ce qui lui avait déjà dit trop de fois ce soir, et sa réponse ne se fit pas attendre.

Le fait que la brune ai été licencié, certes c'est elle qui en reste la plus marqué, parce qu'il savait que c'était sa vie, mais cette perte pour la police a eu des conséquences sur lui aussi. Il en souffrait, mais il serait égoïste de le mentionner ce soir. Et puis, Tahlia le savait probablement. Ou peut-être pas d'ailleurs.

" - Ne me mens pas Wates. Pas à moi."

Elle pouvait bien sortir ses excuses aux autres, mais Don n'y croyait pas une seule seconde. Il la connaissait trop pour ça. Le brun enchaîna alors sur le sujet qu'il jugea délicat, surtout ce soir.

" - Je connais quelqu'un, quelqu'un que j'apprécie. En fait, le mot est même faible, c'est lui qui m'a sorti de la merde et qui m'a trouvé ce poste ici.. Si tu veux vraiment réintégrer la police, je peux me renseigner et je suis sûre qu'il sera ravi de bosser avec quelqu'un comme toi. Ce ne sera sans doute pas les mêmes missions, mais ça te maintiendrait dans ce que tu aimes tant faire."

Inutile de la faire réintégrer le commissariat dans lequel elle avait travaillé ces dernières années, c'était peine perdue, Donovan ne souhaitait même pas essayé parce qu'il savait l'échec qu'il allait essuyer s'il en faisait la demande.

" - Attends, tu connais ce petit merdeux ?" demanda-t-il tandis que ses yeux s'écarquillaient en apprenant le lien qui unissait son ancienne coéquipière et son coéquipier actuel.

Tahlia ne croyait pas si bien dire en disant qu'ils agissaient de la même manière. Ils étaient bien trop semblables tous les deux et c'est ça qui effrayait l'allemand. Il se sentait menacé, et comme tout homme qui se sentit en position de faiblesse, il se devait de bomber le torse pour montrer qu'il était prêt à l'affrontement si nécessaire.

" - Non à peine." fit-il avec une voix qui trahissait l'ironie dans celle-ci. " - Il se met en danger, il me met aussi en danger, et je déteste ce petit air supérieur qu'il a quand je lui parle."

Tout ce qu'il détestait chez ce gosse, car à ses yeux il n'était rien d'autre qu'un gosse, c'est ce que lui reprochait ses supérieurs depuis qu'il avait rejoint le commissariat.

Ne me mens pas Wates. Pas à moi. En entendant ces paroles, Tahlia posa son regard sur Donovan. Elle se rendait compte à quel point il la connaissait bien, à quel point il connaissait ce gouffre où elle s'embourbait sans chercher à s'en sortir. C'était extrêmement dérangeant de se confronter à une personne qui mettait le doigt sur ses mensonges. D'ordinaire, on croyait la brune quand elle disait que ce n'était qu'une mauvaise passe, que c'était un coup de mou, qu'elle rebondirait comme avant. Donovan, lui, savait que la frontière était bien mince et qu'elle pouvait atteindre rapidement le point de non-retour. Alors, elle ne répondit rien, se contentant de détourner le regard, par culpabilité probablement. Il était là pour la faire réagir et même si cela ne semblait pas fonctionner sur l'instant présent, la brune gardait précieusement ses mots dans un coin de sa tête. Il agissait de la même manière qu'elle l'avait fait pour lui, de nombreuses fois, et plus spécialement ce soir à l'hôpital, où elle avait lâché ce qu'elle avait sur le cœur sans chercher à le ménager. Mais c'était le propre de leur relation, ils se bousculaient, mettaient le doigt sur ce qui faisait mal. Comme ce sujet délicat qu'était la perte de son boulot et les perspectives d'avenir. Tahlia lui demanda ce qu'il avait en tête quand il la questionna sur ses motivations, sur son envie de rester dans le métier. Elle fut surprise en entendant ce qu'il disait, en proposant de l'aider en faisant appel à cet homme qui l'avait fait venir à Bowen. Tahlia était touchée par l'attention de Donovan et son regard le démontrait bien. Pourtant... « Je ne sais pas, Danno. Je ne sais pas vraiment ce que je veux faire, à vrai dire. Pour l'instant, je veux juste faire le point sur ma vie, prendre du temps pour moi. Je ne voudrais pas te mettre en porte-à-faux, si je venais à faire faux-bond à ton ami. Mais merci. Merci beaucoup. » C'était une preuve de maturité qu'elle faisait là. Pour une fois, elle ne voulait pas foncer tête la première et accepter le coup de main de son ex-supérieur, si c'était pour tout laisser tomber quelques temps après. Tahlia avait vécu pour les autres pendant de nombreuses années, elle s'était confrontée à la misère, la drogue, la criminalité. Et elle n'en était pas sortie indemne. Elle ne pouvait pas foncer dans une nouvelle carrière, tant que c'était le chaos dans sa vie, dans sa tête. Ses doigts continuant de jouer nerveusement avec le verre d'eau devant elle, elle dévia la conversation sur le nouveau du commissariat. Un nouveau qu'elle connaissait quelque peu, d'ailleurs. Elle lâcha un léger rire en voyant la tête surprise de Donovan, quand il comprit qu'elle avait déjà rencontré Logan. « Je ne le connais pas vraiment, hein. On a juste passé une soirée ensemble. » Mais elle avait eu le temps de voir le caractère explosif du jeune homme. Alors, c'était surprenant de le voir au commissariat, dans un uniforme de policier, face à un Donovan, à qui il ressemblait bien trop. Tahlia posa son regard sur le quadragénaire alors qu'il répondait à sa question, avec une ironie qui la fit rire. Un rire sincère, cette fois-ci. Comme si elle se décrispait un peu en voyant Danno faire face à un double. En entendant les reproches qu'il faisait à Logan, Tahlia répondit aussitôt : « Il y a comme un air de déjà-vu, non ? » Elle était suffisamment proche de Donovan pour se permettre une telle taquinerie. « Les supérieurs n'ont plus un Donovan, mais deux ! Ils doivent s'arracher les cheveux. » Elle lui adressa un sourire, non pas un sourire moqueur mais bienveillant. C'était justement ce côté tête brûlée et cet air supérieur que Donovan affichait parfois qui avaient attiré Tahlia. « Mais fais attention à toi, quand même. Je n'ai pas envie que tu m'envoies un message parce que tu as fini à l'hôpital à cause de lui. » ajouta-t-elle, plus sérieuse, cette fois-ci. « Enfin, si tu m'envoies un message... » Elle reposa un regard sur lui, plus triste. Donovan ne lui devait plus rien. Elle n'était plus son binôme. Elle craignait qu'il s'éloigne d'elle, justement parce qu'il ne partageait plus la même vie professionnelle. Lui qui tenait tant à séparer vie professionnelle et vie personnelle.