I'm a hopeless wanderer, but I will learn to love the skies I'm under (raven)

Séduire, c’était un peu la seule manière que tu connaissais pour communiquer avec les autres. C’est tout ce que t’avais appris, c’est tout ce que tu savais. Tu n’avais jamais vraiment eu le temps d’aller en profondeur avec les autres, t’avais jamais pris le temps d’apprendre à connaître qui que ce soit, parce qu’avec le cirque en tournée, tu ne restais jamais bien longtemps à quelque part. Alors c’était avec Cirkaös, avec tes collègues seulement, que t’avais pu développer des relations sur le long terme. Relations qui s’étaient toutes vues éteintes avec l’annonce de la fermeture de l’entreprise de divertissement. T’avais l’impression de devoir recommencer à zéro, ayant perdu tout ce que t’avais un jour connu, et t’étais déjà essoufflé alors que t’étais à Bowen depuis quelques jours à peine. T’avais beau avoir Brooke ici, et un demi-frère qui voulait plus ou moins de toi par ici, t’avais l’impression d’être complètement seul. Même Brooke avait quelqu’un de mieux que toi pour écouler son temps ; elle était sans aucun doute avec Sacha, actuellement, et toi t’étais ici, à la plage, le regard complètement perdu dans les vagues, tout comme ton cœur. Alors, quand t’avais vu cette jeune femme s’arrêter de courir non loin de toi, totalement essoufflée elle aussi, mais pour des raisons physiques et non émotionnelles, tu la dévisageas un moment du regard. Puis, quand son regard se posa à son tour sur toi, sans doute interpellée par ta présence et l’insistance de celle-ci, tu esquissas un sourire. « Je ne sais pas comment tu fais pour courir par cette chaleur. J’ai qu’une envie, c’est d’me jeter dans l’eau jusqu’à ce que la nuit tombe et que l’air soit un peu plus respirable. » T’eus un léger rire, grattant légèrement ta nuque par la gêne. Ton assurance, tu ne l’avais que lorsque t’étais dans les airs, en train de performer tes plus grandes acrobaties. Ici-bas, t’avais trop l’impression d’être comme tout le monde, sauf que t’avais aucune idée de comment agir comme ce monde-là.

T’avais toujours eu un grand respect pour ces gens capables de repousser leurs limites même dans des conditions extrêmes. Pourtant, t’avais franchement rien à leur envier, toi qui t’élevais dans les airs de par la seule force de ton corps, toi qui étais suspendu parfois la tête dans le vide, retenu par les seuls muscles de tes jambes entourées autour d’un bout de tissu. Au niveau de la forme physique, on peut dire que tu étais au summum et que rares étaient les gens à pouvoir se vanter de telles prouesses. Mais tu performais dans des conditions toutes bien calculées, et y’avait rarement des imprévus laissés au bon vouloir de la nature. Courir en plein soleil comme aujourd’hui, ça, t’étais pas certain de pouvoir te l’infliger. C’est pour cette raison que tu levas ton chapeau à cette femme, impressionnée par sa condition physique et par son endurance. Sa réaction était loin d’être celle que t’aurais imaginée. Au-delà du fait que t’avais certes essayé de la séduire, ton commentaire restait quand même juste un compliment. T’avais pas l’impression de l’avoir attaquée ou d’quoi et pourtant, la voilà qui te regardait avec horreur, reculant même d’un pas. Tu savais pas depuis quand t’étais devenu un monstre mais visiblement, t’avais l’impression que c’était le cas. Sa réplique te fit hausser les sourcils. « Wow. À toi on t’a pas appris à répondre à un compliment. » Lâchas-tu d’abord. Mais t’eus même pas le temps d’ajouter quoi que ce soit qu’elle était en train de tourner les talons pour repartir d’où elle venait. Tu lui criais : « Jusqu’à maintenant tout le monde ici m’donnait l’impression d’accueillir les nouveaux arrivants chaleureusement mais faut bien qu’il y ait une exception à la règle, pas vrai ? » T’avais hésité à lui courir après mais en vrai, en quoi ça t’aurait aidé ? Si juste le fait de l’interpeler avait réussi à la faire flipper, ça ne te servait à rien d’insister. Alors t’avais préféré te montrer agacé, parce que tu l’étais réellement. Elle était peut-être canon mais son attitude n’en valait pas la peine.

Ça t’avait pris par surprise, toi aussi, ces paroles hurlées qui avaient franchi la barrière de tes lèvres. Ce n’était pas forcément dans tes habitudes d’insister auprès autant de quelqu’un. Certes, tu étais quelqu’un de susceptible alors la réaction de la brunette avait su t’irriter, te déranger, mais ça n’avait jamais été une raison pour commencer à gueuler après les gens. Peut-être était-ce ta récente arrivée dans cette ville, ton sentiment de légère solitude alors que tu ne connaissais pas grand monde, toi qui avais passé les dix dernières années de ta vie au sein d’un cirque qui était comme ta famille. Ça te blessait qu’on te rembarre de la sorte, alors tu faisais sortir le méchant avec pas mal plus de conviction. La jeune femme s’était retournée vers toi, visiblement tout autant choquée sinon plus, et était revenue vers toi en croisant les bras sur sa poitrine. « Justement, je suis quelqu’un. » Répondis-tu à la question t’es qui. Tu plongeas un regard sérieux dans le sien. « J’te dis pas que je suis pas n’importe qui parce que clairement pour toi je le suis et c’est sans doute normal me diras-tu, mais pendant deux secondes là t’as quand même eu l’air d’oublier que j’étais quand même une personne. » Elle recula d’un pas à nouveau, tremblante. Tu fronças les sourcils en la regardant de bas en haut, à la fois inquiet et confus. « Qu’est-ce qui cloche avec toi ? Il fait 24° et tu trembles comme une feuille. » Tu ne faisais que dire les faits tels qu’ils étaient. Premièrement qu’elle t’avait rembarré comme si tu n’étais qu’un moins que rien, et deuxièmement qu’elle avait des réactions physiologiques des plus incohérentes avec le temps extérieur. Elle était déjà une énigme pour toi, cette fille, et elle n’avait eu qu’à dire trois ou quatre phrases pour en arriver là.