release the handle bars, the wheels will start to roll, and who knows just what we'll find (ella)

T’avais parlé à Noah la veille. Il t’avait appelé, en état d’alarme, visiblement déboussolé, perdu, et tu n’avais pas pu le laisser seul dans cet état très longtemps. Tu avais rapidement laissé de côté ce que tu étais en train de faire pour aller à sa rencontre. Il avait vu son père pour la toute première fois. Ce dernier était à Bowen. Et ça ne s’était pas du tout passé comme il l’aurait voulu, Noah. Il s’était montré déçu, désillusionné, et ça t’avait brisé le cœur de savoir que même après tant d’années, même en n’ayant jamais été dans sa vie, cet homme arrivait à lui faire autant de mal. Il avait eu toute une vie pour se préparer à sa première rencontre avec son fils, alors t’avais du mal à croire qu’il ait pu se comporter tel que Noah l’avait décrit. Tu l’avais finalement laissé retourner chez lui, tu te disais que sa mère et lui avaient bien des choses à se dire pour la soirée. Toi, tu étais retourné chez toi, le cœur un peu à l’envers et tes pensées dirigées vers Ella et Noah. Tu avais proposé à Miro et Lowanna de regarder un film, comme ça, t’avait pu laisser ta tête se perdre ailleurs que dans l’histoire devant tes yeux. De savoir que le premier amour d’Ella était à Bowen, celui qui avait joué un rôle si important dans sa vie mais aussi celui qui avait tout foutu en l’air, ça réveillait en toi des sentiments bien difficiles à interpréter. Des sentiments que tu pensais partis depuis bien longtemps, mais qui finalement ne s’étaient qu’endormis après que tu aies tant cherché à les ignorer. Alors ce matin, après avoir passé une nuit à te réveiller à toutes les deux heures ou presque, tu décidas qu’après le boulot, tu passerais voir Ella. Tu avais été là pour son fils, mais pas pour elle, et t’avais besoin de savoir comment elle vivait le retour d’Edwin. Après le travail, donc, tu rentras pour te doucher et tu te dirigeas en direction de chez la trentenaire, tes cheveux mouillés remontés en chignon négligé. Une fois devant la porte de chez elle, de cette maisonnette qui t’avait permis de la rencontrer, tu sonnas. Ella t’ouvrit sans trop te faire attendre. T’esquissas un sourire en la voyant, un peu triste, parce que tu ne pouvais déborder de joie quand tu savais qu’elle devait être assez bouleversée. « Hey. Je venais voir comment t’allais. » Dis-tu d’abord. « T’es seule ? » Demandas-tu ensuite, d’abord pour savoir si Noah était là, mais aussi en te demandant tout d’un coup si elle pouvait être avec Edwin.

Déjà assommée par le retour d'Edwin à Bowen, Ella avait senti sa rancoeur se décupler en comprenant que le jeune trentenaire avait rencontré Noah. Le hasard faisait parfois mal les choses. La brune se sentait désarçonnée en voyant que la rencontre ne s'était pas passée dans les meilleures conditions. Déjà, elle n'était pas là. Et Edwin n'avait pas eu le meilleur comportement pour une première rencontre. Noah était dans tous ses états et Ella ne savait pas comment faire pour apaiser la douleur de son fils. Il avait dû s'imaginer cette rencontre tant de fois ! Il avait dû s'en faire des scénarios émouvants ! Et finalement, c'était la déception qui l'avait emporté. C'était la tristesse qui l'avait fait fuir loin de son géniteur et se rapprocher de Mali, que Noah avait appelé en urgence. Ella n'avait pas eu le temps de lui passer un coup de fil pour le remercier d'avoir écouté Noah, mais elle comptait y remédier au plus vite. Noah avait besoin de toute son attention en cette journée riche en émotions. Le lendemain, après avoir si peu dormi, le cœur en miettes, Ella avait laissé Noah prendre ses affaires pour passer la journée et la nuit entre copains. Il avait besoin de se changer les idées et ce n'était pas Ella qui allait lui mettre des bâtons dans les roues. Alors, elle s'était retrouvée seule dans cette maison, avec Jaïa, sa chienne, pour seule compagnie. Il n'y avait rien de tel pour ressasser les événements qui s'étaient déroulés et qui lui avaient totalement échappés. Revoir son premier amour, 18 ans plus tard, provoquait une sensation étrange en elle. Elle avait longtemps espéré le retour d'Edwin sur Bowen, mais maintenant qu'il était là, elle se rendait compte qu'il n'avait plus rien de l'adolescent qu'elle avait aimé. Il n'avait plus grand chose en commun avec ce fantôme du passé, ce souvenir auquel elle s'était tant accrochée. Ce souvenir qui lui avait fait mettre sa vie de côté pendant tant d'années. Quel gâchis ! Perdue dans ses pensées, elle sursauta en entendant sonner, se dirigeant vers la porte d'un pas traînant. C'était probablement la voisine qui venait encore lui demander de la farine. La surprise fut grande en constatant que ce n'était pas Madame Smith qui se tenait devant elle, mais Mali. Un léger sourire vint s'afficher sur les lèvres d'Ella, en écho de celui que Maliyan lui lançait. C'était bête mais il était sûrement l'une des rares personnes qu'elle voulait voir à cet instant présent. « Salut... » répondit-elle, ouvrant davantage la porte pour l'inviter à entrer, tout en répondant à sa question. « Oui, je suis seule. Noah est parti au ciné avec des copains. Il avait besoin de prendre l'air. » Elle referma la porte derrière lui, et ajouta : « Je suppose qu'il t'a raconté ce qu'il s'est passé ? »

Ses salutations étaient faibles, sans énergie, mais tu ne lui en tenais pas rigueur. Au contraire, tu comprenais. Et c’est pour cette raison que ton sourire n’avait pas la même force qu’à l’habitude, parce que tu savais qu’avec le retour d’Edwin, Ella devait vivre un tourbillon d’émotions mélangées, incompréhensibles, la replongeant dans un passé à la fois doux et douloureux, selon les moments. Tu lui demandas si elle était seule, ne voulant pas interrompre un moment avec Noah, parce que même s’ils avaient eu la soirée de la veille pour discuter, tu te doutais que ce n’était pas le genre de nuage noir qu’on pouvait tasser du portrait en quelques heures. Elle t’ouvrit la porte, te confirmant que Noah n’était pas là, qu’elle était seule, ce qui t’assura du même coup qu’Edwin n’y était pas non plus. Étrangement, tu ne pus t’empêcher de te sentir soulagé lorsque tu le constatas. Qu’Edwin n’était pas avec elle, reprenant ses droits sur cette vie qu’il avait pourtant laissée derrière lui et ce, visiblement sans scrupule. Tu te serais pourtant un jour fait à l’idée et t’aurais été heureux qu’Ella renoue avec son premier amour, si tel était son souhait, mais t’aurais eu peur de perdre cette place privilégiée que t’avais auprès d’elle et de Noah. Comme s’il ne pouvait y avoir assez de place pour Edwin et pour toi dans cette famille. Tu te sentais un peu con de penser ainsi, c’était sans doute une certaine jalousie qui contrôlait tes émotions, et ça aussi ça te faisait peur. Tu rentras chez elle en hochant la tête, comprenant tout aussi bien que Noah ait besoin de sortir un peu, de se changer les idées. « C’est normal. Il était encore vraiment ébranlé quand je l’ai laissé ici hier … J’imagine que ça ne se replacera pas du jour au lendemain … » Mais ça se replacerait, tôt ou tard. Tu savais Noah fort et courageux, tu savais qu’il était résilient et qu’au-delà de cette rencontre avec un père des plus décevants, il réaliserait la chance qu’il avait d’avoir eu à la place une mère exceptionnelle. Et qui sait, peut-être qu’Edwin prendrait conscience de son erreur et tenterait de se rattraper. Tu n’y mettrais pas tes espoirs mais tu pouvais le souhaiter, pour Noah, pour Ella. Cette dernière referma la porte derrière toi et tu hochas à nouveau la tête à sa question. « Il m’a raconté comment ça s’est passé avec son père, ouais. Leur rencontre a été assez brève alors je pense que j’ai eu la plupart des détails … » Une conversation devenant explosive aussi rapidement, ça ne prenait pas beaucoup de temps à raconter. Jaïa se précipita enfin vers toi en entendant la porte se refermer, et tu t’accroupis pour lui donner tout l’amour qu’elle réclamait. Tu relevas les yeux vers Ella. « T’as pu discuter un peu avec lui hier ? J’ai voulu te le ramener pas trop tard pour que vous puissiez prendre le temps de parler … » Déclaras-tu, avant de te relever même si la chienne tournait encore autour de toi. Tu la caressais d’une main inattentive, une fois debout. « Il t’avait mis au courant qu’il revenait à Bowen ? » Demandas-tu à propos d’Edwin.

Toute la journée, Ella s'était attelée à quelques tâches ménagères et à la confection de cookies, des activités qui permettaient à son esprit de divaguer, de se recentrer sur elle-même. Mais quand la sonnerie retentit et que Maliyan apparut dans l'encadrement de la porte, elle fut ravie de voir qu'il était celui qui venait rompre sa solitude. Même si son esprit était complètement embrumé, elle ne put retenir ce léger sourire sur les lèvres quand elle l'invita à entrer. Alors qu'elle l'informa que Noah n'était pas là, Mali lui rappela à quel point le jeune adolescent était chamboulé quand il l'avait ramené à la maison. « Il a passé la soirée à repasser en boucle la journée. Comme tu dis, ça mettra du temps avant de se replacer. » Mais il y parviendra. Une fois qu'il aura digéré la déception de cette rencontre foireuse... Il avait dû s'imaginer cette rencontre tant de fois. Et Edwin avait tout raté. Si Ella avait été là, cela ne se serait pas passé de cette manière. Elle aurait fait tampon entre les deux, elle aurait recadré Edwin ou fait front avec Noah. Ils en seraient sortis déstabilisés mais pas déçus à ce point. Mali semblait déjà au courant de tout, de la conversation houleuse entre Noah et son père. C'était bien la preuve de l'attachement de son fils avait envers Mali, ce qui réchauffa le cœur de la brune. Elle haussa cependant les épaules quand il évoqua la rencontre brève entre Noah et son géniteur. « D'après ce qu'il m'a dit, il valait mieux que ce soit bref. » Noah avait bien fait de s'éloigner d'Edwin. Elle savait son ex très têtu, il n'aurait pas lâché le morceau. Jaïa arriva à ce moment-là et fit la fête au grand brun. Elle aussi l'avait complètement adopté. Ella reposa cependant son regard sur Mali en entendant sa question. « Oui, j'ai pu discuter avec lui. Je l'ai surtout écouté. Il avait besoin d'évacuer toute sa rancoeur. » Sa rage, même. « Je tenais d'ailleurs à te remercier de l'avoir ramené. Je crois que ça lui a fait du bien de parler avec toi avant de rentrer à la maison. » ajouta-t-elle avec un regard qui montrait toute sa reconnaissance. Alors qu'il se releva, Jaïa restant toujours près de lui, il lui demanda si Ella avait été mise au courant du prochain retour d'Edwin. « Pas du tout. » répondit-elle simplement. D'un signe de la tête, elle l'invita à rejoindre la cuisine, où elle sortit deux bières qu'elle décapsula avant d'en donner une à Mali. Puis, elle reprit : « Je l'ai vu juste avant Noah, à vrai dire. Il se tenait là, dans un rayon de la supérette, comme si de rien n'était... » Elle but une gorgée de sa bière. « C'était étrange de l'avoir devant moi alors que je m'étais faite à l'idée que je ne le reverrai jamais de ma vie. Et le pire, dans cette histoire, c'est qu'il a eu le culot de me proposer son aide, comme s'il oubliait les années écoulées... Tout ça, pour remballer son fils quelques heures plus tard. » Edwin n'était pas prêt à assumer son rôle de père. Sur cette pensée, elle ne put s'empêcher de souffler un « Quel con ! » qui montrait bien ce qu'elle pensait de son ex.

Tu hochas la tête, parce que toi aussi t’avais passé la soirée à te repasser en boucle ta rencontre avec Noah. Pas exactement pour les mêmes raisons que lui, toutefois. Surtout parce que de ton côté, ça avait fait ressurgir certains sentiments que tu avais pourtant tenté de tasser, au fil des années, au fil de ton amitié à Ella et toi. T’avais réalisé qu’ils ne s’étoufferaient pas aussi facilement que ça, pas pour une femme aussi exceptionnelle qu’elle. Avec le retour d’Edwin dans sa vie, tu prenais un peu peur parce que tu avais l’impression que votre proximité et votre complicité en seraient menacées. « Ouais, je pense aussi. Ça aurait pu déraper encore plus que ça et Noah aurait juste été plus déçu … » Si c’était possible. Tu soupiras discrètement, toi-même attristé de ces fâcheuses circonstances pour une première rencontre entre un père et son fils. Tu n’eus pas le temps d’ajouter quoi que ce soit que Jaïa se ruait vers toi pour t’accueillir comme il se doit. Tu lui donnas le moment d’attention qu’elle réclamait, avant de te relever pour poursuivre ta discussion avec Ella. Elle te remercia de l’avoir ramené et d’avoir pris le temps de parler avec lui avant de le reconduire. Tes lèvres s’étirèrent doucement en un sourire. « C’est normal. » Puis, ton sourire se crispa tout légèrement, en une mimique témoignant à la fois de ton inconfort et de ton incertitude. « À propos de ça … du fait qu’il m’ait téléphoné … tu sais, j’voudrais pas que tu crois que j’essaie de prendre une place qui me revient pas, avec Noah. Il a dû te parler de ce qui s’est passé pendant notre journée d’escalade, aussi. J’te mentirai pas, j’aime beaucoup Noah et parfois j’ai l’impression de me comporter avec lui comme j’le fais avec mes propres enfants parce que je me sens proche de lui, depuis le temps. Mais je sais que je suis pas son père et surtout, il a pas besoin, il t’a déjà toi. » Tu avais déjà tenté de faire comprendre à Noah que tu ne voulais pas remplacer son père, que tu ne voulais pas dépasser des limites pour ne pas sembler déplacé, mais tu avais besoin qu’Ella comprenne aussi ta position. Tu te sentais parfois mal que Noah t’appelle toi d’abord plutôt que sa propre mère, alors tu voulais qu’elle sache que tu ne tentais pas de jouer un rôle qu’elle ne t’avait jamais demandé de jouer. Rôle que tu prendrais toutefois avec plaisir, et avec fierté aussi. Tu demandas ensuite à Ella si elle avait été mise au courant du retour d’Edwin. Elle te répondit à la négative, t’invitant à la suivre à la cuisine, où elle te décapsula une bière. « Merci. » Tu t’accoudas à un des comptoirs et tu l’écoutas, buvant une gorgée de la bouteille. Avec surprise, tu appris qu’elle avait elle-même croisé son ex, avant même que Noah ne le rencontre. « Plus j’entends parler de lui plus je me demande c’était quoi son plan, en revenant ici … » Parce que clairement, il orchestrait très mal la chose. Quand elle souffla une insulte à propos du père de Noah, tu posas ta bière et t’approchas d’elle. Tu posas une main se voulant réconfortante sur son bras. « Hey. Je suis là si t’as envie de ventiler, toi aussi. T’as écouté Noah toute la soirée hier, maintenant, c’est à ton tour de te défouler, si t’as besoin … » Ton pouce caressa doucement la peau de son bras.

« Je ne sais pas s'il peut être plus déçu que ça. Il m'a clairement dit qu'il ne voulait plus jamais le revoir. » Noah était entier. Quand il avait une idée en tête, il ne l'avait pas ailleurs. Mais au fond, elle savait qu'il passerait au-dessus de cela, parce qu'il avait vécu 17 ans sans son père. Et il y avait Mali. Mali qui prenait une place considérable dans la vie de Noah et d'Ella. Mais peut-être que sa présence réconfortante le poussait vers un rôle qu'il ne voulait pas ? Justement, il évoqua le fait que Noah faisait souvent appel à lui avant même d'appeler sa mère. Etrangement, elle sentit son cœur se serrer au début de son discours, quand il lui parla de cette place qui ne lui revenait pas. Cette place lui était revenue si naturellement, sans même qu'ils ne s'en rendent compte. Aujourd'hui, cela intimait peut-être un malaise ou des responsabilités qu'il ne voulait pas. Après tout, Mali ne leur devait rien. Il pouvait partir quand il le voulait. Rien que cette pensée la brisait et devrait lui montrer à quel point elle tenait à lui. Elle l'écouta jusqu'au bout avant de le reprendre sur cette fin de phrase sur laquelle elle n'était pas d'accord : « Il a besoin de toi, Mali. Tu sais, il a beau avoir ses oncles autour de lui, c'est toujours vers toi qu'il revient. Même après votre journée à l'escalade, il a fini par revenir vers toi, parce qu'il tient à toi. Et ce n'est pas moi qui vais essayer de détruire cela. Ça me rassure qu'il ait quelqu'un vers qui se tourner en cas de problèmes. » Peut-être aussi parce qu'elle agissait de la même façon avec les enfants de Mali. Elle aimait passer du temps avec eux quand la mère de Mali avait besoin de se reposer. Elle aimait les faire rire, les soutenir. Et elle sortirait les crocs si on leur faisait le moindre mal. « Tu sais, il y a six ans, je t'ai parlé des liens du cœur. » Elle les avait évoqué en parlant de l'homme qui avait élevé Mali et qui l'avait rejeté en apprenant qu'il n'était pas son père. « Eh bien, pour nous, je trouve que ces liens sont beaucoup plus forts que les liens du sang. » Elle esquissa un sourire avant de reprendre, presque timidement : « Mais j'aurais été fière qu'il ait un père comme toi. » Elle espérait surtout ne pas le mettre mal-à-l'aise ou lui mettre une pression qu'il ne voulait pas. Elle voulait que ça reste naturel entre eux. Ensemble, ils rejoignirent la cuisine où Ella servit deux bières. Elle allait en avoir besoin, vu le sujet qui s'annonçait : Edwin. Elle haussa les épaules quand elle lui annonça qu'elle avait vu son ex juste avant Noah. « Il a eu un accident de moto qui l'a fait réagir. Ce contrecoup lui a rappelé qu'il avait une ex et un gamin à Bowen, visiblement. » Mais il était clair qu'il s'était mal pris. Comme si Ella allait accepter son aide, 17 ans plus tard ! Le juron qui sortit de sa bouche montra bien ce qu'elle pensait et fit réagir Mali qui s'avança jusqu'à elle. Sa main sur son bras, son pouce qui caressait sa peau était probablement le meilleur réconfort qu'elle pouvait avoir à cet instant. Elle esquissa un léger sourire face à ces mots : « Cette rencontre a plutôt été un électrochoc. Ça m'a montré à quel point je me suis oubliée dans cette histoire, à quel point je suis restée attachée à ce fantôme du passé. J'ai longtemps espéré de belles retrouvailles, former la famille que je voulais. Mais en l'ayant devant moi, j'ai fini par comprendre que ce n'était pas ce que je voulais. Il n'est plus l'homme que j'ai aimé. Et c'est libérateur... » Elle avait la rancoeur par rapport à la rencontre avec Noah, mais elle, elle avait l'impression de s'être départie de quelques chaînes. Et ça, il n'y avait que Mali qui pouvait comprendre cela. « ça t'arrive de penser à ça par rapport à Marlee ? A la façon dont tu réagirais si elle revenait ? » Question délicate, mais l'un et l'autre avaient la même histoire.

Avec toi, Noah s’était montré moins direct, moins tranché dans sa décision. Tu lui avais demandé, mot pour mot, s’il comptait revoir son père biologique, lui donner une seconde chance. Et même s’il t’avait dit que c’était trop tôt, il n’avait tout de même pas fermé la porte à cette deuxième chance, sous prétexte que ça ne ferait pas de lui une bonne personne de ne pas la lui donner. « C’était peut-être la colère qui parlait. » Dis-tu en haussant les épaules. Quand il se serait calmé, et si son père se comportait mieux la prochaine fois, peut-être les deux hommes arriveraient-ils à se parler. « Qu’est-ce que tu voudrais, toi ? Qu’ils réessaient de se rencontrer ? » Demandas-tu, même si tu sentais clairement la colère partagée d’Ella. Comme son fils, elle aurait besoin de temps. Mais peut-être qu’au fond d’elle, elle avait un mince espoir que son garçon ait enfin le père qu’il avait semblé chercher depuis si longtemps. Ce père que t’aurais sincèrement aimé être, mais dont tu ne pouvais pas prendre la place. De un, parce qu’Ella se débrouillait très bien comme mère monoparentale et de deux, parce que tu ne savais pas vraiment si tu avais le droit de prendre Noah sous ton aile comme un fils. Tu ne savais pas comment Ella le verrait. C’est un peu pour cette raison que t’évoquas le fait que Noah t’avait téléphoné en premier, voulant ouvrir la discussion vers ce sujet que t’avais toujours trouvé sensible, encore plus depuis votre journée d’escalade, à Noah et toi. Sur ton dernier point, Ella ne sembla pas d’accord avec toi. « Et ça me fait plaisir d’être là pour lui, et je suis content qu’il se sente assez en confiance avec moi pour se tourner vers moi. Mais je voulais juste … je voulais juste m’assurer auprès de toi que ça ne te dérangeait pas. » Mais elle te l’avait clairement dit. Ce n’était pas elle qui tenterait de briser ce lien de confiance entre son fils et toi. Elle continua même sur cette lancée, te rappelant l’une de vos premières conversations, il y avait de cela six ans maintenant. Tu souris en l’écoutant, sentant son cœur se réchauffer en repensant à ces premières journées passées en compagnie d’Ella. « Je me souviens. » Dis-tu d’abord, avant de l’écouter élaborer sa pensée. Adossé au comptoir, tu portas doucement la paume de ta main contre ta poitrine, touché par ses paroles. « J’aurais été tellement, mais tellement fier d’être son père. » Ella avait dit un père comme toi mais toi, tu ne cachas même plus cette idée d’être un réel père pour lui. Tu le considérais comme un fils, Noah, et de voir qu’Ella ne refusait pas totalement cette perception, ça te rassurait. Tu la rejoignis finalement à la cuisine où elle te tendit une bière. Là, tu entras dans le vif du sujet en parlant d’elle, d’elle et de sa rencontre avec son ex. Tu haussas les sourcils à propos du wake-up call d’Edwin à la suite de son accident. « Visiblement. » Confirmas-tu seulement, avant de t’approcher d’Ella pour doucement poser ta main sur son bras, doux geste de réconfort. Tes paroles tentaient de l’être aussi. Tu écoutas Ella avec un étrange soulagement dans ton cœur, lorsque tu l’entendis dire qu’il n’était plus l’homme qu’elle avait aimé, qu’elle ne voulait plus former cette famille qu’ils auraient pu être. « Il y aura au moins un peu de positif qui sera ressorti de son retour. » Conclus-tu, un mince sourire aux lèvres. Puis, quand Ella te positionna dans la même situation qu’elle, hypothétiquement, mais cette fois avec le retour de Marlee, tu lâchas son bras pour croiser les tiens, ta bière toujours dans une main. Tu t’adossas à nouveau au comptoir. Tu soupiras d’abord, réfléchissant. « J’ai souvent songé à son retour, c’est sûr. Mais j’n’ai jamais vraiment exploré ce que je ferais … sans doute parce que j’n’y crois plus vraiment, à son retour. » Mais le retour d’Edwin était la preuve que tout était possible. Tu secouas doucement la tête de gauche à droite, avant d’hausser les épaules. « J’aurais peur, je pense. Peur qu’elle ne soit que dans une bonne passe, sur un high qui l’aurait conduite jusqu’ici. Peur qu’elle revienne dans la vie de Miro et Lowa pour en repartir tout aussi vite. » Tu bus une gorgée de ta bière. « Un peu comme toi, j’imagine, avec Noah. J’me suis battu si fort pour leur offrir une stabilité. J’ai sacrifié un peu de ma propre vie pour ça. » En ne te donnant plus vraiment de chance avec l’amour, notamment. « J’détesterais qu’elle foute tout en l’air. » Tu ne l’aimais plus, Marlee. Tu ne pensais pas qu’elle pourrait foutre le bordel dans ton cœur à toi. Mais dans ceux de tes enfants, c’était une évidence.

Que voulait-elle ? « Je ne sais pas, à vrai dire. J'ai envie de croire en une deuxième rencontre, j'ai envie que Noah ait les réponses à ses questions. Mais j'ai peur qu'il souffre une nouvelle fois. » Ella, elle, se fichait si Edwin venait à la blesser. Mais qu'il ne le fasse pas avec Noah. Ce serait éveiller la lionne qui dormait en cette jeune femme si calme, d'ordinaire. Mais cela mettrait peut-être un point final à un schéma familial qui trônait dans l'esprit de Noah. C'était bête, mais ils n'avaient pas besoin d'un père qui se fichait de son gamin. Des figures masculines plus stables, l'adolescent en avait et Mali en faisait partie. D'ailleurs, à ce sujet là, le grand brun évoqua ses craintes, cette impression de prendre le dessus sur Ella parce que Noah l'appelait toujours en premier. Cette crainte de prendre la place d'un père qu'Ella n'avait jamais voulu. Mais elle le voulait. Même si elle ne pouvait pas le dire clairement.  « ça ne me dérange absolument pas, Mali. Au contraire, je suis heureuse de voir à quelle point votre relation est belle. » Jamais elle ne fera de crises parce qu'elle avait l'impression d'être mise de côté. « C'est normal qu'il fasse appel à toi. Tu es la figure masculine. Pour d'autres problèmes, c'est moi qu'il vient voir. » Ils n'avaient pas le même terrain d'action. Elle continua d'ailleurs sur cette lancée en évoquant les liens du cœur, en faisant appel à ce souvenir commun qui fit apparaître le même sourire sur les lèvres des deux parents. C'était le début d'une complicité qui, six ans plus tard, était toujours aussi forte. Mais malgré cette relation si forte, Ella n'utilisa pas le bon vocabulaire. Elle avait dit un père comme toi, tout simplement parce qu'elle ne pouvait pas lui dire qu'elle voulait qu'il soit son père. C'était à Noah de choisir son père de cœur. Et pour Ella, ce serait mettre en avant des sentiments qu'elle gardait précieusement en elle, qu'elle avait à l'encontre de cet homme qui lui donnait toujours le sourire quand il apparaissait dans une pièce. Ce serait imaginer un schéma familial, à cinq, qui n'était peut-être pas réciproque. Comme Mali, la peur du rejet enserrait Ella et l'empêchait d'agir comme elle le voulait. Pourtant, quand elle vit le jeune homme mettre sa main sur son cœur, touché par ce qu'elle avait dit, elle ne put s'empêcher de lui lancer un regard empreint de douceur. Parce qu'elle avait bien entendu ce qu'il avait dit. « être son père », trois petits mots qui réchauffèrent son cœur. « Je suis sûre que Noah l'est aussi. » Malgré les disputes et les mots lâchés sous le coup de la colère. Une fois rendus dans la cuisine, bières en main, la raison de la venue de son ex à Bowen vint sur le tapis. Mais pour Ella, cela lui avait permis d'écrire le mot fin sur une histoire vieille de 18 ans, une histoire qu'elle n'avait jamais réussi à clore malgré l'évaporation de son ex. Elle hocha la tête à la réponse de Mali : « Un peu de positif ne fait pas de mal. » Mais elle n'était pas la seule à vivre cette histoire et ce fut pour cette raison qu'elle demanda à Mali où il en était, lui. S'il attendait toujours un retour de son ex-épouse ou s'il se voyait avancer sans elle. Il retira la main de son bras et se posa sur le comptoir. Elle se demanda alors si elle ne l'avait pas froissé avec cette question. Mais entre eux, ils se disaient tout, non ? Elle hocha la tête quand il lui avoua ne plus croire en son retour. Mais elle était la preuve que tout arrivait. Le retour d'Edwin était plus que parlant, alors que la jeune femme s'était faite à l'idée de ne plus le revoir. Attentive, elle l'écouta lui faire part de sa peur, sa peur de voir ses enfants souffrir du retour éphémère d'une mère instable. Il parla de ce sacrifice qu'elle ne pouvait que comprendre parce qu'elle l'avait fait aussi. « Elle ne fichera pas tout en l'air. » répondit-elle d'abord. « Parce que tu seras là pour faire tampon. Et si vraiment cela venait à atteindre tes enfants, je ne me fais pas de soucis pour tes petits guerriers. Ils comprendront et agiront en conséquence. » Ils vivront peut-être avec des questions en moins. Parce qu'ils allaient grandir, Miro et Lowanna, ils allaient finir par poser des questions sur leur mère. Des questions auxquelles il n'aurait pas de réponse. Ella observa Mali avec attention. Il n'avait parlé que de ses enfants, mais pas de lui. Attendait-il encore quelque chose de Marlee ? Ella avait l'impression que non. Il semblait détaché. Sur cette pensée, elle esquissa un léger sourire et but une gorgée de bière avant de reprendre, après quelques secondes de silence : « Dans dix-quinze ans, tu verras qu'on se tiendra là, comme deux célibataires endurcis, en voyant nos enfants partir de la maison, faire leur vie et être heureux. Là, on pourra se dire que ça valait le coup de faire ce "sacrifice"... »

Tu hochas la tête, comprenant fort bien la crainte d’Ella de voir son fils se faire détruire une seconde fois. La première fois était déjà une fois de trop. Tu la comprenais aussi de vouloir y croire, pourtant, malgré toutes les lumières rouges allumées suivant le retour d’Edwin. Toi aussi, t’aurais voulu que tes enfants puissent ravoir leur mère. C’aurait été égoïste de penser le contraire. « Peut-être qu’il faudrait que tu clarifies avec Edwin ce que sont ses intentions avec Noah, avant … » Tu haussas les épaules. « Enfin, je dis ça comme ça, pas pour te dire quoi faire … Je pense juste que t’es peut-être davantage capable d’affronter ce genre de conversation, plutôt que Noah, en ce moment … » Pas que Noah n’était pas fort, mais l’absence de son père avait toujours été sa faille, sa vulnérabilité. Ella allait devoir se montrer forte pour deux, cette fois, face à ce fantôme du passé qui n’amenait pas que du bon. Mais comme tu l’avais dit, tu ne faisais qu’évoquer cette idée, parce que tu ne voulais pas avoir l’air de lui dire quoi faire. Tu ne savais pas ce qu’il te prenait depuis la veille, tu remettais tout de ta relation avec Ella en question. Et celle avec Noah aussi, du même coup. Peut-être parce que toute cette histoire t’avait ouvert les yeux sur des sentiments bien trop grands pour toi et que tu ne savais plus quoi penser. Ella pouvait le sentir à travers ton discours quant à ta place dans la vie de son fils. Cette place que tu ne voulais pas prendre si elle ne te revenait pas. Cette place que tu prendrais volontiers si on te l’offrait. La trentenaire te rassura rapidement, ce qui t’apaisa automatiquement. « Alright. J’voulais juste m’en assurer auprès de toi. » Tu lui souris avec douceur, encore plus alors qu’elle évoqua ces liens du cœur dont vous aviez parlé il y avait de cela bien des années maintenant. Des années qui vous avaient à la fois éloignés, à la fois rapprochés. Votre relation avait évolué d’une drôle de manière, quand on se souvenait du flirt qui teintait chacun de vos échanges les toutes premières fois. T’avais étrangement l’envie de doucement t’y laisser retomber à nouveau. De retrouver cette zone floue. De tenter cette chance que tu avais laissée filer. Cette zone-là réapparaissait encore par moments, comme maintenant, alors que vous parliez du fait que t’aurais été un bon père pour Noah. Que t’aurais aimé l’être, même, et aimé être l’homme dans la vie d’Ella du même coup, même si tu ne le lui avouerais pas comme ça. Bref, une fois passés à la cuisine, tu t’attardas davantage aux sentiments de la maman plutôt qu’à ceux du fils. Elle aussi vivait un coup dur, tu ne l’oubliais pas, ça. C’était d’ailleurs la raison de ta venue ce soir. Quand elle te renvoya la balle sur ta propre situation, tu fus un peu pris au dépourvu, mais tu répondis à la fois avec ton cœur et ta tête. « J’espère que t’as raison. J’espère qu’ils comprendraient. » Mais ils étaient encore tellement jeunes. Tu esquissas un faible sourire, avant de l’écouter rebondir sur tes propos de sacrifices. Tu ris doucement avant de tourner un peu plus ton corps face à elle. « Tu te laisseras encore de côté pendant dix ou quinze ans, toi ? » Lui demandas-tu avec un sourire amusé, mais qui cachait un réel questionnement. Tu haussas les épaules. « I don’t know. J’ai de plus en plus envie de commencer à penser un peu plus à moi. Et avec ça vient l’envie de ne pas m’imaginer célibataire dans quinze ans. » Avouas-tu, la respiration plus courte, le cœur plus affolé, parce que c’était une porte que tu ouvrais pour savoir si tu pouvais y laisser entrer un peu de lumière. Un peu d’espoir.

« Tu as complètement raison, il faut que je mette les choses au clair avec lui. Il a dit vouloir m'aider, mais il n'a pas parlé de Noah... pas une seule fois, pas la moindre question sur lui. Je ne veux pas que mon fils ait dans sa vie un homme qui n'est pas prêt de l'avoir dans sa propre vie. » Quitte à se prendre un mur en pleine face, elle préférait le prendre, elle, plutôt que d'affliger une nouvelle déception à la chair de sa chair. Elle adressa un léger sourire à Mali, pour montrer qu'elle avait bien pris en compte son avis. Et que cela lui faisait un bien fou. Mais visiblement, elle n'était pas la seule à chercher la place qu'elle devait avoir. Mali semblait remettre en question sa place auprès de Noah. Mais elle tint à rétablir la vérité. Il n'était pas un frein à la relation entre Ella et Noah. Et jamais elle ne chercherait à briser ce lien qu'elle aimait tant entre eux. Elle tenait bien trop à Mali pour vouloir l'éloigner. Elle ne le dirait pas facilement mais elle aimait cette image de petite famille qu'ils avaient quand ils étaient tous les cinq – six, quand on comptait la mère de Mali. Ils avaient partagé de bien beaux moments pour jalouser une complicité entre lui et Noah. Ella espérait l'avoir rassuré, prenant son sourire comme preuve. Un sourire nostalgique quand ils évoquèrent leurs premiers moments passés ensemble et qui restaient vivaces dans le cœur et la mémoire d'Ella. Elle se souvenait à merveille de ces regards complices et malicieux, de ce moment où elle s'était agrippée à lui sur cette moto. Elle avait souvent maudit le mauvais timing, regretté d'avoir rencontré cet homme à un moment de leurs vies où ils étaient réfractaires à tout sentiment. Les semaines étaient passées, puis des mois et des années, et Ella s'était résignée à devenir l'amie, ne serait-ce que pour garder une place dans la vie de cet homme.Pourtant, au travers de cette place qu'ils avaient dans la famille de l'un ou de l'autre, ils sous-entendaient qu'il y avait plus. Mais ils occultaient cela, au profit de cette friendzone de laquelle ils avaient du mal à s'extirper. Posés dans la cuisine, Ella avait fait part des sentiments contradictoires qui l'avaient submergés en voyant Edwin, mais cette rencontre lui avait permis de voir qu'il n'était plus celui qu'elle voulait. Qu'il était désormais un fantôme qui appartenait bien à son passé. Puis elle retourna la conversation, confrontant Mali à un éventuel retour de Marlee. Elle était l'exemple même qu'un ex pouvait revenir à tout moment, et elle ne voulait pas que Mali ait à vivre le même coup de massue qu'elle. Mais c'était plutôt la peur de voir ses enfants souffrir qui l'effrayait. « Avec le père qu'ils ont, ils ne peuvent que comprendre. » Mali remplissait à merveille le rôle des deux parents. Lowanna et Miro étaient deux enfants bien dans leurs têtes, forts, libres et déterminés. Si Marlee venait à revenir, un jour, ils avanceront avec force. Les 'sacrifices' de Mali ne seront pas des causes perdues. Elle évoqua d'ailleurs cela en s'imaginant dans 15 ans, tels deux célibataires endurcis. Elle se mit à rire à la question de Mali, haussant les épaules : « C'est bien parti pour ! De toute façon, ce n'est pas comme si ça me manquait. Je ne sais pas ce que ça fait que d'avoir à vivre en couple. » A part Edwin, qui était un amour d'adolescente, le peu d'histoires qu'elle avait eu ensuite avait été voué à l'échec. Elle n'avait jamais laissé quiconque entrer dans cette maison, s'installer, s'endormir à ses côtés, se disputer avec elle pour le programme télé du soir. « Mon seul regret, ça serait peut-être de ne pas avoir donné un petit frère ou une petite sœur à Noah. » dit-elle, plus sérieuse. C'était encore possible. Elle n'avait que 33 ans, mais elle voulait faire les choses dans les règles. Avec un homme qu'elle aimait, sur qui elle pouvait compter. Puis, ce fut à Mali de donner son point de vue. Lui, en revanche, avait de plus en plus envie de penser à lui. Pour cela, il était prêt à rompre son célibat, à s'imaginer heureux près d'une autre femme. Sûre d'elle, Ella répondit aussitôt : « Tu ne seras pas célibataire. » La jeune femme gardait son regard sur lui, alors qu'elle reprit : « Je veux dire, il faut être complètement stupide pour ne pas poser ses yeux sur un homme comme toi, pour ne pas avoir envie de t'avoir près de soi. » Ces paroles-là, elle les disait avec vigueur. Peut-être parce qu'au fond, elle évoquait ce qu'elle ressentait au fond d'elle. Ella avait été stupide, elle... « Je suis certaine qu'à l'instant où tu te remettras sur le marché, tu auras des tas de femmes à tes pieds. » Elle afficha un sourire amusé, mais étrangement, une pointe de jalousie s'entendait dans sa voix.

Tu souris, rassuré de savoir Ella réceptive à tes idées, à tes conseils. Tu ne t’étais pourtant jamais montré aussi prudent auparavant. Tu n’avais jamais marché sur des œufs, avec Ella. Vous vous étiez entraidés, de toutes les manières possibles, et ce pendant six longues années. Pourquoi est-ce que tout d’un coup, t’avais l’impression d’être de trop ? D’occuper une place qui ne te revenait pas ? Parce que le retour d’Edwin t’affectait, toi aussi, même si tu tentais de ne rien laisser paraître. Il menaçait ton équilibre, celui que t’avais trouvé auprès d’Ella et de son fils, y amenant tes propres enfants et ta mère dans le portrait. Cet homme pouvait tout faire basculer, en un claquement de doigts. Déconstruire six années de confiance, de support et d’amour sous toutes ses formes. « En même temps, s’il ne voulait absolument rien savoir de Noah, pourquoi s’être présenté à lui sous son vrai jour ? Pourquoi ne pas avoir joué la carte de l’étranger plutôt que de larguer cette bombe-là sur son fils ? » Tu secouas la tête. Tu n’y comprenais rien, aux agissements de cet homme, et ça t’agaçait encore plus. Mais c’était le père de Noah et tu ne pouvais pas te montrer à ce point jaloux, ce n’était pas correct de ta part. C’était bien la preuve que cette place que tu prenais et dont tu parlas à Ella, elle avait pris une grande importance dans ta vie, et que tu n’avais pas envie d’être tassé. Ça te rassura donc de savoir que la trentenaire appréciait ta présence dans la vie de Noah et qu’elle ne voudrait rien y changer. Ella te parla ensuite de Marlee, parce qu’inévitablement le retour de son premier amour faisait écho au départ du tien, qui pourrait tout à fait revenir dans le décor à tout moment. Tu ne saurais pas comment tu réagirais. On ne peut jamais vraiment prévoir ce genre de chose, pas avant d’y être confronté. Tu espérais que si ça avait à se reproduire, ce serait face à une Marlee en bonne santé que tu te retrouvais. Qu’elle aurait trouvé le moyen de chasser ses démons, pour ne plus avoir à mettre vos enfants en danger. Dans tous les cas, Marlee ou non dans le décor, t’espérais que dans quelques années, tu ne serais plus célibataire, contrairement à ce que les paroles d’Ella sous-entendaient. Lorsqu’elle te partagea que ça ne lui manquait de toute façon pas, tu peinas à cacher ta déception. « C’est loin pour moi aussi, mais je sais que ça me manque de me réveiller auprès de la même personne à tous les matins, d’avoir cette personne spéciale, autre que mes enfants, que je retrouve à tous les soirs en rentrant … » Tu haussas les épaules avec un sourire. Tu aurais pu rajouter certaines habitudes d’un couple, comme le fait d’avoir en permanence un allié sur qui compter, une personne avec qui sortir pour se couper du monde, une personne à qui tu pouvais tout dire, mais ça, ça ne pouvait pas te manquer. Parce que t’avais Ella pour ça. Tu la regardas tristement alors qu’elle te parlait de ses regrets. « Il est pas trop tard pour ça, t’es bien jeune encore. » Contrairement à toi, qui commençait à te faire plus vieux, trop vieux. Malgré tout, tu te permettais de croire qu’il n’était pas trop tard et que tu pouvais encore penser à toi et t’imaginer un futur avec quelqu’un. Encore mieux si ça pouvait être la personne face à toi. Ses compliments te firent sourire, et rougir un peu même. « Je ne veux pas de femmes à mes pieds. » Repris-tu, un sourire aux lèvres, pour souligner que tu n’aimais pas cette formulation. Tu plongeas alors ton regard dans celui d’Ella, le corps complètement en alerte, tes muscles contractés, ta respiration plus courte. Et tu demandas : « Et s’il n’y en a qu’une seule que j’ai envie d’avoir près de moi ? » Cette porte-là, si tu ne l’avais pas poussée un peu plus, elle se serait peut-être refermée pour toujours.

Ella ne savait pas comment l'expliquer mais elle avait cette terrible impression que Mali s'éloignait doucement. Il avait toujours été sincère avec elle, quitte à ne pas prendre des pincettes. Il avait toujours donné un avis franc qu'elle écoutait avec grande attention. Aujourd'hui, il semblait prendre du recul, être mesuré dans ses paroles, comme s'il ne se sentait pas légitime de donner son avis. Mais il l'était. Bien plus que tous. Ella n'en faisait qu'à sa tête, mais s'il y avait bien deux personnes qu'elle écoutait attentivement, c'était Mali ou son frère. Alors, elle se sentait quelque peu perturbée par l'attitude du grand brun. Et il y avait cette crainte qui apparaissait, qui la torturait, qui la tiraillait. Cette crainte de le voir s'éloigner, parce qu'Edwin était revenu dans le schéma familial. Mais c'était bien Edwin qui n'avait aucune légitimité, aucune crédibilité aux yeux d'Ella. Son ex avait tout raté, aussi bien sur sa rencontre avec elle qu'avec Noah. Mali semblait agacé par l'attitude d'Edwin. Edwin qui n'avait pas parlé de Noah avec Ella, mais qui s'était quand même présenté comme son père. « Je n'en sais rien, Mali. » répondit-elle dépitée. « Je ne comprenais pas certaines de ses attitudes à 15 ans. Il faut croire qu'à 33 ans, c'est toujours le cas. » Elle lui adressa un léger sourire, se disant que cela ne servait à rien de trouver des justifications aux actes de son ex. Ils n'auront peut-être aucune réponse à ce qui s'était passé dans la tête d'Edwin ce jour-là. Le plus important était de préserver Noah. Noah qui avait un bien plus beau lien avec Mali, que la trentenaire ne souhaitait absolument pas détruire. Elle sentit que le jeune homme se décrispait un peu en comprenant qu'elle les poussait à alimenter ce lien si particulier. Peut-être serait-elle dans ce cas de figure si Marlee venait à réapparaître. Marlee qui devint le prochain sujet. C'était sensible, délicat ou complètement inutile d'évoquer un retour qui n'aurait peut-être jamais lieu, mais Ella voulait voir où Mali se situait désormais. Elle fut soulagée à l'idée qu'il ait pu se détacher d'elle, mettre un point final à cette peine qu'il avait silencieusement combattu. Et c'était cela qui ferait qu'il protégerait deux fois plus ses enfants. Mais Ella espérait, au fond, que les retrouvailles se passeraient à merveille entre cette mère et ses progénitures, si elle venait à remettre un pied ici. Mali, en revanche, imaginait tout autre chose concernant son avenir. Il s'imaginait mettre un terme à son célibat, alors que la brune, elle, évoquait que cela ne la troublait pas tant que cela. C'était tout simplement parce qu'elle ne savait pas ce qu'était une vie de couple. Elle n'avait jamais vécu avec Edwin, et les histoires suivantes n'avaient jamais soufflé la première bougie. Mais elle écouta les paroles de Mali avec un sourire sur le bout des lèvres, répondant alors : « C'est vrai que ça donne envie, ça... Être attendu à la maison, ça doit être grisant. » Raconter sa journée, évoquer ses soucis, se mettre à nu et trouver du réconfort dans le regard de l'être aimé. Oui, ça devait être grisant. Comme ça devait être grisant de fonder sa petite famille. Ella n'avait pas connu cela et c'était l'un de ses plus grands regrets. Elle haussa les épaules quand le brun lui avoua qu'il n'était pas trop tard pour cela. « L'horloge biologique tourne, mon cher. Je n'ai plus énormément d'années devant moi. » Elle se mit à rire mais on voyait dans son regard que c'était un rêve qui s'éloignait doucement. Ella secoua la tête pour chasser ses pensées, préférant faire ce qu'elle savait faire de mieux : dire du bien des autres. Et avec Mali, elle avait un tas de compliments en poche. Mais quand elle le taquina sur les femmes qu'il pouvait charmer, il reprit son expression, comme s'il ne la validait pas : « Tu comprends ce que je veux dire... Je vois les regards des femmes sur toi. Tu es un homme qui plaît, Mali. » Ces femmes-là s'arrêtaient peut-être sur le physique du jeune homme, mais si elles prenaient la peine de parler avec lui, elles tomberaient encore plus sous le charme. C'était certain. C'était arrivé pour Ella. Elle redressa la tête et soutint ce regard qu'il posa sur elle, haussant les sourcils en entendant cette question qu'il lui posait. Cette question qui lui mit un coup au cœur, elle qui voulait tant de lui mais qui n'avait l'impression de n'être que l'amie. « S'il n'y en a qu'une seule, alors fonce. N'attends pas dix ans... »

La sagesse qui vient avec l’âge, les responsabilités davantage assumées avec le temps qui passe, ce n’était pas vrai pour tout le monde. Certaines personnes semblaient garder à tout jamais cette immaturité qu’on attribue plus souvent qu’autrement aux plus jeunes en manque d’expérience de vie. À tes yeux, c’était dans cette catégorie-là que se classait Edwin, qui n’avait pas été capable de prendre responsabilité pour ses actions à quinze ans, pas plus qu’aujourd’hui à trente-trois ans. C’était peut-être ton propre vécu qui teintait ton ressenti, aussi. Parce que dans ta petite famille, c’était toi qui avais été laissé de côté, c’était toi le parent délaissé par une personne incapable de gérer vos enfants. Certes, Edwin et Marlee n’avaient rien en commun à part ça. Elle souffrait, dans sa tête, c’était le chaos. Mais ça ne pardonnait pas tout. Tout comme le retour d’Edwin ne pardonnait pas son départ, encore moins en sachant qu’il ne revenait pas forcément avec les meilleures intentions. « Raison de plus pour aller au fond des choses avec lui, une bonne fois pour toute … » Parce que tu t’imaginais bien que bien des années plus tôt, Ella n’avait pas forcément eu cette chance, avant qu’Edwin ne prenne la poudre d’escampette. Et il y avait encore bien plus à dire aujourd’hui, maintenant que leur fils était un jeune adulte. Jeune adulte qui pouvait tout de même encore être très vulnérable face à son père biologique, tout comme toi tu le serais certainement face au tien si tu en venais à le rencontrer un jour. Il n’y avait pas d’âge pour la vulnérabilité. Tu la ressentais pour tout et n’importe quoi, que ce soit pour tes origines ou pour toute autre chose. Et actuellement, cette vulnérabilité-là, elle t’envahissait alors qu’Ella et toi abordiez un sujet qui ne faisait pas souvent surface entre vous deux, jamais avec autant de sérieux du moins. Votre célibat. Ton envie de ne pas en rester là toute ta vie. Sa méconnaissance d’une véritable vie de couple. Tu te sentais vulnérable parce que t’étais sur le point de te mettre complètement à nu face à elle. Poussé par le retour d’Edwin, poussé par la conversation que tu avais eue avec Noah la veille, poussé par ta propre envie de ne pas laisser l’occasion passer cette fois, tu te décidas à accueillir cette conversation comme une seconde chance. Rattraper l’erreur d’avoir laissé filer la première, six ans plus tôt. « Ça l’est. Rien que pour avoir quelqu’un avec qui préparer le dîner, quelqu’un avec qui se poser sur le divan une fois les enfants couchés … » Confirmas-tu avec un sourire. À l’évocation de ces pensées, tu avais bien sûr le souvenir de Marlee et toi mais étrangement, tu n’avais aucun mal à plutôt transformer ces mémoires en un espoir de futur, avec Ella cette fois. Ella et ses regrets. « T’as qu’à te remettre sur le marché, toi aussi … Sans pour autant tout précipiter, j’parie qu’y’a un tas d’hommes qui attendent une femme comme toi pour se marier et fonder une famille. » Toi le premier. Le premier en ligne, face à elle, à l’attendre. Parce que même si elle te disait que bon nombre de femmes tournaient la tête sur ton passage, toi, y’avait que son regard à elle qui t’importait vraiment. Bordel, ça faisait six ans que ce n’était qu’elle. T’avais juste préféré garder ton fidèle poste d’ami plutôt que de risquer de tout foutre en l’air. Mais ce soir, Ella te disait de foncer. Alors fonce. Tu inspiras un moment, tentant de reprendre un peu de contrôle sur toi. Sans jamais lâcher son regard. Tu posas ta bière sur le comptoir dans un geste décidé, avant de t’avancer vers elle, quelques pas pour réduire la mince distance entre vous. Vos visages étaient si près, d’une proximité qui aurait pu créer un malaise si tu t’y étais attardé trop longtemps. Mais bientôt, tes lèvres retrouvèrent les siennes dans un baiser trop souvent imaginé, trop longuement retenu. Quand tu te décalas à contre-cœur, les mains tremblantes, les jambes molles, t’eus un rire de nervosité. « J’espère que c’était ça que tu voulais dire par fonce … »

Depuis son adolescence, Ella avait trouvé des excuses pour justifier l'attitude de son ex. Trop jeune, trop immature, trop apeuré. Tant de justifications qui n'avaient plus lieu d'être aujourd'hui. Aujourd'hui, ils étaient des adultes, en âge de fonder un foyer. Et Noah n'était plus le petit garçon qui dépendait de ses parents. Il était un adolescent accompli, un peu stupide parfois dans ses actions, mais indépendant. Son ex n'avait plus aucune excuse. S'il n'était pas là pour devenir un vrai père pour Noah, il valait mieux qu'il s'en aille loin d'eux. Ella ne supporterait pas de l'avoir sous les yeux, de le voir se détacher autant de celui qui était sa chair et son sang. Mali avait donc donné son avis et Ella l'écoutait avec grande attention. Il y avait dans les mots du grand brun toute une dimension affective qu'Ella n'avait pas. Parce que Mali était dans la même situation que Noah, lui aussi ne connaissait pas son père. Elle hocha doucement la tête et reprit ses mots : « Une bonne fois pour toutes, oui. Il est temps de mettre un point final à cette situation qui n'est plus viable. » A choisir, il valait mieux que Noah grandisse avec l'image d'un père absolument con, plutôt que d'idéaliser un père inconnu et délaisser les autres figures paternelles qu'il pouvait avoir dans sa vie. Des figures paternelles comme Mali, par exemple. Mali, qu'elle trouvait agité aujourd'hui. Il fallait dire qu'il était rare qu'ils soient si sérieux dans leurs sujets de conversation. Bien sûr, ils avaient des sujets dignes des adultes qu'ils étaient. Mais il y avait souvent un mot plus léger, un sourire, un rire. Aujourd'hui, toutefois, il y avait une certaine gravité dans leurs propos, des regrets, des envies cachées. Notamment en évoquant ce sujet sur lequel ils avaient parfois longuement plaisanté : leur célibat. En entendant Mali lister ces moments de partage, Ella se rendit compte qu'en se refermant totalement, elle était passée à côté de moments de bonheur indéniable. Un bonheur qui, même s'il faisait parfois mal, poussait l'être humain à le rechercher sans cesse. Elle le voyait avec Mali. Même s'il s'était brisé le coeur avec Marlee, il semblait prêt à renouer avec l'amour. « Avoir une présence à ses côtés tout simplement... » conclut-elle dans un sourire. Oui, ça donnait envie. Pourtant, son sourire disparut quelque peu quand Mali l'intima de se remettre sur le marché, elle aussi. Une phrase à laquelle elle réagit aussitôt par un signe de tête négatif. C'était bien beau de dire à Mali de se remettre sur le marché mais d'avoir la trouille quand elle pensait à son propre avenir amoureux ! « J'veux pas d'un tas d'hommes. » répondit-elle en haussant les épaules. Elle voulait juste un homme dont elle prendrait soin, en qui elle vouerait une confiance démesurée, qui l'accepterait elle et son fils. Avec qui ce serait naturel. Mais peut-être qu'il y avait une toute autre raison à ce refus de se remettre sur le marché. Peut-être qu'en réalité, Ella avait déjà trouvé celui qui réunissait tout ce qu'elle espérait d'un homme, avec qui elle imaginait tant. Cet homme-là venait de lui dire qu'il avait déjà une femme en tête. Le genre de phrase qui pouvait vous faire mal et briser cet espoir qui subsistait au fond de soi. Et parce qu'elle tenait à lui, parce qu'elle tenait au bonheur de Mali, Ella le poussa à foncer, sans se douter qu'elle pouvait être celle qui le contenterait. Alors, quand il s'approcha, le regard rivé sur elle et qu'il la surplomba de toute sa hauteur, le cœur de la brune s'emballa. Elle venait enfin de comprendre. Il parlait d'elle. Et elle ne voulait surtout pas faire marche arrière. Quand son visage fut proche du sien, d'une manière si nouvelle, le regard de la jeune femme s'attarda sur les lèvres de Mali. Des lèvres qui trouvèrent rapidement les siennes pour un baiser encore plus beau que ce qu'elle s'était imaginé. Un baiser à la fois doux, à la fois passionné, qui concluait six années à se tourner autour. Quand il se décala, en riant, ce fut un large sourire qui illumina le visage d'Ella, qui avait posé ses mains sur son torse. « Disons que c'est ce que j'espérais vivement. » Gardant cette proximité entre lui et elle – dont elle prendrait rapidement goût – Ella enchaîna, dans un ton léger et avec ce joli sourire malicieux qu'il connaissait si bien : « ça veut dire qu'on rompt notre célibat ensemble ? »

Avoir une présence à ses côtés, tout simplement. Tu hochas la tête, un mince sourire aux lèvres, mais c’était surtout à travers ton regard qu’on voyait tout le désir de revivre ça un jour. « C’est ça. » Même si les derniers mois avec Marlee avaient été plus que difficiles, te drainant toute ton énergie alors que tu avais besoin de celle-ci pour survivre à la base, tu gardais un bon souvenir de vos premières années de couple. Vous étiez amoureux par-dessus la tête et c’est ce sentiment qui te manquait. T’avais beau avoir le cœur qui battait pour Ella, ce n’était pas pareil parce que tu ne pouvais pas partager cet amour-là avec elle. Tu ne t’en étais jamais donné la chance. Aujourd’hui, c’était sur le point de changer. Tout allait bientôt basculer. « J’t’ai pas dit de leur dire oui à tous. » Relevas-tu, amusé et moqueur. Même, t’aurais aimé lui dire que tu avais envie qu’elle te dise oui à toi et rien qu’à toi. Parce que pendant ces six dernières années, dès qu’un homme avait tourné d’un peu trop près autour d’elle, t’avais eu cette pointe de jalousie que tu ne t’étais jamais autorisé à communiquer. Parce que maintenant que des sentiments plus clairs, plus présents, refaisaient surface, tu ne supporterais pas de la voir aller à des rendez-vous avec des hommes qui ne la verraient jamais comme toi tu la voyais. Mais au lieu de le lui dire, tu décidas de le lui montrer, à Ella. Lorsqu’elle te dit de foncer, tu fonças, sans songer aux conséquences, sans penser à l’après. Tu posas tes lèvres sur les siennes, sentant ton être tout entier s’enflammer lorsque tu la sentis répondre à ce baiser, comme à un appel trop longtemps ignoré. Les mains d’Ella se posèrent sur ton torse au moment où tu te décalas. Ce contact chaud et doux suffisait à ne pas créer un trop grand manque maintenant que vos lèvres s’étaient séparées. Tu ris, heureux, soulagé, alors qu’elle te confirmait que c’était ce qu’elle espérait vivement. Tu lâchas alors un soupir témoignant de ce soulagement. « Pfiou, ça fait tellement longtemps que j’m’imagine un moment du genre, j’ai un peu de mal à croire que ça vient de se passer. » Tu continuais à rire, comme incapable de cacher ce bonheur explosif. D’un sourire malicieux et d’un regard qui l’était tout autant, Ella te demanda si vous étiez donc en train de rompre votre célibat ensemble. Cette question représentait un énorme pas pour votre relation, et pourtant, tu n’avais même pas une once d’hésitation. « If you’re game, I’m game. » Répondis-tu d’abord, posant tes mains sur ses hanches. « C’est ce qu’on aurait dû faire il y a bien longtemps de ça. » Osas-tu ajouter, lui avouant du même coup que ça faisait bien des années déjà qu’elle te faisait tourner la tête et qu’elle faisait battre ton cœur.