we might never get closure (zelda)

Suite au SMS de Zelda, on avait convenu de se retrouver, cette fois au Imogen, une pâtisserie de la rue commerçante, non loin du Tea’Rese, là où nous avions décidé de faire cette pause. Encore une fois, j’avais décidé de ne pas proposer qu’on se rende chez l’un ou chez l’autre, parce que je me sentais incapable de me retrouver en ces lieux qui avaient vu défiler tellement de moments pour nous deux. Je me sentais incapable de voir ressurgir ces images, ces doux souvenirs qui pourtant ne s’étaient pas renouvelés dans les derniers mois. Cette pause, elle durait depuis un peu plus de quatre mois maintenant. Quatre mois où j’avais vécu des hauts et des bas. Surtout des bas. Mais ces quatre mois m’avaient permis de faire le point sur ma vie, même si cette vie avait aussi décidé de me jeter quelques vérités en pleine gueule, comme le fait que j’avais un fils, avec Ally, qui était soudainement revenue à Bowen. Avec ledit fils. Mon fils. J’avais encore plus pris du recul face à tout, après ça, donnant moins de nouvelles à Zelda pour éviter d’ajouter du drame à sa vie qui se devait d’être paisible après l’année dernière. Puis j’avais reçu ce sms et alors, nous ne pouvions plus reculer. Nous ne pouvions qu’aller de l’avant avec nos décisions, peu importe ce qu’elles étaient. Je ne le savais pas encore moi-même, pour être bien honnête. J’avais encore du chemin dans ma tête et dans mon cœur … peut-être était-ce là la réponse. J’entrai donc dans le salon de thé et aperçut rapidement Zelda, déjà assise. Je m’avançai jusqu’à elle. « Hey. C’est bon de te voir. » Et ce l’était. Je posai mes lèvres sur sa joue, avant de m’asseoir face à elle. « T’as été plus rapide que moi sur le sms, mais je te jure que je pensais souvent à t’écrire … » Je soupirai. « Crois-le ou non, il s’est passé des choses depuis la quarantaine qui m’ont encore plus mis à l’envers … » Ça ne s’arrêtait jamais. Et ce tourbillon était peut-être trop grand, trop étourdissant, pour Zelda.

Elle ne m’aidait pas, Zelda, avec cette robe géniale et surtout offrant un magnifique décolleté, montrant ce corps qui me manquait terriblement malgré tout ce qui s’était passé, et ce même si je partageais mon lit avec d’autres personnes depuis ce temps et dont une en particulier. Une amie de Zelda, qui plus est. Je pris place face à elle, retenant mon envie de l’enlacer, de me laisser aller alors que je sais que ce n’est pas la chose à faire. Je retombe trop facilement, quand je me retrouve face à elle. Je replonge alors que je sais pourtant que je fouterais tout en l’air à nouveau. Je souris lorsqu’elle me dit qu’elle est contente de me revoir aussi. La rouquine, toujours prête à m’écouter et à m’épauler même quand c’est le chaos entre nous deux, m’invita à me raconter mes déboires alors que nous étions là pour régler les nôtres. Avant toute chose, nous allions nous commander quelque chose à manger. J’hochai la tête en regardant le menu, et quand une serveuse vint nous voir, je commandai un petit gâteau mille-feuilles et un café. Lorsqu’elle repartit avec nos commandes, je me raclai la gorge, prêt à vider mon sac puisque Zelda attendait les confidences. « J’passerai pas par quatre chemins … Ally est de retour à Bowen. » Déclarais-je d’abord. Mais c’était loin d’être tout. « Avec un gamin de trois ans et demi. » Et si elle avait bonne mémoire et qu’elle était un minimum douée en calculs, elle ferait rapidement 1+1. « Ouais, apparemment … je suis papa. » La bombe était larguée. Maintenant, restait à voir quel genre d’explosion ça ferait. En attendant, je retenais mon souffle, le regard rivé sur Zelda, guettant sa réaction. J’avais le cœur en train de se débattre.

Je n’avais pas songé à comment j’allais lui annoncer que j’étais papa d’un gamin de presque quatre ans. Peut-être aurais-je dû me préparer. Parce que là, de la manière que je venais de lui larguer ça comme une bombe dans une guerre mondiale, c’était pas juste. Je n’avais jamais été juste avec Zelda, d’ailleurs. Zelda regarda à gauche et à droite, comme si elle guettait des rires d’une table voisine pour lui montrer que tout ça n’était qu’un numéro monté. Je soupirai. « Non, y’a pas de caméra caché, t’es pas dans un gag de Just for Laughs. » Dis-je, la mine dépitée. Mais elle, contre toute attente, elle pouffa de rire. J’arquai un sourcil, un sourire prudent et incertain sur les lèvres. En tout cas, je n’en étais pas au point d’éclater de rire comme elle, moi. Même si c’est vrai que ma vie prenait des allures de soap américain. Je l’écoutai mettre des mots sur ce que je ressentais : l’égoïsme d’Ally, son culot de revenir comme ça après tant d’années, avec mon gamin, comme si rien ne s’était passé. « Ouais, et j’ai même pas l’impression qu’elle comprend vraiment ce que ça me fait. À quel point c’est injuste pour moi. » À sa question, je secouai vivement la tête de gauche à droite. « Non. Non, Ally et moi c’est du passé. Y’a beaucoup trop de bagages, là. Trop de négatif. J’pourrais pas m’remettre avec elle après tout ce qu’on s’est fait … » J’haussai les épaules. « Et se remettre ensemble juste pour Maxwell, c’est pas une bonne raison et ce serait juste pire pour lui, je pense. » Ajoutais-je. Deux parents qui ne s’aiment plus mais qui sont ensemble pour les enfants, ça ne peut qu’entraîner des conflits, des tensions. Et un enfant, ça ressent ça.

Je voyais bien la colère, la rancune, la haine, dans le regard de Zelda. Je ne savais juste pas si c’était dirigé vers Ally, vers la situation, ou vers moi tout simplement. Probablement un peu de tout ça tout à la fois, et ce ne serait que compréhensible. J’entraînais Zelda dans mes histoires pas possibles et ce n’était pas juste pour elle, elle qui était si lumineuse. Je n’avais pas envie de lui enlever cette lumière. Pas envie d’être le nuage sur le tableau. Face à son sarcasme, d’ailleurs, j’eus un peu une mine dépitée. Puis, lorsqu’elle continua, je fus encore plus surpris de son ton, et de sa franchise tranchante. « Je suis désolé. C’était peut-être pas une bonne idée de parler de tout ça maintenant. » Pas alors que nous étions dans un flou, Zelda et moi. Mais si je pensais que cette conversation-là serait difficile, je n’avais encore rien vu. Lorsque la jeune femme me parla de Freja, de la soirée de Miss et Mister Bowen, mon sang se glaça en moi. Je me redressai automatiquement, comme un animal qui vient d’apercevoir un prédateur. J’étais dans la mire. « Freja et moi on a toujours été proches, tu sais … Elle est ma coloc’ depuis des années, c’est sûr qu’on a partagé pleins de trucs. » Mais jamais comme ça, et je n’avais jamais été bon menteur. Je soupirai. « Mais c’est vrai qu’on s’est peut-être rapprochés un peu plus depuis quelques mois … » Je ne disais pas tout, pour la protéger, mais pour protéger Freja aussi. Et moi-même, égoïstement.

Je la connaissais par cœur, Zelda. Son regard baissé, sa mâchoire serrée ; elle était en totale ébullition et elle se retenait de tout son être. Elle avait envie de me gueuler dessus, elle avait envie de me claquer, elle avait envie de pleurer, elle avait de partir, de fuir. Tout ça en même temps. Je déglutis difficilement, m’attendant au pire. Je n’avais pas prévu entrer dans les détails de ma relation avec Freja aujourd’hui. J’avais même songé à la possibilité de ne pas en parler du tout. Mais Zelda m’avait mis devant le fait accompli et il était impossible de faire marche-arrière à présent. J’attendis que le silence passe. Si elle avait besoin de temps pour gérer le chaos, je lui laisserais ces minutes en suspens. Je ne m’attendais toutefois pas au résultat de cette attente. Je la laissai dire tout ce qui lui passait par la tête, je la laissai vider ce cœur trop lourd. Quand elle eut terminé, je pris à mon tour le temps d’encaisser tout ce qu’elle venait de me lancer sous les regards interrogés de nos quelques voisins de table. « T’as raison, on a été con. Surtout, j’ai été con. Plutôt que de te demander à toi ce que ce break signifiait et comment ça marchait, j’ai demandé conseil à d’autres ou alors j’en ai fait qu’à ma tête, et le résultat, bah … le résultat est d’la vraie merde. » Je soupirai. « T’as pas besoin de me jeter ton verre à la figure, j’t’assure. Enfin, j’dis pas que j’ai pas voulu t’écouter ou t’comprendre. J’ai voulu être là, Zeld’ … Mais j’avoue que j’ai pas fait tous les efforts que toi t’as fait. » Peut-être parce que dans un sens, je n’avais pas eu la force de le faire. Et que je ne savais pas dans quoi je devais mettre des efforts. J’avais été tellement perdu ces derniers mois que je n’avais pas su quelle direction prendre. Alors je les avais toutes prises, en quelque sorte. « Tu me manques aussi, Zelda. Et je t’aime, je t’aimerai toujours même si ce sera pas toujours de la même manière … » Mes yeux s’attristèrent, j’avais envie de prendre ses mains dans les miennes mais avec la suite de mes paroles, ça n’irait pas. « … Mais t’as raison, il faut pas. Parce que je sais que je suis pas prêt à réessayer, Zelda. I’m not in a good place. Et j’veux pas t’impliquer à nouveau là-dedans. J’veux pas te faire encore plus de peine et t’promettant quelque chose que je devrais pas promettre. » Je plongeai mon regard dans le sien, même s’il était difficile à soutenir. « Je pense que ce serait mieux qu’on arrête de s’faire de faux espoirs avec ce break. » Il ne nous mènerait nulle part.