disappointments can wear you down (luigi)

Ce soir, au Hendrix, il y avait diffusion d’un match de cricket des séries Ashes. Comme les matchs se déroulaient en Angleterre cette année, la plupart des habitants de l’Australie cherchaient les grands écrans pour regarder en live la partie. Moi y compris. Je n’étais pourtant pas un grand fan de ce sport généralement, mais lorsqu’il était question des séries, je ne manquais jamais l’occasion de ces grands rassemblements. Je m’étais donc rendu au bar à une heure raisonnable avant le début du match, pour m’assurer d’avoir une place. Le Hendrix devenait rapidement surpeuplé lors d’événements du genre. Je retrouvai bien vite des gens que je connaissais, assez pour m’installer avec eux et partager quelques pichets de bière disposés un peu partout sur la table, à travers les pintes qui se vidaient assez vite. Je venais tout juste d’arriver, cela dit, quand mon regard se posa sur Luigi qui se trouvait au comptoir du bar. J’avais donc les idées encore bien assez claires pour comprendre que les sentiments naissants dans mon ventre n’étaient pas dû à une réaction exagérée, décuplée par l’alcool. Ce dérangement, cette irritation, cette colère même. Elles étaient justifiées par sa seule présence. « Je reviens. » Avertis-je mes amis avant de me lever, ne sachant moi-même pas vraiment ce que je cherchais à accomplir en me rendant jusqu’à Luigi. Je posai mon pichet de bière sur le comptoir à côté de lui, d’un geste menaçant qu’on verrait dans des films mais qui ne cadraient pas vraiment avec le moment, sauf dans ma tête. « So … T’es sorti de prison, à ce que je peux voir. T’as pas genre des conditions à respecter comme de pas traîner dans des bars, des trucs du genre ? » Demandais-je, me redressant légèrement les épaules. « Ou bien t’es déjà en train de foutre en l’air cette autre chance que la vie te donne. » Parce que lui, il avait reçu de mon père une chance qui ne m’avait jamais été donnée, à moi. Et voilà ce qu’il en faisait.

T'avais aucune envie de rester dans ta bagnole à rien faire ce soir là, alors tu étais parti prendre un verre. Tu savourais ta sortie de prison comme tu le sentais, ça faisait un moment que tu n'avais pas bu un verre de vrai alcool et t'avais plutôt hâte d'y remédier. Tu t'installas au bar et commanda du whisky. Alors que tu avais enfin ce que tu voulais, une voix que tu ne connaissais que trop bien se fit entendre. Un soupire s'échappa de tes lèvres, suivit d'un sourire narquois. Salut Concho, moi aussi j'suis content de te voir et de voir que tu t'inquiètes sur ce que je fais. dis-tu en levant les yeux au ciel. Ton demi frère ne t'avais jamais porté dans son cœur, à vrai dire tu t'en foutais un peu mais t'avais rien contre lui. En revanche lui, dès qu'il pouvait te faire des reproches, il n'hésitait pas. Je bois un verre, tranquillement, j'vois pas ou est le problème, toi en revanche ton sens l'alcool de plein fouet, méfie toi de ne pas finir comme moi. dis-tu en ricanant. C'est vrai que l'histoire était un peu compliqué en même temps, "leur" père l'avait reconnu toi et pas son vrai fils. Mais, t'y pouvais rien, t'avais rien demandé toi et ça ne changerait pas ta façon de voir les choses, tu n'aimais pas suivre les règles et tu ne les suivrais probablement jamais. Même si, tu t'étais fait arrêté parce que t'avais couvert une amie et non pas pour un réel délit. Mais ça, ça ne regardait que Noa et toi.

HJ:

À mon tour, je levai les yeux au ciel face à sa réponse arrogante. Si Luigi avait été un type plus doux, plus gentil, peut-être que ça se serait passé différemment entre nous. Mais ses airs de thug et ses antécédents me faisaient juste encore plus me questionner sur ce que j’avais bien pu faire de mal, aux yeux de mon père, pour que je n’en vaille pas la peine mais que Luigi, lui, soit tout pour lui. C’était moi qui avais son sang. C’était moi qui avais eu tellement besoin de lui il y avait de cela plus de dix ans maintenant. J’avais été laissé à moi-même. « T’flatte pas. J’suis pas content de te voir et j’m’inquiète encore moins de ce que tu peux bien foutre. Si ça peut faire en sorte que tu retournes plus vite en prison, tant mieux. » Je ne le pensais même pas, pas vraiment. Qu’il quitte ma vie, ça oui, mais peu importe pour quelle raison. Je ne lui souhaitais pas forcément de retomber dans ses mauvaises habitudes. Je voulais juste qu’il me rende cette vie qu’il m’avait volée. J’eus un rire à son avertissement. « J’serai jamais comme toi. » Affirmais-je, les dents serrées. « Parce que peu importe c’que mon père a vu en toi, moi j’sais que j’vaux bien plus. » Ou alors j’essayais de m’en convaincre, parce qu’en réalité c’était tout le contraire. Je m’étais construit par moi-même après tant d’années d’humiliation, de pauvreté et de misère. Et il avait suffit que Luigi débarque dans ma vie pour que je sente toutes mes fondations s’affaisser. « J’croyais que t’avais encore quelques mois à faire en-dedans. » Parce que même si j’aurais préféré me foutre complètement de lui, vivre d’une indifférence totale, ce n’était pas le cas. Je le détestais au point où il occupait une bonne partie de mes réflexions les plus tristes.