what about us (carlia)

Qu'est-ce que tu as fais pour mériter ça ? Pourquoi est-ce que cela se produit maintenant ? Tout un tas de questions se bousculaient dans ta tête alors que tu étais au volant de ta voiture pour rejoindre Townsville, et Tahlia. Depuis qu'elle t'a avoué avoir embrassé Ciàran, tu es hors de toi et tu ne sais pas comment canaliser cette énergie négative qui occupe tout ton corps. Pas lui, pas elle. Tu avais enquêté sur Ciàran, lors de ton arrivé à Bowen, car tu savais qu'il se tramait quelque chose de louche avec lui. Et maintenant, tu regrettes de ne pas être allé plus loin car il aurait pu être éloigné de la fille que tu aimes. Et puis Tahlia, cette femme a qui tu as confié ton coeur et tes plus profonds secrets. Tu lui en voulais, énormément, mais tu l'aimais, énormément. Certaines personnes diront qu'embrasser quelqu'un d'autre, ce n'est pas de la tromperie, qu'il ne faut pas en faire tout un plat. Mais pour toi, c'est pire que ça. C'est pire que de la trahison. Un simple geste, un simple mouvement de ravers et tu te sentais délaissé, trahi, perdu. C'est dingue à quel point cette fille a pu faire ressortir des émotions en toi qui avait disparu depuis des années. Au volant de ta voiture, la musique était à fond pour ne pas t'endormir sur la route car tu avais très peu dormi ces derniers temps. Remettant en cause la fidélité de ta petite-amie, ou ton incapacité à la garder près de toi et ne pas avoir fait ce qu'il fallait à ce moment là. Tu voyais le panneau de la ville où t'attendais l'ancienne policière se rapprocher au fur et à mesure, pianotant nerveusement sur le rebord du volant. Tu étais nerveux, stressé mais aussi énervé. Une fois dans la ville, tu garais la voiture et tu envoyais un simple message. Je suis arrivé, je t'attends. Des mots simples, brefs, et concis. Mais tu n'avais pas envie de d'étaler plus que cela. Alors tu sortais de la voiture, et tu t'allumais une cigarette. Une vieille habitude qui revenait lorsque tu étais en colère et qui te calmais. Adossé sur la portière, tu attendais l'australienne tout en crachant la fumée dans la ville où le soleil commençait à tomber petit à petit.

C'était trop beau. En l'espace d'une soirée, Tahlia avait fragilisé la belle histoire entre elle et Carter. En embrassant Ciàran, elle prenait le risque de perdre Carter. C'était le lendemain qu'elle s'était rendue compte de cela. Elle aurait pu le garder pour elle, mais heureusement pour son petit ami, Tahlia était une femme sincère et honnête. Alors, elle lui avait tout avoué et évidemment, l'échange par message s'était fait houleux. Il avait fallu attendre deux jours. Deux jours avant que son petit ami accepte de la voir. S'étant réfugiée à Townsville pour prendre du recul, le jeune britannique avait accepté de la rejoindre dans cette ville, comme si c'était leur no man's land. En sachant que Carter avait pris la route, Tahlia jetait sans cesse un regard sur son téléphone,  tournant en rond en attendant le message qui l'informerait de son arrivée. Elle redoutait la confrontation avec lui. Elle qui était toujours pleine d'assurance se faisait toute petite dans cette situation-là. Assise sur le canapé, alors que l'après-midi touchait à sa fin, elle sentit son cœur se serrer en entendant la sonnerie de téléphone la notifiant d'un message. Il était arrivé. Elle récupéra les clés et sortit de l'appartement, rejoignant l'endroit où ils avaient convenu de se retrouver. Il se trouvait là, près de sa voiture, cigarette en main, le regard au loin. En arrivant à sa hauteur, elle se contenta d'un timide « Salut. » Quand elle croisa son regard clair et sa mine fatiguée, elle se sentit honteuse de lui infliger cela, lui qui s'était ouvert à elle, qui s'était autorisé à aimer de nouveau. A l'aimer comme on ne l'avait jamais aimée. Tahlia était perdue, perdue entre une attirance incontrôlable et un amour puissant. Secouant la tête face à de telles pensées, elle reprit : « Merci d'être venu jusqu'ici. » Elle savait qu'il faisait cela pour avoir des explications mais c'était déjà un pas en avant. Il aurait très bien pu rester à Bowen et attendre qu'elle rentre. « Il y a un café pas très loin, si tu veux que l'on discute là-bas, sinon on est à deux pas de l'appartement... » Vu la conversation qui s'annonçait, il valait peut-être mieux aller à l'appartement. Mais en réalité, elle s'adapterait à ce que Carter voudrait. C'était lui qui avait toutes les cartes en main.

Cette nouvelle t’avait tué, comme si on venait de t’asséner un coup de poignard dans le coeur. Parce que Tahlia, tu l’aimais énormément, tu donnerais ta vie pour elle. Et savoir que quelqu’un d’autre l’avait approché comme tu le faisais quotidiennement, ça te plombait le moral. Toute l’après-midi, tu avais roulé jusqu’à Townsville, enchainant la musique rock’n’roll et les cigarette à travers la fenêtre. Avant de partir, tu avais laissé un mot à ta colocataire pour lui demander de prendre soin de ton fidèle partenaire et que tu ne savais pas quand tu allais rentrer. Quelques temps de route plus tard, tu étais arrivé à l’entrée de cette ville que tu ne connaissais pas. C’était un territoire neutre, celui où vous tombiez les armes pour parler. Tu la voyais arriver, sa démarche peu assurée et honteuse. « Salut » répondis-tu à la brune en retenant le regard sur elle, légèrement insistant. D’habitude, tu lui aurais sauté dessus, tu l’aurais pris dans tes bras et tu l’aurais embrassé. Mais c’était pas le cas aujourd’hui. Tes yeux étaient cernés, tu étais fatigués, mais tu avais vraiment besoin de savoir pourquoi ce baiser avec Ciàran avait eu lieu. « Je suis venu pour avoir des réponses à mes questions » dis-tu d’un air assez neutre, en crachant la fumée de ta cigarette dans les airs. Tu te relevais de la voiture où tu étais adossé et tu allais jeter le mégot de ta cigarette dans la poubelle à côté. « Allons à l’appartement, on sera plus au calme » répondis-tu à la brune en attrapant tes affaires dans la voiture avant de la fermer à clef. Tu suivais alors la brune jusqu’à cet appartement qu’elle avait loué. Le trajet se faisait dans le silence le plus total. Tu appréhendais, tu ne savais pas vraiment comment aller se terminer cette soirée, et tu avais peur de la tournure qu’elle pourrait prendre.

Face à lui, face à cette colère qu'elle lisait dans son regard, associée à une pointe de tristesse, Tahlia sentait toute cette culpabilité la ronger. Elle était stupide. Stupide de faire subir cela à un homme qui l'aimait et qu'elle aimait. Mais c'était aussi la preuve qu'elle ne lui avait pas menti. Elle n'était pas digne de son amour. Elle était trop instable. Elle ne le méritait pas. Pourtant, malgré cette prise de conscience, elle ne voulait pas le perdre. Egoïsme, espoir ou amour passionné ? Elle ne savait pas quelle en était la principale raison. Mais malgré cette trahison, ils étaient là, tous les deux, à tenter de comprendre ce qu'il s'était passé. C'était peut-être sans intérêt, il n'y avait peut-être plus d'espoir de recoller les morceaux, mais il fallait tenter. Captant le regard de Carter sur elle, Tahlia tourna la tête vers lui, affrontant ce regard insistant et cet air qu'il voulait neutre, qui la blessait tant. D'ordinaire, il l'aurait prise dans ses bras, elle se serait collée à lui et elle aurait reçu ses baisers avec joie. Là, il n'y avait rien de tout cela. Il restait loin d'elle. Il ne voulait que des réponses à ses questions, comme il le disait, toujours aussi neutre. « Je sais que tu n'es pas venu pour autre chose. » répondit-elle dans un long soupir. Non, elle savait qu'il n'était pas venu pour passer du temps avec elle, pour une jolie sortie de couple. Cette sortie était plutôt destinée à savoir s'ils allaient encore former un couple, devrait-on dire. Elle hocha la tête quand il lui répondit qu'il valait mieux aller à l'appartement. On sera plus au calme. Ou c'était sûrement l'endroit le plus approprié pour s'en prendre plein la tête. Elle lui montra la direction à prendre et ouvrit la marche. Pas un mot ne se fit entendre durant ce trajet, un trajet qui sembla plus long qu'il ne l'était en réalité. La tension était palpable, le malaise omniprésent. Arrivés à l'appartement, ils se dirigèrent jusqu'au salon où elle laissa Carter poser ses affaires. Elle se contenta d'aller dans la cuisine afin de servir deux cafés qui seraient sûrement la bienvenue. Les tasses en main, elle posa celle de Carter devant lui et s'installa sur l'une des chaises de la grande table. Ses mains entouraient la tasse chaude, dans l'espoir de se réchauffer. La température était pourtant agréable aujourd'hui, mais le stress et la fatigue la rendaient frileuse. Elle rompit le silence : « Je ne sais pas par quoi commencer... » Elle posa son regard sur lui avant d'ajouter : « Mais je veux que tu saches avant toute chose que je suis vraiment désolée. » Elle l'avait dit par texto, mais là, c'était dit en face. Au moins, il voyait à quel point elle était sincère. Prête à répondre à tout.

En colère, énervé, sous pression. En fait, tu ne savais que ressentir. La seule chose que tu voulais c'était la prendre dans tes bras et ne jamais cesser de l'éteindre. C'est l'effet qu'elle te faisait, Tahlia. T'étais amoureux, et Dieu sait que tu ne croyais plus en l'amour avant de la rencontrer. Ce sentiment qui te poussait à faire n'importe quoi. Mais aussi qui réussissait à te raisonner. Tu aurais pu parler aussi avec Ciàran, connaître ses faits à lui. Mais à vrai dire, tu n'avais même pas envie de le voir. Alors tu avais accepté l'entrevue avec l'australienne, pour comprendre, pour savoir les tenants et les aboutissants de ce qu'elle avait commencé à te dire par message. Lorsqu'elle affirma qu'elle savait que tu n'étais pas venu pour autre chose que des réponses, tu acquiesçais d'un signe de tête. Et tu la suivais dans les rues de Townsville, qui t'étais inconnu. Le trajet fut calme et silencieux, mais il régnait une tension entre vous que n'importe qui qui pourrait croiser votre chemin le sentirait. En un rien de temps, vous étiez dans le fameux appartement que Tahlia avait loué, et tu pris place autour de la table qui prônait dans le salon. La brune apporta deux tasses de café et tu la remercias brièvement. Avant de porter le liquide à tes lèvres, tu posais ton regard sur la jeune femme qui ne semblait pas savoir où commencer ses explications. « Commences par me dire qui est Ciàran pour toi » demandas-tu à la jeune femme. Tu ne connaissais que très peu cet homme. Tu savais qu'ils se connaissaient, l'italien te l'avait convié lors de l'une de vos soirées billards. Mais tu ne savais pas ce qu'il ressortait de cette relation. C'était peut-être des exs, des amis, des ennemis, des amants enfin tu ne savais rien et des milliards de scénarios se bousculaient dans ta tête. Elle était désolé, tu le voyais et tu l'entendais. Mais tu n'arrivais pas à l'imprimer dans ta tête. « Qu'est-ce qui t'es passé par la tête pour que tu fasses ça ? » commenças-tu par dire. Tu posais la tasse sur la table et tu pris ta tête dans tes mains. « J'ai fais quelque chose de mal ? Tu m'aimes plus ? Dis-le, ça sera peut-être plus facile à entendre » finis-tu en posant un regard sur elle. C'était un regard perdu, pas en colère, juste perdu. Qu'en était-il de votre relation maintenant ? Qu'allait-il en advenir ? Les questions fusaient trop rapidement dans ta tête et tu ne pouvais pas toutes les poser en même temps.

Il n'y avait pas que la froideur de Carter qui blessait l'australienne. Il y avait aussi cette crainte de ne pas réussir à dépasser cette épreuve. Elle avait cette terrible impression qu'ils ne sortiraient pas indemnes de cette conversation et en général, son instinct ne la trompait que très peu. L'idée de ne plus le voir quotidiennement, de ne plus sentir ses mains sur elle, ses bras autour de son corps, de ne plus avoir à se réveiller à ses côtés, cela la minait énormément. C'était peut-être pour cela qu'elle avait rejoint l'appartement, sans un mot, la tête baissée, abattue. Alors qu'ils prirent place à cette table, cafés en main, Tahlia tapotait nerveusement son pied à terre. Elle n'avait pas l'habitude des discussions de couple de ce genre, elle n'était jamais restée suffisamment longtemps avec quelqu'un pour discuter sérieusement de l'avenir de leur couple. Si tant est qu'il y avait un avenir... En général, la dispute menait sur une rupture, d'un commun accord. Le seul avec qui elle aurait pu discuter de cette manière, c'était Elias. Mais malheureusement, à chaque fois qu'ils se disputaient, au lieu d'avancer et de mettre de l'eau dans son vin, les deux tourtereaux terminaient le dialogue par des cris et des coups. Alors, oui, cette nervosité, Tahlia ne la connaissait pas plus que cela. Elle ne savait pas par où commencer. Ce fut Carter qui prit les devants en lui demandant clairement qui était Ciàran pour elle. Une question à laquelle elle répondit honnêtement : "Je ne sais pas..." Ce n'était pas une envie de lui dissimuler quoique ce soit.  "Ce n'est pas mon ami, ce n'est pas mon amant. On n'a pas de passé en commun." Mais il la rendait folle. A chaque fois qu'il était dans les parages, il éveillait un désir destructeur, une envie de le protéger en dépit de soi, en dépits des parts obscures de lui-même qu'il ne lui cachait pourtant pas. C'était inexplicable. Et puis il y avait ce secret, ce secret qui liait l'ex-policière et le mafieux, qu'elle ne pouvait surtout pas dire à Carter, lui l'agent travaillant pour le MI6. Dès le début, Tahlia s'était mise dans une situation délicate, tiraillée entre deux. Mais elle avait eu l'espoir, l'envie de parvenir à combattre cette dualité. En vain... Voir Carter dans cet état, se prenant la tête entre les mains, avec une tristesse qu'elle n'avait plus vu chez lui depuis un long moment démontra à la jeune femme qu'elle s'était royalement plantée. Elle n'était pas la seule à être mise à mal avec ce baiser. Il y avait Carter dans le lot,... et Harmonie pas très loin. Entendant sa dernière question, la brune secoua vivement la tête : "Tu n'as rien fait de mal. Absolument rien." Elle savait que cela ne rassurerait en rien Carter, mais elle tenait à prendre l'entière responsabilité de son acte. "Je t'aime et je ne veux pas que tu en doutes." Bien sûr qu'elle l'aimait. Elle l'aimait tellement. Mais elle savait aussi que se jeter dans les bras d'un autre n'était pas normal.  "Mais... mais je crois que je n'ai pas tout réglé de mon côté..." Elle avait essayé de s'éloigner de Ciàran, elle avait cru être passée au-dessus de son attirance. Mais cette soirée lui avait montré qu'il y avait toujours quelque chose en elle qui se rattachait à l'italien. Et cela au détriment de Carter.

Pas un mot n'avait été lâché, et tu te demandais bien comment briser ce silence infâme qui rongeait ton coeur. Mais tu ne savais pas par où commencer, et tu te doutais bien que l'australienne ne le savait pas non plus. Tu étais remonté contre elle, mais il n'empêche que tu aurais donné n'importe quoi pour la prendre dans tes bras et la serrer fort. Ou bien pour l'entendre dire que c'était faux. Mais c'était stupide d'inventer une histoire comme ça. Alors tu attendais, sagement. Tahlia t'apporta une tasse de café que tu serrais dans tes mains comme pour te réchauffer ou te consoler, plutôt. La notion de couple t'avait fait peur au début de votre relation, mais finalement, tu avais mis tes idéaux de côtés et tu t'étais laissé tenté par le choix du coeur. Elle avait réussis, à te faire croire de nouveau en l'amour. Mais pourtant, ce soir, tu avais tout perdu. Alors tu demandais, tu osais demander que représentait Ciàran pour elle et surtout pourquoi elle avait agi ainsi, dans ce moment d'égarement. « Il doit bien y avoir quelque chose pourtant, Tahl' ! Dis-le moi » dis-tu en levant les mains en l'air pour montrer ton agacement. Tu repris ta tasse de café dans les mains et tu en bus quelques gorgées avant de replonger ton regard dans le sien, et attendre ses explications. On ne fait pas ce genre de choses avec quelqu'un pour qui on a pas d'attachement, enfin c'est ce que tu pensais. Tu ne te doutais pas du tout du secret lourd qui réunissait la policière et l'italien. Et tu crevais d'envie de savoir, pour comprendre, tout simplement. Mais ce n'était pas si simple. Les choses ne sont jamais aussi simple. L'entendre dire que tu n'avais rien fait te soulageait, d'un côté. Tu n'étais pas le fautif, enfin tu n'avais pas de raison de t'en vouloir. Mais secrètement, tu te demanderais quand même toujours si tu n'es pas en lien avec ce qu'il s'est passé. Je t'aime et je ne veux pas que tu en doutes. Ses mots t'avaient blessés comme ils t'avaient soulagés. Comment était-ce possible ? « Permets-moi d'en douter, au vu de la conversation qu'on a » soufflas-tu ironiquement. Se serait surement mal interprété, mais des fois, tu n'avais pas forcément le tact adéquat dans ce genre de situation. Puis, tu ne connaissais pas ce genre de situation. C'était une grande première pour toi. Encore, vous aviez eu des discutions assez sérieuses, encore ce sujet là, tu ne pensais jamais l'aborder avec elle. « Pourquoi tu ne m'en as pas parlé avant ? » demandas-tu simplement, lorsque la jeune femme expliqua ne pas tout avoir réglé de son côté. Tu savais que tu n'étais peut-être pas la meilleure des personnes pour écouter les autres, mais avec elle, tu pouvais tout écouter, tout entendre. Enfin, sauf le fait de l'entendre dire qu'elle avait embrassé un autre homme que toi. « Du coup, ça veut dire quoi tout ça ? Que c'est fini entre nous ? Que tu veux régler tes affaires avant ? Ou que je suis de l'histoire ancienne ? » demandas-tu toujours aussi maladroitement. Les mots ne sortaient pas forcément d'une façon cohérente parce que tu étais nerveux, nerveux de la perdre et de t'en aller de cette ville célibataire et sans Tahlia.

Tahlia redoutait ce silence, tout comme elle redoutait les mots de Carter. Alors qu'il serait parfaitement en droit de lâcher son venin, elle avait peur de ce qu'il pouvait bien lui dire. Il était l'un des rares qui pouvaient l'atteindre au plus profond d'elle, l'un des rares à avoir percé la carapace qu'elle s'était forgée. Face à lui, elle était vulnérable. Et cela se voyait dans le moindre de ses gestes, maladroits et hésitants. Elle était bien loin, la femme pleine d'assurance, la tornade brune qu'elle était originellement. Carter fut le premier à poser les questions qu'il fallait, pour ne pas tourner autour du pot. La nature de sa relation avec Ciàran fut directement évoquée. Elle essaya de ne pas trop en dire, tout simplement parce qu'elle n'avait pas les mots pour qualifier cette relation, mais cela ne suffit pas à son petit ami qui leva les mains, dans un geste d'agacement. « Comment veux-tu que je t'explique une relation que je ne parviens pas à expliquer moi-même, Carter ?! Je sais juste que, quand il est dans les parages, je ne réponds plus de rien... » Elle l'avait dit. Elle avait laissé entrevoir que Ciàran ne la laissait pas indifférente. Et que cela la tiraillait. Ce baiser, bizarrement, elle ne le regrettait pas. Elle regrettait simplement le mal que cela occasionnait autour d'eux. Le mal que ça faisait à Carter, alors qu'elle n'avait rien à lui reprocher. Il était l'homme parfait. Doux et protecteur. Et elle l'aimait. Oh oui elle l'aimait tellement. Et c'était parce qu'elle l'aimait qu'elle se devait d'être sincère avec lui, même si cela faisait mal, même s'ils fonçaient droit dans un mur. Alors qu'elle lui fit part de son amour, la réponse pleine d'ironie lui fit un pincement au cœur. Mais elle le méritait. « Tu es en droit d'en douter, mais depuis le début, je suis sincère avec toi. » Elle lui avait avoué le baiser avec Ciàran. Elle lui avait dit qu'elle était la seule fautive dans l'histoire. Et maintenant, elle lui avouait ce qu'elle craignait le plus. Elle avouait enfin qu'elle n'avait pas tout réglé de son côté. Tahlia était instable. Trop instable. Elle ne voulait pas entraîner Carter dans sa chute, lui qui avançait encore comme un funambule. « Je pensais pouvoir passer au-dessus de tout ça. » répondit-elle à sa première question. Oui, elle avait cru être suffisamment forte pour dépasser les obstacles. Elle avait trouvé toute son énergie chez Carter, au sein de leur couple qui lui avait redonné de l'espoir. Mais aujourd'hui, cela ne suffisait plus à éclaircir les parts les plus sombres de la brune. Elle n'était pas saine pour lui. Pas pour l'instant du moins. Pas tant qu'elle n'aurait pas tiré un trait sur tout ce qui l'éloignait de lui. Les dernières questions de Carter furent difficiles à entendre. Pour le coup, elle aurait aimé qu'il s'énerve, qu'il la largue pitoyablement. Mais il lui laissait les cartes en main. Les larmes commencèrent à lui monter aux yeux, ses doigts jouant nerveusement : « Tu n'es pas de l'histoire ancienne. » Elle refusait qu'il pense cela, qu'elle l'éclipsait d'un claquement de doigts. Ce n'était pas le cas. Elle souffrait à l'idée de le perdre. Mais... « Mais on ne peut pas continuer comme ça. Je ne peux pas continuer comme ça alors que mon esprit ne t'est pas totalement dédié... » Elle ne parlait pas que de Ciàran en disant cela. Elle était à un tournant de sa vie où elle se reprenait en pleine face toutes les déceptions du passé, tant occultées. Ce n'était pas une mauvaise passe. C'était un bouleversement. Et elle devait apprendre à se recentrer, à apporter des réponses à ses nombreuses questions avant de se donner complètement. « Je suis tellement désolée, Carter... » Désolée de lui faire du mal, désolée de ne pas être à la hauteur. A sa hauteur. Certaines attendaient des années avant de trouver leur perle rare. Elle, elle l'avait trouvé. Et aujourd'hui, elle s'apprêtait à la laisser lui échapper...

Lâcher les premiers mots de cette conversation avaient été à contre coeur, vraiment. Parce que tu te doutais de la fin de cette soirée. Et tu n'en avais pas envie. Tu avais demandé à l'australienne ce qu'était Ciàran pour elle, et c'était flou. Ok, tu ne comprenais pas très bien. Ou plutôt, tu n'avais pas envie de comprendre. Parce que tu ne voulais pas, au fond de toi, qu'un autre homme ait une place dans son coeur. Alors tu insistais et c'est là que tu compris avec sa réponse qu'elle-même était perdu dans sa tête et dans son coeur. « Ah, c'est à ce point là » dis-tu en baissant les yeux vers ta tasse de café. Donc tu n'étais pas le seul homme dans sa tête, toi qui pensait pourtant l'être. Et qui rêvait de l'être. Mais elle était tourmenté, et ça te tourmentais aussi. Tu jouais nerveusement de tes doigts sur la tasse, ne sachant pas quoi dire à ce qu'elle t'annonçait. C'était horrible comme sentiment. Tiraillé entre écouter ton coeur et la prendre dans tes bras et écouter ta raison et prendre la fuite avant qu'il ne soit trop tard. Elle était sincère, elle t'aimait réellement. Mais tu en doutais encore, même après ces propos qui pourraient te rassurer. Tu avais besoin d'entendre ça, entendre le fait que depuis le début elle ne te mentait pas et qu'elle ne jouait pas avec ton coeur et tes sentiments. « Au moins, tu as été sincère » dis-tu simplement toujours le regard vers le bas. Oui, c'était une chose que tu ne pouvais pas nier. Mais tu aurais préféré ne pas savoir et que tout se passe comme d'habitude. Tu ne voulais pas affronter son regard, on aurait dit un enfant qui avait fait une bêtise. Et pourtant, c'est pas toi qui avait fait la bêtise. Tu sentais dans sa voix que la jeune femme allait craquer, tout comme toi tu allais le faire aussi. Les larmes bordaient tes yeux, tu avais tellement peur, tu te sentais tellement démuni. La voix tremblante, les mains qui tapotaient toujours contre la tasse, tu finis par lever les yeux vers Tahlia, l'implorant de ne pas te laisser comme ça. Tu ne tolérais pas du coup ce qu'elle avait fait, mais bon dieu que tu avais besoin d'elle dans ta vie pour que tu te sentes mieux. « Je... whoa... euh... » dis-tu entre deux larmes qui roulaient sur ta joue. Tu bégayais, surement de stress, d'énervement. Mais tu avais peur. Peur de retrouver seul comme tu l'étais avant. Alors tu te levais, et tu regardais la brune encore une fois. « Je... peux pas rester plus longtemps, si c'est comme ça » finis-tu par dire en ayant rassemblé tout ton courage pour cette phrase.

C'était dur. Dur de dire tels mots, de mettre à nu des ressentis qu'elle ne comprenait pas face à l'homme qu'elle aimait tant. Il était dur d'avouer une attirance inexplicable alors qu'elle avait Carter, cette homme qui l'avait rendu heureuse, ces derniers mois. Elle aurait voulu être tout à lui, lui être dévoué, l'aimer à la hauteur qu'il devrait être aimé. Mais elle lui avait déjà dit, lors de cette soirée où son secret sur Elias avait explosé : elle n'était pas saine. Il pouvait trouver tellement mieux. Et son attitude, ce qu'elle avait fait, lui laissaient croire qu'elle avait raison depuis le début. Elle ne se pensait pas à la hauteur pour lui et ses derniers déboires la poussaient davantage vers ce constat-là. Elle ne savait plus où elle en était. Elle ne savait plus qui elle était. Elle était perdue, déboussolée. Complètement paumée. Et elle n'avait pas le droit de faire subir cela à Carter, qui avait déjà un lourd passé derrière lui. Alors, oui, elle avait été sincère. Elle lui avait tout dit. Elle lui disait tout. Elle lui disait tout ces sentiments qui la malmenaient, elle lui disait l'amour qu'elle lui portait en dépit de tout. Même s'il doutait sûrement de cet amour qu'elle lui portait – qui était pourtant bien là, réel et vrai - il reconnaissait au moins sa sincérité. « Je serai toujours sincère avec toi. Il ne peut pas en être autrement. » Tahlia n'était pas une menteuse. Elle assumait toujours ses actes et ses mots. Et surtout parce que c'était Carter, celui qu'elle couvait depuis son arrivée à Bowen. Il était son ami, sa bouffée d'air frais, celui qui faisait ressortir ses plus belles parties d'elle-même. Mais de l'autre côté, il y avait ce passé toujours pesant, il y avait cette confiance en soi plus basse que terre,  cette remise en question suite à son travail, cette impression de n'être qu'une bonne à rien. D'être un fardeau. C'était tout cela qui la poussa sur sa lancée et qui l'amena à lâcher les mots fatidiques. Elle ne pouvait pas continuer comme cela. En dépit de tout cet amour, ils ne pouvaient pas rester comme cela, alors qu'elle ne savait même pas où elle mettait les pieds. En voyant le regard de Carter, implorant, en voyant ses larmes couler sur ses joues, en voyant cet air sonné, Tahlia laissa les larmes couler à son tour. Elle souffrait. Elle souffrait terriblement. C'était son cœur qu'elle piétinait, stupidement. C'était le dernier lien qui l'empêchait de sauter dans le gouffre qu'elle coupait aujourd'hui. Alors qu'il se releva, elle se releva aussi, s'empêchant de faire un pas vers lui, se retenant de poser cette main sur lui qu'elle laissa retomber le long de son corps. Intimement, elle avait envie de lui crier de revenir vers elle, de la prendre dans ses bras, de l'embrasser comme jamais. Sonnée, elle revint cependant à la réalité en entendant sa dernière phrase. Il allait partir. Comme ça, dans un état qui la préoccuperait. « Tu... tu n'es pas obligé de partir maintenant. Il se fait tard et la route est longue. » Elle croisa les bras contre elle, frissonnant face au flux d'émotions. « Il y a une deuxième chambre. Je... je te promets que tu ne me verras pas de la soirée. Mais... reste. » S'il te plaît, souffla-t-elle dans un murmure. Même si elle était la fautive dans l'histoire, elle ne pouvait pas le voir partir comme ça, sans un mot. Elle ne pouvait accepter l'idée de le voir tourner les talons et s'éloigner d'elle, peut-être à jamais...

C’était dur, ça faisait mal. Mais c’est ainsi que ça devait se faire. Tu avais l’impression que tout ton monde était entrain de s’écrouler et tu avais peur de ça. Peur de la suite, peur de comment ça allait se passer les jours qui venaient. Sans Tahlia, sans son aide, sans sa joie et sa bonne humeur. Ta tête te faisait mal, trop de questions étaient entrain de tourner dans ta tête sans que tu ne trouves de réponses. Et la seule réponse qui allait permettre à ces questions d’arrêter de tourner était que c’était la fin. La fin de quelque chose de beau et de sincère. Comme elle le sait. L’australienne avait toujours été sincère avec toi, et tu espérais vraiment qu’elle disait vrai parce que sinon, ton coeur aurait encore plus était meurtri qu’il ne l’était déjà. A sa réponse, tu hochais la tête bêtement, pour lui faire comprendre que tu avais compris et que tu prenais en considération ce qu’elle venait de te confesser. Tu soufflas de soulagement. Tu aurais pu être violent, faire n’importe quoi, mais tu n’avais pas envie de perdre tes moyens devant elle. après tout, tu étais amoureux d’elle, et il n’était pas question de la perdre de cette façon. Vous étiez tout deux peinés par cette situation, tu le voyais qu’elle n’était pas bien non plus. Et tu n’en espérais pas moins, sinon cela voudrait dire qu’elle n’en avait que faire de cette situation. Pris dans un élan d’adrénaline, tu te levais de la chaise en expliquant à la brune que tu devais partir. Non pas que tu le voulais, tu te devais de le faire. « Je… je peux pas rester, Tahl… » dis-tu dans un souffle. Tua attrapais tes affaires, et tu mis ta veste sur le dos. Il était hors de question que tu restes à Townsville, dans le même appartement qu’elle. Tu n’aurais eu qu’une envie, c’est partager ce moment avec elle. Mais non, tu avais besoin de te vider la tête. Et conduire le reste de la nuit, ça t’aiderais grandement. « A… à bientôt, I guess… » dis-tu en tournant les talons vers la sortie. Tu savais qu’au moment où tu allais franchir cette porte c’était réellement la fin. La descente aux enfers, même. Tu adressais un dernier regard à la brune avant de prendre la porte et de rejoindre ta voiture, seul. Désemparé, désespéré et triste.

FIN DU SUJET.