don't wanna go back to that place, but don't have no choice (wooma)

Tous les dimanches c’est le même calvaire qui recommence. Le sacro-saint dîner familial où tu es obligé de te présenter à moins d’avoir une excuse valide comme par exemple ne pas être dans le pays. Tu as réussi à y échapper relativement souvent au cours des dernières années grâce à cette technique. Tes reportages t’emmenant au bout du monde, tu ne pouvais pas être présente, bien malheureusement. Mais aujourd’hui, clouée à Bowen, pas question d’y manquer. Tu y vas à reculons, tu détestes ça. Ces personnes t’ont élevé, t’ont intégrée comme leur propre enfant, pourtant tu ne t’es jamais senti à ta place. C’est en parti à cause du comportement de Woody. Pour lui tu n’as jamais fait partie de leur fratrie, il te l’a toujours fait comprendre, brutalement. Tu lui en as toujours voulu même si tu as gardé tes ressentiments pour toi et que tu as toujours évité de joindre aux conversations familiales l’enfer qu’il a pu te faire vivre lorsque vous étiez sous le même toit. Le revoir chaque semaine te crève un peu plus le cœur, à faire comme s’il ne voyait rien de la souffrance que tu peux ressentir aujourd’hui à cause de lui. Durant le repas tu parles peu et tu laisses les autres faire la conversation pour toi. Tu te concentres davantage sur le niveau de la bouteille de vin que tu fais baisser. Boire pour oublier, c’est définitivement ton mot d’ordre chaque dimanche. A la fin du repas tu te lèves pour aller fumer dehors et t’échapper quelques minutes. En revenant tout le monde s’est réparti les tâches pour ranger la table et la cuisine. Tu n’as plus le choix que de collaborer avec Woody pour la vaisselle. A contre cœur tu te diriges vers la cuisine et attrape l’éponge pour commencer à nettoyer les assiettes. Tu te concentres sur l’évier, pour tenter d’oublier Woody à côté de toi. « T’as qu’à essuyer les trucs. » tu lui lances de manière un peu autoritaire.

Après sept semaines d’exil, après sept semaines de découverte d’un autre monde mais aussi de lui-même, Woody était finalement revenu à Bowen, prévenant aussi peu de monde que lorsqu’il en était parti. Parti pour retrouver son premier amour, le seul amour qu’il avait cru pouvoir vivre un jour, et pourtant en si peu de temps il s’en était passé des choses dans la vie de Woody. Trop rapidement. Semant le chaos dans sa tête et dans son cœur. Ce retour aux sources avait été plus que nécessaire. Mais le retour à la réalité était brutal, difficile, et le fait qu’il arrive pile pour le repas du dimanche avec les Rutkowski n’aidait en rien cet atterrissage pas vraiment en douceur. Woody aimait sa famille, détrompez-vous. Seulement, parfois, c’était difficile de faire semblant face à eux. De faire semblant que tout allait bien. De faire semblant que dans sa tête ne se débattaient pas de nombreux démons le tirant vers le bas. Et un peu trop souvent, c’est après de longues journées passées à porter un masque que Woody avait éclaté, sur Selma. Selma, cette cousine qui avait intégré assez tôt sa famille, changeant la dynamique mais surtout offrant à Woody un punching bag qu’il avait utilisé dans ses pires moments. Elle n’avait pourtant rien demandé, Selma, et surtout elle n’avait rien fait pour mériter la hargne de Woody. Mais Woody choisissait ses victimes d’une manière aléatoire, injuste et cruelle, et sa cousine avait été l’une des premières à recevoir toute cette noirceur qu’il déversait sur qui s’attardait trop longtemps dans sa vie. Elle n’en avait pas eu le choix, de s’attarder. Après le repas, Woody se leva pour aller débuter la vaisselle, et rapidement ses parents assignèrent Selma à la tâche, elle aussi. Il soupira, de la cuisine. Ils avaient toujours essayé de les rabibocher, ne se doutant pas une seule seconde de tout ce qui avait pu se passer lorsqu’ils avaient le dos tourné. De tout ce qu’il avait pu faire endurer à la jeune femme. « Oui, chef. » Lança Woody en attrapant le linge à essuyer qui était accroché derrière l’une des portes d’armoire. Son escapade en Chine aurait dû lui faire ouvrir les yeux sur cette relation toxique qu’il avait lui-même installée, mais son cœur était déjà trop noir pour être éclairci. « C’est pour ça qu’on t’a virée de ton boulot ? Tu jouais trop à la p’tite boss des bécosses ? » Se moqua Woody.