Make time for girls' night (Ally)

Quand Tahlia avait croisé Ally, par hasard, au détour d'une ruelle de Bowen, il fallait avouer que la surprise avait été bien grande. Surtout quand elle avait vu le petit garçon qui était désormais à ses côtés et qui avait éveillé pas mal de questionnements chez la brune. Ally avait rapidement quitté Bowen et l'âge du petit garçon devait se situer dans ces eaux-là. Avait-elle quitté Bowen enceinte ? Enceinte de Concho ? Si cela était le cas, elle en connaissait un à qui cela allait lui mettre un coup : Concho, évidemment. Les deux femmes s'étaient toutefois rapidement quittées, sans trop parler, parce qu'elles avaient chacune un rendez-vous de leur côté. Mais elles se promirent de prendre rapidement contact. 

Ce jour-là était enfin arrivé. Après quelques échanges de textos qui montraient que leur ancienne complicité n'avait pas pleinement disparu - c'était simplement la vie qui les avait quelque peu éloignées - Tahlia proposa à Ally une soirée sushis dans un petit restaurant, qui avait ouvert ses portes quelques mois auparavant. Le genre de soirée saine où Tahlia ne finirait pas complètement déchirée, un état physique qui était devenu bien trop courant depuis son licenciement. Déjà sur place, la brune attendait Ally, les yeux rivés sur son téléphone. Toujours pas de nouvelles de son petit ami - si tant est qu'elle pouvait encore l'appeler de cette manière - ce qui lui arracha un soupir non dissimulé et le retour de son téléphone dans son sac, dans un geste énervé. Elle n'était pas là pour se miner le moral, de toute façon. Heureusement, Ally arriva à cet instant, ce qui provoqua un large sourire chez la brune, qui se releva pour la serrer chaleureusement dans ses bras. "Salut !" Alors qu'elles prirent place à leur table, Tahlia ajouta, en souriant : "ça fait trop bizarre de te revoir là !" Mais dans ses paroles, on sentait la joie de la revoir après tant de temps. "Tu as laissé le petit, du coup ?" Elle se doutait que cela devait être le genre de galère pour la mère célibataire qu'elle était. Et cela permettait d'aborder aussi ce sujet qui lui brûlait les lèvres : l'enfant.

La surprise avait été mutuelle, ce jour-là. Tahlia était apparue sous mes yeux et sur le coup, l’anxiété m’avait vivement gagné! J’avais même eu peur pour Max dans le contexte présent... On s’était promis de se revoir et effectivement, aujourd’hui était le jour J. Je m’étais soigneusement préparée pour cette journée qui allait être légèrement complexe et je savais que j’allais devoir jouer sur les mots. Je préparais déjà ma défensive. J’arrivais dans le restaurant de sushis où j’espérais que Tahlia aurait dû me fausser compagnie, mais non, elle était là. « Hey! » Je lui faisais un grand sourire alors qu’elle me saluait et quelque part, ça me rassurait. Je respirais doucement et je l’étreignais avec un sourire. « Dans un restaurant de sushis, oui je sais! » dis-je en plaisantant pour camoufler mon profond malaise. La femme allait droit au but en me demandant ce qui en était de Maxwell. Je m’installais devant elle en haussant les épaules. « Oui, c’est un ami qui le garde. » lui dis-je avec un sourire. Je n’avais rien à craindre d’Henri et j’irais jusqu’à lui confier ma vie. Je m’installais, je prenais une grande respiration. « Allez, vas-y. Pose-les toutes tes questions et j’y répondrai. » Dis-je en tentant de faire un sourire comme pour m’amuser de la non-discrétion de Tahlia. Je commandais une coupe de vin blanc pour me donner un peu de courage de répondre à ses questions qui me mettraient dans l’embarras.

C'était une mauvaise impression ou Ally avait l'air quelque peu... tendue ? Cela faisait écho à la dernière rencontre de Tahlia avec Salomé, qui était partie aussi rapidement que la jolie rousse qui se trouvait face à elle, et qui avait été quelque peu gênée face à Tahlia. Si bien que l'ex-policière se demandait quelle image elle avait auprès de ses amies. Certes, elle était brute de décoffrage quand on la poussait dans ses retranchements, mais elle était tout de même à l'écoute et compréhensive, non ? Tahlia se mit à rire à la petite blague de son amie, sûrement pour apaiser l'atmosphère qui était assez lourde. Alors qu'elle s'installa à la table, Tahlia demanda où se trouvait le petit. Cela ne l'aurait pas gêné qu'il vienne avec sa mère. La brune adorait les enfants. Mais si Ally l'avait fait garder, c'était peut-être pour pouvoir s'expliquer auprès de Tahlia. Même si honnêtement, Ally ne lui devait rien. Même si Tahlia ne pouvait pas prendre partie dans l'histoire entre Ally et Concho, tout simplement parce qu'elle les aimait autant l'un que l'autre. Elle sortit cependant de ses pensées quand Ally lui demanda de poser toutes les questions qu'elle souhaitait. « Tu sais que je ne suis plus flic ? Les interrogatoires, c'est terminé pour moi. » répondit-elle dans un sourire. Elle commanda un verre de vin blanc, elle aussi, avant de reporter son regard sur Ally. « Disons juste que ça m'a étonné de te voir avec un enfant... surtout si grand. » La brune esquissa un sourire, pour montrer qu'elle ne lui faisait aucun reproche. Qu'elle voulait juste savoir. « ça... ça a un rapport avec Concho ? » Bon, inutile de tourner autour du pot. Et demander clairement qui était le père du petit. Comme ça, ce sera fait.

J’étais tendue, stressée et anxieuse. Je savais tout ce qui relèverait de ce repas et ça me stressait. Ça me passait en tête en boucle et je ne pouvais rien préparer. L’ambiance était lourde malgré le fait que je tentais de détendre l’atmosphère et de l’autre côté, je voulais crever cet abcès qui me torturait l’esprit. J’avais l’impression d’avoir l’épée de Damoclès qui pendait près de moi. La femme débutait avec le fait qu’elle n’était plus flic et je restais surprise un peu. « Non, je ne savais pas. Comment tu prends la chose? » Demandais-je curieuse, mais aussi intriguée. Tahlia était la personne parfaite chez les flics, pourquoi ce soudain revirement?

Les coupes revenaient presqu’aussi rapidement qu’on les avait commandées et quelque part, c’était bien comme ça parce que j’en aurais besoin. J’en prenais une longue gorgée. « Il est merveilleux. » Dis-je avec un sourire les yeux pétillant en parlant de mon fils. La femme posait la question et d’office, je baissais le regard à son soupçon. Même pas besoin de passer au détecteur de mensonges. « En quelques sortes, oui. » Dis-je finalement en n’évitant pas un soupir. « J’le savais pas. J’suis arrivée en Amérique et j’te jure que s’il ne s’était pas autant accroché, je l’aurais perdu. » Avouais-je un peu tristement. Après un wild, après des moments de tourments hors du commun, des activités sportives, des décalages horaires, un nouvel emploi, de nouveaux amants... Maxwell s’était bien accroché durant les neufs mois qu’il était en moi. « On peut avoir 2 shots, s’il-vous-plaît? » Je les attendais de pied ferme. Ils arrivaient. Je les engloutissais rapidement. Je prenais une grande inspiration qui ressortait. « Et non, Concho le sait pas. » Bon bah voilà, l’abcès était crevé. Restait à voir si les shots resteraient en moi eux aussi – ou pas.

Ally s'attendait automatiquement à un tas de questions de la part de Tahlia, parce qu'elle en posait toujours énormément. Pas étonnant qu'elle soit devenue policière, elle qui avait voulu l'être depuis sa plus tendre enfance. Elle tenta un peu d'humour en sous-entendant qu'elle ne l'assommerait pas de questions, sous prétexte qu'elle n'était plus flic. Elle ne s'était pas attendue à ce que son amie rebondisse sur cette nouvelle. Tahlia secoua la tête quand la rousse demanda comment elle le vivait : « Mal. Mais ce n'est pas le sujet du jour. » Encore une fois, elle minimisait son ressenti, son mal-être. Mais c'était la meilleure solution : s'oublier. Les verres arrivèrent et les premières questions pour Ally aussi. Tahlia fut attendrie de voir le sourire sur les lèvres de la jeune femme alors qu'elle parlait de son fils. Ce gamin avait métamorphosé Ally, et c'était beau à voir. Elle lui avoua alors que Concho était relié à eux, qu'il était le père du petit Maxwell. Tahlia s'en doutait à l'instant où elle avait appris qu'Ally était revenue avec un petit garçon. La brune hocha la tête quand Ally lui confia qu'elle n'avait pas eu une grossesse tranquille, de par sa vie mouvementée. « Tu as un petit warrior, là. » répondit-elle avec un sourire, afin d'alléger la tristesse de son amie. Maxwell était là. En bonne santé malgré la grossesse animée. C'était ce qu'il fallait retenir. Elle la regarda commander deux shots et les avaler tout aussi vite. Tahlia ne dit rien, se disant qu'elle avait simplement besoin d'un remontant vu ce qu'elle annonçait. Et ce qu'il fallait retenir, aussi, c'était le fait que Concho n'était pas au courant. C'était là que cela devenait délicat. Tahlia vivait avec Concho et cela la minait d'être au courant avant lui. « Tu comptes lui dire quand ? »

Je demandais à mon amie comment elle prenait la chose et elle me disait mal en me disant que ce n’était pas le sujet du jour. « Si tu comptes me dépouiller de tous mes secrets, autant te dire que t’es dans le même bateau que moi, chérie. » lui dis-je en levant ma coupe de vin. Décidément, j’étais de bien mauvaise foi – et un brin de mauvais poil, il fallait le mentionner. « Qu’est-ce qui s’est passé? » Je renchérissais. Tout pour ne pas parler de moi, même si je savais que je passerais un sale quart d’heure. Mon amie me disait que j’avais un petit warrior et je ne pouvais que hocher la tête positivement en riant doucement. « Ça, j’crois qu’il tient ça de moi. » Je ne me vantais pas du tout, mais j’avais appris à la dure ce que c’était la vie d’adulte. Ça et puis les mauvaises décisions... Mais j’espérais très fortement qu’à trois ans, presque quatre, il ne l’apprenne pas comme ça. Je soupirais à la question de Tahlia, qui était très justifiée. « Tu ne lui diras rien. » lui ordonnais-je plutôt que de lui donner une réponse à sa question. Sa question, à laquelle je n’avais pas de réponse. « Bientôt. » dis-je alors maladroitement. « J’dois partir quelques jours pour aller en Nouvelle-Zélande régler des papiers pour ma momster... Après, donc. » Dis-je en soupirant, comme une enfant résignée à aller en punition. J’ignorais si Tahlia était au courant de ma relation avec ma mère que je venais de définir comme mère-monstre. Si elle ne l’était pas, elle saurait tout très bientôt. « Toi, pourquoi t’es plus chez les flics? » demandais-je patiemment. Si je passais un sale moment, la brune avait tout intérêt à partager un peu de ses pensées secrètes.

Un long soupir s'échappa des lèvres de Tahlia quand Ally répliqua, de mauvaise humeur, qu'elle n'allait pas être la seule à révéler ses secrets aujourd'hui. La brune comptait lui en parler, évidemment, mais pas maintenant, pas alors que son amie avait un sujet bien plus intéressant qu'une perte de boulot. Alors, en grommelant, elle rétorqua : « Je t'expliquerai après. » Elle qui était venue de bonne humeur se laissait clairement atteindre par le mauvais poil de la rousse. Heureusement, le petit de son amie vint égayer la conversation, alors qu'elles évoquèrent le côté warrior du petit, qui s'était bien accroché durant la grossesse. Tahlia esquissa un léger sourire face à la réponse d'Ally. « Je crois qu'il tient ça de toi, en effet. » Concho aussi était pas mal dans le genre. Il ne se laissait pas facilement abattre. Concho, d'ailleurs, qui n'était absolument pas au courant de sa paternité, ce qui la mettait dans une position délicate puisqu'elle vivait quand même sous le même toit que le jeune homme. Tahlia se braqua toutefois quand Ally lui ordonna clairement de ne rien lui dire : « Tu crois quoi ? Que je vais lâcher une telle nouvelle ? Ce n'est pas à moi de le faire. » Elle aimait énormément Concho, mais une telle nouvelle, c'était une histoire entre Ally et Concho. Toutefois, le Bientôt de la rousse ne convainquit pas vraiment Tahlia. « Essaye de lui dire rapidement. Il doit le savoir. » Elle avait d'abord ses papiers à régler. « Ta momster ? » demanda-t-elle curieuse, absolument pas au courant de la relation entre Ally et sa mère. Puis revint la question sur la perte de boulot de Tahlia qui leva les yeux au ciel, un sourire légèrement amusé sur les lèvres. « Tu ne vas pas lâcher le morceau, c'est ça ? » Tahlia secoua la tête avant de reprendre : « Je me suis faite licencier. J'ai volé des preuves et je me suis faite attraper. Voilà tout. »

Peut-être avais-je été un peu trop intense avec cette brique et ce fanal. Elle m’expliquerait plus tard ce qui en était concernant ce qui se passait de son côté. Je hochais la tête, je comprenais donc que j’étais la première à passer au confessionnal. Ensuite, on verrait bien. La conversation tournait vers mon fils et elle me confirmait le tout. « Après, s’il passe au travers le tiers de ce que j’ai vécu, j’lui lèverai mon chapeau la première. » J’esquissais un petit sourire en espérant tout de même que ma progéniture n’ait pas à vivre autant de drames que j’en avais eu dans ma propre vie. Je vexais Tahlia une nouvelle fois. « Non, je sais bien, mais j’ai pas envie qu’il sache tout, tout de suite. » J’voulais garder mon fils pour moi toute seule un peu plus longtemps... C’était si égoïste et je le savais. La brune me suggérait de lui dire rapidement et là c’est moi qui grognais. Je prenais une gorgée d’alcool. « J’peux pas garder mon bébé pour moi toute seule plus longtemps? » dis-je avec une petite moue d’enfant triste.

Elle abordait un sujet épineux concernant ma mère. « Mother, Monster... Momster. » Répétais-je avec un petit sourire. « On a jamais été proches et disons qu’elle a été tout sauf gentille avec moi. » J’réalisais que ce n’était pas la vérité. « En fait, c’est plutôt que j’ai pas été la fille qu’elle a toujours voulu. La petite fille parfaite blonde qui fait du ballet classique, qui excelle dans sa vie au complet. Celle qui ne boit pas d’alcool, qui réussit bien, qui n’échappe jamais un fuck ni un shit. T’sais quoi... Les attentes irréalistes. » Surtout en lien avec moi-même, je n’allais jamais être la personne parfaite et elle devait l’accepter en étant six pieds sous terre. Tahlia revenait en me disant que je n’allais pas lâcher le morceau et je levais mon verre avec un grand sourire qui se transformait en rire. « I drink to that! » Je lui adressais un clin d’œil et je prenais une gorgée avec laquelle je m’étouffais solidement. « Quoi!? » que j’répète, les yeux grands ouverts. Je fronce les sourcils. « C’est pas ton genre de trucs... Pour qui ou pour quoi t’as volé des preuves? » Demandais-je, curieuse en réalisant que je connaissais un minimum Tahlia.

Non, non, non, on va surtout espérer que Maxwell ne vive même pas le dixième de ce que son amie avait vécu. Il fallait dire qu'elle n'avait pas eu la vie facile, Ally. Et c'était peut-être pour cela que les deux femmes s'entendaient bien, malgré leurs forts caractères et leurs difficultés à communiquer, parfois. Elles avaient toutes les deux connu des remous dans leurs vies, ce qui avait forgé une carapace. Une carapace qu'aujourd'hui un petit garçon arrivait à fissurer, pour Ally. Elle avait changé et c'était une bien belle image qui se présentait à Tahlia. Mais elle ne pouvait pas totalement s'attendrir, parce que la brune savait désormais que ce garçon était aussi la moitié de son colocataire et ami. Ami qui n'était pas encore au courant, ce qui mettait Tahlia dans une position délicate. « Je comprends ton envie de le garder encore pour toi, mais Concho a le droit de savoir. Et Maxwell se doit de connaître son père. Le secret a assez duré... » Elle craignait la réaction de Concho quand il apprendrait qu'Ally avait gardé l'existence de son enfant durant quelques années. Il allait être dévasté. Déçu d'avoir raté les premiers moments de vie, les premiers mots, les premiers pas. Des moments irrattrapables. Mais Ally semblait s'être mis une date butoir. Elle le fera après avoir réglé les problèmes de papier pour sa mère. Encore un sujet épineux, semblait-il.Elle l'avait bien compris avec le momster, mais elle attendait davantage d'explications qui vinrent à la suite. Ally exposa rapidement le problème qu'elle avait connu avec sa mère, cette impression de ne pas être à la hauteur, de ne pas se voir acceptée telle que l'on était, de ne pas correspondre à des idéaux maternels. « Oh je vois... Je ne comprends tellement pas ces parents qui veulent à tout prix formater leurs progénitures. » Tahlia, elle, avait eu de la chance d'avoir des parents compréhensifs, qui l'avaient suivi dans chacun de ses choix, même quand cela allait à l'encontre de leurs attentes. Au moins, elle savait que son amie ne ferait pas la même erreur avec son fils. Buvant une gorgée de sa boisson, Tahlia esquissa un sourire amusé quand la conversation dévia de nouveau sur elle, sur la perte de son boulot sur lequel Ally tenait tant à revenir. Un long soupir s'échappa de nouveau de ses lèvres quand avec surprise, elle lui demanda pour qui elle avait volé des preuves. Ally la connaissait quelque peu, elle savait que si Tahlia avait fait cela, c'était pour quelque chose qui lui tenait à cœur. « C'était pour une fille coincée dans un réseau de prostitution. Elle était complètement perdue, à deux doigts de perdre la garde de son fils. Je n'ai pas pu rester de marbre, j'ai échangé des preuves contre sa liberté. » ça, c'était une bonne cause, même si ses supérieurs ne l'avaient pas vu de cette manière. « Mais j'ai recommencé quelques mois après. Pour un homme... » Et quel homme...

Si seulement la vie avait été clémente avec moi, si seulement tout avait été simple. Sans doute que je serais avec Concho, mariée, heureuse avec pas un fils mais bien deux enfants et nos deux chiens. Si seulement la vie était ce pour quoi on la rêvait. Mais ce n’était pas comme ça et je le savais pertinemment. La femme devant moi me rappelait que Concho avait le droit de savoir et Max aussi... Je soupirais doucement alors qu’elle me rappelait que le secret a assez duré... Je ne partageais pas son avis et je me taisais simplement. Ça ne changerait strictement rien de se disputer ainsi. Tahlia ne comprenait pas les parents comme les miens et je haussais vaguement les épaules. « Moi non plus. » admis-je simplement. C’était vrai... Si mon fils me repoussait pour aller vers son père, je ne m’y opposerais point. Après tout, c’était moi qui le privais jusqu’ici. Dans tous les cas, c’était trop tôt pour se prononcer alors qu’il n’avait pas encore 5 ans. Je buvais légèrement alors que Tahlia m’expliquait la suite et la situation dans laquelle, elle s’était mise. « C’est bien ce que je croyais... Une situation de cœur. » Répliquais-je alors. Les preuves contre sa liberté et elle s’était fait choppée visiblement prise à son propre jeu, croyais-je... mais non. J’esquissais un petit sourire. « Pour un homme? Quel homme? Racooooonte! » C’était de la pure torture ces potins confirmés à même la source!

Tahlia avait bien entendu ce soupir s'échapper des lèvres d'Ally quand la brune avait rétorqué que le secret avait bien trop duré. Elle se doutait que la rousse n'était pas d'accord avec cela, s'étant sûrement habituée à cette vie à deux avec son enfant. Si le père de Max avait été un vrai con, Tahlia aurait probablement poussé Ally à ne rien dire, afin de ne pas se faire du mal, afin de ne pas faire du mal au petit. Mais là, le père était Concho, un homme droit dans ses bottes et qui n'hésiterait pas à assumer ses responsabilités. Tahlia en mettrait sa main à couper. Elle fut cependant rassurée que la jeune femme ne réponde rien à cela. L'ex-policière n'avait pas envie de se lancer dans un débat sans fin, pour lequel les deux jeunes femmes finiraient sûrement par se disputer. En revanche, elles étaient bien d'accord sur ces parents insupportables qui formataient leurs gamins afin qu'ils correspondent à leurs attentes. Ce fut un sourire qui conclut simplement les paroles de son amie. Une gorgée de boisson plus tard, ce fut au tour de Tahlia de parler de son boulot, des raisons de son licenciement. Elle avait toujours honte de dire qu'elle avait trahi la police en volant ces preuves, même si les raisons étaient louables. Pour Shelby, du moins. Pour Ciàran, c'était encore autre chose. La brune haussa donc les épaules quand Ally évoqua la situation de cœur. « C'est sûrement ça. » Une situation de cœur. Un coup de tête. Et surtout pas de regrets. Dans les deux cas, elle assumait ce qu'elle avait fait. C'était son côté entier qui avait primé sur sa raison, sur sa passion pour son boulot, sur ses ambitions de carrière. Cela la rassurait de voir qu'Ally avait parfaitement compris pourquoi la brune avait fait cela, qu'elle ne la voyait pas comme une flic corrompue. Si elle était corrompue, c'était surtout par rapport à cet homme pour qui elle avait aussi risqué sa place. Ally rebondit aussitôt dessus, évidemment. Un sourire amusé sur les lèvres, Tahlia reprit  : « Ciàran... Ce mec, je rêvais de le faire tomber, Ally. Je rêvais de le mettre derrière les barreaux » Elle but une nouvelle gorgée de sa boisson et enchaîna :  « Mais il m'a complètement retourné l'esprit. Quand il est dans le coin, c'est comme si mon cerveau se déconnectait et que toute ma raison s'envolait. » C'était cette alchimie incompréhensible qui la malmenait totalement. « On s'est éloignés quand je me suis mise en couple avec Carter. Lui, il a commencé à sortir avec ma cousine. Et un soir, ça a dérapé. On s'est embrassés. Je ne l'ai plus revu, depuis et j'ai rompu avec Carter suite à ça. Fin de l'histoire. » Elle leva de nouveau son verre pour trinquer et lâcha, un poil blasée : « à tous ces hommes qui nous font perdre la tête... »

J’étais le seul parent de Maxwell et j’y avais pris habitude et même goût. J’avais pris goût à tous ces câlins que je ne partageais avec personne. J’avais pris goût à être la seule personne à ses côtés, celle de ses jours et ses nuits (pour le moment). La dispute était imminente, après tout Max était mon fils et je décidais ce qui était bien pour lui, peu importe ce que la brune en pensait. Après tout, elle n’était pas mère et ne pouvait pas comprendre cet amour inconditionnel d’une mère envers son fils.

La situation de cœur nous faisait changer de sujet et un long silence s’en suivait. Ciàran... T’as déjà entendu ce nom, mais j’en sais pas plus. C’est peut-être mieux ainsi. Elle rêve de le faire tomber et je me disais que ça doit être un truc de flic de faire tomber les gens... de les mettre derrière les barreaux, parce que moi, je m’en fous un peu tant qu’il ne tue pas ton fils. En fait, j’pourrais probablement devenir comme Liam Neeson dans la série Taken... Et même pire encore si on touchait à un cheveux de mon petit bonhomme. Ça me faisait même penser de reprendre des cours d’arts martiaux, je devais être fortement rouillée. Tahlia me sortait de mes pensées en disant qu’il lui retournait l’esprit. Je souriais légèrement en comprenant toute cette attirance malsaine. « Hm.... » Dis-je finalement sans plus de cérémonie. « T’as rompu avec Carter!? » Que je répète doucement, légèrement surprise. Est-ce que ce couple aurait pu survivre à cette trahison? J’en savais trop rien. Je soupire et lorsqu’elle lève son verre j’en fais de même et je le cogne légèrement contre le mien. « Cheers. » dis-je un peu amère. « Si seulement la vie pouvait être plus simple... Que notre cerveau contrôle notre cœur et notre corps. » Concluais-je en prenant une gorgée ou deux de mon breuvage. « T’as pas chômé toi non plus de ce que j’comprends. » J’esquissais un petit sourire malgré moi. Le monde continue de tourner, après tout.

Pour une fois, Tahlia s'était résignée à se taire, sentant la dispute se pointer doucement. Et honnêtement, elle n'avait pas envie de se prendre la tête et ajouter une personne de plus sur la liste de celles avec qui elle s'était disputée. Il y avait déjà trop de noms. D'autant plus qu'entre Ally et Tahlia, cela serait un discours de sourdes. L'une mettait en avant la relation maternelle entre elle et son fils – que Tahlia ne comprenait pas, n'ayant pas d'enfant -  et l'autre privilégiait son amitié avec le père de Maxwell. Il y avait forcément un conflit d'intérêt. Mais la brune lâcha le morceau, tout en montrant qu'elle n'était tout de même pas d'accord.
Le sujet suivant ne fut pas le plus joyeux, non plus, puisque cela concernait Ciàran, sa perte de boulot et sa rupture avec Carter. Tout ce qui avait rendu son année 2019 bien merdique ! Mais en voyant le sourire de son amie, elle sut qu'elle comprenait l'étrange attirance entre l'italien et la brune. Tahlia était incapable de l'expliquer, si ce n'était qu'il la rendait complètement folle. C'était cette attirance, cette impression de ne plus savoir où elle en était avec ses sentiments qui l'avaient poussé à rompre avec Carter. Elle hocha la tête face à l'exclamation de son amie. « Oui... c'est fini. »  Elle détourna le regard afin de masquer sa douleur, mais elle ne put s'empêcher d'ajouter : « Cet homme, c'est une perle. J'ai trouvé le moyen de tout gâcher. » C'était sûrement ce qui était le plus dur à encaisser. Elle voyait un avenir avec Carter. Il avait réussi à la faire se sentir aimée et en sécurité. Mais elle n'avait pas pu s'empêcher d'aller voir ailleurs. Sur ce terrible constat, elle leva son verre et trinqua à la santé de ces hommes qui leur faisaient tourner la tête. « J'approuve à 100%. » rétorqua-t-elle quand elle évoqua ce cerveau qui pourrait tout de même contrôler leur cœur. Tout serait plus simple, en effet. La brune hocha la tête aux derniers mots d'Ally. « Comme tu dis, je n'ai pas chômé. Mais pour être honnête, j'aimerai chômé un peu, me faire oublier. Vivre un peu normalement. » Etre heureuse, tout simplement. Elle but une gorgée de sa boisson avant de reprendre : « Bon, et toi, pas d'homme qui te fait tourner la tête ? » A son tour de lâcher les potins...

Il fallait rester ouverte d’esprit, même lorsque c’était plus difficile. J’étais la première à travailler sur moi depuis longtemps maintenant. Après, il y avait le pardon et le fait de ne pas garder rancune. Je n’excellais pas dans ce dernier domaine et j’avais tendance à me souvenir longtemps de tout ce qu’on me faisait. Je n’avais pas le pardon facile. Avec Maxwell et Concho, je devais d’autant plus mettre de l’eau dans mon vin et c’était loin d’être évident.

Tahlia me confirmait néanmoins que c’était terminé avec Carter et je n’y croyais qu’à moitié... Les sentiments ne s’évaporaient pas du jour au lendemain. Je lisais sa douleur qu’elle tentait de cacher, nous étions définitivement toutes les deux des monstres d’orgueil. Tahlia mentionnait qu’elle avait trouvé le moyen de tout gâcher et je ne préférais que boire puisque je ne connaissais pas toute l’histoire entre eux deux. Il valait mieux que ce soit ainsi, le silence et éviter le jugement. Néanmoins, le toast que nous portions faisait en sorte qu’on se rejoignait une fois de plus. La brune disait qu’elle préférait la tranquillité et je pouffais de rire doucement. « On trouve toujours un moyen de tourner en rond. » Je manquais de m’étouffer à son questionnement. Puis, je souriais. « Un petit rouquin de 3, presque 4 ans me fait tourner la tête tous les jours de ma vie. » C’était vrai, je n’avais pas rencontré qui que ce soit volontairement. Quelques aventures ici et là et ça me convenait amplement. Puis, le visage d’Henri s’imposait dans ma tête. « Oui et non. Ma priorité n’est pas là, en ce moment. » C’était vrai dans un certain sens. « J'essaye surtout de me mettre de l'avant et ensuite, on verra. » Menteuse, Ally Carmichael. Menteuse... J'ai juste pas envie de me faire de faux espoirs.

A force, Tahlia devrait être rôdée. A force d'être questionnée sur sa rupture, elle ne devrait plus sentir son cœur se serrer. Elle ne devrait plus détourner le regard pour masquer sa douleur. Mais c'était encore trop frais. Elle savait que ce temps arriverait, parce que l'on se remettait toujours d'une rupture. Mais là, en étant l'unique responsable, le changement de chapitre était plus difficile à amorcer. Et sera encore plus difficile quand, dans quelques semaines, elle apprendra qu'un petit être la liera à tout jamais au jeune Hamilton. Mais chaque chose en son temps. Ally resta silencieuse face aux confidences de la brune, ce qui l'arrangea quelque peu, même si elle se demanda brièvement si elle ne l'embêtait pas avec ses états d'âmes. Tahlia n'insista pas plus, portant ce toast qui, lui, les rapprochait. La jeune femme hocha doucement la tête quand Ally parla de tourner en rond. Tourner en rond. Cette crainte qui poussait Tahlia à tout briser. C'était paradoxal : d'un côté, elle voulait quelque chose de stable, de sérieux. De l'autre, il lui fallait ce piquant, ce piment qui l'empêchait de tomber dans une routine. « Tu as tout dit. »se contenta-t-elle de répondre, dans un murmure. Puis, elle retourna la question à la jeune femme, sur un homme qui pouvait éventuellement lui faire tourner la tête. La brune se mit à rire quand elle évoqua son fils. « Lui, il te fera tourner la tête jusqu'à la toute fin. » répondit-elle, le regard doux. En voyant Ally de cette manière, cela ravivait l'espoir de Tahlia de vivre cela un jour, elle aussi. « Mais ce n'était pas vraiment dans ce sens-là que je te posais la question... » relança-t-elle, toutefois. Et la réponse de son amie fut à la hauteur. « Oui et non ? Ça veut dire qu'il y a quelqu'un, mais que pour l'instant, tu t'amuses simplement ? » Il fallait savoir prendre du bon temps, sans le moindre engagement. Ça pouvait être une bonne alternative pour aller de l'avant comme elle le disait. « De toute façon, ça te tombe dessus quand tu t'y attends le moins... C'est toujours quand tu as d'autres priorités, que tu veux aller de l'avant ou que tu veux profiter de ton célibat que tu fais la rencontre qui change tout. » Et elle se demandait si ce n'était pas déjà le cas pour Ally...