(judia) souvenirs qui reviennent comme un thème.

« Enfin arrivés… » Long soupire s’échouant d’entre ses lèvres, Olivia déposait la dernière valise en regardant Laël prendre ses aises dans leur nouvelle petite maison, à la décoration naturelle, mêlant plantes et bois, dans un style tout à fait bohémien, parfaitement assorti à la Chilienne. Radicalement différente de sa première maison, la blogueuse regardait son enfant, au sourire étincelant, soleil de ses journées comme de ses nuits, même lorsque l’obscurité enrobait la ville, que l’astre s’éclipsait pour laisser place à son amante lunaire, il scintillait de toute sa splendeur, magnificence. De longues heures consacrées au rangement des affaires, une annonce de son retour en ville sur les réseaux après une absence soudaine, elle revenait pleine d’énergie, le coeur soulagé face à la réaction de son enfant, acceptant ses origines comme le mensonge qui l’avait entouré tout ce temps. Bien qu’il s’était enfermé dans un long mutisme, Olivia lui avait laissé le temps, sans cesser de s’excuser, au fond il ne lui en voulait pas, lui qui s’était toujours douté que Judas n’était guère son père biologique, juste un choc, une pilule à digérer. En évoquant ce dernier, Olivia avalait difficilement sa salive, perturbée par la pensée de ce dernier, qu’elle avait rejeté avec violence et fracas, par culpabilité, qu’il s’en aille enfin vivre sa vie, loin des chaînes qu’il s’était volontairement mise autour des extrémités. Alors, en buvant son thé dans le divan, elle caressait simultanément la chevelure de son fils, ce sourire attendri qui leur était dédié, face à quoi, Olivia ne pouvait pas se retenir de l’admirer, son bijou. Une épreuve difficile qui les avait séparé pour mieux se retrouver, un choc pour ce jeune garçon, aussi fort que sa mère même après une cruelle illusion, celle d’un père qui ne l’était guère. Le visage en arrière, elle fermait un instant les yeux, pour finalement les ouvrir de nouveau lorsque la sonnette retentissait dans la petite maison de charme.

Penchée sur le bord de la fenêtre, sa tasse chaude en main, Olivia laissait apparaître une risette joviale sur ses lèvres pulpeuses. Ravie de cette vue charmante, octroyée par l’emplacement idéal de la maisonnette, environnement splendide pour un énième nouveau départ, pour elle, l’habituée des chutes et des remontées, spectaculaire enveloppe qui ne se laissait jamais anéantir pour une longue durée. Laël s’agitait dans le salon, jouant avec ses voitures télécommandées, parquet craquant sous ses pas peu légers, discrets, sous le regard de sa mère attendrie, qui finissait par l’enlacer sur le divan, sa petite tête contre ses cuisses et ces mirettes, toujours aussi affectueuses. Les doigts effacés entre la tignasse ébène de l’enfant, ses paupières se fermaient, apaisée par ce calme olympien, cette joie nouvelle de remettre les pieds dans la ville. Durant ce mois d’exil, Olivia avait parfois regretté la vie facile ici, son quotidien et tout son métier tournant autour de l’écriture ainsi que des vidéos, du partage qui la faisait vibrer. Pourtant, ce fut le bruit de la sonnette qui la sortait de ses troubles rêveries. Sonnerie retentissant dans la maison, il lui fallut quelques secondes de flottement pour se lever, tenir sur ses gambettes flageolantes suite à cet excès de rapidité dont la Chilienne avait fait preuve. Quelques pas légers sur le sol chaud et Olivia gagnait l’entrée, la main hésitante sur la poignée de la porte avant d’ouvrir d’un geste hésitant, la porte. Soudainement, tout son être se figeait, comme si elle venait de croiser le regard d’un basilic à la façon des célèbres romans magiques, la main crispée sur la poignée métallique face au fantôme du passé. Les pulpes entrouvertes, ses doigts se refermaient et un air furieux passait brièvement sur son faciès angélique, mélange d’émotions dont elle ne cachait guère l’origine. Confuse, perplexe et sonnée, la jeune femme ne disait rien, se contentait de fixer Judas alors que Laël se levait, finissait par courir en se faufilant entre eux. « Papaaaaaaa ! » Criait-il en se jetant dans les bras de Judas, sous le regard flou de la poupée brune, happée par une vague d’émotion, de confusion.

La porte s’ouvrait et tout semblait s’effondrer. Un air curieux qui s’évaporait en un souffle, quelques secondes suffisaient à ce que tout le chaos du passé revienne trôner sur ses épaules maigrichonnes. Immobile, comme figée par le temps, superbe sculpture, alors qu’une tornade venait balayer sa maigre carrure. Laël, attentif à chaque détail, avait bondi du canapé pour venir regarder qui venait les voir : de ce fait, une risette étincelante naissait sur son visage, jusqu’à courir pour sauter dans les bras de Judas. Reculant de quelques pas, la jeune femme restait en retrait, les bras désormais croisés contre sa poitrine, au bord des larmes. Malgré son manque d’expression, son palpitant s’embaumait d’une aura chaleureuse : toujours aussi comblée en regardent ces deux petits hommes face à elle, à s’enlacer et à se sourire, comme si rien ne s’était passé. Peut-être était-ce le secret : continuer d’avancer, pardonner, s’adapter et progresser vers une existence meilleure. « Je suis déjà un super-héros, Papa ! Comme toi ! » Ce mois d’absence semblait n’avoir en rien modifié l’alchimie et l’amour entre ces deux, de quoi bouleverser Olivia à la gorge nouée. « Tu sais, même si t’es pas mon papa, tu l’es quand même ! » S’exclamait l’enfant, certain de son choix et heureux de retrouver Judas, qu’importe la douleur que lui avait causée l’annonce. La force de l’enfant, disait-on, l’on pardonnait et comprenait rapidement, lui, cet enfant bénit des dieux. « Oui, viens… » Se décalant sur le côté, Olivia les laissait rentrer et elle fermait délicatement la porte derrière eux. Silencieuse, elle avançait, avant de se réfugier dans le divan, assise en tailleur dans le coin, Laël ne lâchant guère Judas en lui montrant ses nouveaux jouets et affaires scolaires, ses notes également, lui qui avait hâte de rentrer « chez les grands » à la prochaine rentrée, ou en sixième année. « Il est au courant de tout et il l’accepte… » Finissait-elle par dire, le visage baissé, anxieuse. « Je voulais que tu profites de ta vie et que tu ne sois pas étouffé dans tous ces mensonges… » Maigre tonalité de voix, Olivia serrait nerveusement le vêtement couvrant ses jambes, peu fière, encore ce sentiment de culpabilité dans les veines, le coeur face à celui qu’elle considérait comme son meilleur ami. « Je comprendrai si tu ne voulais pas me pardonner… »

La porte ouverte, laissant passer le fantôme dans la nouvelle maisonnette, une risette étirait cependant les pulpes de la jeune femme. Si elle n’avait rien laissé apparaître jusqu’il y a peu, même lors de leur dramatique séparation, Olivia était heureuse de le retrouver, de voir qu’il ne l’avait pas entièrement oublié ou négligé, elle qui s’était montrée odieuse il y a quelques semaines, pour son propre bien. Ayant mis sa vie en suspens pour laisser à Judas la liberté dont il avait besoin, la Chilienne s’était oubliée, existence clairement négligée pour le bonheur de son fils. Laël ne cessait guère de s’agiter, heureux de revoir celui qu’il considérait encore comme son père, comme quoi les liens du coeur étaient plus puissants que ceux du sang. Désormais installée dans le divan, Olivia ne le regardait pas, nervosité à n’en plus douter, la sirène se taisait, se montrait peu solaire et bavarde, le coeur lourd, l’estomac comme la gorge noués. Laël, lui, était parti dans sa chambre afin de ranger ses affaires et attendre patiemment que ses parents terminent leur discussion. Tandis qu’il lui disait ne plus lui en vouloir, la brune se mettait à sangloter, petite femme dont les jambes étaient remontées contre sa poitrine, si frêle qu’un coup de vent pouvait l’envoyer valser, au loin et la briser en mille morceaux. « Je… Je ne sais plus comment faire. Presque personne ne m’a aimé, désiré depuis que… Tu sais. » Ce viol qui lui avait fait perdre toute confiance en elle, si bien qu’elle n’avait quasiment plus rien eu ou vécu depuis onze ans, meurtrie, par tout ce drame rôdant autour d’elle. « Je pensais que tu serais l’homme de ma vie, qu’on finirait nos jours ensemble, mais… Je sais que ce n’est pas ce que tu veux, peut-être que moi non plus au final… » Haussement d’épaules, Olivia essuyait d’un revers de bras les larmes sur son visage. « Non, pas encore… Ils pensent qu’on est parti en voyage alors que… je n’ai pas eu le courage de leur dire. C’était déjà très dur avec Laël… » Finalement, le garçon l’avait accepté, pour le grand bonheur de la jeune mère. Puis, quelques secondes de flottement, elle se penchait pour l’enlacer, ses bras autour de ses épaules, dans l’élan, Olivia l’entrainait en arrière, jusqu’à se blottir contre lui, noyant son visage contre sa nuque. « Tu m’as tellement manqué, Ju… »

Lorsque les barrières tombaient et que la jolie retrouvait le sourire, toute pression semblait s’évaporer, comme une brise renouvelant l’air d’une pièce, les tensions apaisées, échouées. Puis, Olivia pensait à ses parents, ils étaient désormais les seuls à ne pas être dans la confidence et peut-être que, le plus difficile n’était pas encore arrivé. En effet, si Laël était resté muet quelques jours, ils dissimulaient la vérité depuis plus longtemps, eux qui avaient accueilli à bras ouverts Judas comme cette grossesse trop rapide. Toujours aussi affectueuse et tendre, la Chilienne venait l’enlacer de ses bras frêles, l’entrainant en arrière, dans sa chute, abandon total des corps et des consciences martelées, les voilà à verser des larmes, dans les bras de l’autre. Ce n’était guère de la tristesse, mais plus de la joie, des perles de bonheur qu’ils versaient, satisfait de se retrouver après cette si longue séparation. Ils n’étaient pas habitués à ne pas se voir durant une période prolongée, d’où les larmes qui coulaient sur les joues potelées d’Olivia, à la fois émue et soulagée de retrouver sa moitié, son meilleur ami, qui avait toujours été là pour elle, à ses côtés. « Oui, ça me ferait plaisir… » Odeur particulière, singulière de sa peau contre son nez, une risette étincelante finissait par éclairer le faciès de la jeune femme. « Je suis si contente. » Tout cela lui avait manqué : des caresses contre sa chevelure aux étreintes puissantes, fermes, qu’ils s’échangeaient et cette tendresse qui découlait de tous ses gestes. Soudain, la porte se fit entendre, suivi d’un grincement de parquet et la tête de Laël, surgissant derrière l’accoudoir, ses yeux brillants, ce sourire angélique aux lèvres. « Papa et maman ne se font plus la tête ? » Quelques secondes de battement, le temps qu’ils lèvent les yeux et qu’ils rient, que Laël venait frotter son visage contre eux, réclamant câlin et affection de ceux qu’il aimait plus que tout. « Je vous aime !! » Qu’il lançait, face à ces deux idiots heureux.