can you hear the cracks in my voice ❖ jamie & Charlie

Ce fut comme une tornade que Charlie rentra dans l'appartement, comme à son habitude. Vivre avec elle, c'était accepter les portes qui claquent à tout va, les chants dans la douche d'une voix très moyennement agréable, quelques assiettes de vaisselle qui s'empilaient pendant trois jours, et du bordel, par-ci par-là. Mais pour une raison qui était assez floue par la jeune femme, Jamie, trente-quatre ans, son extrême opposé niveau joie de vivre et communication, avait accepté qu'elle vienne vivre en colocation avec lui. Cela faisait plusieurs mois que l'étudiante pensait à quitter la maison familiale. Elle avait toujours vécu avec son frère, qui l'avait élevée, ainsi que ses petites sœurs, et elle s'était toujours sentie bien là-bas. C'était leur famille, un peu brisée et un peu dysfonctionnelle parfois, mais ils étaient soudés comme les doigts de la main. Ils avaient traversé ce que Charlie estimait toujours être une trahison de leurs parents, ensemble, Collin ayant tout fait pour qu'elles aient une vie normale. Cependant, la brunette s'était rendue compte au cours de son internat en chirurgie, qu'à vingt-quatre ans, il était peut-être temps qu'elle quitte ce petit cocon. Elle avait déjà pris toute l'indépendance qu'une jeune fille de son âge devait avoir, ne manquait plus que vivre ailleurs qu'avec des personnes qu'elle avait connu toute sa vie. C'était pourquoi elle avait emménagé avec Jamie. Elle aurait parfaitement pu se trouver une colocation avec une copine, quelqu'un dans le même délire qu'elle, ou peu importe, mais sans doute parce qu'elle avait cet automatisme de vouloir mettre des paillettes dans la vie des gens, elle avait voulu se mettre en coloc' avec une personne dont elle ne connaissait rien et qu'elle pourrait potentiellement illuminer. C'était tout Charlie ça, sa vocation naturelle à vouloir aider les gens n'était pas limitée à la médecine, non, c'était comme si son subconscient l'attirait vers chaque personne qu'elle trouvait un peu sombre, un peu trop triste et trop brisée pour tout ce que la vie avait à offrir, et elle ressentait le besoin irrépressible d'y remédier. « Yo ! J'ai été faire des courses sur le chemin du retour, j'espère que t'as pas encore mangé sinon j'ai été pour rien et ça me trouerait les fesses ! » lança-t-elle à tout va après avoir claqué la porte de l'appartement, investissant déjà les lieux en balançant sa veste sur une chaise, retirant ses chaussures de trois mouvements de pieds en même temps qu'elle se dirigeait vers la cuisine pour déposer les courses, sans même avoir repéré Jamie. Elle savait qu'il était là, quelque part dans la pièce, c'était suffisant. Jamais elle n'aurait pu vivre seule, et rentrer chez elle en sachant qu'il y avait toujours bien une présence lui faisait le plus grand bien. Seule, elle serait tombée en dépression au bout de vingt-quatre heures. La brune sortait ses achats sur le plan de travail, récupérant quelques légumes dans le frigo. Ce soir, elle avait prévu des lasagnes aux légumes. Végétaliennes bien sûr, pour Jamie. Si elle ne faisait pas franchement attention à son alimentation, ça ne lui posait pas de problèmes de faire un effort de temps en temps pour cuisiner un truc correct. Prendre un repas avec son colocataire le valait bien, c'était quand même plus convivial que quand elle commandait chinois ou s'envoyait un burger à la va-vite. Charlie se retourna enfin, aperçut Gerry le chat errant qui grattait à la fenêtre et alla l'ouvrir d'un pas vif. « Tiens, t'es là toi. » fit-elle d'un air blasé à l'attention du félin, avant de lui faire quelques papouilles tandis qu'il rentrait dans l'appartement. Finalement, elle se tourna vers Jamie, apercevant enfin son visage pour la première fois depuis qu'elle était rentrée, trois minutes plus tôt. C'était tout elle, de traverser la pièce comme un ouragan et de faire trois choses en même temps avant d'enfin se poser. Même avec un service de onze heures derrière elle, où elle avait couru partout dans l'hôpital. « Ce soir c'est lasagnes, t'inquiète j'ai pris des... » La jeune fille s'interrompit en voyant le visage sombre et empreint de tristesse de son colocataire. Elle n'avait pas eu le temps de le remarquer avant, habituée à ce que tout le monde soit bien trop calme par rapport à elle. « Bah... Qu'est-ce qui va pas ? » s'enquit-elle, cherchant à croiser le regard du jeune homme, une moue dubitative sur le visage. Elle savait qu'il n'était pas du genre à transpirer la bonne humeur en toutes circonstances, mais elle ne l'avait jamais vu comme ça non plus. En deux semaines, elle n'avait pas encore eu le temps de le connaître vraiment, et elle tâchait d'ailleurs de ne pas trop l'envahir et de respecter son caractère plus taciturne et calme. Ce n'était pas pour autant qu'elle parvenait à canaliser son énergie débordante, mais elle faisait un effort pour ne pas être trop chiante non plus.