Kick-ass [ft. Terrence]

Pour je-ne-sais quelle raison, il semblerait que les mauvaises personnes restent avec les voyous de leur genre. Vous avez beau être dans une nouvelle ville à faire un job complètement différent, sans réellement savoir pourquoi ces personnes parviennent à trouver des gens pas forcément plus nets qu'eux. Je ne dirais pas que j'en fais vraiment parti, peut-être seulement dans le fond, sachant les repérer parfois ou par le simple biais d'une conversation qui ne nous est pas destinée, passant à côté en un coup de vent. C'est exactement de cette manière que je me rends dans cette boutique de surf à Grays Bay, où se trouve aussi la boutique de Violet de ce que j'ai compris. Je pourrais aussi passer la voir, histoire de la recroiser depuis cette histoire au festival artistique. La sonnette retentit, je regarde autour de moi, tentant d'apercevoir du coin de l'oeil le patron de ce magasin. "Bonjour. Vous êtes bien Terrence?" demandais-je au premier monsieur qui passe avant qu'il ne me désigne l'homme accoudé à son plan de travail. A quoi pourrait bien ressembler ce bonhomme mémorable pour son trafic d'armes? "Monsieur Kelly?" Je m'adresse à ce quarantenaire mal rasé. Un type humble d'apparence, discret et passe-partout comme il le faut pour ce genre de commerce. "Il semblerait que j'ai entendu parler de vous pour un certain domaine et ça m'intéresserait fortement de voir ce que vous avez à offrir." dis-je d'une voix plus douce histoire de créer une intimité à ce sujet. Je baisse légèrement la tête. "Sans vous importuner bien entendu." ajoutais-je sur un ton doux, espérant qu'il comprenne rapidement à quoi je fais référence.

La réputation de Terrence le précédait, ses nombreuses réputations en vérité, assassin, voleur, traître, père démissionnaire, prodige du surf déchu, menteur, vendeur d'armes,... la plupart étaient fausses, ou largement exagérées. Et pourtant il n'y avait pas de fumée sans feu, il fallait bien l'admettre. Alors pour éviter d'attiser les braises il avait pris son parti de laisser parler, on ne pouvait pas arrêter les rumeurs et encore moins les mauvaises langues, il restait toujours stoïque, droit dans ses bottes concernant les on dit et depuis le temps que ça durait, il ne s'en portait pas si mal. Son commerce était florissant, malgré les quelques déconvenues essuyées au fil des années sa boutique ne désemplissait pas, il avait ses fidèles, ses amis depuis le temps, les surfeurs qui l'avaient connu en peine gloire dans sa jeunesse et ceux dont il avait su gagner la confiance. Il y avait certainement une part de curieux dans la clientèle, de ceux qui voulaient voir s'ils pouvaient percer le mystère Kelly, mais ça faisait partie du business, ceux-là il les prenait froidement, il ne montrait jamais rien. En parlant de curieux voir même de mec louche, il avait vu, par dessus l'épaule du client qu'il encaissait, ce mec arriver dans son magasin. Avec son allure et sa tenue vestimentaire on pouvait voir à des kilomètres qu'il n'avait rien d'un roi de la vague, ni de près ni de loin. Terrence l'observait du coin de l'oeil sans quitter son client des yeux ni arrêter leur conversation. Mais il le surveillait. Il s'adressa à Ken, un ami surfeur passé faire réparer sa planche, celui-ci lui indiqua celui qu'il cherchait d'un geste désinvolte. Quand il le vit s'approcher, après avoir salué le client qui prenait congé,  il n'y avait que deux solutions pour le commerçant, soit c'était un banquier qui venait le sermonner, même s'il n'aurait pas su dire pourquoi, soit il venait pour un arme. Et à la façon dont il posa son regard froid sur lui Terrence opta facilement pour seconde option. Il passa une main dans sa barbe indisciplinée et plongea son regard d'un bleu froid dans celui de l'inconnu, à partir de maintenant il n'était plus le Kelly jovial que ses clients habituels connaissaient. Tous les autres clients avaient déserté le magasin, le moment était étrangement bien choisi, ils étaient seuls. Il hocha la tête pour affirmer que c'était bien lui, de toute façon l'autre le savait, pas besoin de plus. Je n'ai à vous offrir qu'un conseil pour des surfs de première qualité ou toute autre chose dans ce domaine là. Ne vous méprenez pas, il avait parfaitement compris la requête de cet homme. Mais d'une il était toujours méfiant, on ne pouvait pas savoir si ce mec n'était pas flic ou autre. Et puis de deux il ne mentait pas, il n'avait rien de plus à vendre que des articles de surf, son commerce d'armes était fermé depuis un moment à présent. Tout autre domaine ne serait pas de mon ressort. Il ouvrit les mains en signe qu'il était désolé, plus ou moins, il voulait juste que l'autre se barre de chez lui.

Une expression complètement neutre à sa première réponse, je ne pouvais que m'attendre à ce genre de phrase bateau que toutes les personnes qui essaient de se ranger emploient. "Ai-je réellement une tête à m'y connaître en surf? Soyons sérieux une seconde." rétorquais-je avant qu'il ne me remette à ma place en me signalant que tout ce que je désire dans ce domaine-là, il ne peut me le fournir. Je soupire, le regarde de haut en bas. Nous savons tous les deux où je veux en venir et je ne supporte pas qu'il fasse comme si de rien n'était. Je ne me mettrais pas hors de moi cependant, peut-être parviendrons-nous à trouver une entente. "Bien. Si cela peut vous rassurez, je ne fais pas parti des flics et compagnie." commençais-je bien que ce serait aussi l'une des phrases qu'un policier utiliserait pour tenter de se cacher derrière un certain rôle. "Je ne suis pas un grand amateur des armes mais il est vrai que certaines me font de l'oeil, simple obsession pour certaines d'entre-elles et je sais que je m'adresse à la bonne personne." Autant être honnête. Si je veux mettre cours à une embrouille, les mains me suffisent amplement. Combien sont restés dans le coma en sachant bien viser? "C'est juste que j'aimerais que vous parveniez à me dégoter un katana de la Période Muromachi. Peu importe la manière dont vous vous y prenez, je serais prêt à mettre le prix pour vous récompenser." Je plonge mes yeux océans au plus profond de son être. Je ne saurais dire pourquoi les armes blanches sont des armes qui m'attirent alors que je n'en ai point l'utilité. Un ange passe. Le duel de regard perdure. "A moins que vous ayez un contact qui serait capable de répondre à ma demande. Vous seriez son intermédiaire ou seulement celui qui l'envoie pour me récupérer ceci. A vous de voir à qui vous voulez que j'adresse une partie de ma fortune." tentais-je. Des mecs comme moi, il a du en voir à longueur de journée, d'autant plus s'il a arrêté ce trafic. Je ne lâcherais pas l'affaire contrairement aux autres qui ont dû céder.

Terrence en avait vu d'autres, des clients comme cet homme, de ceux qui n'avaient rien à faire dans une boutique de surf et qui se trouvaient pourtant exactement à l'endroit où ils voulaient être. Ils n'avaient aucune envie de prendre la vague, peut-être même qu'ils détestaient le sable -et à en voir cet homme ça devait être le cas- Non, ces personnes là aimaient le contact du métal froid dans leur main, le bruit et l'odeur des balles lorsqu'elles sortaient de leur chargeur. Paradoxalement Kelly n'avait jamais tellement aimé les pistolets même s'ils faisaient parti de son fond de commerce. Un rictus déforma son visage, on n'aurait su dire s'il était amusé ou excédé. Ca me rassure grandement vous avez raison. Et j'imagine que je dois donc vous croire sur parole. L'autre ne se démonta pas, il était têtu, le bougre. Terrence soupira en l'écoutant formuler sa requête et puis finit par afficher une expressions surprise. Il ne se laissa pas berner par ce regard froid qu'il plongea dans le sien comme pour sonder le fond de son âme. Un katana ? Il rit, un peu jaune. Vous me prenez pour un maître samouraï ? Je crois vraiment que vous avez été mal renseigné sur ma personne mon ami. Celle-là on ne lui avait jamais faite, pourtant il en avait eu des demandes particulières et des clients tordus, mais jamais on ne lui avait demandé d'armes blanches, il était réputé pour ses armes à feu en tous genres, mais rien d'autre. C'est votre truc à vous ? D'enfoncer une lame dans la chaire des autres ? hmm... chacun son truc. En tout cas je vous le confirme, vous ne trouverez rien ici. Et ne pensez pas que votre fortune m'intéresse ou me mette l'eau à la bouche, je gagne suffisamment ma vie pour envier l'argent des autres. Il passa de l'autre côté du comptoir pour venir dominer l'inconnu de toute sa carrure, en espérant l'impressionner. Merci pour votre visite mais je ne peux rien pour vous. Revenez me voir le jour où vous aurez envie d'un cours de surf ou d'un maillot de bain, vous mériterez un peu de bronzage mon vieux.