the end of an era (tahlia)

Le regard de Tahlia se fit nostalgique en repensant à ces bons moments passés ici, au 17, où la maturité n'était décidément pas le maître mot. Même ceux qui étaient arrivés après Perry, comme Alfie et Florian, s'étaient pliés à l'ambiance du 17. Elle savait que cela resterait gravé dans sa mémoire. Elle reposa son regard sur Concho et hocha légèrement la tête : « Je n'en doute pas. Les grands enfants ne sont jamais bien loin... » Une proposition de l'un d'entre eux et cela pouvait bien vite partir dans un vrai délire. Cela serait d'ailleurs une jolie pause dans leurs vies d'adultes bien trop compliquées. En quelques mois à peine, tout avait changé. Concho était papa. Tahlia allait être une future maman. Quel bouleversement ! Toutefois, le jeune homme éveilla sa surprise quand il parut si redevable envers Zelda, alors que sa place de père était parfaitement légitime. Quand il argumenta, Tahlia comprit beaucoup mieux. Il était vrai qu'Ally avait disparu du jour au lendemain, sans laisser la chance à Concho d'être un père pour Maxwell. « C'est vrai... » souffla-t-elle. « Je n'ai pas vraiment compris ce qui est passé par la tête d'Ally, à ce moment-là. » Tahlia avait essayé de comprendre les raisons du silence de la rousse, elle avait essayé de lui faire comprendre qu'elle avait fait une erreur, que Concho était en droit d'avoir son fils avec lui, mais la dispute avait été trop proche, et Tahlia avait abdiqué. Le regard de Tahlia s'illumina de douceur quand elle connut le nom de sa fille. En honneur à Lara Croft. « Tu vas avoir une petite battante. » dit-elle en riant. Mais avec les parents qu'elle avait, elle ne doutait pas que Lara aurait une vraie force de caractère. Ce qui l'intéressait aussi, toutefois, c'était de savoir comment Concho allait. On devait souvent demander pour Zelda et Lara. Mais il était là, lui aussi, bien présent avec ses émotions. Et alors qu'elle tenta de le réconforter sur ce portrait de famille qui ne ressemblait pas vraiment à ce qu'il aurait voulu, elle vit toutes les émotions ressurgir chez son colocataire. Elle posa même une main sur son avant-bras, qu'elle serra doucement dans un geste réconfortant. Cela faisait des années qu'ils vivaient ensemble, il n'avait pas à se sentir gêné à l'idée de montrer ses émotions. Elle lui adressa un sourire quand il la remercia. Sourire qui disparut ensuite quand il lui retourna la question, sur ces bonnes bases entre ex. « On essaye. » dit-elle d'abord. « L'annonce de la grossesse est toute récente. On vient à peine de se revoir, Carter et moi. Mais il m'a fait comprendre qu'il serait présent, quoiqu'il advienne. Et pourtant, c'est lui qui a souffert le plus dans notre histoire... » Il aurait pu très bien ne rien vouloir savoir d'elle. Mais il avait fait passer le bébé avant leurs problèmes de couple. « J'ai eu de la chance d'avoir aimé une personne très mature. » C'était l'une des qualités de Carter, lui qui avait grandi trop vite, et qui aujourd'hui le poussait à être un homme qui acceptait ses responsabilités. Reposant son regard sur Concho, Tahlia dévia de nouveau la conversation sur Ally. Etait-elle au courant pour Zelda et Lara ? La brune grimaça en apprenant que ce n'était pas le cas. « En effet, il n'y a pas de bon timing pour ça... » Elle savait que la rousse était encore énormément attachée à Concho. « Mais il va falloir qu'elle comprenne que tu as fait ta vie, de ton côté. » Qu'il avait eu une autre histoire, un autre enfant. Qu'il avait un nouveau coup de cœur et qu'il avait eu des conquêtes. « D'ailleurs... à ce propos, tu sais qu'Ally est aussi mon amie. Et j'ai peur qu'elle apprenne d'une autre bouche ce qu'il s'est passé entre nous. Tu crois qu'il faudrait que je lui dise ? » C'était la vie privée de Tahlia. Mais elle savait qu'à Bowen tout finissait par se savoir...

S’il fallait organiser des soirées pour retomber en enfance au 17, je me porterais très certainement volontaire pour lancer les idées. Je pouvais penser aux idées les plus débiles pour inventer de nouveaux jeux. Après tout, nous avions fait le tour de bien des jeux déjà existants, mais rien ne nous empêchait d’inventer nos propres règles. Un peu comme ce jeu de New Girl que nous avions nous-mêmes essayé par la suite. J’avais toujours rêvé qu’on ait notre propre jeu du 17. Même si cette colocation semblait aujourd’hui voler en éclats, je n’avais aucun doute qu’on trouverait le moyen de réaliser ce rêve. Il fallait juste espérer que Florian et moi resterions ici longtemps encore, à garder le fort. Je réalisais de plus en plus que rien n’était éternel, et que ce chiffre magique deviendrait peut-être plus tôt que prévu chose du passée. Tant que je vivrais ici toutefois, la magie vivrait elle aussi. Elle me semblait actuellement loin, alors que je parlais de Zelda, d’Ally, de ces enfants qui étaient arrivés de nulle part. Mais je remonterais la pente, lentement mais sûrement. « C’est vrai ? Elle ne t’en a jamais parlé ? À moi ses explications ne sont jamais concrètes, je me suis toujours dit que c’était parce que j’avais fait un truc et qu’elle ne veut pas me le dire … » Mais peut-être qu’à Tahlia, elle se montrait plus ouverte, puisqu’elles étaient de si proches amies. Apparemment, pas assez pour ça. C’était à se demander si Ally avait eu de véritables raisons de partir et de garder sa grossesse secrète, ou si c’était un coup de tête qui s’était éternisé. La vie me donnait toutefois une seconde chance de vivre les premières années de mon enfant, avec Lara. « C’en est déjà une ! T’imagines … de te développer dans le corps de quelqu’un qui n’a aucune idée que t’es là. De grandir là-dedans sans attention, sans amour. Et d’en sortir en santé … » C’était hallucinant. Lara retenait ça de Zelda. Deux battantes. Et tous les trois nous allions nous battre pour que notre petite famille survive à mes erreurs. J’espérais que le trio que formerait bientôt Carter, Tahlia et leur bébé se battrait tout autant. Je la questionnai d’ailleurs à ce propos. Sa relation avec Carter en avait pris un coup, elle aussi, pour des raisons similaires aux miennes. Je souris en apprenant l’attitude positive de Carter. « Je ne le connais pas plus que ça mais je suis content qu’il soit capable de mettre de côté ce qui s’est passé entre vous, au moins pour le bien de votre enfant. » Je remarquai que Tahlia parlait de ses sentiments amoureux envers Carter au passé. Je fronçai légèrement les sourcils, intrigué. « Tu crois qu’un jour, vous pourriez revenir ensemble ? » Après leurs déboires, je ne m’étais pas assez attardé aux sentiments de Tahlia dans tout ça. Nous avions chacun eu nos lots de problèmes et c’était aujourd’hui que nous prenions vraiment le temps de nous ouvrir le cœur. D’ailleurs, mon amie revint sur Ally, cherchant à connaître tous les détails sur ce qu’elle savait ou non. Pas grand-chose, au fond. « J’sais pas, parfois j’ai l’impression qu’elle ne réalise pas que je ne pouvais pas l’attendre ici indéfiniment, alors que je ne savais même pas où elle était … » J’haussai les épaules, las de me poser les mêmes questions encore et encore. Tahlia me demanda alors ce que nous devions faire par rapport à Ally … et à ce qu’il s’était passé entre elle et moi. « Elle me tuerait d’apprendre ça, Tahl’. Déjà qu’elle me tuera pour Zelda et Lara. Et comme j’peux pas mourir deux fois, elle trouvera pire que ça pour me faire payer. Y’a que Frej’, toi et moi qui sommes au courant, non ? J’vois pas comment, cette fois, ça pourrait se savoir … » J’aurais dû savoir qu’effectivement, à Bowen, tout finissait par se savoir, d’une manière ou d’une autre.

En l'espace de quelques mois, Concho avait vu sa vie changer du tout au tout. D'abord, son ex était arrivée avec un enfant sur les bras. Puis, c'était l'autre ex qui faisait un déni de grossesse. En quelques mois à peine, il devenait parent de deux enfants, là où normalement on mettait près de neuf mois pour se préparer à la venue d'un bout'chou. Lui, il n'avait pas eu cette chance, il n'avait pas eu ces mois de préparation. Il était directement jeté dans l'arène et les questions fusaient sans avoir de réelles réponses. Les raisons du départ d'Ally faisaient partie de ces questions. Tahlia secoua la tête pour montrer qu'elle n'en savait pas plus : « Non, elle ne m'en a jamais parlé. La dernière fois que je l'ai vu au restaurant, j'ai essayé d'en savoir plus, de comprendre pourquoi elle ne t'avait rien dit. Comme elle commençait à s'énerver, j'ai préféré ne pas insister. Désolée. » Elle aurait voulu aider Concho sur ce coup-là, mais il fallait avouer que Tahlia était dans une position délicate. La meilleure solution était de ne pas trop se mêler de ces histoires, sous peine de se prendre un revers inattendu. Heureusement, le schéma ne se présentait pas avec Zelda. Elle laissait une belle place à Concho pour qu'il puisse évoluer auprès de leur petite battante. Elle l'écouta avec émotion quand il raconta l'histoire de cette petite, qui s'était développée sans que sa mère ne s'en rende compte. Evidemment, cela lui rappelait sa propre puce qui s'était aussi cachée durant les cinq premiers mois. « Si petits et déjà si bluffants. Et après, nous, on se plaint pour des futilités... » Un déni de grossesse, ça ramenait à la réalité. Cela montrait qu'il y avait des situations plus délicates qu'une rupture, par exemple. Alors qu'il la questionnait sur sa propre histoire, sur ce schéma familial qu'elle allait devoir construire avec Carter, Tahlia hocha la tête face aux mots de Concho. « On essaye. Même si je pense qu'il va falloir qu'on mette à plat tout ce qu'on a sur le cœur. » En dépit de la grossesse, Carter n'oubliait pas tout ce qu'il s'était passé. Il était donc nécessaire qu'ils aient une vraie discussion. La nouvelle question de Concho la fit sortir de ses pensées et brisa quelque peu le masque de Tahlia. Il parlait de ses sentiments. De ses sentiments en vrac. Elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle avait usé du passé, comme si elle se disait inconsciemment qu'elle ne pourrait jamais se racheter. « Je n'en sais rien. Je sais qu'il y a et qu'il y aura toujours des sentiments pour lui, mais à côté de tout ça, je sais que j'ai brisé la confiance qu'il avait en moi. Et je ne sais pas s'il est possible de réparer cela. » Elle avait juste envie de se laisser porter, de ne pas se prendre la tête, de ne pas trop réfléchir. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire. Elle réfléchissait trop. Et le sujet qui s'annonçait n'allait pas arranger son cas. Ally. La rousse explosive qui allait sûrement faire passer un mauvais quart d'heure à Concho. Elle se demandait si Ally avait encore des sentiments envers Concho. Cela expliquerait peut-être cette impression qu'il avait, cette rancoeur qu'il ressentait venant d'elle, tout simplement parce qu'il avait osé refaire sa vie. « C'est peut-être le retour à Bowen, le fait qu'elle t'annonce ta paternité qui la poussent à ne pas réaliser totalement. Ça a peut-être réveillé certaines choses en elle... » Et Tahlia risquait de réveiller la colère de la rousse si elle avouait à Ally avoir couché avec Concho. Elle avait besoin de l'avis de son ami sur ce sujet-là. Elle grimaça en comprenant que cela ne ferait qu'empirer son cas. « C'est vrai... mais ce ne serait pas pire si justement on lui cachait ça ? » demanda-t-elle, d'abord, avant de reprendre : « Est-ce que tu as lu l'article des Writers qui a été écrit sur moi ? Ça parle quand même de nos 'échanges très langoureux'. Si Ally tombe dessus... » Elle s'arrêta dans sa phrase, lâchant un énorme soupir. Si Ally tombait dessus, ils allaient finir au bûcher, coupés en petits morceaux. Et encore, la sentence était douce...

Je soupirai en apprenant que même malgré les tentatives de Tahlia, Ally ne s’était pas davantage ouverte quant à ses raisons d’être partie. Même qu’au contraire, elle avait commencé à s’énerver. C’était à se demander si elle en avait véritablement eu, des raisons. Pourquoi ne pas en parler à l’une de ses meilleures amies, sinon ? « Ne sois pas désolée, Tahl’. T’as bien fait de ne pas insister, on sait toi comme moi comment ça aurait pu se finir si t’avais trop poussé avec Ally. » J’esquissai un faible sourire. Elle était une véritable tornade. Une tornade que j’avais un jour tellement aimé pour cette fougue. Ça s’était malheureusement retourné contre moi. Heureusement, Zelda s’était montrée beaucoup plus compréhensive. Et de ça était née une magnifique battante. Je ris quand Tahlia acquiesça tout en affirmant que pendant ce temps-là, on se plaignait pour des futilités. « Oui mais attends, d’ici quinze ans, on se reparlera pour se dire que nos ados font des histoires pour un rien. » En tout cas, j’espérais que dans une quinzaine d’années, j’aurais toujours Tahlia dans mon entourage. Elle était l’un des piliers de mon support system, malgré tout ce qui s’était passé. En plus, nos enfants auraient pratiquement le même âge. Ma petite Lara et sa petite Thaïs, même si j’ignorais encore que ce serait son nom. Après avoir pris questionné Tahlia sur Carter, sur sa réaction, je me permis finalement de lui demander si elle comptait un jour se remettre en couple avec lui. J’hochai la tête à sa réponse. « Mais s’il te pardonnait, s’il te disait qu’il était prêt à tourner la page, et qu’il retrouvait confiance en toi, tu le voudrais toi aussi ? » Demandais-je, tentant de savoir où son cœur se situait dans toute cette histoire. Elle le mettait peut-être de côté pour s’impliquer à cent pour cent dans sa grossesse, mais il ne fallait tout de même pas qu’elle oublie de s’écouter, à travers ça. Elle existait encore, même si elle portait un deuxième être dans son ventre. La conversation retourna bien vite vers Ally, parce qu’il y avait tant à dire. Et tant de choses qui n’avaient pas encore été dites. « Réveillé des choses ? Tu penses que … qu’elle pourrait encore avoir des sentiments pour moi ? » Demandais-je, surpris. Ça ne m’avait même pas traversé l’esprit, en fait. Parce que j’avais été abandonné, laissé derrière, et que pour moi ça avait marqué une rupture sur laquelle il n’y avait aucun retour. Et il y aurait encore moins de retour possible si Tahlia parlait à son amie de notre relation d’une nuit. « Non ? J’ai pas lu ça ? » Je sortis mon téléphone sans plus attendre. Les Writers n’avaient pas vraiment été ma priorité ces derniers temps, disons-le comme ça. Je lus l’article sur Tahlia. Ça parlait de Carter, de Ciàran, de moi … Je fermai les yeux en secouant la tête. « Mais putain ils sont partout … » Je ne pensais pas que nos rapprochements aient pu intéresser qui que ce soit, ce soir-là. « Ce n’est qu’une question de temps avant qu’Ally l’apprenne, alors … t’as raison … » Et il était même déjà trop tard, sans doute.

Elle ne faisait que s'excuser, Tahlia. Mais elle était dans une situation délicate, tiraillée entre deux amis qu'elle aimait énormément. Elle essayait à la fois de comprendre l'état d'esprit d'Ally et de l'autre côté, elle essayait d'alléger les questionnements de Concho. Et à tout moment, elle savait qu'elle pouvait payer cette neutralité. Heureusement, son colocataire comprit pourquoi elle n'avait pas insisté. Elle se permit même d'ajouter : « ça aurait mené au désastre. » Elle n'extrapolait pas. Ally avait un terrible caractère. Tahlia avait beaucoup de patience, mais quand elle explosait, c'était tout bonnement terminé. Il n'y avait pas de retours en arrière possible et c'était bien ce qu'elle avait voulu éviter. Heureusement, les deux amis parlèrent de leurs enfants, de leur force et de leur envie de se battre. Et quand il parla de la future adolescence de leurs progénitures, Tahlia s'exclama, en riant : « Ne m'en parle pas ! On a encore un peu de temps avant d'affronter des drama queens en puissance. » C'était presque naturel d'imaginer Concho encore présent dans sa vie, quinze ans plus tard. Elle imaginait bien leurs filles grandir ensemble et devenir de bonnes amies. Ce serait l'idéal. Mais avant de se projeter dans le futur, il fallait faire face à leur présent bien trop compliqué. Un présent complexifié par les sentiments et les histoires d'amour inachevées. Parler de Carter était difficile. D'ordinaire, Tahlia avait du mal à se confier sur ses sentiments, mais dans le cas présent, la tâche était d'autant plus difficile parce qu'elle était complètement perdue. Elle ne savait pas ce qu'elle voulait. Elle ne savait plus ce qu'elle ressentait. Elle savait juste qu'elle se sentait vide et seule. Les questions de Concho ne l'éclairaient pas plus. « Peut-être que oui... je ne sais pas, à vrai dire... J'ai le cœur tiraillé, Concho. Je ne sais plus ce que je veux, je ne sais plus ce qu'il faut faire, ce que je dois faire. J'ai rompu avec Carter parce que j'ai embrassé un autre homme. Et cet homme me rend complètement dingue, aujourd'hui encore. Et à côté, quand je vois Carter qui est là, prêt à s'impliquer dans cette grossesse, ça me rappelle pourquoi je suis tombée amoureuse de lui. » Elle haussa les épaules, avant de reprendre : « Je crois qu'il faut que je laisse les choses se dérouler. Je n'ai pas envie de me prendre la tête. Ce n'est pas le moment pour ça. Il faut que je pense à ce bébé avant tout. » Tant pis si elle s'oublie dans l'histoire, tant pis si elle oublie d'écouter son cœur. Les sentiments, c'était un poids qu'elle ne voulait pas porter actuellement. D'ailleurs, en parlant de sentiments, Tahlia se demanda s'il n'y avait pas encore quelques traces d'amour chez Ally. Ce qui sembla surprendre Concho. « Peut-être pas des sentiments à proprement parler. Mais tu es le père de son fils, tu es celui avec qui elle a vécu une grande histoire. Une histoire qui ne s'est pas correctement terminée, de surcroît. Ça laisse forcément des traces... » Elle ne voulait pas parler au nom d'Ally, mais quiconque de sensée ne pouvait rester de marbre face à une telle situation. Sinon, cela voudrait dire que l'on n'avait pas aimé la personne. Et c'était cette ambiguïté, le fait de ne pas connaître les sentiments d'Ally qui poussaient Tahlia à se questionner sur la nuit qu'elle avait passé elle-même avec Concho. En parler ou non ? Sachant que cela avait été mis à jour par les Writers, Tahlia craignait qu'Ally l'apprenne de cette manière et qu'elle leur en veuille de n'avoir rien dit. Concho n'était même pas au courant de l'article. Elle le laissa lire ces quelques mots qui faisaient passer Tahlia pour la fille facile de Bowen, soupirant face à ces premiers mots. « Oui, ils sont là où on ne les attend pas. » Elle n'aurait jamais cru qu'ils épieraient ses faits et gestes. Alors quand Concho avoua qu'elle avait raison, la brune fit une petite moue. « Je crois qu'on n'a plus vraiment le choix. J'en parlerai avec elle, la prochaine fois que je la verrai. Si on peut limiter la casse avec Ally, ce serait déjà ça de pris. » Mais un sourire qui relevait davantage de la nervosité, elle reprit : «Cette histoire nous aura posé pas mal de problèmes, pour les deux célibataires que nous sommes censés être... » Quand ils avaient passé ce moment ensemble, ils pensaient être libres d'agir comme ils le souhaitaient. La vérité était toute autre. Cette histoire avait fait plus de mal que prévu...

Tahlia n’extrapolait effectivement pas. C’aurait été un désastre d’insister auprès d’Ally pour obtenir des réponses aux questions auxquelles elle ne voulait visiblement pas répondre. Je n’en voulais pas à ma colocataire de ne pas avoir essayé de comprendre. De un, parce qu’elle n’avait pas à mener son enquête pour moi et de deux, parce qu’à sa place j’aurais fait la même chose. Face à Ally, il valait souvent mieux s’arrêter. « Carrément. » Me contentais-je donc de répondre en hochant la tête, un léger rire s’échappant d’entre mes lèvres alors qu’au fond cette situation ne m’amusait pourtant pas. Ce qui m’amusa cependant, c’était de m’imaginer nos filles devenir les drama queens que Tahlia décrivait. Je ris. « T’imagines si elles deviennent copines, en plus ? Elles vont nous en faire baver. » Et que pourrait-on répliquer ? On aurait sûrement fait pire qu’elles. L’idée que nos filles deviennent amies me plaisait, et en plus, ça n’avait rien d’impossible. Elles auraient le même âge, iraient peut-être aux mêmes écoles, se fréquenteraient au moins indirectement vu que Tahlia et moi n’étions pas près de mettre un terme à notre amitié. Ce serait presque inévitable. Mais chaque chose en son temps. Nous avions bien des maux du présent à panser avant de songer à tout ce qui nous attendait dans le futur. Je fis une moue désolée en entendant la confusion dans le discours de l’ex-policière. « Et cet autre homme, lui, il se situe où par rapport à toi ? Il veut quelque chose de plus ? » Demandais-je. Mais, quelques minutes plus tard, Tahlia m’avoua qu’il fallait qu’elle laisse les choses se dérouler. Je renonçai donc à cet interrogatoire visant à comprendre où elle en était, puisque je compris qu’elle ne le savait pas elle-même et que ces questions étaient trop grandes et trop précoces. « Je comprends. Bébé avant tout, alors. » Je lui souris. Pour moi aussi, c’aurait dû être bébé avant tout, et pourtant mon cœur avait encore tellement de choses à régler. Il ne faudrait pas qu’en plus de ça, on rajoute des sentiments peut-être toujours vivants chez Ally. Tahlia me laissa toutefois des doutes. « Non, c’est sûr … Ça en a laissé sur moi aussi. Mais je pense qu’il faut qu’on laisse l’eau couler sous les ponts … y’a trop de ressentiments, trop de regrets … j’ai l’impression qu’on n’est pas encore en paix avec notre situation, ni un ni l’autre, et qu’on pourra pas avancer tant que ça ne sera pas le cas. » Et comment faire pour que ce soit le cas ? Je ne savais pas encore. À chaque fois qu’on tentait d’en parler, on s’emportait. Et je ne savais pas que je n’étais pas encore au bout de ma peine. Avec mon aventure avec Tahlia et mon bébé avec Zelda … le pire était à venir. J’acquiesçai finalement à l’idée que la brunette en parle à la rousse, de ladite aventure, même si j’avais d’abord été réticent. Cet article des Writers nous mettait un peu au pied du mur. J’eus un rire nerveux à la constatation de Tahlia. « Avoir su, j’aurais couché avec toi dès le début de la coloc’, avant qu’on se mêle à toutes ces histoires de cœur. » Je ris, tout aussi nerveusement. « J’blague. » Un peu.

Si la conversation avait mal débuté, notamment en parlant de leur soirée, de Freja, d'Ally et de tout ce qui aurait pu les éloigner, Tahlia était rassurée de voir, qu'au fond, tout cela n'altérait pas leur amitié. Mieux encore, le regard de la brune se teinta de tendresse quand ils évoquèrent leurs filles, leurs filles qui viendront peut-être à grandir ensemble. « J'espère qu'elles deviendront amies ! » s'exclama-t-elle, avant d'ajouter, en riant : « Mais on prend le risque qu'elles se liguent entre nous, et là, on sera vraiment mal barrés... Par contre, il faut qu'on fasse un pacte, Concho. Il ne faudra jamais leur dire toutes les bêtises que l'on aura fait dans cet appartement, sinon, on ne sera pas crédibles quand on les disputera. » Elle se mit à rire, les imaginant en parents réprobateurs, alors qu'ils avaient été tout aussi terribles. Toutefois, la légèreté fut de courte durée puisque très vite Concho s'intéressa à Tahlia et à ses émois amoureux. Elle était toujours très pudique sur ses sentiments, mais quand, en plus de cela, la situation était complexe, Tahlia en devenait encore plus désarmée. Elle arriva toutefois à mettre quelques mots, notamment sur ce cœur qui balançait entre deux. Mais la dernière question de Concho la fit réfléchir. Où est-ce que Ciàran se situait par rapport à elle ? Où est-ce qu'elle se situait par rapport à lui ? « Je suis incapable de te dire s'il veut quelque chose de plus, si je veux quelque chose de plus. La situation est plutôt... étrange, à vrai dire. Cet... cet homme était avec ma cousine, et je pense qu'au fond, il y a toujours quelque chose qui la rattache à elle. Et en contrepartie, il y a cette attirance entre lui et moi qui nous bouleverse, qui nous attire, sans même savoir s'il peut y avoir quelque chose de plus. Tout ce que je sais, c'est que j'ai envie de laisser les choses se dérouler naturellement avec lui... » …et de profiter de ce qu'ils pouvaient s'offrir l'un à l'autre. Finalement, elle en avait dit plus que prévu. Elle avait même avoué que cet homme était l'ex d'Harmonie, sans savoir que Concho connaissait sa cousine, prenant même le risque que son colocataire porte un regard réprobateur sur l'ex-policière, 'briseuse de couple', dont le coeur balançait entre deux hommes. Mais toutes ses questions allaient sûrement rester sans réponse encore un moment. Bébé avant tout. Concho, aussi, n'était pas en reste, concernant ses histoires. Ally en était le parfait exemple. Tahlia évoqua d'ailleurs l'idée qu'il y avait encore des restes de leur histoire, peut-être encore quelques traces d'amour résultant d'une histoire qui n'avait pas été officiellement terminée. Elle l'écouta parler de ses rancoeurs encore trop présentes. « Tu as une solution pour ça, pour que vous soyez enfin en paix ? Vous n'allez pas pouvoir attendre indéfiniment que l'eau coule sous les ponts. Il y a Maxwell au milieu et c'est ce qui change toute la donne... » Le problème ne venait pas pleinement de Concho, mais plutôt d'Ally. Et Tahlia le comprendrait encore plus d'ici peu, quand elle sera confrontée aux pires facettes de la rousse. Sans doute fallait-il attendre qu'Ally explose pour enfin obtenir d'elle une conversation mature, digne d'une adulte. Une échéance qui finira sûrement par arriver quand elle apprendra pour le rapprochement entre Tahlia/Concho et pour le bébé avec Zelda. Non vraiment, Tahlia et Concho n'avaient pas choisi le bon timing. Elle rit face à la dernière phrase de son colocataire, hochant la tête : « Je suis d'accord. Quoique... nous connaissant, ça aurait pu complexifier la situation entre nous... Tu connais mon cœur d'artichaut. » Elle se mit à rire, avant d'ajouter, taquine : « Je blague. » Mais au fond blaguait-elle réellement... ? Il aurait pu l'intéresser, s'ils avaient eu des chemins de vie différents. C'était même évident.

Spoiler:

Si nos filles, une fois assez vieilles pour comprendre ces histoires de jeux d’alcool débiles impliquant beaucoup trop d’alcool, ces relations qui s’entrecroisaient et faisaient en sorte que tout le monde avait finalement couché avec tout le monde – ou presque -, apprenaient tout ce qui s’était passé au #17, elles allaient effectivement pouvoir utiliser toutes ces informations contre nous. « On perdrait tout contrôle possible. » Réalisais-je à haute voix avec Tahlia. Je lui tendis donc mon petit doigt, bien décidé à ce que ça n’arrive jamais. « Pinky swear que jamais, jamais, Lara n’entendra parler de ces bêtises. » Ou alors juste quand elle aurait passé le cap de l’adolescence et qu’on pourrait rire de ces histoires sans que ça devienne un motif de plus pour justifier ses rébellions. J’entourai mon petit doigt autour de celui de Tahlia, concluant solennellement ce pacte. Cet intermède léger laissa finalement place à une conversation un peu plus sérieuse concernant les sentiments de la jeune femme. Elle parlait d’un autre homme, que je ne devais sans doute pas connaître, et je ne pus m’empêcher de me demander ce qu’elle représentait pour lui, également. Cherchait-il à bâtir quelque chose auprès d’elle, ou mettait-elle de côté une possible histoire avec le père de son enfant pour une aventure qui ne serait jamais plus que ça ? Il fallait que ça compte un peu, dans la balance. Quand elle parla de sa cousine, je fronçai tout légèrement les sourcils. « Avec Harmo ? » La questionnais-je. Harmonie et moi parlions de temps en temps de nos histoires de cœur, et je me demandais s’il s’agissait du même homme dont j’avais parlé entendu parler. « Alors vois où ça va sans te mettre de pression avec toutes mes questions trop curieuses. » Je souris. « Tant que tu fais attention à toi. » Et qu’elle ne se rende pas malheureuse pour un homme qui en avait une autre en tête ou bien qui ne pourrait jamais lui offrir ce qu’elle voulait vraiment. Finalement, ce fut à mon tour de chercher à savoir où ma relation en était avec Ally et ce que nous attendions l’un de l’autre, avec Maxwell dans le décor aussi. Et Lara et Zelda. J’haussai les épaules à sa question. « Je n’en ai pas, pour le moment. Je vais d’abord voir comment elle réagira à propos de Lara. Et à partir de là … on essaiera de construire quelque chose. » Je n’avais encore aucune idée qu’à la place, Ally allait tout détruire, m’empêchant de voir mon fils pendant les prochaines semaines. Pour le moment, j’avais encore le cœur à rire en faisant allusion à ma relation avec Tahlia, mentionnant qu’avoir su tout cela, j’aurais couché avec elle au tout début de la colocation, afin d’éviter le drame actuel. « Je sais, je suis irrésistible. » Je ris. En vérité, c’aurait probablement été le contraire. J’aurais très bien pu tomber amoureux de Tahlia si elle m’avait démontré un réel intérêt au début de notre amitié. Elle avait tout pour plaire, pour me plaire. Mais nous avions dorénavant une amitié solide que je n’échangerais pour rien au monde. « Bon … sur ce, je pense que je vais aller dormir un peu, Tahl’, si ça ne te dérange pas. J’suis dead. » Je posai ma main sur l’avant-bras de mon amie, un sourire aux lèvres, prêt à me lever pour mieux aller me laisser tomber sur mon lit.

hj:

Effectivement, ils risquaient de perdre tout contrôle si leurs filles apprenaient tout ce qu'il s'était passé dans cet appartement. Surtout qu'ils ne pouvaient pas remettre la faute sur la jeunesse et l'immaturité puisqu'ils étaient des adultes accomplis. De grands gamins dans l'âme, certes, mais officiellement des adultes. Elle crocheta son petit doigt à celui de Concho et souffla, sourire aux lèvres : « Promis juré ! Jamais elles ne le sauront ! » Mais ce sourire qu'elle avait sur les lèvres disparut ensuite quand le sujet fut plus difficile. Les histoires de cœur de Tahlia, ou l'histoire d'une catastrophe. Concho avait mis le doigt sur quelque chose qu'elle occultait, à savoir Ciàran et ce qu'il voudrait d'elle. Elle avait tenté de s'éloigner de lui pour pouvoir construire son histoire avec Carter – une histoire qui pouvait être sérieuse – mais elle avait tout rompu en revenant vers le bel italien. Il n'avait pas tort, Concho, sans doute mettait-elle de côté une belle histoire, qui pouvait durer dans le temps, pour une histoire passionnée, certes, mais éphémère. C'était terrible toutes ces questions qui lui venaient en tête et pour lesquelles elle n'aurait sûrement pas de réponses. Elle se voyait mal se poser tranquillement avec Ciàran et lui demander clairement ce qu'il attendait d'elle. Elle avait juste peur qu'il lui dise 'rien', qu'il lui rappelle qu'il n'avait rien à lui offrir, qu'il ne voulait que sa cousine. Tahlia hocha la tête quand Concho prononça le prénom de sa cousine. « Oui, Harmonie. » Tahlia savait qu'elle passait pour la garce qui avait brisé un couple. Sans doute Freja pensait-elle cela, elle aussi, en voyant sa meilleure amie attristée par la fin de son histoire, mais personne ne venait demander ce qu'il se passait dans la tête de Tahlia. On la jugeait sans la comprendre. Elle sortit de ses pensées en entendant les mots de Concho, hochant doucement la tête face à ses conseils. « Je vais essayer. » dit-elle dans un murmure, même si on savait qu'elle fonçait toujours sans faire attention à elle. Puis ce fut à Concho de se confier à son tour. Même si lui n'avait qu'une personne en tête, il y en avait quelques unes qui tentaient de montrer qu'elles étaient encore là. Des histoires non terminées qui l'empêchaient vraiment d'avancer. Elle ne put retenir cette légère moue quand il lui affirma ne pas avoir de plan concernant Ally. Qu'il fallait attendre sa réaction concernant Lara. Tahlia craignait que cela déclenche l'ouragan Ally. « J'espère vraiment que tout se passera bien et que vous pourrez tenter de construire un portrait de famille. » dit-elle, sincère. Elle ne lui souhaitait que du bien, qu'il puisse trouver une stabilité avec ses ex et ses enfants. Après toutes ces confidences, ils terminèrent la conversation en retrouvant leur légèreté, en disant qu'ils auraient mieux fait de coucher au tout début de leur colocation. Effectivement, cela aurait fait moins de mal. Mais alors qu'elle le taquinait sur d'éventuels sentiments qui auraient pu se déclarer, elle se mit à rire quand il se qualifia d'irrésistible. « Un vrai Casanova ! » affirma-t-elle, en hochant la tête, malicieuse. Mais sans doute cela aurait-il pu être véridique, s'ils avaient pris des chemins différents. Ils ne le sauront jamais. Elle chérissait plutôt l'idée d'avoir préserver cette amitié qui aurait pu voler en éclats. Alors qu'il posa sa main sur son bras et qu'il lui annonça aller se coucher, elle posa son regard sur lui et lui adressa un sourire : « Allez va dormir. Tu en as besoin ! » Elle se leva à son tour, du mieux possible avec ce ventre rond avec lequel elle n'arrivait pas encore à vivre totalement. « Pour ma part, comme je ne vais pas dormir de sitôt, je vais préparer une brioche pour demain matin.  » Evidemment, en pleine soirée, elle se mettait en tête de faire une brioche maison pour le petit-déjeuner. Merci les insomnies de femme enceinte. Mais au moins, on ne pouvait pas dire qu'elle ne prenait pas soin de ses colocataires. Ou alors, était-ce simplement parce qu'elle ne voulait pas être la seule à grossir dans cet appartement. « Bonne nuit Concho. » dit-elle, se rapprochant juste pour déposer un baiser sur sa joue avant de se diriger vers la cuisine, le cœur allégé par cette conversation avec celui qui était toujours l'ami présent.

Fin