Friends can break your heart too (Ally)

Ce midi, en recevant un texto d'Ally lui demandant si elle voulait boire un café avec elle, Tahlia était loin de s'imaginer que c'était le parfait traquenard. Qu'elle ne sortirait pas indemne de ce rendez-vous... C'était donc avec joie qu'elle avait répondu positivement à son message. Tahlia voyait en Ally un soutien parfait pour cette grossesse inattendue, une source de savoir et de conseils. Ally était une bonne maman et Tahlia espérait suivre ses pas avec brio. Il fallait dire qu'elle n'avait pas vraiment d'amies qui etaient déjà maman, c'était sûrement pour cela qu'elle prêtait beaucoup d'intérêt aux conseils qu'elle pouvait donner. Quand l'heure arriva, Tahlia attrapa ses clés de voiture et sortit de son petit studio afin de récupérer son véhicule. Elle était vêtue d'une petite robe à fleurs, fluide, qui mettait en avant son ventre rond. Ses longs cheveux bruns, légèrement ondulés, tombaient en cascade sur ses épaules. Et surtout, elle avait ce sourire qui ne quittait pas ses lèvres. Il n'y avait pas à dire, la grossesse réussissait à Tahlia. Avec Carter, ils avaient choisi le prénom de leur fille, le parrain et les marraines. Et surtout, ces derniers jours, elle sentait sa fille bouger de plus en plus, rendant cette grossesse tellement plus réelle. Tellement plus belle.

Arrivée sur place et s'installant sur la terrasse, Tahlia n'attendit que quelques minutes avant de voir la rousse débarquer. Elle la salua chaleureusement, sans se douter que ça allait vite virer au règlement de comptes. Ally était aussi forte que Tahlia pour masquer ses émotions. Mais comme elle, il arrivait à un moment où le masque ne tenait plus. Une fois les boissons amenées et alors que la brune tentait d'alimenter la conversation, parlant aussi de cette grossesse et des doutes qu'elle engendrait, elle vit le regard de la jeune rousse se faire plus froid de minute en minute. La conversation se faisait même stérile. Tahlia posa son café sur la table et finit par demander : "Tu es sûre que tout va bien, Ally ?" Son regard se teinta d'inquiétude, alors que ses mots étaient plein de douceur. Du Tahlia tout craché, qui était loin de se douter qu'elle était l'une des causes de cette colère brûlante.

T’étais pas bien, Ally. Depuis quelques jours, tu ruminais le monde entier. Même le pauvre petit Maxwell qui n’avait rien fait écopait de cette sainte colère. Tu t’étais excusée, mais à ton sens, ça ne pouvait pas être comme ça éternellement. Tu allais donc confronter les gens envers qui tu éprouvais cette colère et indignation folle. Tu avais envoyé un message innocent à Tahlia et t’allais lui dire la vérité pour Carter, pour Concho aussi. Parce que t’avais mal et qu’elle méritait de le savoir. Pourtant, quand Tahlia était arrivée sous tes yeux avec sa robe de fleurs, tu ne pouvais que sourire gentiment et rester sage. Tu étais arrivée et tu avais commandé un latte. Tu avais discuté naïvement quelques temps, mais t’étais clairement tendue. Tahlia posait LA question, celle que tu aurais voulu éviter. D’un autre côté, tu n’avais pas le choix. « Non. » Répondais-tu franchement en laissant un soupir s’échapper d’entre tes lèvres. « Non, Tahlia. » Que tu relançais. « T’as pas été foutue d’être assez honnête avec moi l’autre jour pour me dire que t’avais couché avec Concho. » Dis-tu. Tu bois une gorgée de latté, le regard assassin. « Coucher avec mon ex, ton coloc, ça te regarde. Mais aies au moins la décence de me le dire franchement. » Tu ne haussais pas le ton, c’était clairement pire quand t’avais la voix basse. « Donc, j’me suis vengée. » Tu jouais avec ta tasse. Tu te sentais clairement pas fière en voyant son ventre, t’aurais détesté ça toi... Mais d’un autre côté, t’avais besoin qu’elle comprenne. « Donc, pour ne pas faire comme toi, saches que j’ai couché avec Carter. » Tu esquissais un sourire machiavélique, un peu mal placé. Condescendant. Tu ne lui demanderais pas pardon, mais quelque part, tu te punissais toi-même à regarder le ventre de la brunette. Tu t’excusais mentalement à cet enfant qu’elle portait comme quoi tu ruinerais sans doute le début de son existence.

Il y avait quelque chose qui clochait chez Ally. Et parce que Tahlia avait cette fichue empathie, elle ne pouvait pas continuer sans se soucier pour son amie. Si seulement elle avait su ce qui l'attendait, elle n'aurait sûrement jamais rien demandé... Alors quand la rousse lui confirma que ça n'allait pas, Tahlia répondit avec inquiétude, ses grands yeux verts rivés sur elle : "Qu'est-ce qu'il se passe ?" Elle se disait qu'elle allait sûrement devoir gratter, insister pour que la jeune maman se confie. Mais elle se trompait sur toute la ligne. Il semblait avoir un trop-plein chez Ally. Un trop-plein qui la poussa à dire clairement ce qui la gênait. Tahlia haussa les sourcils quand la jeune femme parla de Concho et du fait que Tahlia avait couché avec lui. "C... Comment tu l'as su ?" demanda-t-elle, d'abord. Concho avait dû lui dire, probablement. La brune se ressaisit, afin de se justifier : "Ce n'était rien de sérieux, Ally. J'aurais fini par te le dire, mais la dernière fois, ce n'était pas le sujet principal." Elles avaient surtout parlé de Maxwell et de la paternité de Concho. Et puis Tahlia devait s'expliquer auprès d'autres personnes, Freja notamment, avec qui elle voulait à tout prix sauver l'amitié. Mais Ally voyait cela comme de la pure trahison, sans se dire un seul instant que Tahlia avait peut-être ses raisons, que ce n'était pas un secret d'état. En entendant les nouvelles paroles de la rousse qui lui affirma qu'elle s'était vengée, Tahlia sentit son coeur rater un battement. Elle était nerveuse. "Qu'est-ce que tu racontes ?" Là, avec un sourire machiavélique et le regard fier, Ally lui lâcha abruptement qu'elle avait couché avec Carter. Pour Tahlia, ce fut la douche froide. Elle en était sonnée. C'était comme si on venait de prendre son coeur et qu'on le découpait en petits morceaux. Elle savait que ça arriverait un jour, que Carter irait voir ailleurs. Mais même si elle s'était préparée à cette idée, ça n'en restait pas moins douloureux. Surtout en sachant que c'était avec Ally, pour une simple vengeance. "Et il sait que tu l'as utilisé pour te venger de moi ?" dit-elle, dégoûtée de l'attitude de la rousse. Se venger, c'était déjà petit. Utiliser quelqu'un d'autre, c'était mesquin. Sauf si c'était aussi une vengeance de Carter. Ce serait quelque chose à éclairer. Les larmes aux yeux, signe de rage, de tristesse et de haine, Tahlia reprit : "Tu n'aurais pas pu simplement venir me voir pour que l'on puisse discuter comme deux adultes ? Mais non, au lieu de faire preuve de maturité, la grande Ally a fait ce qu'elle savait faire de mieux : jouer à la connasse...." Elle n'en revenait pas. Elle n'en revenait pas que l'on puisse faire cela volontairement. "J'espère que ce n'est pas la première leçon que tu apprends à ton fils." finit-elle par lâcher, blessée, mais sans hausser le ton. Cette fille ne méritait pas qu'elle se donne en spectacle pour elle...

Ton amie te questionnait à savoir ce qui se passait et elle venait d’ouvrir une terrible boite de Pandore. T’étais en colère, furieuse même. Tahlia démontrait sa surprise alors que tu étalais tes savoirs. « Ça a vraiment de l’importance de savoir comment je l’ai su? » Demandais-tu en crachant presque tes mots. « En fait, tout ce que t’as à savoir c’est que je ne l’ai pas su de toi. » Quelque part au fond de toi, t’espérais qu’elle te dise que c’était faux... Que ce n’était que des rumeurs, mais le fait qu’elle ne le niait pas réduisait tes espoirs à néant et ton cœur se brisait un peu plus. La femme tentait de se justifier et tu émettais un petit rictus. Tu t’en foutais de tout ça. « Le sujet principal? Parce qu’on a pas droit aux sujets secondaires et tertiaires, maintenant? » Que tu dis sans te calmer comme si elle venait de mettre de l’huile sur le feu. « C’est le père de mon fils. » Que tu craches, évidemment que c’était quelque chose de sérieux pour toi.

Elle te questionnait alors que tu lui mentionnais ta revanche. Elle était sonnée et ça paraissait et quelque part, t’étais un peu contente de tout ça. Parce qu’elle savait maintenant l’effet que ça te faisait à toi... de te briser un peu plus. Tu la regardes droit dans les yeux et à sa question, tu hausses les épaules. C’était pas comme si c’était important. Puis, c’était encore plus drôle de savoir qu’elle pouvait s’imaginer les deux avenues par elle-même. Tahlia avait les larmes aux yeux et quelque part, ça te faisait mal. Tu devais te préserver toi-même, Ally. Tu l’écoutais alors qu’elle te mentionnait la discussion entre deux adultes. « Si tu me l’avais dit et que je l’avais pas appris d’ailleurs, c’est ce qu’on aurait fait, effectivement. » Déclares-tu avant d’entendre que tu jouais à la connasse. T’es surprise, mais pas tant... Tu l’as mérité, clairement. Mais t’es en colère.

« Et toi, j’espère sincèrement que tu connais l’identité du père de ta fille!? Es-tu réellement certaine que ce soit celui de Carter? » Que tu demandes tout aussi mesquinement. Après tout, Tahlia avait bien fait d’autres trucs avec d’autres... Dans ta tête, tu te questionnais bien. « Carter, Concho, Ciaran, Azriel... » Tu les comptes sur tes doigts afin de faire réagir sous tes yeux. « Ça, c’est sans ceux que je ne connais pas. » Tu levais les yeux au ciel. « La première leçon que j’vais apprendre à mon fils, c’est de pas se taper de traînée dans ton genre. » T’avais dépassé les bornes et tu le savais. « Alors, avant de me dire que je joue à la connasse, sois certaine que tu ne joues pas à la putain. »

Alors que la rousse s'énerva sur les sujets principaux, secondaires, tertiaires, la brune lâcha un long soupir : "Ce n'est pas ce que je veux dire ! Ce soir-là, tu m'as annoncée que Maxwell était le fils de Concho. Tu me voyais te lâcher 'ah bon ? En parlant de Concho, tu sais que j'ai couché avec lui ?'. Désolée, j'ai préféré ne rien dire ce soir-là." Elles avaient été à deux doigts de la dispute cette soirée-là, Tahlia n'avait pas voulu mettre de l'huile sur le feu. Surtout pour une histoire qui n'était pas sérieuse. Tahlia et Concho, ce n'était pas sérieux, contrairement à Concho/Ally. "C'est bien ce qui me rend encore plus coupable. Je t'assure, lui et moi, ça ne voulait rien dire. On n'était pas dans notre état normal." Cela ne l'excusait pas, certes, mais Tahlia avait déjà bien trop payé pour l'histoire d'un soir. Et elle le payait encore plus avec cette annonce lâchée abruptement. Ally et Carter ensemble. Elle ne savait même pas qu'ils se connaissaient ces deux-là, qu'ils s'appréciaient, qu'ils se draguaient. Et putain, que cela faisait mal. Le coeur en miettes, Tahlia fut toutefois intriguée par la réaction d'Ally, par ce sourire mesquin qui laissait croire que tout était calculé. Avait-elle charmé Carter pour blesser Tahlia ? Ally ne répondit pas à la question de l'ex-policière, se contentant de hausser les épaules. "Réponds à ma question !" siffla-t-elle, le ton plus dur. Elle préfèrerait savoir que leur attirance était vraie, plutôt que d'imaginer un seul instant Ally en train d'utiliser Carter. Malgré la rupture, l'anglais restait son point faible, celui qu'elle voulait protéger quoiqu'il advienne. Ally avait préféré jouer sur ce plan-là plutôt que d'avoir une discussion entre adultes. "Tu ne m'as pas laissé le temps de le faire !" se défendit Tahlia, qui lâcha alors la phrase qui fit tout déraper : Ally avait préféré jouer à la connasse.

Le revers fut violent. En quelques phrases, la rousse mit Tahlia à terre.  "Tu es sérieuse ?!" Elle était assommée par tant de rancoeur, elle était blessée au plus profond d'elle-même. Son regard plein de larmes - qu'elle refusait de laisser couler - démontrait toute sa douleur et toute sa colère. Elle détestait Ally. Pire même : elle la haïssait. "Tu as oublié Arthur..." dit-elle, provocatrice, alors que la rousse faisait le décompte des hommes que Tahlia avait eu autour d'elle. "... vu que tu fais le point sur les hommes que j'ai côtoyé ces trois dernières années." Sa relation avec Azriel remontait à plus de deux ans. Elle était restée de longs mois avec Arthur, puis avait enchaîné sur son histoire avec Carter. Elle avait eu de belles histoires, Tahlia. Et pour Concho, on lui mettait l'étiquette de traînée ! "Tu te rends compte de ce que tu dis ? J'ai dit que tu jouais à la connasse, c'est vrai, mais je sais aussi que c'était un moyen pour te défendre, Ally." Cela ne la pardonnait pas, certes, mais elle savait que c'était la colère et la douleur qui avaient fait agir la rousse. Tahlia était impulsive, elle aussi. Sous le coup de la colère, elle pouvait faire n'importe quoi. Et pour cela, elle comprenait Ally. Les mots de la rousse, en revanche, relevaient de la pure méchanceté. Elle avait eu sa revanche : elle avait atteint Tahlia.   "La putain que je suis va s'en aller. On ne sait jamais, je vais peut-être trouver un autre mec à ajouter à ma liste." Tahlia rassembla ses affaires et se leva brusquement. Trop brusquement, sûrement. Une vive douleur la submergea subitement. Une douleur qui lui fit lâcher son sac et qui la poussa à se pencher, ses mains plaquées sur ce ventre rond. Elle se rassit tout aussi vite, lâchant un gémissement de douleur, alors que sa respiration se fit plus courte. Les yeux fermés et les traits tirés par la douleur, elle lâcha, les dents serrés : "Va-t-en Ally. Putain, va-t-en !" Elle était incapable de bouger, tant la douleur était forte, mais elle savait une chose : elle ne voulait plus avoir la rousse dans son champ de vision.

Tes yeux s’agrandissaient face aux inepties que Tahlia te disait et t’étais foutrement sous le choc. « Justement, ça aurait été pertinent que tu m’en parles à ce moment là. Si je ne t’en parlais pas maintenant, t’aurais gardé le secret jusqu’à quand, Tahlia? » Putain. C’que tu devenais en colère, enragée même. Ça te faisait sortir hors de tes gonds. La brune te rappelait que ça ne voulait rien dire et qu’ils n’étaient pas dans leurs états normaux. Tu levais les yeux au ciel. « C’est sensé excuser le geste? » demandais-tu de plus belle alors que tu ne bougeais pas, le feu passait dans tes veines. La colère te faisait légèrement trembler. À sa question, son ton dur ressortait et tu te souvenais pourquoi elle avait été flic. Tu haussais les épaules, un sourire narquois scotché aux lèvres. « Ça fait mal de pas savoir, hein? » Que tu demandes hypocritement. Tu prends une gorgée de ton café qui passe mal. Il est amer, foutrement amer même. Mais tu sais pas si c’est la situation qui le rend amer ou... À son argument que tu ne lui avais pas laissé le temps, tu t’avançais vers elle. « Sérieusement? » Tu bouillais. « Parce que ça date pas d’hier, selon ce que je sais. » Inspire. Expire. Inspire. Expire. Tu trembles tant tu trouves la tout ridicule.

La brune t’avait fait du mal et tu t’assurais qu’elle le sache et qu’elle ressente la pointe de l’iceberg. Elle rajoutait même Arthur. Tu pouffais de rire, un rire noir et tu levais un doigt de plus en l’air. « Tu crois que je devrais lever les orteils pour toutes tes aventures d’un soir? » que tu demandes, franchement ahurie. La femme sous tes yeux te remettait à ta place en te demandant si tu réalisais l’impact de ce que tu faisais et tu voyais trop noir pour le moment pour le réaliser par toi-même. « Un moyen de me défendre? » Répètes-tu en ayant l’impression de t’être déconnectée de la vie, de l’univers même. Tu entendais ton cœur battre à travers tes oreilles. Tahlia disait que la putain qu’elle était allait partir et qu’elle allait peut-être trouver un autre mec à ajouter à sa liste. « T’essayeras Henri. » murmurais-tu pour toi-même plus que pour elle. Tu gardais une rancune amère envers le beau brun. T’avais l’impression de détruire ta propre vie à l’instant. Tu croisais les bras et tu l’observais ramasser ses affaires, la mine fâchée. Tu la voyais échapper son sac, tu la voyais se pencher immédiatement sur son ventre. T’as les yeux qui s’arrondissent, tu décroises tes bras et tu te redresses. T’avais beau être en colère contre Tahlia, tu ne lui souhaitais pas de mal pour autant. T’entends son gémissement, t’entends aussi le fait qu’elle veuille que tu partes. T’arrondis les yeux et normalement, t’aurais été égoïste et t’aurais pris tes jambes à ton cou, mais là... Là c’était problématique. « Tahlia, qu’est-ce qui se passe? » Que tu lui demandes en te relevant d’un coup pour t’approcher d’elle en prenant son bras doucement. Tu regardes Tahlia bouillir et tu te retournes vers la barista. « Appelez une ambulance! » que tu ordonnes. « SUR-LE-CHAMP! » Tu refusais de croire que c’était un hasard...

Elle restait persuadée que la soirée au restaurant n'aurait pas été le moment idéal pour annoncer une telle nouvelle. Mais Ally lui demanda quand Tahlia aurait fini par le dire, la brune leva les yeux au ciel, s'exclamant : « Je n'en sais rien ! Je ne pensais pas mettre autant de temps, mais j'avais d'autres choses en tête. » Il y avait sa grossesse qui était tombée en plein milieu, puis les explications avec Concho, le déménagement, les retrouvailles avec Freja. Oui Tahlia avait complètement mis de côté cette nuit avec son colocataire. Une nuit qui n'avait aucune retombée, puisqu'ils n'étaient pas dans leur état normal. « ça n'excuse pas le geste, mais c'est important de le préciser. » Histoire de montrer qu'elle ne lui avait pas planté un couteau dans le dos. Pas comme Ally. Ally dont elle était persuadée qu'elle avait manipulé Carter. Et cela l'énervait de ne pas avoir de réponse à sa question. « Ce n'est pas la question. » répondit-elle aussi durement, avant d'ajouter : « Aurais-tu honte d'ajouter le mot 'manipulatrice' à ta longue liste de défauts ? C'est la seule raison qui expliquerait pourquoi tu ne réponds pas honnêtement. » Elle préférait tellement qu'elle lui dise qu'elle avait eu envie de Carter. Cela ferait mal, mais cela préserverait le bel Anglais. Même si oui, elle aurait largement préféré cette discussion entre adultes. Mais quand Ally remit sur le tapis que la nuit avec Concho ne datait pas d'hier, la brune se contenta de lâcher un long soupir. Elle avait donné ses arguments juste avant. Cela ne servait à rien de rétorquer. C'était un discours de sourds.

En revanche, ce qui ne la rendit pas sourde furent les mots que la rousse lâcha violemment, crachant son venin sans aucun filtre. Une putain. Une traînée. Voilà ce qu'était Tahlia à ses yeux. Elle pensait même avoir les arguments nécessaires quand elle lança, fièrement, sa liste des hommes côtoyés par la brune. Une liste qui n'avait pas lieu d'être et que Tahlia utilisait pour se moquer de la rousse. Elle se permit même d'ajouter le nom d'Arthur. Et  provocatrice – une provocation surfaite parce qu'en réalité elle souffrait – elle se permit de répondre : « T'inquiètes, je te prêterai mes dix doigts pour la suite. » Mais ce masque ne put rester visible plus longtemps. Tahlia tenta de mettre Ally devant le fait accompli, devant ces mots d'une dureté incroyable. La colère parlait surtout pour elle et la déconnectait de la réalité. Ça, Tahlia s'en rendait compte et l'annonça subtilement en parlant de ce moyen de se défendre. « Je sais que je t'ai fait du mal. Et je sais que la colère et la douleur peuvent faire faire des choses incompréhensibles. » Elle s'en rendait compte, mais ne pardonnait pas pour autant. Alors, plutôt que de laisser ses émotions prendre le dessus, elle se leva brusquement en disant qu'en bonne putain qu'elle était, elle irait trouver un autre mec à ajouter à sa liste. Ally évoqua Henri. « Oh arrête... » La brune leva les yeux au ciel et récupéra ses affaires. Mais même si Tahlia ne laissa pas exploser ses émotions, son corps le fit pour elle. Une vive douleur s'empara d'elle, au niveau de son ventre. Elle avait déjà eu quelques micro contractions, mais de cette intensité, jamais ! Elle se laissa retomber sur un siège, un gémissement de douleur s'échappant de ses lèvres. Elle n'entendit pas la question d'Ally, se concentrant pour gérer cette douleur, cette peur qui s'emparait d'elle. Puis elle sentit un contact sur son bras, dont elle se départit brusquement. « Ne me touche pas !!!» dit-elle durement, davantage sous le coup de la douleur que sous la rancoeur. Elle entendit Ally crier aux employés d'appeler une ambulance. Manquait plus que ça... ça en était trop. Rouvrant ses yeux pleins de larmes, Tahlia posa son regard sur Ally. « Va t-en !!» répéta-t-elle. « Tu voulais me voir souffrir, c'est ça ? Eh bien, c'est gagné... »

« T’en sais rien parce que tu ne me l’aurais jamais dit! » Que tu t’exclames vivement alors qu’elle te dit qu’elle avait autre chose en tête. Bullshit. Tu lèves les yeux en l’air, tu tires ta propre conclusion comme t’as toujours fait. La brune disait que ça n’excusait toutefois pas le geste et tu te calmais un peu. « Merci. » C’était tout ce que t’avais besoin d’entendre pour te calmer un peu. La femme ne lâchait pas l’affaire, la vérité était surtout que tes souvenirs étaient vagues concernant cette soirée, cette nuit. Pour ce que t’en savais, t’avais ramassé ta culotte qui jonchait sur le sol le lendemain matin. Tu émets un rictus alors qu’elle ajoute le terme manipulatrice à ta liste de défauts. Tu secoues la tête et tu lèves les yeux au ciel. Tu tentes de te rappeler la réalité... T’étais trop ivre pour te rappeler. T’étais dans un piteux état, t’étais ivre, t’avais mal. « La seule raison pour laquelle je ne te réponds pas est que je ne le sais plus, Tahlia! » Que tu rugis finalement. T’avais le souvenir du cœur brisé, tu le ressentais encore aujourd’hui. T’avais le souvenir d’être tombée, d’avoir déchiré un vêtement, tu ne sais plus lequel. Tu te souviens de la colère que t’avais envers Concho, envers Tahlia aussi. T’avais le cœur brisé aussi à cause d’Henri et quelque part aussi à cause de Zelda. Tu respires, t’as besoin de respirer. Tu te recentres sur ta respiration. Tu ne pensais pas que cette nuit pouvait t’atteindre.

Tu entends Tahlia au loin et tu revenais. Tu préférais ignorer sa remarque concernant ses doigts. Tu reviens à l’instant présent. La brune avouait t’avoir fait du mal et elle mettait des mots sur des émotions que toi-même t’avais envie d’étouffer. Tu repensais à Henri et tes yeux s’embuaient... Ces larmes s’asséchaient alors que Tahlia avait mal. Elle hurlait de ne pas la toucher. « Woh, ça va. » Dis-tu en te reculant. « T’es à combien de semaines? » Demandes-tu pour t’assurer que l’enfant est viable. Elle hurle de t’en aller... Et tu fronces les sourcils. « Maintenant, t’arrêtes, on reprendra cette querelle un autre jour! » T’essuies tes résidus de larmes de tristesse, de rage, d’incompréhension pour passer à autres choses. T’allais répliquer un truc quand elle te rappelait que tu voulais la voir souffrir elle. « Putain, que t’y piges rien. » Tu te retournes vers la barista : « Elle vient cette ambulance ou pas?! » Tu te souviens de tes propres hormones, t’as foutrement mal pour elle. « On s’occupe du bébé et ensuite on règlera nos comptes. » Rappelles-tu. C’était ça être mère, c’était de mettre les enfants en avant plutôt que soi-même. « Tu t’es pas pissée dessus? » Que tu demandes, inquiète parce que sinon, Tahlia aurait un accouchement hâtif, trop hâtif, sans doute. Était-elle non seulement à 37 semaines? C’était quasi impossible...

Reconnaître ses tords, reconnaître qu'être sous l'emprise de stupéfiants n'avait pas pardonné le geste semblèrent calmer quelque peu Ally. Enfin, calmer était un bien grand mot. En revanche, Tahlia, elle, avait toujours l'idée en tête d'en apprendre plus sur les raisons qui avaient poussé Ally à coucher avec Carter. Si elle l'avait lâchement utilisé ou non. La raison qu'elle lui donna ne suffit pas à convaincre Tahlia. « Tu ne le sais plus... évidemment. » lâcha-t-elle, ironiquement. « Vous aviez bu, c'est ça ? » Cela n'excuserait pas Ally, loin  de là. Mais Tahlia sentait une autre colère la ronger, une déception même. Une déception à l'encontre de Carter, cette fois-ci. En sortant de l'hôpital, après avoir appris la grossesse de Tahlia, ils s'étaient mis d'accord sur le fait qu'ils arrêtaient tout. Que Carter arrêtait l'alcool. Que Tahlia arrêtait la drogue. Pour leur fille. Elle, elle était en passe de réussir, même si le manque se faisait ressentir vivement. Carter, lui, avait échoué et c'était frustrant pour la brune, qui bouillait littéralement. Il y avait ce trop-plein d'émotions qu'elle ne pouvait plus contrôler, qui la brisait lentement. Un trop-plein d'émotions qui trouvait un écho chez celui d'Ally. Ally aussi avait souffert. Tahlia remarqua qu'elle avait visé dans le mille en voyant le visage de la rousse, en voyant ces larmes durement retenues par Ally. Elle avait dû avoir sacrément mal pour se venger de la sorte. Alors que la rousse avait opté pour le revers et la revanche, Tahlia, elle, choisit de garder ses souffrances pour elle. Mais aujourd'hui, elle atteignit la fois de trop...

Ce fut son corps qui réagit en premier. Ce fut son bébé qui lui lança un signal d'alerte. Une douleur intense paralysa la brune qui resta clouée sur son fauteuil. Mais malgré la douleur, elle restait alerte  sur ce qui l'entourait, sur cette main que la rousse posa sur elle et qui occasionna directement un geste d'opposition de la part de la brune. Refermant les yeux, inspirant lentement, la main sur son ventre, elle entendit simplement la question de la jeune femme. « 25 semaines. » répondit-elle simplement. Elle débutait à peine son sixième mois, bien sûr qu'elle était loin du terme.Alors qu'elle lui lâcha qu'elle avait réussi son coup, que Tahlia souffrait suffisamment, Ally lui rétorqua qu'elle ne comprenait rien. Mais à cet instant, Tahlia lui en voulait énormément, elle lui en voulait de l'avoir bousculée de cette manière, au point de la mettre à mal face à cette grossesse déjà bien trop compliquée. Et alors que son amie tentait de mettre de l'eau dans le vin, en disant qu'elles devaient d'abord s'occuper du bébé, Tahlia répondit : « C'est ce que je fais, justement. Je m'occupe de mon bébé. Et pour ça, je n'ai pas besoin de t'avoir dans mon champ de vision. Tu ne m'aides pas, Ally, tu me rends encore plus nerveuse. Et je n'ai pas besoin de ça... » finit-elle par dire. « Je n'ai pas perdu les eaux. L'ambulance va arriver. Donc, ça va aller. Rentre chez toi, maintenant. » Elle releva la tête vers elle et ajouta : « S'il te plaît. » Alors qu'elle l'avait demandé de manière virulente jusqu'à présent, elle la suppliait presque de partir. Elle préférait être seule, plutôt que d'avoir une personne à ses côtés, en qui elle n'avait plus confiance. Du bruit se fit entendre à l'entrée du bar. L'ambulance arrivait enfin. Les gens s'écartèrent de l'endroit où se trouvait Tahlia afin de permettre à l'équipe médicale d'assurer les premiers soins. Puis elle fut installée sur un brancard, direction l'hôpital et cette chambre qu'elle n'allait connaître que trop bien...

Spoiler:

La brune t’en voulait et c’était tout à fait normal. Tu t’en serais voulue aussi à sa place. La femme te rappelle que vous aviez bu et t’as l’impression de revoir ta gueule de bois. Tu grognes un peu, la migraine de ce soir précis te retrouvant peu à peu. « Oui. » Admets-tu penaude. « Moi oui, Carter, j’le sais plus. » Avoues-tu simplement. Tu ne savais pas trop où te placer par rapport à tout ça, tu ne savais pas tout ce que ça englobait. Tu soupirais vaguement alors tu tentais de refaire surface à la situation actuelle. Tu apprenais quelques instants plus tard que la brune était enceinte de 25 semaines... Tes yeux s’arrondissent et tu flippes officiellement. On était loin du bébé à terme. La femme s’occupait de son bébé et toi, tu ne l’aidais pas. Tu tremblais parce que tu savais qu’elle avait raison. Tu tremblais parce que tes nerfs à toi te lâchaient aussi. Tahlia t’implore pratiquement de partir et t’as envie de les prendre à ton cou, tes jambes. Tu inspires, tu expires. « Non. » Déclares-tu finalement fermement. « Plus tard, peut-être. » Déclares-tu alors que l’ambulance l’emporte. Tu embarques avec elle dans l’ambulance. Tu n’étais pas blessée, tu n’étais pas de la famille. T’avais pourtant mal et tu te sentais coupable. Tu te sentais bien petite dans tes baskets, mais quelque part, t’avais besoin que le bébé aille bien pour que toi aussi t’ailles un peu mieux. « T’en fais pas. J’disparaitrai plus tard. » Déclares-tu d’un ton neutre. Arrivés à l’hôpital, tu suis un peu les brouhahas et tu ne t’imposes pas plus que ça. « J’veux juste m’assurer... » T’assurer que tout ailles bien, Ally? T’as imposé tout ce drama, tu ne veux pas que tout aille bien. « Qu’il ou elle soit encore vivant et hors de danger. » Parce qu’il ou elle ne méritait pas tout ça.

Ils avaient bu. Enfin, Ally avait bu, mais elle n'en savait pas plus pour Carter. Encore une question qu'elle allait devoir poser et qui risquait de faire encore plus de mal. Parce que Tahlia ne digérait pas le fait qu'il n'avait pas tenu le pacte. Leur pacte. Elle en venait à se demander s'il était capable de garder Thaïs et c'était bien le genre de questions qui ne lui était absolument pas passé en tête jusqu'à présent, tant elle portait une confiance indéfectible en Carter. Maintenant, tout était remis en question et elle en avait mal. Mal au cœur. Mal au plus profond des tripes. Elle ne savait pas si cette annonce avait déclenché les contractions, mais elle se doutait que cela y avait contribué. En plus d'avoir brisé le peu de relation qui restait entre Carter et Tahlia, après avoir arraché la dignité de la brune et l'avoir plantée à terre, il fallait qu'Ally contribue à cette grossesse qui était déjà bien trop difficile. La rousse sembla angoisser en comprenant qu'elle n'était qu'à 25 semaines, et heureusement qu'elle angoissait ! Quand l'ambulance arriva et malgré les paroles de Tahlia, Ally monta avec elle et l'accompagna jusqu'au bout. Qu'est-ce qu'elle ne comprenait pas dans les mots Va-t-en?! Heureusement, l'esprit de Tahlia dévia vers le médecin, puis vers ce brouhaha de l'hôpital. On la plaça dans une chambre, avec le monitoring, en attendant qu'elle passe l'échographie. Quand le brouhaha s'apaisa quelque peu, Ally réapparut dans le champ de vision de la brune. « Tu veux t'assurer de quoi ? Que tu as bien réussi ton coup ? » dit-elle, mauvaise. Mais non, elle voulait s'assurer que le bébé était vivant. « Si tu t'étais un peu intéressée à ce que j'ai bien pu te dire sur ma grossesse, tu aurais su que c'était une fille. Mais comme il n'y a que ta petite personne qui t'intéresse... » Elle détourna le regard, sentant l'énervement revenir. « Tu entends le bip... alors rassure-toi, elle est vivante. »