if you're still breathing you're the lucky ones ▽ cassandre

if you're still breathing
you're the lucky ones

Des mèches rebelles venaient doucement caresser ses joues, agitées par la légère brise qui balayait la ville, sous les rayons du soleil australien. Prise d'un élan qui ne la trouvait que rarement, les armoires de son appartement miteux quasiment vides, ne contenant qu'un bocal de haricots ou peut-être un reste de sauce tomate, Effy était sortie pour se rendre jusqu'à l'épicerie, avec le peu d'argent dont elle disposait, pour racheter au moins quelques petites choses à se mettre sous la dent. La jeune femme n'avait jamais eu un grand appétit, encore moins depuis qu'elle consommait très régulièrement des drogues dures. Et elle préférait clairement dépenser son argent dans ces drogues, que dans de la nourriture. Mais il fallait bien survivre, tout de même. L'anglaise s'était donc rendue jusqu'à l'épicerie du coin, le regard dans le vague, des poches prononcées sous les yeux. Comme toujours, la descente était difficile. Elle avait passé la nuit à satisfaire des clients, se perdant dans ces échanges charnels qui, outre l'argent, lui apportaient cette satisfaction malsaine que de laisser des hommes prendre possession de son corps et d'en faire ce qu'ils voulaient. Elle avait décidé qu'elle n'irait pas au boulot aujourd'hui - son "vrai" boulot, celui qui renvoyait une image plus respectable au commun des mortels -, de toute manière, elle pouvait très bien travailler de chez elle. Au moins avait-elle quelque chose sur laquelle se concentrer en ce moment, dans cette investigation dans laquelle elle s'était lancée, et qui occupait certaines de ses journées et de ses nuits depuis des semaines désormais. Elle s'enfonçait de plus en plus profondément dans ce qui semblait être un cas de réseau mafieux, même si elle n'avait encore aucune certitude, mais comme bien souvent, son instinct lui soufflait qu'elle était sur la bonne voie. Arrivant à l'épicerie locale, Effy poussa la porte, traînant dans les rayons d'un pas nonchalant, sans trop savoir ce qu'elle recherchait. Juste quelque chose pour la nourrir, finalement. Peu importe ce que c'était, elle s'en moquait bien. Lorsqu'un fantôme du passé se glissa dans son champ de vision, la brunette s'arrêta, fronçant les sourcils, pas certaine de si ce qu'elle voyait était bien réel, ou si c'était un produit de son esprit torturé. Peut-être qu'elle imaginait des choses, même si elle ne voyait pas bien pourquoi l'image de Cassandre lui serait subitement apparue dans les rayons d'une épicerie.

Est-ce véritablement une bonne idée que d’avoir conservé cette épicerie ? Après tout, elle appartenait à la famille Marshall, et elle te rappelle bien trop de souvenirs, Cassie. Mais tu y vas, parce que c’est ton travail, parce que les parents de ton ancien fiancé ne t’ont rien fait, et que tu les apprécies. Alors, ce jour là, tu y vas, un chignon pour réunir tes cheveux, avec des cernes parce que tu as du mal à dormir, du mal à te remettre de cette séparation. Tu réapprovisionnes tranquillement les rayons, tout en assurant la caisse quand il y a des clients à encaisser. Tu entends la porte s’ouvrir, et tu te retournes sans vraiment regarder la personne, perdue dans tes pensées, lâchant un « Bonjour ! » accompagné d’un petit sourire. Après tout, il est important d’être commercial.
Puis, tu vois la personne se figer, à côté de toi. Peut être a-t-elle besoin d’aide ? « Je peux vous aider, peut être ? » tu proposes en te tournant vers ladite cliente. Puis, tu la reconnais. Comment tu pourrais bien ne pas la reconnaître ? Elle est comme une sœur pour toi, tu l’as vue grandir, et tu l’as même gardée fut-il un temps, bien que vous n’ayez pas tant d’années d’écart que cela. Tu ne l’as pas vue depuis bien longtemps, et elle non plus, n’a pas vraiment l’air en forme. Après tout, ce n’est pas si surprenant ; Effy a toujours été plus ou moins dépressive, et torturée. Tu t’inquiètes encore plus, et ton côté maternel reprend le dessus. Après tout, tu ne peux pas réprimer ton côté maman, tu as toujours été comme ça. « Effy ?! Ca fait tellement longtemps ! Tu vas bien ? Je m’inquiétais, tu n’as pas donné de nouvelles depuis un moment… » Tu affirmes en la prenant dans tes bras, ravie de la voir. Enfin un visage du passé autre que ton frère, un visage qui ne te rappelle en rien ton ex.

C'était rare qu'elle soit déstabilisée, mais pour le coup, Effy ne bronchait pas, affichant un air interloqué. Il lui fallut quelques secondes pour que les paroles de la brune ne filtrent jusqu'à son cerveau - la fatigue n'aidait en rien -, et elle se retrouva dans les bras de Cassie sans avoir eu le temps de dire un mot, ne réagissant que mollement, le temps que ses idées se remettent en place. Cela faisait un moment qu'elle n'avait plus vu l'anglaise et elle n'avait pas pensé une seule seconde à la retrouver à Bowen, surtout de façon si imprévue. Finalement, la jeune femme sembla se reprendre et ouvrit la bouche, pour répondre à son amie de longue date. « Je... Oui, ça va. » marmonna-t-elle, toujours en difficulté avec ces informations qui lui tombaient dessus. Elle finit par esquisser un très mince sourire, éclairant un peu ses traits tirés, en croisant le regard de l'autre anglaise. L'invitation au mariage se rappela à elle, une fois qu'elle eut assimilé correctement les mots de Cassandre. Oui, ça faisait longtemps, elle n'avait plus vraiment donné signe de vie. Elle n'avait jamais répondu à l'invitation, n'était pas venue non plus. D'un coup, elle se sentit un peu honteuse. Et c'était exceptionnel, venant d'elle. Mais Cassie était différente des autres personnes de son entourage, et bien une des seules devant laquelle elle se sentait obligée de se justifier. Pour le coup, elle n'en avait pas, de justification. La brunette baissa un instant le regard, sans savoir quoi dire, pour rattraper d'un coup tout ce temps sans nouvelles et expliquer son manque de réaction. Elle releva ses iris azur, et se contenta d'un petit sourire en coin, dans lequel on pouvait deviner des excuses. Elle ne savait pas comment s'exprimer autrement. Ne savait pas comment dire à Cassie tout ce qui avait changé depuis la dernière fois, les ténèbres dans lesquelles elle s'était enfoncée encore plus profondément. « Je pensais pas te retrouver ici. » souffla-t-elle, reprenant contenance. « Ça va devenir une habitude. » sourit-elle avec un brin d'ironie, faisant référence à la dernière fois où elles s'étaient perdues de vue et retrouvées totalement par hasard à des milliers de kilomètres de leur terre natale, ici à Bowen.

Un visage du passé, un visage familier : voilà ce que représente Effy. Effy, tu l’aimes comme une sœur, comme si elle était ta propre famille, envers et contre tout. Aussi, Effy, parce qu’elle est plus jeune que toi, tu as choisi de la protéger, cassandre, en tout cas de faire tout ce que tu peux pour qu’elle ait une belle vie. Tu es bien consciente qu’elle a eu ses hauts et ses bas, mais tu as toujours été là pour la soutenir et ce n’est pas maintenant que ça va changer. Elle est comme une sœur, après tout, la petite Effy. Tu es néanmoins ravie de la voir, Cassandre, surtout que tu ne t’attendais pas à croiser la demoiselle dans ton épicerie. Alors, quand tu la vois, tu la serres dans tes bras. Elle semble elle aussi surprise de te retrouver, mais ne semble pas savoir quoi dire alors que tu lui demandes de ses nouvelles ; après tout, tu ne l’as pas vue depuis le mariage, voire même avant, puisqu’elle n’y est même pas venue sans même se soucier de donner une réponse à cette invitation que tu lui avais faite. Au moins, elle n’a pas vu cette humiliation que tu as vécue. Tu distingues un petit sourire aux connotations tristes. « Je pensais pas te retrouver ici. » Toi non plus, tu ne pensais pas la retrouver ici. Et pourtant, c’est loin d’être la première fois que ça arrive. « Ca va devenir une habitude. » Tu lâches un petit rire amusé, malgré toi. « Bah en même temps, il fait vachement plus beau à Bowen qu’il ne fait beau dans notre pays d’origine. Je pensais pas te revoir ici, mais je suis moi aussi contente de te voir. » Tu affirmes avec un petit rire guilleret. « Comment tu vas, Effy ? Tu as l’air… épuisée. » Tu affirmes avec un soupçon d’inquiétude dans la voix, scannant la brunette de tes yeux bleus. Vous pourriez passer pour de véritables sœurs, vous vous ressemblez tellement.

La journaliste se contenta d’un sourire, plus rayonnant que ceux qu’elle esquissait d’habitude, pour répondre aux paroles de Cassandre. Parce que Cass’, elle avait cet effet de rayon de soleil sur elle, la réchauffant bien plus que le soleil australien. Elle était capable de la toucher bien plus profondément que la plupart des gens qui la connaissaient. La revoir ici, la retrouver encore, ça faisait l’effet d’un éclair s’abattant sur elle. Elle représentait son passé, tout ce que la brune avait laissé derrière elle, et pourtant elle lui rappelait des temps plus heureux, parvenant à refaire sortir l’adolescente, certes torturée, mais bien plus vivante que la personne qu’elle était aujourd’hui. À la question de son amie, Eff’ ne savait pas quoi répondre. Même après autant de temps, Cass’ était capable de cerner la jeune femme, de voir ce qui devait se passer derrière le masque impassible, le mur infranchissable. Impossible de faire semblant, pas vraiment. C’était sa sœur de cœur, les années séparées n’avaient jamais pu entacher ça. « Je travaille beaucoup. » répondit la brune, éludant la question. D’un côté, elle n’avait pas envie que Cassandre sache ce qu’elle était devenue. Tout ce qui avait sombré, tout ce qu’elle avait abandonné, pour embrasser sa noirceur de tout son être. Elle baissa à nouveau les yeux un instant, avant de les replonger dans ceux de la jeune femme. « Et toi alors ? Je… J’suis désolée de pas être venue au mariage. » Des excuses, c’était pas tous les jours qu’on en entendait sortir de sa bouche. Ça relevait du miracle. Mais à Cassie, elle les devait bien et elle tenait trop à elle que pour l’ignorer.

Un visage du passé, un visage tout ce qu’il y a de plus rassurant, voilà ce que représente Effy. Après tout, Effy, tu t’en es toujours plus ou moins occupée, Cassandre. Elle n’a que quelques années de moins, et elle est comme ta petite sœur, tout autant que celle à qui tu es liée par le sang. Et puis, tu l’as gardée, tu l’as presque toujours connue à Bowen alors qu’elle fait partie de ton Angleterre natale, donc naturellement, c’est un plaisir de la voir et ceci quelque soit les circonstances. Pourtant, même si c’est un soulagement que de voir la demoiselle, tu le sens au fond de toi ; il y a un truc qui cloche, elle a une lueur dans le regard qui ne te plaît pas, qui démontre que quelque chose va mal. « Je travaille beaucoup. » Réponse brève, trop brève. Tu en es consciente, et pourtant, tu choisis de ne pas creuser ; il faut avant tout éviter qu’Effy ne se braque, elle t’en parlera d’elle-même. « Et toi alors ? Je… J’suis désolée de pas être venue au mariage. » Le mariage. Tu voudrais ne pas, ne plus y penser. Parce que le mariage, ça a été le déshonneur de toute une vie, Cassie. Tu voulais faire ta vie avec Jamie, vous étiez tellement heureux ensemble, avec vos chiens et toute votre vie, qu’il est dur pour toi de croire que non, il ne t’a pas embrassée devant cet autel pour te donner son nom, mais qu’il t’a plutôt plantée là en ne bafouillant que des excuses incompréhensibles. Tu ne l’as pas revu, et tu ne t’en portes pas si mal ; chaque évocation de ce douloureux épisode te fait tordre tes entrailles et avoir envie de fondre en larmes. « Ce… C’est rien. Tu as rien raté de toute façon. » Tu lui dis avec un bref sourire, sourire qui a perdu de son éclat. Puis, tu regardes autour de toi ; il n’y a qu’une cliente, et c’est Effy. Alors pourquoi ne pas te faire remplacer ? Tu regardes ton amie. « Je reviens dans un instant. » Puis tu ouvres la porte menant aux escaliers de l’étage, avec noté privé. « Alice, tu peux me remplacer s’il te plaît ? Merci ! » Tu cries. Puis tu regardes la brunette à côté de toi, et tu lui adresse un très bref sourire. « Un café dans les locaux employés ? Ou un bol de céréales ! » Tu lui affirmes avec un sourire timide, espérant qu’elle va accepter. « Ou on va fumer une clope, aussi. » Tu suggères en haussant les épaules.

La réponse de Cassie lui fait froncer les sourcils, repérant sans mal l’ombre qui passe sur le visage de la brune quand elle mentionne le mariage. Il aurait été illusoire que de penser pouvoir cacher quelque chose à Effy. Cependant, elle ne creusa pas, pas tout de suite, même si très clairement, quelque chose s’était produit, quelque chose qui avait un peu fané le regard pétillant de la belle anglaise. Cassandre passa d’ailleurs rapidement à autre chose, parcourant le magasin du regard avant de la planter là, promettant de revenir tout de suite. Eff’ resta donc seule, l’esprit un peu embrumé, loin d’avoir imaginé que sa journée prendrait une telle tournure, et se perdant un instant à se demander ce qu’elle foutait dans ce magasin, à Bowen, paumée en Australie et paumée dans sa vie. Son amie revint avant qu’elle ait eu le temps de s’enfoncer davantage dans cette soudaine prise de conscience, et Eff’ sursauta presque quand elle reprit la parole, retrouvant ses esprits qui avaient eu l’audace de vagabonder quelques instants. Elle afficha une petite moue, pas très sûre de quoi faire. Pas qu’elle n’avait pas envie de passer du temps avec la jolie brune, surtout maintenant qu’elles venaient encore une fois de se retrouver après des années, mais cet épisode était si soudain et inattendu que son esprit ralenti par la fatigue et la descente de drogues en était désarçonné. La clope, ça lui parlait. Elle hocha alors la tête, retrouvant contenance. « Va pour une clope. » accepta la jeunette avec un sourire en coin, ce même sourire qui n’avait pas changé avec les années, toujours si difficile à déchiffrer, touché d’une pointe d’ironie. Elle sortit à l’extérieur du magasin accompagnée de la jolie brune, sortant une cigarette de son paquet et en proposant une à Cassandre. C’était difficile de savoir quoi dire, Effy avait l’impression d’être mal réveillée, que Cass’ lui apparaissait en rêve. Et cette brume dans sa tête l’empêchait de retrouver le mode d’emploi des contacts sociaux.

Trouver les mots après tout ce temps, voilà quelque chose de compliqué pour Cassie. Elle a elle-même tellement changé, après tout. Pourtant, ce n’est pas deux inconnues qui se retrouvent, mais bel et bien deux sœurs, et voilà ce qui explique le sourire de la brune. Elle retrouve le sourire, brièvement, oubliant un instant le désastre ravageur de sa pauvre vie. « Va pour une clope. » Alors, une clope ce sera. Tu sors, accompagnée de la brunette. Fumer, c’est quelque chose que tu ne faisais que rarement, et maintenant, t’en as pris l’habitude, Cassie. Ca te détend, ça te permet d’oublier temporairement toute cette misère que tu ressens depuis ce jour maudit ou tu t’es faite humilier. « Merci. » Tu affirmes avec un sourire, attrapant la cigarette pour la porter à tes lèvres, l’allumant de ton briquet. Par la suite, tu tends ton feu à la demoiselle, tirant une latte de ta cigarette au passage. « Tu vas bien ? T’as un peu maigri… » Tu tentes doucement avec un sourire timide. « Mais ça me fait tellement plaisir de te revoir, tu as pas idée ! » Tu affirmes en tirant une nouvelle fois sur ta cigarette, soufflant la fumée après avoir légèrement détourné la tête pour ne pas souffler sur la petite brune. « Tu fais quoi ici ? Tu es arrivée quand ? Et il y a eu un problème pour… mon invitation ? » Tu ne peux pas parler de ce jour maudit, Cassandre, et tu ne le pourras plus jamais, parce que tu sens encore ton cœur se serrer quand tu le fais.