it's been a long long time...; pv.beth

Dernier coup avant de se forcer à prendre congé. Comme elle travaillait à son compte, Beth n'avait pas vraiment de congé parental offert par la compagnie. Elle s'était donc promis de travailler tous les jours, jusqu'à son accouchement. Accouchement qui était prévu pour le 6 février. En ce 9 du mois, trois jours après la date prévue, elle s'était donc rabattue sur le travail. Et pour ce faire, elle avait choisi de sortir de chez elle, de trainer ses dossiers et son ordinateur portable jusqu'à un petit café, prétexte pour marcher, faire un peu d'exercice. C'est qu'elle avait lu, sur internet, que marcher, bouger, était un bon moyen de déclencher le travail menant aux contractions. Son médecin lui avait fait peur, parlant de provocation si Ivy ne tardait pas à se montrer le bout du nez. L'accouchement lui faisait déjà peur, parler de provocation n'aidait pas son stresse à diminuer. Sac classeur en main, robe ample pour couvrir son ventre beaucoup trop arrondi, elle s'était rendue jusqu'à un café qu'elle n'avait encore jamais essayé à ce jour, lorsqu'une femme, assise sur un banc, muffin et café à la main, accompagnée d'une grande valise comme une étrangère, l'interpela. Sa voix lui était familière et dès que la Britannique se retourna vers la provenance de cette dernière, elle reconnut Victoria, cette amie dont le contact avait fini par se perdre. Vicky !?, lança Beth sur le même ton. Purée, qu'est-ce que tu fais ici ?, demanda-t-elle, curieuse. Elle regarda la valise de la jeune femme. Tu viens d'arriver ??

L'étreinte lui fit du bien, c'était comme de se sentir à la maison, sans réellement l'être. Et bien que Victoria n'ait pas été dans la vie de la brune depuis des années, elle n'en demeurait pas moins une personne importante. Certes, la vie les avait éloignées, leur réalité n'était pas la même. Elles se suivaient sporadiquement sur les réseaux sociaux, s'envoyaient des joyeux anniversaire et des bonne année de temps à autre, aimaient leurs photos mutuelles, sans vraiment demander plus de nouvelles, croyant toutes les deux s'être perdue de vue. Et voilà que le destin les remettait une en face de l'autre. Beth s'interrogea quant à la présence de sa vieille amie dans la nouvelle ville, pointant du regard sa valise qui marquait un départ ou une arrivée. Victoria lui expliqua alors qu'elle était revenue s'installer auprès de sa famille, à Bowen. Et, tout à coup, les souvenirs revinrent à la traductrice. Son amie lui avait bel et bien parlé, une fois ou deux, de ses origines, mais ce détail lui avait échappé. « Oh oui, je me souviens maintenant ! », s'exclama-t-elle. « J'aurais dû capter plus tôt, histoire de te retrouver dès mon arrivée », confia Beth en feintant une moue terriblement déçue. Ça aurait sans doute enjolivé ses premiers mois au pays des kangourous. La brune lui retourna la question, pointant à son tour du regard quelque chose qui appartenait à Beth, son ventre arrondi qui prenait beaucoup de place. « Ouais.. euh.. » Elle se gratta la tête, souriant timidement. « C'est une longue histoire. Je suis venue rejoindre le père de cet enfant », gloussa-t-elle en pointant son ventre. « Mais, disons que ça n'a pas fonctionné comme je l'avais prévu. »

« Non, non, j'aurais dû le retenir », dit-elle en s'excusant, se sentait si mal d'avoir oublié cette information sur son amie. La vie les avait éloignés, mais elle en était responsable. Et elle ne pouvait pas mettre son oubli sur le dos de la grossesse, bien que ça lui faisait oublier bien des choses, elle n'était pas enceinte depuis qu'elles se connaissaient. « Je suis tellement désolée Vicky », lâcha-t-elle, dernière fois qu'elle prononcerait des excuses, elle en faisait trop, Beth, mais c'est qu'elle se sentait si impolie d'avoir oublier un détail aussi important. Avoir Vicky dans la même ville, c'était rassurant. Bien qu'elle s'était bâti un petit monde autour d'elle, qu'elle avait des gens importants dans sa vie à présent à Bowen, notamment Milo, Az et Lys, une vieille copine de son passé n'était pas de refus, ça lui faisait sentir un peu comme si elle était toujours à la maison, qu'elle n'était pas totalement étrangère dans cette ville qu'elle avait choisie malgré elle. Victoria lui demanda ce qu'elle faisait ici, Beth lui expliqua rapidement la raison de sa présence. Et, évidemment, la brune chercha à avoir des explications plus élaborées. Beth lui sourit. « Oui, il faut que je te raconte tout ça. T'es certaine que ça ne t'embête pas d'y retourner ? » Elle avait bien envie d'un décaféiné et d'une pâtisserie. Une fois assises à une table, Beth qui avait son café sans caféine et sa viennoiserie, elle fut fin prête à tout lui raconter. « Alors... par où commencer... », fit-elle en prenant sa tasse à café entre ses mains. « J'ai rencontré ce mec, Rafael, en Angleterre. Il était en voyage d'affaires, beau, mystérieux, avait la même passion pour les livres que moi... Et, je me suis surprise à me laisser charmer.. Il avait une femme, pourtant. Ça ne me ressemble tellement pas.. Mais.. Mais je me suis laissé aller... »

Il y a bien pire, oui. Mais pour Beth, c'était catastrophique. Elle n'avait pourtant pas la mémoire d'un poisson rouge habituellement. Seulement, la grossesse avait changé bien des choses, dont sa capacité à retenir des informations, aussi importantes qu'elles pouvaient l'être. Elle oubliait tout, jusqu'à des dates importantes. Le mois dernier, elle avait même oublié l'anniversaire de son père. Heureusement, il avait compris que son état actuel faisait qu'elle n'était pas dans un état normal et il ne lui en avait pas tenu rigueur. Il s'était moqué avant de lui demander des nouvelles de sa petite fille qui grandissait dans son ventre et, au passage, de l'homme qu'elle était venue rejoindre, papa poule qui s'en faisait pour sa grande fille de vingt-cinq ans, encore son petit bébé au fond de ses pensées. Beth se fondit tout de même en excuse devant son amie qui lui assura qu'il n'y avait rien là, lui proposant même d'aller s'installer devant un café, bien qu'elle y revenait à peine, pour rattraper le temps perdu. Et des choses, il y en avait quelques-unes à rattraper dans le cas de Beth, la plus grosse se cachait dans son ventre qui ne laissait pas sa place tant il avait grossi en quelques mois seulement. Les deux filles s'installèrent dans le café et après avoir commandé Beth commença son récit, exactement comme un bon livre, elle commença par mettre en contexte Victoria qui entra dans l'histoire aussi rapidement que Beth la commença. Beth rit à la remarque de la brune. « T'en fais pas, je sais ce que c'est. » C'était le genre de réactions que les gens de son entourage britannique avaient eu, eu aussi, quand elle leur avait raconté l'histoire. « Il m'avait promis qu'il se divorçait et qu'il garderait contact avec moi quand il retournerait à Bowen. Mais, il n'a jamais répondu à mes courriels. C'était comme si je n'avais jamais existé. Au début, j'avais mal... Mais je me suis rapidement dit que j'avais à faire à un typique trompeur de femme, tu vois, le genre de mec à te faire de fausses promesses de divorce alors qu'il a trop la trouille pour quitter sa femme, en vrai. » Rafael n'était pas du tout ce genre de mec, c'était pourtant l'impression qu'il avait donnée à l'anglaise en ignorant ses tactiques d'approche. « J'ai appris que j'étais enceinte et, entre temps, j'ai eu l'occasion de faire connaître la boite de traduction de mon père à l'étranger. J'ai choisi Bowen, une pierre deux coups », fit-elle en riant. « Pour me rendre compte que Rafael était réellement en instance de divorce, mais que c'était plus compliqué à faire que ce qu'il avait laissé entendre. J'ai pas été en mesure de lui avouer pour la grossesse, du moins pas à mon arrivée.. Je sais... Dis que je suis lâche ! »

Victoria comprenait déjà le contexte de la situation, ce qu'elle avait pensé au tout début, qu'il s'agissait d'un de ces mecs à parler avec des beaux mots, à faire de belles promesses d'avenir, sans réellement avoir la possibilité d'un lendemain. Finalement, Rafael n'était pas l'un de ces hommes, mais ça, au tout début, Beth ne le savait pas. « Je sais... », dit-elle en riant quand son amie confirme qu'elle avait été lâche. « Mais.. Mais j'avais pas la force, à ma défense », fit-elle dans une moue angélique, tentant de convaincre Victoria que ça n'avait pas été réellement de sa faute, alors que ça l'avait été. Puis elle rit aux questions de l'Australienne. « Prends du temps pour respirer entre les questions, Vicky ! », fit Beth lui faisant des signes de ralentir de ses mains, sans pour autant ne pas rire de la situation de bon coeur avec elle. « Alors, oui, il le sait », confirma la traductrice. « Mais non, on est pas ensemble. Désolée de briser tes rêves de compte de fée », continua-t-elle en gloussa. « Il n'a pas su supporter mes mensonges. Il a raison, j'aurais dû lui dire avant... » Mais elle avait été gamine et elle l'avait perdu en même temps. « Il sera là, au mieux de ses capacités. Il voyage beaucoup pour le travail, gère son divorce, tout ça, il s'impliquera, mais bon.. » Beth haussa les épaules, comme si elle s'était fait à l'idée d'élever cet enfant seule. « Une petite princesse. Ivy », décréta-t-elle, « et elle sera bien entourée, cette princesse. Déjà ses tontons Milo et Azriel sont ses fans numéro un ! » La brune reprit possession de son café sans caféine. « Assez parlé de moi, et toi alors ??? »

Le grand amour, Beth y croyait, elle aussi. Et dans ses rêves, elle rencontrait un homme merveilleux avec qui elle faisait les choses bien et, surtout, en ordre. Courtiser, donner des rendez-vous, ressentir les papillons de la frénésie liée à la nouveauté, apprendre à le connaître, dire le premier je t'aime... Tout ça, avec Rafael, ça n'avait pas vraiment eu lieu. Ils s'étaient tombés dans les bras, moment de faiblesse pour la belle Anglaise qui n'avait pas ce genre de comportement habituellement. Et si normalement elle aspirait à être en couple, se marier et ensuite avoir un bébé, avec Rafael tout avait été fait de travers. Quand Victoria lui demanda si les choses pouvaient changer, si Rafael pouvait à nouveau faire partie de la vie amoureuse de la jeune maman, Beth secoua la tête. « Je ne pense pas, non. » Elle soupira, tentant de trouver des mots pour expliquer ses pensées. « Je l'ai réellement déçu avec mon mensonge, mais je ne pense pas que ce soit la réelle raison de cette séparation. Rafael et moi, nous avions beaucoup trop en différence. Il avait dix ans de plus que moi, éventuellement notre relation aurait fini par clasher.. » C'était une triste réalité qu'elle mettait maintenant en relief, ils avaient trop de différences. « Et puis, parfois on ressent ces papillons dans le bas du ventre, on pense que c'est de l'amour.. Mais au fond, non. » Un jour, cela viendra. Enfin, Beth l'espérait. Mais elle trouvait que la discussion avait été beaucoup trop axée sur elle, beaucoup trop pointée sur sa situation, elle tenta donc de reporter son attention sur Vicky qui parla de son éternel célibat. Beth soupira. « Une belle fille comme toi ne restera pas éternellement célibataire. Je t'aurais bien proposer de sortir pour draguer, mais je pense pas que ça le fera pour le moment », gloussa la brune en pointant son gros ventre qui ne bernait personne. Mais quand son amie parla de son père, de sa cure et de l'hôpital, la belle fronça les sourcils. « Qu'est-ce qu'il a ton père ? », demanda-t-elle, inquiète, « Enfin, si tu veux en parler. »

Même si Rafael lui avait assuré que la différence d'âge n'était pas un problème, Beth qui avait souvent tenté de le questionné sur le sujet, supposant qu'un jour, il se lasserait d'une petite jeune comme elle, qu'il préfèrerait rencontrer une femme dans sa tranche d'âge, prête à construire le reste de sa vie au même rythme alors que Beth, elle, en était encore qu'au début de la sienne, elle avait fini par briser un peu leur relation. Ça et, évidemment, les mensonges de Beth. Et pour ça, elle ne pouvait que se tenir responsable. Si au début elle avait vraiment été blessée par la séparation, maintenant elle allait mieux. Ce qui restait tout de même douloureux, c'était de savoir qu'Ivy grandirait sans connaître son père et sa mère ensemble, heureux. « Alors, voilà, tu sais tout », souffla-t-elle, ayant assez parlé d'elle pour des mois. Parce que Beth, elle détestait attirer l'attention. « Oui, vaudra mieux attendre qu'elle soit sortie », gloussa-t-elle en passant ses mains contre son ventre rond, sentant la petite bouger les pieds qui lui avait juste au-dessous de la poitrine. Depuis quelques semaines déjà, Ivy avait la tête vers le bas, prête pour la grande sortie. Beth questionna ensuite son amie sur sa propre vie, la réponse de Victoria n'était pas très joyeuse, ce qui écorcha une moue de tristesse sur le visage de l'Anglaise. Elle écouta attentivement le récit de Vicky, l'alcoolisme de son père, sa cure, l'ultimatum. Elle termina par lui parler de sa mère et de son cancer, ça, Beth s'en souvenait. Elle hocha la tête. « Oui, je me souviens. » Elle se souvenait même de lui avoir envoyé un message de condoléances quand le jour fatidique était arrivé. « Mais je n'avais aucune idée que ton père l'avait aussi mal pris... », confia-t-elle tristement. « Comment il va aujourd'hui ? »