Toi, t'es un peu trop dans mes basques [ft. Tahlia]

Ce n'est qu'un au revoir à ce qu'on dit, un de mes jeunes voulant arrêter le trafic pour passer la corde au cou de sa gadji. Je n'ai jamais refusé qu'un de mes jeunes quitte le navire du jour au lendemain. Il a toujours été question de ça au final. Je t'héberge, je t'aide si besoin, te donne du travail dans le domaine qui t'intéresse jusqu'au jour où tu décides de te poser et d'arrêter les conneries. Oui, dealer est une connerie sans fin mais l'amour du risque est toujours aussi présent que ce soit pour les gamins de cette génération ou même de la mienne. Personne n'est vraiment clean à 100%. Ceux qui prétendent le contraire ne font que se mentir à eux-même. Une dernière aide pour le petit, je décide de l'amener en ville pour lui trouver un costume adéquate pour ce genre de demande, marchant côte à côte avec mon lascar avant de rentrer dans une des boutiques des rues commerçantes. Mais il y a aussi cette greluche. Une tête déjà aperçue en allant manger chez ses vieux croyants, ex-collègue de Morgan aussi si j'ai bien pigé. Je jette un regard derrière moi pour la zyeuter de loin tout en me concentrant sur les choix du gosse. Un peu trop près, lui s'en allant dans son coin, je me retourne en lui adressant un sourire poli. "Bonjour... Tahlia? Je peux vous aider d'une quelconque manière?" lui demandais-je. J'arque un sourcil légèrement méfiant à son égard.

Depuis cette grossesse mouvementée et cet accouchement bien trop prématuré, Tahlia ne faisait que des allers-retours entre son domicile et l'hôpital où sa fille était encore hospitalisée. Mais depuis quelques jours, son entourage et l'équipe médicale la poussaient à se ménager, à se changer les idées, de peur qu'elle ne tire trop sur la corde et que son moral ne la lâche quand sa fille sera à la maison avec elle. Alors, elle avait décidé d'aller faire quelques emplettes. Pendant qu'elle  se promenait parmi les rayons du magasin, à la recherche de quelques merveilles pour habiller sa fille – comme si elle n'avait pas assez de vêtements ! -  ses yeux verts s'arrêtèrent sur cet homme qu'elle avait croisé à plusieurs reprises. Cillian McCarthy, le pasteur de Bowen, qu'elle avait même eu l'occasion de rencontrer un jour, alors qu'il déjeunait chez ses parents. Tahlia se souvenait de ce moment plus que gênant. Il y avait quelque chose qui ne passait pas avec lui, sans qu'elle soit capable de l'expliquer. Mais aujourd'hui, en voyant le jeune homme qui accompagnait Cillian, Tahlia se dit qu'elle allait peut-être avoir une réelle explication à ce ressenti. Ce jeune homme, Tahlia l'avait croisé à de nombreuses reprises, quand elle cherchait quelques remontants. La voix de Cillian la fit sortir de ses pensées, quand il s'adressa à elle. Il avait sûrement remarqué son regard bien trop insistant. Alors qu'il lui demanda s'il pouvait l'aider d'une quelconque manière, Tahlia répondit : « Ce n'est pas la peine, j'ai tout ce qu'il faut. Merci, Cillian.. » Elle avait insisté ironiquement sur son prénom, ne savant même pas si l'on s'adressait à lui de cette manière ou s'il fallait l'appeler 'mon père', 'monsieur le pasteur' ou autre.Elle jeta un regard sur le jeune homme au loin et reprit, avec un air faussement innocent : « Je ne savais pas que vous connaissiez Ethan. J'ai eu l'occasion de croiser sa route à plusieurs reprises... » Elle avait fini par reporter son regard sur lui, afin de l'analyser, afin de voir le moindre changement d'émotions qui pourrait l'éclairer. « C'était d'ailleurs à des endroits où il n'aurait pas dû être. » conclut-elle, en haussant les épaules, affichant toujours cet air nonchalant.

Une provocation. Le jeune étant la base de cette discussion il faut croire. Un hochement de tête à sa réponse prêt à repartir, cependant elle persiste. Je lui adresse un sourire franc, comme un parent le serait avec son gosse. "C'est un bon garçon qui aime aller à droite, à gauche, cela ne m'étonnerait pas vraiment que vous l'ayez croiser." J'hausse les endosses avant qu'elle tente de me faire dire ce que je ne peux réellement révéler. Mais ma trogne reste perplexe face à sa phrase qui serait normalement lourde de sens. Je secoue légèrement la tête de droite à gauche. "Je ne suis pas vraiment responsable des endroits où il traîne à vrai dire. Il a beau être dans mes pattes parfois, il est libre d'agir. Il est grand après tout." Chose qui est vraie en soi. Je ne suis pas là à les dicter sur où ils doivent refiler la came. Chacun d'eux à sa méthode et ses habitudes, c'est tout à leur honneur. "J'espère cependant que maintenant, il ne se mettra pas en danger facilement dans des endroits un peu louches? Du moins de ce que je comprends au ton de votre voix. Il va se marier d'ici deux ou trois mois donc il n'aura plus réellement le temps de se balader à sa guise et je sais de quoi je parle." lui répondis-je sur un petit ton de plaisanterie, connaissant bien la situation; la femme qui détestait que je bouge sans qu'elle ne soit avec moi... avant de faire demi-tour car elle en avait déjà ras-le-bol de se diriger vers le même endroit, celui des jeunes qu'elle détestait tant.

Elle n'arrivait pas à l'expliquer, Tahlia, mais elle n'arrivait pas à avoir une pleine confiance en l'homme qui se trouvait face à elle. Pourtant, il avait tout : la gueule d'ange, le vocabulaire parfait, la main sur le cœur. Pas étonnant que tous les paroissiens soient complètement sous le charme de Monsieur McCarthy. Mais il y avait quelque chose qui clochait. C'était trop beau pour être vrai. Et Tahlia tentait de gratter la carapace, de le piéger, d'obtenir le moindre détail qui lui montrerait qu'elle avait raison. Comme si elle n'avait que ça à faire ! « Je ne doute pas qu'il soit un bon garçon, mais... » Elle s'arrêta dans sa phrase, l'écoutant se dédouaner totalement de toutes responsabilités, évoquant cette liberté qu'il laissait apparemment à ces gamins. « Faudrait peut-être resserrer la vis, dans ce cas.  Ce n'est certes pas votre premier rôle mais sait tous que vous êtes un modèle de bonté pour les habitants de cette ville... » Tant d'ironie encore. Toutefois, il l'informa que le jeune homme allait se marier et que donc, il allait avoir moins de temps pour se balader. Tahlia arqua un sourcil en demandant, avec un rire pas si franc : « Vous sous-entendez que le mariage est digne d'un emprisonnement ? » Ne disait-on pas justement que l'on se mettait la corde au cou ? « J'espère que alors que sa femme parviendra à le remettre sur le bon chemin... » ajouta-t-elle en haussant les épaules. « … avant que ce ne soit la police qui le fasse à sa place. »

Une conversation d'une hypocrisie camouflée, c'est tout ce qu'il y a à dire, à étiqueter. Je la zyeute, m'interroge sur ses dires, lui adressant des mines qu'on ne pourrait contredire niveau sincérité. Elle me fait des éloges sur ce ton que je n'apprécie pas, j'arque un sourcil, attendant qu'elle enchaîne avant de prendre à mon tour la parole. "Disons qu'il est compliqué de faire des choses si notre partenaire nous met des bâtons dans les roues." J'hausse les épaules avant qu'elle ne m'afflige une sorte de menace, du moins, à son égard. Je fronce les sourcils, pose mes paluches sur les hanches, ma veste partant en arrière et jette un rapide coup d'oeil au gamin. "Je ne comprends pas." Je secoue la tête de droite à gauche avant de la baisser et de fermer les yeux durant bien une seconde. Puis la relève. "Vous êtes en train d'insinuer que ce gosse fait des choses pas nettes? Quel genre? Je lance un regard froid au gosse, comme déçu de sa personne. Où a-t-il pu bien foutre les pieds ce con? "Pourriez vous être plus explicite je vous prie, histoire que j'ai une discussion sérieuse avec le jeune s'il vous plait. Je vous en serais éternellement reconnaissant." Une mine inquiète bien que je sache montrer que j'ai les boules; je me rapproche d'un pas vers elle pour mieux me porter dans la confidence.

« Si le partenaire met des bâtons dans les roues, sans doute y-a-t'il une bonne raison?Tant que la confiance règne, je ne vois pas pourquoi une relation se complexifierait... ». La confiance était la base d'une relation saine. Quand un partenaire mettait des bâtons dans les roues, cela signifiait qu'il y avait un manque à combler. Soit cela se réglait par le dialogue, soit cela poussait à s'éloigner pour de bon. Enfin, ce n'était pas Tahlia qui allait pouvoir vanter les relations saines puisqu'elle-même avait de gros problèmes sentimentaux. Là n'était pas la question. C'était plutôt ce jeune qui la concernait, et la place que Cillian avait dans les agissements de ce dernier. « C'est bien ce que j'insinue. » dit-elle en réponse à sa question. La mine inquiète, il s'approcha d'elle afin d'en savoir plus, ce qui intrigua tout de même Tahlia. Il avait l'air honnête. S'était-elle trompée sur toute la ligne ? « Puisque vous voulez que je sois plus explicite, je vais simplement vous dire que j'ai eu à croiser sa route dans un quartier difficile en banlieue de Bowen... notamment pour récupérer quelques substances illicites qu'il vendait sans scrupules. » Elle n'en était pas fière mais au moins, il ne pouvait pas renier sa preuve. Ce n'était pas l'ami d'un ami d'un cousin d'un ami qui lui avait dit ça. C'était elle qui l'avait vu de ses propres yeux. « Vous ne vous en doutiez absolument pas ? » demanda-t-elle le regard rivé sur lui.

J'hausse les épaules à sa remarque, mon sourire s'effaçant peu à peu, légèrement attristé. "Pourtant je ne lui ai jamais rien caché, peut-être y-avait-il autre chose qui la dérangeait." Allez savoir, bien que je pense avoir ma petite idée sur le sujet. Mais ce n'est pas celui qui nous importe. Elle tente de me faire cracher le morceau, elle n'est pas très discrète dans ses méthodes, il faut le reconnaître mais j'arrive parfaitement à gérer la situation, me mettant dans une position d'ignorance à ce sujet pour ne pas mettre en péril mes affaires et l'avenir du jeune. Je l'écoute attentivement, une expression inquiète et interrogative quant aux trafics du futur marié. Plus j'en entends à son sujet, plus ma bouche s'entrouvre comme par un automatisme, la refermant aussitôt lorsqu'elle finit. Je fronce légèrement les sourcils avant de soupirer et de me mordre l'intérieur de la joue, bras croisés sur le torse. Je ferme les yeux, secouant rapidement la tête avant de les réouvrir. "Ce n'est pas possible. Je ne peux pas croire qu'il se soit fait embarquer dans ce genre de conneries." Mes bras tombent le long de mon corps avant que je ne vienne poser mes mains sur les hanches. "Je pourrais très bien remettre en doute vos accusations mais vous avez toujours été une personne honnête que je n'oserais, mais tout de même." Je serre les dents, penche la tête sur le côté tout en regardant au sol, soupire comme agacé par les bêtises de son propre gosse. "Je... J'ai juste l'impression d'avoir failli à mon rôle de tuteur en lui faisant trop confiance." dis-je d'un ton presque déboussolé, un peu évasif avant de plonger mon regard de celui de la jeune femme. "Mais merci de m'avoir prévenu. Vraiment. Je saurais lui en parler calmement en tentant le tout pour le tout pour qu'il arrête ça avant de passer la bague au doigts à celle qui l'accompagnera durant le reste de sa vie." Mon coeur bat la chamade, remonté par le personnage que je joue, me sentant bien impliqué dans le rôle.

Elle fut surprise de le voir légèrement attristé. Il semblait donc avoir vécu un mariage qui avait merveilleusement foiré. D'où l'importance de ne pas se marier. Ni même de se mettre en couple. Ni même d'avoir des gamins... Quoique... En ayant cette pensée, elle eut le visage de sa petite fille en tête et elle admit que oui, cela valait le coup d'avoir un enfant. « Vous avez l'air de vous y connaître sur le sujet. Vous êtes resté longtemps marié ? » Peut-être qu'il n'y avait pas eu de cachotteries. Peut-être s'était-il confronté à l'autre ennemi du couple : la routine ? Elle en viendrait presque à s'intéresser à lui, mais elle gardait en tête son objectif premier : gratter un peu pour voir ce qu'il cachait. Il ne semblait absolument pas au courant des activités de son protégé, mais Tahlia avait du mal à y croire pleinement. Il y avait son instinct, ce petit sixième sens qui lui disait que ce n'était pas bon. Elle arqua un sourcil quand il parla de remettre en doute ses accusations, qu'il contrebalança avec l'honnêteté de Tahlia. « Pourquoi mentirais-je ? Je l'ai vu de mes propres yeux et je me mets tout autant en danger en vous disant que j'ai eu affaire à lui. Je n'ai rien à gagner dans l'histoire. » Elle ne lui voulait pas de mal à ce gamin. Cela n'allait rien lui apporter de plus à sa vie. Elle haussa les épaules quand Cillian sembla remettre en doute son rôle de tuteur. Si lui n'avait pas remis en doute les paroles de Tahlia, elle, ne semblait pas faire le même effort, à essayer de rassurer le pasteur. Et en l'entendant dire qu'il comptait lui parler, la jeune femme hocha la tête. « Oui, essayez de le raisonner. Comme je l'ai déjà dit, il vaut mieux qu'il se fasse passer la bague au doigt plutôt que les menottes au poignet. » Elle regarda un bref instant l'endroit où se trouvait le jeune homme avant de reprendre : « J'en ai vu des tas comme lui. Et beaucoup ont eu du mal à rebondir. » Elle reporta son regard sur Cillian avant d'ajouter : « Ce serait bête qu'il gâche sa vie pour un con qui se fait son petit business sur son dos. » Et avec un sourire en coin, presque provocateur, elle souffla : « Je compte sur vous... »

Je penche légèrement la tête sur le côté, me passant une main dans la nuque. "Près de 10 ans, un bout de chemin qui s'est finalement épuisé avec le temps. Une histoire banale en soi." lui répondis-je avant de partir sur une autre conversation tout aussi sérieuse. "C'est bien ce que je dis oui, j'ai aucune raison de remettre en question vos paroles mais ça me fait un petit choc pour être honnête." lui dis-je en baissant la tête. J'lui dis que je parlerais au jeune, je le ferais tant qu'elle sera dans les parages mais je sais qu'il n'en fera rien ou s'il veut continuer, ce ne sera pas à mon compte, je n'aurais plus affaire à lui. Mais j'espère tout de même au fond de moi qu'il se rangera comme il me l'a promis. "Je comprends oui, j'espère vraiment qu'il n'aura pas d'ennuis." ajoutais-je avant qu'elle ne me dise que les jeunes comme lui ne sont pas du genre à changer. Je lui adresse une petite moue triste, une déception marquée. "J'ai confiance, du moins j'ai envie de croire qu'il ne continuera pas avec mes conseils." lui répondis-je, restant impassible à ce qu'elle ajoute en suivant, son sourire voulant tout dire. "Vous pouvez compter sur moi, ne vous en faites pas. Merci pour tout en tout cas Mademoiselle Wates, en espérant que tout aille pour le mieux pour vous et votre famille." J'lui adresse un sourire, légèrement triste dans le fond, pensant à ce rôle de tuteur que je vais devoir reprendre pour du beurre. Je me dirige vers mon garçon, l'attrapant par les épaules. "On finit les magasins et on rentrera tranquillement, j'crois qu'une conversation nous attend jeune homme." Je me retourne légèrement dans la direction de Tahlia, lui souriant en coin avant d'hocher la tête pour lui faire comprendre que ses conseils sont en route, que oui, je parlerais au jeune histoire de mettre les choses au clair.

Spoiler:

« Oh je vois... la routine. » Le deuxième ennemi du couple qu'elle citait juste avant. Mais là n'était pas vraiment la question. L'avenir du jeune homme que Cillian prenait sous son aile était en jeu. Tahlia l'avait vu de ses propres yeux et elle savait que dans de telles situations, on pouvait vite passer de l'autre côté de la frontière et ne pas pouvoir faire marche arrière. Un délit dans un casier judiciaire, ça restait gravé à jamais. Ce serait donc dommage de fermer des portes alors qu'il avait toute sa vie à construire. Même si elle ne savait pas vraiment dans quoi Cillian baignait, elle espérait qu'il prenne au moins son rôle de tuteur à cœur et qu'il tente d'aider l'un de ses protégés. Il semblait partant pour cela. Elle hocha la tête quand il parla des conseils qu'il comptait donner à son jeune. « J'espère qu'il vous écoutera. L'argent facile, ça marche bien à un moment, mais ça ne nourrit pas indéfiniment sa famille. » Si le jeune comptait se poser, peut-être était-ce un bon moyen de le ramener à la raison. Il allait devenir un homme, il fallait qu'il agisse comme tel. En tout cas, il ne sembla pas réagir sur le con qui faisait son business sur le dos de ses jeunes, et Tahlia ne sut comment le prendre. Elle essayait de gratter. Elle allait directement dans la provocation. Elle lançait des perches. Mais il restait impassible. Ce petit instinct qu'elle avait la trompait-elle pleinement ? Peut-être qu'elle perdait la main.Elle hocha doucement la tête quand il la remercia. « Je vous en prie. » Elle l'observa agir avec le jeune homme, tel un mentor qui lui montrait que la discussion allait être sérieuse. Même si elle n'avait pas su dévoiler le mystère qu'il y avait derrière Cillian, elle espérait au moins que cela sauvera ce gamin. « Je vous laisse. » dit-elle, avec un léger sourire, pour qu'ils reprennent rapidement leurs emplettes avant la grande conversation. « Au revoir, Cillian ». Un dernier signe de la tête et elle partit dans la direction opposée, retournant elle-même à ses achats destinés à sa petite fille. Ce qui eut, au moins, le mérite de lui faire oublier toutes ces questions qu'elle se posait à propos du pasteur...

Fin, du coup