Bienvenue dans la famille [ft. Noa]

Assis à mon burelingue comme je le ferais habituellement, je relève mes mirettes en direction de la lourde en entendant toquer. Un sourcil arqué, une jolie trogne vient pointer le bout de son nez avant qu'elle ne referme derrière elle. Une jeune, légèrement timide d'apparence, je lui fais signe de prendre place en face de moi. "Bonjour, puis-je vous aider?" lui demandais-je avant d'arrêter mon activité pour me concentrer sur elle. Paluches liées entre elles, je me rapproche légèrement et la zyeute, oubliant toute forme de politesse, m'adressant à elle comme je m'adresserais aux autres jeunes. "Tu n'es pas ici par hasard, n'est-ce pas? Tu recherches un toit ou quelque chose en particulier?" Ma ganache se veut douce, je ne suis pas non plus un truand comme on a l'habitue d'en voir. J'ai peut-être des affaires parfois louches, je n'en reste pas moins humain.

Puis-je vous aider ? Bonne question. Tu n'es pas réellement sûre de ce que tu fous là mais tu es là. Et tu es partagée entre la honte, le regret et la peur. « Non effectivement, je ne suis pas là par hasard. » Dis-tu en oubliant toutes les formules de politesse. Ce qui témoigne un peu de ton état d'esprit, finalement. Malgré tout, ce type en face de toi a l'air plutôt conciliant et il a même l'air gentil. Mais le simple fait de savoir qu'il pousse des jeunes à vendre de la drogue pour lui t'empêche de le trouver sympathique. « Je ne sais pas trop ce que je recherche en fait. Enfin si... un job. » Tu réponds en soupirant, t'avançant de quelques pas, hésitant entre t'asseoir ou rester debout, pour être prête à partir à tout moment. « Liam m'a parlé de vous et de son travail. Il a dit que vous cherchiez d'autres employés. » Tu ne peux pas t'empêcher d'insister sur ce mot, avec une once de mépris dans la voix. « Alors me voilà... » Rétorques-tu en ouvrant un peu plus grand les bras pour te montrer. Tu détestes devoir te vendre mais si c'est la seule solution pour que tu évites de retourner à la rue, tu es prête à la saisir.

C'était bien donc ce que je redoutais avec cette bouille en face de moi. Une tête légèrement penchante lorsqu'elle sous-entend qu'elle veut faire partie du business, je prends une grande respiration avant de tout relâcher et de m'affaler dans mon siège. "J'ai besoin de d'autres employés, c'est vrai mais est-ce bien ce que tu cherches?" J'insiste sur la dernière partie de ma phrase. "Il faut savoir que je ne force jamais mes gamins à rentrer dans ce domaine-là. Je leur ai toujours laissé le choix, comme celui de partir à n'importe quel moment." Ma paluche sur mon menton, je réfléchis à une autre solution pour la gamine. "Je peux te faire travailler à l'Eglise si tu préfères. La nettoyer, la restaurer avec les autres, la rendre plus belle qu'elle ne l'est déjà." Je fronce légèrement les sourcils, allant lui poser les questions que je demande aux autres habituellement. "Pourquoi veux-tu entrer à tout prix dans cette branche? Il n'y a pas d'autres boulots qui serraient mieux pour toi et peut-être moins dangereux? Des problèmes d'argents peut-être?" lui demandais-je.

« Oui, c'est bien ce que je recherche. » Dis-tu avec assurance même si au fond, tu en manques. Savoir que tu vas mettre des gamins en danger, en leur vendant de la drogue te rend malade mais tu ne vois que cette solution là à tes problèmes. Alors même si ce pasteur ne force personne et n'oblige personne à rester, tu t'en moques pas mal. Tout ce que tu veux, toi, c'est une rentrée d'argent suffisante. « Pourquoi pas... J'pourrais faire ça en plus de l'autre truc ? » Demandes-tu en fronçant légèrement les sourcils. Cela adoucira peut-être un peu ta culpabilité même si ça ne sera pas suffisant pour l'effacer. Tu trouves ce gars un peu curieux, quand même, avec toutes ses questions. Mais bon, puisqu'il est potentiellement prêt à t'engager, tu te doutes bien qu'il doit se renseigner sur toi un minimum. « J'ai déjà eu d'autres emplois. J'étais fleuriste récemment mais la boutique a fermé et j'ai perdu mon job. » Tu décides finalement de t'asseoir en face de lui, même s'il ne t'y a pas invité, posant tes mains sur tes cuisses. « J'ai déjà vécu à la rue et je ne compte pas y retourner. J'ai enfin un endroit où j'me sens chez moi et j'aimerais le garder. Mais le travail se fait rare à Bowen. » Surtout pour quelqu'un qui n'a pas de diplôme particulier. Arrêter tes études a été la plus belle connerie de ta vie.

Une réponse bien assurée comme si elle était sûre de ce projet de vie. De la Force au côté Obscur, il n'y a qu'un pas après tout. Bon nombre de dealers ne se font pas attrapés malgré les risques qu'il y a à se faire choper. Une bouille si innocente, espérons qu'elle ne sera pas là pour longtemps. Un simple interrogatoire, la raison de sa venue est juste par manque de tunes donc. "Ce n'est pas un souci, on préparera un contrat." Un hochement de tête avant de savoir si je dois aussi la loger par la même occasion. Elle a déjà une piaule où crécher, un point qui en soi me rassure. Savoir les gamins dehors à la rue a généralement tendance à me briser le battant. "Tu as un peu cherché sinon dans la restauration ou même les grandes surfaces? Ca rapporte moins que ce genre de trafic certes mais c'est déjà bien plus légal. Surtout qu'ils ont tendance à avoir besoin de jeunes pour qu'ils puissent se relier entre eux." Elle a déjà dû chercher là-dedans mais qui sait? peut-être en un coup de cornichon ils pouvaient rapidement accepter. Trogne au cœur de mes mains, je la regarde, réfléchis. Je ne suis pas flic et je n'ai pas besoin de savoir toute sa vie mais si elle veut commencer... "Connais-tu un minimum le domaine, certaines règles de base, comment l'argent récolté est réparti entre nous?" Certains dealaient déjà avant de commencer à faire le job avec moi, donc ne sait-on jamais.

Tu hoches la tête à ton tour, rassurée qu'une forme de contrat soit envisagée. Au moins, il ne pourra pas t'utiliser comme bon lui semble même si ça n'a pas vraiment l'air d'être son genre. Mais tu es bien placée pour savoir que les gens peuvent avoir deux visages. « Oui, bien sûr que j'ai cherché ailleurs. Mais mes toutes petites économies ont pratiquement disparu alors j'ai plus vraiment le temps de faire la difficile. » Sauf que là, ce n'est pas une question de faire la difficile. Là, tu joues avec la loi et risques bien plus que de te retrouver à la rue. Et au-delà du côté dangereux de cette "profession" tu joues également avec ton image. Comment pourras-tu te regarder dans le miroir après ça ? Quand le pasteur t'interroge sur tes connaissances, tu baisses légèrement la tête. Tu ne t'y connais pas vraiment et tu es bien consciente que ça ne jouera pas en ta faveur. Mais qui ne tente rien n'a rien comme on dit. « Pas vraiment... Je n'ai jamais fait ça. Bien sûr, j'connais un peu le sujet comme tout le monde ou plutôt je connais ce qu'on a bien voulu me raconter. Mais j'imagine que c'est différent d'un endroit et d'une personne à l'autre. » Réponds-tu en fronçant légèrement les sourcils. Tu décides de jouer la carte de l'honnêteté et on verra si ça passe ou ça casse.

Un hochement de tête, fallait bien s'en douter. Je prends une grande respiration, baissant mes lunettes sur l'arête de mon tarin avant de passer mes paluches sur le visage et de reprendre. "Tu en feras bien rapidement crois-moi, tu seras partie de ce trafic aussi rapidement que tu es venue, je te le garantie." lui répondis-je sur un ton bienveillant avant qu'on ne passe aux choses sérieuses. "On va faire un petit topo alors. Je te file un sachet d'un kilo de marijuana et tu dois tenter de le vendre en un mois. Le prix du gramme est de 7 dollars. A chaque rente, je récupère la moitié des gains et laisse le reste pour vous, pour votre usage personnel. Si tu es efficace, on peut voir pour la suite pour que tu en vendes plus mais en général, un kilo suffit. Tu ne donnes jamais ton vrai prénom, ni même un nom tout court dans le meilleur des cas. Tu vends où bon te semble être assez discret pour ne pas te faire attraper bien entendu." Je crois que le résumé est assez bien précis. "Si c'est la première fois d'un client, en général, les dealers leur font goûter pour voir si c'est à leur goût et ensuite ils achètent. Il te faudra toujours une petite balance et une petite calculette. Des sachets en plastique aussi pour ne pas que l'odeur s'expose à tous, quelque chose qui le contient, du cellophane si tu n'as rien sous la main convient très bien." continuais-je dans mes explications avant de sortir d'un tiroir un contrat prêt-fait, remplissant ce qu'elle doit vendre et à quel taux avant de signer et de lui donner le petit "dossier" ainsi que le second exemplaire. "Je peux conserver les deux si tu préfères, sinon, tu devras trouver un endroit où personne ne saura où il est planqué." Je pose le stylo sur les feuilles en question. "Des petites questions?" Histoire qu'on soit bien clair. "Tu penses partir lorsque tu auras atteint quel quota niveau économie faite, histoire d'avoir une idée?" lui demandais-je, que je compte aussi de mon côté l'argent que je lui aurais mis de côté pour la prévenir qu'il est possible qu'elle s'en aille à tel moment.

Les paroles du pasteur se veulent rassurantes et tu as envie de le croire. Envie de croire que toute cette histoire sera rapidement derrière toi et que personne n’en saura rien. Mais tu sais pertinemment que dans la vie, rien n’est simple. Surtout pour toi. « Un kilo… » Répètes-tu comme si tu réfléchissais à haute voix. Cela te semble raisonnable mais tu n’as jamais fait ça alors tu verras bien une fois sur le terrain. « Ok. Tout ça me semble assez clair. » Il est sûr de lui et on voit qu’il a l’habitude de procéder de la sorte. Cela te rassure un peu qu’il n’en soit pas à son premier coup d’essai même si, en même temps, ça te répugne qu’il utilise des jeunes pour se faire de l’argent. Tu ressens déjà de la rancœur envers lui et pourtant, à l’heure actuelle, il est le seul à pouvoir t’aider. Enfin, c’est ce que tu crois. « Je préfère que vous le gardiez. Je peux prendre une photo ? » Demandes-tu en commençant à compléter tes informations personnelles. Tu as presque l’impression de sceller un pacte avec le diable à cet instant précis mais tu ne vois aucune autre solution, aucune autre issue. « Je n’ai pas de questions à propos du job en lui-même. Tout me paraît assez précis. Mais… ça fait longtemps que vous faites ça ? Vous n’avez jamais eu d’ennui avec la justice ? » Demandes-tu en fronçant les sourcils. Ce n’est pas de la curiosité mal placée mais tu veux être certaine que la police ne lui tourne pas autour et ne risque pas de te tomber dessus à la minute où tu commenceras à dealer. Tu sais que tu prends des risques, ce n’est pas le souci, mais tu veux être certaine que ce pasteur soit « clean ». « Je pense que quand j’aurai atteint entre 5 et 7000 dollars, ce sera suffisant. » Suffisant pour payer tes factures pendant un moment, le temps de retrouver un travail plus stable et moins dangereux surtout.

Un soufflement de nez. "Ca peut paraître énorme mais ne t'en fais, je suis sûr que tu sauras gérer. Rien qu'en allant dans des fêtes ou ce genre de choses, tu peux en vendre facilement la moitié si ce n'est pas plus." tentais-je de la rassurer même si ça peut la faire flipper plus qu'autre chose. Je ne suis pas dans sa caboche, je ne peux pas réellement savoir ce qu'elle pense et je ne la connais pas assez bien pour porter un simple jugement. Je lui explique la totalité des choses à savoir pour commencer, lui faisant signer le contrat après qu'elle l'ait lu. "Fais donc." lui dis-je en montrant les feuilles de la main. Je reprends une posture idéale pour continuer la conversation, récupérant les deux exemplaires que je range à double tour dans mon burelingue et lui adresse un sourire à ses questions. Une petite moue, réfléchissant. "Ca doit faire cinq balais à tout casser et non, jamais je n'ai eu de problème." Tout se fait bien trop discrètement et dès qu'il y a un pépin, c'est Morgan qui prend l'affaire pour me prévenir. Un petit arrangement entre nous depuis que j'ai commencé. "Je sais que c'est un métier à risques mais tu n'as pas à t'en faire. T'as une bonne bouille, bien trop angélique pour qu'on te soupçonne de quoi que ce soit." ajoutais-je avant de lui poser à mon tour une seule et unique question. "Très bien alors. attends-moi là." lui dis-je en me redressant avant de partir dans l'arrière boutique récupérer la came. "Ton sac est assez grand pour le dissimuler. Je te fournis des pochons avec au cas où et si vraiment tu as des questions, veux être sûre à cent pourcents sur certains points, tu viens me voir. N'aies pas peur de demander; vaut mieux ça que de prendre des risques inutilement." Je lui accorde un sourire en lui tendant ma carte. Vu la somme qu'elle veut récupérer, d'ici deux mois elle se sera déjà tirée pour mon plus grand bonheur, autant que pour le sien. "Tu peux déguerpir maintenant, Noa. Merci à toi d'avance pour tes services et navré de t’enrôler là-dedans pour une durée indéterminée." lui dis-je d'un ton doux et désolé en m'avançant vers la lourde afin de la laisser filer. "Prends soin de toi surtout." Une paluche tendue vers elle pour signer d'une autre manière ce pacte.

« Oui et je crois que j'ai déjà quelques idées de potentiels clients. » Dis-tu en repensant à quelques connaissances de l'université qui consommaient régulièrement. Tu les as perdues de vue mais tu es persuadée que leur consommation de drogue ne s'est pas arrêtée, elle. Ils semblaient bien trop accro pour ça, il y a à peine un an encore. Après avoir eu l'accord du pasteur, tu prends quelques photos du contrat puis le laisses entre ses mains, préférant qu'il reste ici plutôt que dans ton petit studio où Judas risque de le trouver à tout moment. Il est évident que tu ne veux pas qu'il sache ce que tu trames derrière son dos. Tu souris faiblement alors que l'homme souligne que tu as un visage trop angélique pour qu'on te soupçonne de quoi que ce soit. Ce n'est pas la première fois que tu entends ça et surtout, ça te permet de grapher en rue sans être trop surveillée. Tu le suis du regard quand il s'en va pour aller chercher la marchandise puis ouvres ton sac en grand pour faire rentrer la drogue. « D'accord, je n'hésiterai pas. » Réponds-tu en jetant un coup d'oeil à sa carte et en la rangeant dans ta poche. Sa gentillesse te déroute un peu mais tu lui adresses un léger sourire malgré tout. Au moins, vous êtes tous les deux d'accord pour affirmer que ce partenariat ne durera pas longtemps. Juste le temps que vous y trouviez tous les deux votre compte. « Merci de me laisser ma chance. » Après tout, il n'était pas obligé surtout que c'est un métier à risque et qu'il ne te connait pas. Après un dernier regard, tu quittes la pièce, le corps et l'esprit bien plus lourds.

Fin du sujet