i'll rock you till the daylight comes (juliann)

Quelques messages envoyés, innocents, sans penser qu'ils pouvaient briser quelque chose au passage. Quelques messages destinés à une personne à qui il aurait sans doute fallu s'en empêcher. Une notification sur son téléphone portable, un match, elle ne s'y en était pas attendue. Évidemment, Nevaeh l'avait vu, le profil de Juliann. Elle l'avait regardé, de loin, sans oser faire les premiers pas, même après des années. Et c'était lui qui était venu, lui qui avait lancé la première invitation à discuter. N'en était-il pas alors moins une trahison ? Juliann, son Juliann. Celui qu'elle avait regardé de loin, celui qui l'avait fait rêver. Mais celui, aussi, qu'elle avait dû apprendre à laisser partir, sans même lui avoir avoué ses modestes sentiments. Il n'était pas à elle, finalement, mais plutôt à sa meilleure amie. Et parce que Nevaeh avait tendance à chercher le bonheur des autres avant les siens, elle n'avait jamais osé dire, ni à elle ni à lui, qu'elle rêvait en silence d'avoir le courage de l'aborder. Elle s'était oubliée, pour Pippa, pour leur amitié, parce que ça lui était bien plus important que n'importe quelle histoire d'amourette avec un garçon. Ce soir-là, alors qu'elle l'avait croisé sur une application de rencontre, alors qu'il avait fait le premier pas, c'était presque comme si toute sa volonté s'était envolée, lui proposant u rencard, flirtant avec lui alors qu'une part d'elle lui criait de se retenir, de penser à Pippa. Pippa, que dirait-elle si elle apprenait que sa meilleure amie draguait son ex ? Il lui avait demandé d'être surpris, de vivre une soirée à l'aveugle, où elle seule était maître de leur sort. Et c'est ce qu'elle lui avait préparé. Elle avait fini par lui donner rendez-vous, ne lui glissant que l'adresse, même devant les questions qu'il lui avait posées pour découvrir le mystère de leur rendez-vous secret. Nevaeh ne s'était pas montrée faible, résistant à l'insistance de Juliann, le secret professionnel de son emploi lui en était pour beaucoup. Dans une rue peu achalandée de la ville, elle l'attendait, deux trottinettes électriques près d'elle, son plus beau sourire, alors qu'elle le vit enfin s'avancer. Verts, ses yeux étaient verts. Elle le savait, ils l'avaient ensorcelé, jadis, ces yeux, mais elle l'avait utilisé comme un prétexte pour le voir. « Alors, toujours pas déçu ? », lança la brune quand il s'approcha d'elle, faisant référence à leur match et la conversation qu'ils avaient eus, deux jours avant, se hissant sur la pointe de ses pieds pour lui faire la bise. « Ils me font toujours autant craquer, ces yeux, je le confirme », avoua-t-elle en lui souriant. Il ne savait pas, Juliann, qu'elle avait déjà eu le béguin pour lui. Du moins, s'il le savait, c'est qu'il l'avait deviné. Elle, elle n'aurait jamais osé le lui avouer.

Ce match sur cette application de rencontres était des plus inattendus comme la conversation qui avait suivi, d'ailleurs. Si au début tu n'avais pas directement fait le lien entre Nevaeh et ton passé, à présent, tous tes souvenirs te revenaient de plein fouet. La jeune femme avait toujours été balayée par Pippa et par les sentiments que tu éprouvais à son égard mais aujourd'hui, maintenant que tes pensées ne sont plus obstruées par la beauté de Pippa, tu vois bien à quel point Nevaeh attire le regard. Et ce n'est pas que physique, contrairement à ce qu'on pourrait penser. Si au début tu ne cherchais rien de plus qu'une histoire d'un soir sur BowenBowTie, la jeune Rutkowski t'a rapidement donné envie de changer un peu ta façon de penser. Elle t'a donné envie de creuser davantage et ça ne t'était plus arrivé depuis Alejandro, c'est pour dire. Néanmoins, il y a quand même une ombre au tableau : Pippa. Tu ne sais pas vraiment comment elle réagirait en apprenant que tu as un rencard avec sa meilleure amie... probablement mal mais pour l'heure, tu n'as pas envie de trop réfléchir. Alors, tu te rends à l'adresse envoyée par Nevaeh à l'heure convenue, l'esprit léger. « C'est tout le contraire. Rien de mieux que de te voir en chair et en os. » Dis-tu avec un large sourire en t'approchant de la jeune femme. Lorsqu'elle dépose un baiser sur ta joue, ta main vient se blottir, naturellement, au creux de ses reins l'espace de quelques secondes. « Toujours autant ? » Demandes-tu en arquant un sourcil avant de comprendre qu'elle fait sûrement allusion à son compliment sur tes yeux lors de votre échange sur l'application de rencontres. « Des trottinettes ? Tu attises ma curiosité là. » Tes yeux se posent sur ce moyen de transport des plus inattendus mais après tout, c'est ce que tu as demandé : de la surprise. Même si au fond, même le plus simple des rencards t'aurait convenu parce que ce qui compte c'est que tu apprennes à (re)découvrir Nevaeh avec un regard totalement différent d'il y a quelques années.

Tu ignores tout des sentiments qu’éprouvait Nevaeh, lorsque vous n’étiez encore que des adolescents. Tu ignores qu’elle s’est effacée pour vous laisser vivre une belle histoire d’amour, Pippa et toi. Une histoire qui a presqu’été jusqu’au mariage avant que vous ne vous rendiez compte que vous vous apprêtiez à faire une belle connerie. Aujourd’hui, tu l’aimes toujours du plus profond de ton cœur mais plus de la même façon. C’est pour cette raison que tu t’autorises à flirter avec Nevaeh, même si c’est la meilleure amie de ton ex-fiancée. Et c’est tellement bon et revigorant. Exactement ce dont tu avais besoin, après le départ d’Alejandro. « Qu’est-ce qui pourrait bien m’effrayer au point de ne plus avoir envie de te voir ? » Demandes-tu, taquin. Il est évident que la brune possède des défauts, comme chaque personne sur cette Terre, mais pour l’instant, tu ne vois que ses meilleurs côtés et tu es prêt à en découvrir davantage. Tu ne doutes pas que la Nevaeh d’aujourd’hui soit très différente de celle que tu as côtoyé durant vos années lycée. « Oh, tu fais référence à notre conversation… Merci. » Dis-tu en comprenant qu’elle parlait de ce compliment qu’elle t’avait fait sur l’application de rencontres. Tu es heureux de savoir qu’elle n’est pas déçue de ce qu’elle (re)découvre car de ton côté, tu la trouves extrêmement belle et attirante. Cela doit se lire dans ton regard, d’ailleurs. Après avoir remarqué les trottinettes qui trônent à vos côtés, tu interroges la brune à ce sujet mais elle ne semble pas décidée à t’en dire beaucoup plus. « Créativité… » Répètes-tu en réfléchissant aux endroits que tu connais et qui pourraient coller à cet indice. Evidemment, pour l’instant, tu n’as aucune idée de l’endroit où elle t’emmène mais votre trajectoire t’aidera peut-être à y voir plus clair. « Prêt. » Dis-tu en montant sur la trottinette motorisée à ton tour. Tu accélères un peu pour te mettre à la hauteur de Nevaeh puis demandes : « Alors, qu’est-ce que tu as fait après le lycée ? J’veux rattraper le temps qu’on a perdu. » Tu tournes brièvement la tête vers elle, fasciné par ses cheveux bruns qui volent à cause du vent. Malheureusement, tu es bien obligé de rester concentré sur la route pour ne pas perdre l’équilibre.

C'était mal. Tout ce qu'ils faisaient, si peu que c'était, c'était mal. Ça allait à l'encontre du code de l'amitié. C'était égoïste. Mais bon Dieu que ça lui faisait du bien. Déchirée entre la raison et l'envie, Nevaeh ne réfléchissait plus. Elle mettait son amitié avec Pippa en péril à force de jouer avec le feu pour quelque chose qui n'était pas assuré. Les sentiments qu'elle avait jadis ressentis pour Juliann semblaient toujours brûler un peu, alimenter cette flamme à l'intérieur d'elle qui faisait des ravages, mais quant était-il de lui ? Que pensait-il de tout ça ?  Se mettait-il les mêmes barrières intérieures ? Était-ce tellement juste pour Pippa ? Était-ce la trahir ? Ou le temps qui avait passé effaçait les règles ? En cette fin d'après-midi, tout était mis sur pause, le juste, le bon, le mal. Il n'était question que de lui. De lui et de ses yeux verts qui faisaient tourner la tête de la brune et de son enchantement à la revoir. « Ce ne sont pas des choses qui se disent lors d'un premier rendez-vous, voyons », plaisanta-t-elle alors qu'il lui demandait ce qui pourrait tant l'effrayer. Des défauts, elle en avait, certes. Et un caractère, elle en avait aussi. Ça prenait du mordant pour faire ce qu'elle faisait, professionnellement, mais aussi avec son frère.  Mais elle était dotée de bien plus de qualités semées autour de ses travers et de ses fautes, notamment son éternel dévouement. Ils avaient changé tous les deux, vieilli, grandi, ça ne faisait aucun doute. Mais une chose restait pareille, inéchangeable, l'effet que Juliann avait sur elle. « Oui », répondit-elle avec une gêne qui ne la caractérisait pourtant pas. C'était comme si tout son corps était en alerte, incapable de fonctionner normalement tant il lui donnait le tournis. Mais il fallait rester calme, respirer, bien jouer ses cartes. Et donc, elle lui expliqua vaguement le planning de leur rencard, laissant planer une dose de mystère. « Je ne t'en dis pas plus pour le moment. N'essaie pas de me faire parler, Juliann, je suis une tombe. » Elle fit mine de verrouiller sa bouche à clé avant de laisser un délicieux rire s'échapper d'entre ses lèvres avant qu'elle se mette en scelle. Ils se mirent en route, Nevaeh qui menait le pas, le vent dans les cheveux, l'effluve de son parfum qui tassait sa trajectoire, sa robe légère qui s'amusait à frôler la peau de ses cuisses, jusqu'à ce que Juliann arrive à sa hauteur. « Je suis allée à l'université, en journalisme. J'avais la soif d'écrire.., commença-t-elle en regardant vers Juliann, mais en jetant des coups soleils furtifs à la route, À ma sortie, je croyais que le monde serait à mes pieds, mais c'était plutôt moi qui l'étais. J'ai fait la chronique horoscope du journal local pendant un petit moment jusqu'à être promue, gloussa-t-elle, J'ai couverts des petites histoires pendant un moment, puis j'ai tenu la rubrique voyage. On m'envoyait en éclaireur, trouver des activités inusitées à faire découvrir. » Elle s'arrêta de parler un instant, elle qui en disait déjà trop, avant de rire. « C'était largement plus que ce que tu m'as demandé », s'excusa-t-elle. « Assez parlé de moi, je veux tout savoir de toi. Qu'est-ce qui t'as donné envie de devenir pompier ? T'as toujours fantasmé sur le feu?   » Et du feu, entre Pippa, Nevaeh et lui, il risquerait d'en avoir. Encore heureux qu'il savait l'éteindre.

« C’est vrai. » Réponds-tu avec un air malicieux. Lors des premiers rendez-vous, c’est plutôt la découverte de l’autre qui prime, les papillons dans le ventre, l’adrénaline, la passion. Tout ça à la fois. C’est exactement ce que tu ressens à cet instant précis durant ce rencard avec Nevaeh et c’est exactement ce dont tu as besoin. « J’espère qu’il y en aura d’autres alors… » Murmures-tu en espérant qu’elle te laissera une autre chance, un autre jour, pour que vous puissiez apprendre à vous connaître davantage. Même si votre rencontre ne date pas d’hier, tu n’as pas l’impression de connaître réellement la brune. Tu la connaissais plutôt à travers les yeux de Pippa. Et aujourd’hui, il ne fait nul doute que Nevaeh est une femme indépendante, libre et qui a probablement des tas de choses intéressantes à partager avec toi. Vos discussions n’ont jamais été creuses ni même ennuyeuses comme ça a pu être le cas avec d’autres personnes sur cette application de rencontres. C’est pourquoi, tu sais d’avance que vous allez passer un bon moment même si tu ignores encore tout de votre programme. « Je ne te demanderai plus rien comme ça la surprise sera totale. » Et bien meilleure. Rien de tel qu’un peu de mystère pour pimenter votre rendez-vous et vous donner davantage envie de découvrir l’autre. Bien que, dans ton cas, n’importe quelle activité t’aurait donné envie de connaître plus en profondeur Nevaeh. Sans mauvais jeu de mots. Une fois sur la route, vos trottinettes bien en mains, tu interroges la jeune femme sur son parcours, sur sa vie, après que vos chemins se soient séparés. « Il n’y a pas de sot métier comme on dit. » Rétorques-tu quand l’Australienne rit en repensant à sa chronique horoscope. Il faut bien commencer quelque part après tout et ça lui a sans aucun doute ouvert de nouvelles portes. La preuve, suite à cela, elle a pu voyager aux quatre coins du monde. « Crois-moi, je compte bien en apprendre plus encore sur toi… J’imagine que ça te plaisait de partir à l’autre bout du monde régulièrement ? » A qui cela ne plairait pas, dans le fond ? De ton côté, tu n’as pas eu la chance de beaucoup voyager mais les rares fois où tu as quitté l’Australie, ces voyages ont été inoubliables. Que ça soit avec ta mère ou avec Tahlia, tu gardes un très bon souvenir de cette exploration du monde. « D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être pompier… Déjà tout petit, je ne jouais qu’avec des camions de pompiers, j’étais prédestiné à en être un je crois. » Dis-tu en riant. « C’est peut-être lié à la mort de mon père. Il est mort dans un accident de voiture quand j’avais cinq ans… sa voiture a pris feu. » Peut-être que tu cherches à sauver toutes les familles qui risquent de perdre leur père pour qu’elles n’aient pas à vivre ce que tu as vécu, toi. Qui sait, tout ça est sans doute inconscient.

Ce ne sont pas des choses qui se disent lors des premiers rendez-vous, non. Pas que Nevaeh cherchait à lui cacher d'horribles secrets concernant sa personnalité, elle n'était pas le genre de fille timbrée de qui il aurait peu s'ils avaient un désaccord. Bien au contraire, elle était plus le genre de fille à faire passer ses sentiments derrière ceux des autres, à se sacrifier pour ceux qu'elle aimait, à s'oublier au détriment de ceux qui comptaient dans sa vie. Et ce, depuis toujours, ce qui expliquait pourquoi elle n'avait jamais osé parler à sa meilleure amie du béguin qu'elle avait pour Juliann, déjà à l'époque. Et ça s'était poursuivi, dans sa vie adulte, avec son frère, entre autres, qui lui en faisait voir de toutes les couleurs, mais aussi avec Felix. Ça en prenait, un coeur en or, pour accepter de reprendre un mec qui l'avait trompé une première fois, pour accepter de lui donner une seconde chance en se doutant très bien que ce n'était qu'illusion. C'était bien là son plus grand défaut, faire confiance à l'aveugle à des gens qui pouvaient potentiellement lui briser le coeur, parfois malgré eux, parfois sans vraiment l'avoir prémédité. Mais les défauts, on en parlait rarement dans les premiers rendez-vous. On profitait de cet instant pour faire valoir ses plus belles facettes, pour charmer l'autre. Et bien qu'elle n'était pas honteuse de la personne qu'elle était, rempli d'autant de qualités que de défauts, Nevaeh avait envie de plaire à Juliann, de piquer sa curiosité jusqu'à vouloir la revoir, même si c'était mal. « Je l'espère aussi... », souffla-t-elle sur le même ton que lui, l'envie partagée. Elle lui sourit en coin avant d'ajouter : « Pour ça, la balle est dans ton camp. Mais attends la fin de ce rendez-vous pour prendre ta décision, tu seras peut-être déçu de ce que tu découvriras sur moi. » Elle haussa les épaules, sourire taquin toujours aux commissures de ses lèvres, comme pour lui laisser comprendre qu'à partir de maintenant il était le maitre de leur avenir. Elle, il l'avait déjà charmé. Et assurément qu'elle avait envie de le revoir. « On a qu'à rouler quelques minutes et tu verras bien de toute façon », lui chantonna-t-elle en l'invitant à prendre route en scelle de leurs trottinettes motorisées qu'elle avait louées dans le simple but de les faire rire. Ce n'était pas qu'elle était fan de ce genre de moyen de déplacement, en fait elle n'en avait jamais fait avant aujourd'hui, même. Mais il lui avait demandé un rendez-vous mystère qui sortait de l'ordinaire, et c'était ce qu'elle lui offrait. Il y avait quelque chose d'excitant dans le fait de garder des surprises, d'être la seule au courant de ce qui allait se produire, de se dire qu'elle pouvait bien le guider n'importe où et qu'il n'avait que d'autres choix que de la suivre s'il voulait en apprendre plus sur elle. Et c'est ce qu'il fit, il brandit sa trottinette électrique et la suivit, le vent dans les cheveux, le sourire toujours sur son visage, sans manque de la questionner au passage, rien de plus normal lors d'un premier rendez-vous officiel. Elle avait pourtant l'impression qu'ils se connaissaient, sans réellement se connaître, eux qui savaient en surface bien des choses l'un sur l'autre, ils ne s'étaient jamais posé des questions plus profondes. Elle, par respect pour sa meilleure amie, bien qu'elle aurait aimé en savoir davantage sur lui bien avant aujourd'hui. Lui, probablement parce que Nevaeh ne lui était jamais tombé dans l'oeil à cette époque, avec raison. C'était maintenant qu'ils rattrapaient le temps. Juliann la questionna sur son parcours une fois que leurs chemins s'étaient séparés, elle qui lui livrait l'explication en détail de ses dernières années. « Tu as raison. Mais l'ironie, c'est que j'y crois même pas aux horoscopes et tout ça... », avoua la brune en gloussant, donnant un petit coup de guidon sur son engin motorisé pour s'approcher un peu plus de Juliann. Mais quand il lui confia qu'il voulait en apprendre encore plus sur elle, alors qu'elle tentait de faire diversion en le questionnant plutôt lui, elle sentit ses joues qui voulaient s'empourprer à nouveau et un sourire trop niais qui menaçait de se poser sur son visage. Et si près, elle pouvait presque sentir son odeur, rien pour lui permettre de se contrôler. « C'était ce dont j'avais besoin... », souffla-t-elle en tourna son visage timidement vers le brun. « Puis, on a appris que mon frère était vraiment malade.. Et les voyages sont devenus d'autant plus importants pour moi. C'était mon.... mon moment de pause... » Elle avait honte de l'avouer, elle qui n'en parlait presque jamais. « C'est comme si pendant ces moments, j'étais moi... Vraiment moi. Que je pouvais arrêter de penser à rendre tout le monde heureux et me recentrer sur moi. » Parce que la maladie de Woody lui faisait souvent s'oublier, oublier qu'elle avait des envies et des rêves, elle aussi. Mais il y avait eu Felix. Felix qui l'avait convaincu de le suivre jusqu'à New York, à mettre sa vie sur pause pour eux, un eux qui avait duré trois ans et qui s'était terminé sur une rupture déchirante. Elle livrait à Juliann une partie d'elle qu'elle n'avait jamais livrée avant, un regard à nu sur sa personne, même si ses vêtements étaient encore sur elle. Et elle en était presque gênée. C'est pour cette raison qu'elle lui posa des questions à son tour. Parce qu'écouter et s'intéresser aux gens, elle avait bien faire, la journaliste, l'inverse lui était encore difficile. « Oh, c'est troooooop chou, je veux absolument voir une photo de petit Juliann avec son camion de pompier », commenta-t-elle en riant, attendrie par le début de son histoire. Mais bien rapidement, elle lui montra un visage triste, emphatique, alors qu'il parlait de la mort de son père dans de terribles conditions. « Merde, Juliann, je suis désolée.. » Elle s'arrêta de rouler, posa un doux regard sur lui. « Je ne savais pas que tu avais perdu ton père... » Alors qu'ils étaient tous les deux arrêtés, elle posa une main sur celle du pompier, qui les avait toujours posées sur son guidon, puis la caressa doucement, premier contacte physique qu'elle s'autorisait à lui accorder. « Je suis certaine qu'il est fier de toi. Et qu'il y a beaucoup de petits garçons qui te sont reconnaissants de sauver leur papa des flammes pour leur offrir ce que tu as perdu. » Nevaeh lui sourit tendrement. « C'est tellement beau ce que tu fais, Juliann. Tu te sacrifies pour tout le monde, pour le bien des autres... Alors que certains de nos jobs sont tellement futiles et inutiles au fond. » Elle pensait à son propre job qui n'était tellement pas une nécessité, finalement, comparativement à ce que lui faisait alors qu'il se mettait tout les jours en danger pour le bien de la ville. Elle posa un regard sur cette main, toujours lovée contre celle de son amant interdit, qu'elle retira en se racla la gorge. « Euh... Ça y est.. On est arrivé ! », lâcha-t-elle, comme au bon moment, en pointant le petit café devant lequel ils s'étaient arrêtés. « Je t'avertis, je ne suis pas une artiste, mais je me suis dit que ça serait drôle de peindre un truc en céramique ensemble. » Et quoi de mieux qu'un café-céramique pour lui permettre de rire à ses piètres talents de peintre ?

Spoiler:

Après ta rupture avec Alejandro, tu ne pensais pas être prêt, si rapidement, à aller à un rencard avec quelqu'un d'autre, à envisager - peut-être - une relation plus sérieuse. Mais en discutant avec Nevaeh sur cette application de rencontres, tu as bien vite compris qu'elle n'était pas comme les autres. Qu'elle gagnait à être connue. Alors évidemment, quand la brune souligne que tu finiras peut-être ce rendez-vous en étant déçu, tu émets de gros doutes. « Ou c'est toi qui finiras déçue. » Dis-tu en haussant les épaules, un sourire taquin aux lèvres. Il n'y a pas de raisons que tu sois le seul à décider, le seul maître de la poursuite ou non de ce début de relation. Pour l'instant, vous êtes encore dans la découverte et ça fait sans aucun doute partie des plus beaux moments d'une relation à tes yeux. Alors, autant en profiter avant de penser à la suite. Pour l'heure, il est temps d'enfourcher vos trottinettes et de prendre la route pour aller découvrir la surprise concoctée par Nevaeh. Même avec l'indice qu'elle t'a donné, tu n'as aucune idée de l'endroit où elle t'emmène. Après tout, Bowen est une ville plutôt créative qui regorge de talents alors elle pourrait probablement t'emmener à des tas d'endroits avec cet indice. Mais tu ne cherches pas à en savoir plus parce que tu préfères profiter de la surprise au maximum. Par contre, en ce qui concerne Nevaeh, tu es bien décidé à en apprendre plus sur elle durant ce rendez-vous et qui sait, durant vos prochains rencards également. « Ah bon ? Personnellement, j'y crois seulement s'ils sont positifs. » Rétorques-tu en riant, à propos des horoscopes. Quand ils t'annoncent quelque chose de négatif, tu as plutôt tendance à penser "bullshit" comme la plupart des gens, sans doute. Parce que dans le fond, qui peut bien y croire dur comme fer ? Laissant les horoscopes de côté, Nevaeh obtient toute ton attention alors qu'elle t'explique pourquoi les voyages sont devenus une part importante de sa vie. « Oh, j'suis désolé pour ton frère. » Dis-tu avec compassion avant de la laisser poursuivre son histoire. Même si vous ne vous êtes retrouvés que depuis quelques jours, quand tu l'entends parler, tu n'as aucun mal à croire qu'elle fait passer les autres avant elle, avant son propre bonheur. « Et toi, qui se préoccupe de te rendre heureuse, alors ? » Probablement personne. Ce qui fait qu'elle trouve son réconfort loin de Bowen, sa ville natale, et ça, c'est vraiment dommage. Néanmoins, tu peux comprendre qu'elle veuille faire passer sa famille, son frère, avant tout le reste car tu n'hésiterais pas une seule seconde, s'il était question de ta mère. Etant enfant unique, tu n'as jamais eu de liens aussi forts que ceux unissant une fratrie mais tu peux tout à fait l'imaginer. Par chance, tu as trouvé des amis qui s'apparentent presque à une famille même si ça ne remplacera jamais les liens du sang. Finalement, la conversation dévie sur toi et sur ta passion pour le métier de pompier. D'aussi loin que tu te souviennes, tu as toujours voulu exercer ce métier, au plus grand désespoir de ta mère. A chaque fois que tu rentres d'intervention, il faut toujours qu'elle t'envoie un message, peu importe l'heure qu'il est. Et avec ces incendies qui ont ravagé le pays récemment, son inquiétude n'a fait qu'amplifier. Mais c'est ta mère alors tu ne peux pas vraiment la blâmer. « Je dois avoir ça, il faudrait que je demande à ma mère. » Plaisantes-tu quand Nevaeh réclame une photo de toi, petit, avec ton camion de pompiers. Voulant compenser l'absence de ton père, ta mère a toujours été très présente et t'a toujours gâté plus qu'il ne le fallait. Néanmoins, ça ne fait pas de toi un homme capricieux et égoïste pour autant. « Tu ne pouvais pas savoir... et puis, ça fait longtemps maintenant. » Malgré tout, la blessure est toujours là et restera probablement à vie. Alors que l'Australienne dépose sa main sur la tienne, tu baisses ton regard vers celle-ci, un sourire aux lèvres. Puis, sans réfléchir, tu entrelaces tes doigts aux siens, profitant de ce contact qui se veut réconfortant. « Aucun job n'est futile ou inutile car ça apporte forcément quelque chose à quelqu'un. » Dis-tu en souriant à la brune. « Mais même si je donne mon maximum pour aider les autres, quitte à me mettre en danger, ce n'est pas toujours suffisant et ça, c'est difficile à accepter. Cela fait partie des côtés les plus durs de mon travail. » Ne pas pouvoir sauver une personne des flammes à cause des dégâts trop importants causés par celles-ci, c'est tellement désemparant. Tu as de plus en plus de mal à l'accepter surtout quand ça concerne une famille ou pire, des enfants. Après quelques minutes, Nevaeh t'annonce que vous êtes arrivés et te montre le petit café devant lequel vous êtes arrêtés. Tu observes la bâtisse en souriant, complètement étonné et sous le charme du lieu. « Je n'ai jamais fait ça mais j'ai déjà hâte d'essayer. On entre ? » Demandes-tu en déposant ta trottinette devant l'édifice, prêt à aller découvrir le lieu aux côtés de Nevaeh. Une fois à l'intérieur, vous êtes rapidement dirigés vers une table par le serveur qui en profite pour vous expliquer le concept. « J'aimerais beaucoup décorer une tasse, histoire de penser à ce rendez-vous et à toi à chaque fois que je bois mon café le matin. » Dis-tu en souriant à la brune, le regard charmeur.

HJ:

Déçue... Comment pourrait-elle être déçue de ce qu'elle allait découvrir sur lui ? Si seulement Juliann savait qu'elle avait secrètement rêvé qu'un moment comme ça leur soit possible, lors qu'ils étaient au lycée. Nevaeh l'avait toujours trouvé de son goût, attirant, séduisant. Et, à vrai dire, elle connaissait bien des filles qui auraient voulu être à la place de sa meilleure amie, quand enfin ils avaient officialisé leur relation. Elle en faisait elle-même partie, silencieusement, en retrait. Et jamais elle ne l’avait dit. Parce que ça ne faisait pas loyal de fantasmer sur le petit copain de sa meilleure amie. Aujourd'hui, ce n'était pas plus une chose à faire, mais elle croyait naïvement que le temps qui avait passé et que leur relation qui ne s'était jamais finalement terminée sur un mariage justifiait ses actions, que maintenant c'était plus acceptable de le faire. Parce que Pippa et Juliann n'étaient plus en couple, parce qu'ils n'étaient pas mariés. Et, aussi, parce que Nevaeh n'était pas la seule à sembler intéresser. Juliann avait répondu à son flirt, la regardait avec un sourire taquin au bord des lèvres, entrait dans son jeu de séduction. Il était aussi coupable qu'elle. Et maintenant qu'ils avaient commencé, ciel qu'elle ne voulait pas s'arrêter. C'était trop tôt pour dire qu'elle était amoureuse, beaucoup trop tôt, non seulement dans leurs retrouvailles, et aussi dans sa vie en général, elle qui venait d'essuyer une séparation plutôt douloureuse - Juliann aussi, d'ailleurs -, mais elle pouvait dire qu'il l'intriguait, qu'il lui donnait envie de voir ce que ça pouvait donner, de croire que c'était possible de rencontrer des hommes bien, des hommes qui ne lui ferait pas subir le même sort que Felix. Peut-être s'était-elle trompée, peut-être était-elle totalement erronée, seul le temps le lui dirait, et elle était bien prête à l'apprendre à ses dépens. Il l'intéressait, bien plus qu'un petit flirt, bien plus qu'un jeu dangereux. « Je demande à voir ça », lança la brune, le regardant avec le même regard taquin, ses lèvres rosées qui s'étiraient juste avant qu'ils ne se mettent à rouler vers la destination secrète, destination qu'il tentait de deviner. Il avait demandé à ce qu'il y ait du mystère, un peu de surprise entre eux, sa seule condition avait été un menu vegan, sans produits animaliers. Ça lui allait, à Nevaeh, ce n'était pas bien capricieux. Et ça lui avait laissé le temps de chercher la parfaite sortie à faire pour leur premier rencard. Elle avait voulu viser juste, ne pas faire ordinaire, ne pas faire comme tout le monde. Pas de restaurant ou de cinéma, pas de balade sur le bord de la mer. Elle avait loué des trottinettes motorisées, se disant dès lors que tout ça allait pimenter leur journée. Et elle s'était mise à chercher une idée qui ferait primer l'originalité. Elle voulait le marquer, lui faire oublier les autres qui pouvaient peut-être se présenter à lui sur cette application, lui montrer qu'elle en avait à revendre. Ce n'était pas ça, d'ailleurs, qu'il fallait faire sur le marché du dating ? Prouver qu'on était le meilleur choix ? Peut-être que ça ne fonctionnerait pas, mais au moins elle aurait essayé, et ils passeraient un doux moment. Juliann avait tout de même choisi d'éviter les questions supplémentaires sur le lieu de leur rendez-vous, choisissant plutôt de se montrer curieux à l'égard de la journaliste. Dans son quotidien, c'était elle qui posait les questions, pas l'inverse. Et ça lui faisait étrange que quelqu'un s'intéresse à elle, réellement. Même dans sa vie privée, elle n'avait pas ce genre de relation. C'était souvent elle qui posait les questions à ses proches, qui se proposait pour écouter, pour les conseiller ou les aider, rarement l'inverse. Disons qu'elle était plus à l'aise comme ça. Déstabilisée, elle tentait de répondre au mieux aux questions de Juliann, ne se déplaisant pas à se prendre au jeu des confessions, ça lui faisait un bien fou de se sentir importante aux yeux de quelqu'un, pour une fois, d'être la seule qui comptait l'espace d'un instant. « Comme la plus part des gens », gloussa la brune alors qu'il commentait son rapport aux horoscopes. « Mais, tu sais, en vrai c'est super dur d'écrire un horoscope. Il faut se fier à la carte du ciel et... Bref, je t'évite les technicalités, mais c'est pas si simple.. », confia-t-elle avec un peu de sérieux avant de reprendre l'humour. « J'ai consulté mon horoscope avant de venir, d'ailleurs. Ça racontait que j'allais avoir de la chance et qu'un magnifique inconnu allait entrer dans ma vie. Je ne voudrais pas me prononcer trop rapidement, mais je crois bien qu'il avait raison, celui-là », fit-elle d'un ton joyeux. Elle poursuivit cependant en parlant des voyages et de Woody, une émotion retenue dans sa gorge alors qu'elle confiait qu'il était malade. « Ne t'en fais pas, j'ai un peu appris à vivre avec, tu sais... Ça ne se guérit pas, la sclérose, malheureusement. » Mais ça pouvait évoluer plus lentement, si seulement Woody voulait suivre les traitements adéquats. Mais il était sans doute aussi borné que sa soeur, il n'en faisait qu'à sa tête, avec un peu d'égoïsme en plus. La question suivante du pompier lui fit un drôle d'effet, son coeur qui s'était mis à battre trop vite, trop fort, pour rien, alors qu'il se questionnait à savoir qui se préoccupait de Nevaeh, alors qu'elle, elle s'en faisait pour tout le monde. Elle pinça les lèvres en étirant un faible sourire. « Je.. Je ne sais pas », avoua-t-elle. C'était triste, mais jamais elle ne s'était posé la question. Évidemment, Woody défendrait sa soeur s'il avait à la faire, il irait frapper le premier connard qui lui briserait le coeur s'il le fallait, mais ce n'était pas de ça qu'il était question. Au quotidien, il ne l'écoutait pas. Il se plaignait et la repoussait, sans cesse, alors qu'il était sans doute la personne la plus importante dans sa vie. Elle haussa les épaules, comme si ça pouvait répondre à la question de Juliann, avant de s'attarder sur lui, plutôt, ça elle savait bien le faire. Lorsqu'il parla de son petit camion de pompier en jouet, il charma la brune. Puis, il évoqua sa mère, son regard s'était illuminé, ça paraissait qu'elle était importante pour lui, ça en était à croquer. Et quand il parla de son père, de ce décès qui lui faisait sans doute encore bien mal, Nevaeh eut tellement de compassion, elle chercha tout de suite à le faire sentir mieux, à apaiser ses maux, comme si elle pouvait prendre toute sa douleur à la place de l'homme. La main contre la sienne, elle chercha les mots pour lui faire du bien, lui qui entrelaça ses doigts avec celles de la brune, poursuivant ses confessions. « Oui, je comprends... Mais d'un autre côté, ce que tu fais, c'est tellement beau. » Les échecs devaient être marquant dans son métier, ils devaient traumatiser, resté encré dans sa tête pour une longue période. Ou, peut-être, ne jamais disparaître. « En tout cas, moi, je t'admire.. », murmura-t-elle, les yeux rivés sur ces doigts qui ne s'étaient pas lâchés et qui lui donnaient presque le tournis. Il lui plaisait, encore plus qu'elle aurait pu s'imaginer. Et, bien plus important, il la faisait sentir bien, elle, sans avoir le besoin d'être une autre, sans avoir le besoin de l'impressionner. C'était si simple, mais si compliqué à la fois. Elle finit par lui indiquer qu'ils étaient finalement arrivés, séparant leurs mains qui s'étaient caressées un instant pour garer leur bolide devant le café, Juliann déjà impatient d'y entrer. À l'intérieur, ça sentait bon les pâtisseries et les grains de café moulus, les murs étaient ornés d'étagères où les propriétaires avaient installé des plantes vertes pour enjoliver les lieux. Une fois seul, après s'être fait expliquer le fonctionnement par l'employé, Juliann se tourna vers la brune, son regard qui la faisait tomber à tout coup. « Tu fais exprès pour me faire rougir ? », demanda-t-elle en souriant, baissant les yeux vers ses mains avec lesquelles elle jouait nerveusement. « Bonne idée », finit-elle par décréter. « J'en ferai une aussi! À partir de maintenant, toi et moi, nous sommes en compétition. Lequel de nous deux fera la plus belle tasse! Et le vainqueur aura.... » Elle réfléchit un instant, posant son doigt sur sa bouche en guise de signe réflexif. « .. Aura le droit de demander n'importe quelle faveur à l'autre. » Elle gloussa avant d'ajouter, joueuse : « On demandera à nos prochains voisins de table de choisir la meilleure tasse ! Partant ? » Nevaeh lui tendit la main, comme pour sceller un pacte.

Je demande à voir ça. Dit-elle avec un sourire qui ne laisserait aucun homme de marbre. L’étincelle que tu décèles dans ses yeux te prouve qu’il y a bien quelque chose entre vous, que cette alchimie, tu ne l’as pas imaginée. Tu aurais pu te faire des idées à travers vos discussions sur cette application de rencontres mais après avoir vu Nevaeh en vrai, tu sais qu’il y a des regards et des gestes qui ne trompent pas. Un jeu de séduction s’est clairement installé entre vous et même si tu ne sais pas encore si c’est une bonne ou une mauvaise chose, vis-à-vis de Pippa, c’est quelque chose que tu ne peux pas contrôler. « Oh je n’en doute pas ! » Dis-tu à propos des horoscopes. « Ceci dit, je serais curieux de te voir à l’œuvre un jour. » Tu imagines déjà l’Australienne, penchée vers son ordinateur, le nez légèrement froncé à cause de la concentration. C’est une image plutôt plaisante qui t’arrache même un sourire énigmatique. « Ah bon ? Peut-être que tu vas rencontrer ce magnifique inconnu à l’endroit où tu m’emmènes et que tu me laisseras sur le carreau. » Plaisantes-tu en tournant la tête vers elle une fraction de seconde. « Je crois qu’il a raison aussi. » Ajoutes-tu finalement en souriant plus largement avant de reporter ton attention sur la route. Après quelques minutes à parler de l’ancien travail de Nevaeh et du nouveau, la brune t’explique que son frère est malade et que, du coup, les voyages lui permettent de s’aérer l’esprit, de faire une pause dans ce quotidien sûrement trop lourd à supporter. C’est injuste et tu ne peux que compatir à sa peine, sans pour autant pouvoir l’ôter malheureusement. « Alors il faut que tu profites des moments que tu passes avec lui, ils sont précieux. » Mais tu es bien loin de te douter que les choses ne sont pas aussi faciles. Que le frère de Nevaeh lui rend la vie difficile. Toi, si tu avais eu la chance de connaître ton père encore quelques années, tu en aurais profité cent fois plus. Malheureusement, tu n’as que quelques brefs souvenirs de lui puisque tu étais trop jeune pour t’en construire des vrais, des indélébiles. C’est quelque chose que tu regrettes beaucoup mais comme le souligne si bien l’Australienne, tu as appris à vivre avec. Alors que la jeune femme t’explique être en recherche du bonheur de chacun, avant le sien, tu ne peux t’empêcher de lui demander qui prend soin d’elle quand elle s’affaire à aider les autres. Sa réponse te fait froncer les sourcils mais est criante de vérité. « Prendre soin des autres c’est bien tant que tu n’oublies pas de prendre soin de toi aussi, Nev. » Dis-tu en soutenant son regard avec un léger sourire aux lèvres. Tu ne veux pas qu’elle se perde et qu’elle finisse par le regretter. Tu sais ce que c’est et tu ne le souhaites à personne. Arrêtés devant le lieu de ta surprise, tu viens enlacer les doigts de Nevaeh aux tiens lorsqu’elle dépose sa main sur la tienne. Un geste qui peut paraître anodin pour certains mais qui ne l’est pas pour vous. Cela prouve qu’une réelle tendresse s’est déjà installée entre vous et ne va pas s’envoler de si tôt. Maintenant que vous avez franchi les limites, ensemble, tu n’es pas prêt à faire marche arrière. Tu veux voir où tout ça va vous mener et découvrir la jeune femme de bien des façons. « Il n’y a aucune raison de m’admirer. » Tu hausses les épaules tout en restant évasif sur le sujet parce que tu n’as pas envie que la brune découvre ton côté sombre pour l’instant. Tu veux que les choses restent simples et légères entre vous, comme ça l’est actuellement. Après être entrés dans l’établissement, quelqu’un se charge de vous installer à une table et de vous expliquer le concept. « Non mais j’aime te voir réagir. » Dis-tu en souriant et en passant ton pouce sur sa joue rougie. « Alors peut-être qu’à présent, je m’en amuserai un peu. » Ajoutes-tu, taquin. Finalement, tu proposes à Nevaeh de créer une tasse histoire d’avoir un rappel, chaque matin, de ce rendez-vous et de la brune. Bien que tu n’aies pas vraiment besoin de ça pour penser à elle. En entendant la proposition de la journaliste, tu arques un sourcil, totalement intéressé par sa proposition. « Tu es sûre ? Tu ne sais pas dans quoi tu t’engages, Nev. » La taquines-tu avant de prendre sa main pour sceller votre pacte. « Deal. Crois-moi, je vais tout donner, tu ne vas pas en revenir tellement ma tasse sera magnifique. » Rien n’est moins sûr, tu dois être bien moins créatif que Nevaeh, dans le fond. Mais tu vas tout donner, ça, c’est une certitude.

Son sourire, elle ne le maîtrisait pas. Et ce même si elle tentait. Il se formait de lui-même sur son visage, venait l'illuminer, en raison de la façon dont Juliann la regardait. Avec une tendresse absolue, comme s'il y avait réellement quelque chose d'unique entre eux deux qui commençaient à se créer, qui commençaient à germer. Et ce sentiment d'être bien, alors qu'ils n'étaient ensemble que depuis deux minutes, donnait envie à Nevaeh de s'accrocher, de voir ce l'avenir leur réservait, et ce malgré la complexité de leur histoire. Elle ne voulait faire de mal à personne, encore moins à sa meilleure amie. Seulement, il était difficile de contrôler ce qui grandissait en elle, le feu qu'elle voulait consumer et les tressaillements de son corps quand elle humait l'odeur de son amant interdit. Et dans toute cette histoire, il fallait forcément qu'elle fasse un choix. Elle ou Pippa, laquelle des deux devrait-elle oublier aux dépens de l'autre. L'issue, elle la connaissait. Elle savait bien qu'elle serait incapable de faire ce choix, la journaliste finirait par offrir aux autres le bonheur qu'elle ne s'accordait pas de peur de blesser les autres. Mais pour l'instant, dans sa bulle de bonheur, elle profitait des sourires et des regards, sans se douter que cette attraction deviendrait sans doute bien trop forte pour lui permettre d'oublier Juliann aussi facilement qu'elle le laisserait croire. Il avait marqué son âme au fer, déjà, bien malgré lui. Ils mentionnèrent brièvement le passé de Nevaeh, elle lui raconta son parcours au journal de la ville, comment elle avait fait pour gravir rapidement les échelons, passant d'une simple rédactrice d'horoscope à une globetrotteuse. Elle ne parla pas tout de suite de New York. C'était douloureux. Tout ce qu'il avait à savoir sur son escapade dans la grosse pomme, c'était qu'elle y était arrivée fiancée et qu'elle y était repartie cocue. Et ça, il l'avait su brièvement lors de leurs discussions virtuelles. Loin d'elle l'envie d'assombrir leur rendez-vous qui commençait bien avec des histoires de son passé aussi peu joyeuses que la cassure de ses fiançailles ou bien même le jour de son vingt-neuvième anniversaire qu'elle avait passé seule, alors que Felix était dans les bras d'une autre. Tout ça, elle n'avait pas envie de l'aborder. Pas aussi tôt. Pas alors qu'il lui faisait autant de bien. « Je pourrai t'en écrire un », lui dit-elle à demi-sérieuse. « Mais pour cela, j'ai besoin de ta date d'anniversaire ! » Elle plaisanta sur son propre horoscope, Juliann ne manquant pas de répartie en ajouta une couche ce qui la fit sourire, taquine. « Te laisser sur le carreau ? », demanda-t-elle en haussant un sourcil. « Je suis bien plus obstinée que ça, Juliann, il m'en faudrait plus pour avoir envie de te laisser derrière. » Elle aurait pu continuer, ajouter qu'un homme comme lui, on ne le laissait pas filer, mais Nevaeh se tue. D'une part, c'était trop tôt, trop intense pour elle de lui avouer tout ça et ça lui ferait peut-être peur. D'une autre, elle n'avait pas envie de lui faire penser à son ex qui l'avait vulgairement lâché. Cette discussion les amena à parler des voyages, de ce sentiment de liberté et de légèreté que la brune ressentait quand elle partait à l'aventure, cachant la culpabilité qui s'y rattachait aussi quand elle pensait à ce qu'elle laissait à la maison, notamment Woody et sa maladie. « Oui... », souffla la brune alors que Juliann soulignait que ses moments avec lui, son frère, étaient précieux. Il avait raison, mais sans le savoir il s'engageait sur un chemin vaseux. Nevaeh cacha sa douleur, celle qui venait en repensant à la façon dont Woody lui avait parlé quand elle lui avait rendu visite dès son arrivée et qu'elle avait fait face à un mur alors que tout ce qu'elle avait cherché à faire, c'était de l'aider. Comme toujours, par ailleurs. « Prendre soin des autres, c'est qui je suis... », avoua-t-elle en souriant timidement. « Un jour il y aura bien quelqu'un pour prendre soin de moi... » Elle parlait avec tant d'optimistes, mais qu'en savait-elle, au fond ? La vie ne lui avait pas prouvé que les choses se passaient de cette façon, qu'il s'agissait d'une possibilité envisageable. Elle s'était toujours montré le pilier de ses relations, la dévouée jusqu'à s'oublier, c'était peut-être la raison qui faisait qu'elle ne s'était pas rendu compte que Felix avait le besoin constant d'aller chercher ailleurs ce que Nevaeh n'était pas, comme elle semblait si insuffisante au point d'avoir la nécessité de trouver réconfort auprès d'une autre. Puis, ce fut au tour de Juliann de parler de lui, de son passé, de ce qui l'avait poussé à devenir pompier, ce qui ouvrit les yeux à la journaliste concernant le monde et l'importance que l'on accordait aux futilités alors que certaines choses valaient tellement plus. La main sur la sienne, il vint entremêler ses doigts, caresser la peau du revers de la main, Nevaeh qui, elle, ne pouvait plus décrocher ses yeux de lui. « Il me semble pourtant avoir toutes les raisons du monde de le faire... », lui souffla-t-elle, sans chercher à aller plus loin, réalisant qu'ils étaient rendus à destination. À l'intérieur, on les installa, leur expliqua le concept des lieux, où se procurer le matériel et enfin Nevaeh put retourner son attention sur sa date plutôt que sur le serveur. Juliann qui la regardait d'un air charmeur, presque l'envie de la faire craquer. Et c'est ce qu'il faisait, peut-être sans même le savoir, il la faisait littéralement craquer pour lui. Il posa son pouce contre la joue de la journaliste, cette dernière sentit sa peau rougir davantage, comme si c'était possible, alors que ses yeux se baissaient vers cette douce main posée contre elle. Elle tourna légèrement le visage, ses lèvres se posèrent au centre de la paume de Juliann, sa peau qui l'effleurait qu'elle caressa du bout de ses lèvres, la peau qui se hérissait. Elle jouait avec le feu, l'envie de déposer un baiser au creux de la paume du brun lui brulait les lèvres, mais elle se ravisa alors qu'elle lui faisait part de son idée de compétition amicale, se raclant la gorge pour contrôler sa nervosité soudaine due à la proximité qu'ils avaient tous les deux. « Je n'attends que ça, que tu me prouves que tu peux gagner contre moi », lui lança-t-elle dans un clin d'oeil malicieux avant de se lever à toute vitesse pour aller sélectionner ladite tasse de céramique. Elle en choisit une toute délicate, qui ressemblait à une tasse de thé au contour ondulé, très féminine. Elle commença à en peindre l'intérieur jaune, sa couleur favorite, avant de reposer son attention sur Juliann. « Alors, à un rendez-vous, il me semble que l'on peut poser des questions, non ? », fit-elle en souriant. « J'avoue qu'il y en a une qui me brûle les lèvres depuis notre conversation sur l'application... », avoua-t-elle, timide à nouveau. Elle n'avait pas envie de faire irruption dans la vie privée de Juliann ou qu'il interprète mal ses propos. « Es-tu plus attiré par les femmes ou pas les hommes ? » Il n'était pas obligé de répondre, elle baissa ses yeux vers la tasse dont l'intérieur était presque complètement recouvert de jaune avant d'avancer son bras vers le centre de la table, entre eux, où un bol d'eau pour laver les pinceaux était déposé.

Ni Nevaeh, ni toi, n’imaginez que cette relation vous emmènera bien plus loin en un laps de temps relativement court. Tu n’es pas de nature à t’attacher rapidement aux autres ou du moins pas sentimentalement parlant. En amitié, c’est différent, car lorsque tu accordes ta confiance à quelqu’un, tu es prêt à tout donner, à tout faire. Tu es du genre à te donner corps et âme dans tes relations amicales. En amour, tu es bien plus sur la réserve mais c’est sûrement à cause de ton ancienne relation avec Alejandro qui a fait pas mal de dommages sur ta personne. Aujourd’hui, ta confiance semble bien plus compliquée à gagner. Pourtant, quand tu regardes Nevaeh dans les yeux, tu as l’impression que tu pourrais lui donner le bon Dieu sans confession. Il y a une telle pureté dans son regard que tu ne peux pas faire autrement que de te laisser aller pleinement. Même si votre relation est dangereuse et risque bien de mettre en péril celle que tu partages avec Pippa. « J’aimerais beaucoup ça. » Répliques-tu quand la jeune femme propose de t’écrire un horoscope. « J’aurai trente-et-un ans le 2 août. » Et le cap des trente ans sera bel et bien passé. Bien que, dans le fond, tu t’en fiches pas mal de ton âge. Ce qui est important, à tes yeux, c’est la façon dont on se sent dans sa tête. « Tant mieux car j’aime les femmes qui savent ce qu’elles veulent et qui n’en démordent pas. » Dis-tu avec un sourire charmeur quand Nevaeh affirme qu’elle ne risque pas de te laisser sur le carreau. Tu l’espères, en tout cas, car ce rencard s’annonce déjà bien et tu comptes bien en profiter au maximum. Surtout qu’au vu de la complexité de la situation, tu n’es pas sûr que vous aurez l’opportunité de remettre cela régulièrement. A un moment, il y aura forcément une prise de conscience venant de l’un ou de l’autre et vous serez sûrement obligés de prendre vos distances. Pour le bien de vos relations réciproques avec Pippa. Connaissant tout de même un minimum Nevaeh, tu sais qu’elle supporte assez mal l’idée de cacher des choses à sa meilleure amie. Si pour l’instant, elle en fait abstraction, tu sais que ça reviendra dans son esprit un jour ou l’autre. Car comme la brunette le souligne si bien, prendre soin des autres ça fait partie de sa personnalité. Seulement, à tes yeux, à force de faire passer les autres avant elle-même, elle risque bien de se perdre à un moment ou un autre. Si ce n’est pas déjà fait. Et malheureusement, avant aujourd’hui, il n’y avait personne pour lui rappeler à quel point il est important qu’elle ne s’oublie pas ou encore pour prendre soin d’elle. Peut-être endosseras-tu ce rôle un jour, qui sait. « Bien sûr, tu as un cœur pur, ça se voit tout de suite dans tes yeux… Mais je ne veux pas que tu te perdes, à force de vouloir faire plaisir aux autres. » Réponds-tu en souriant avec douceur. Tout ce que tu dis là, c’est pour elle et pour l’aider. En aucun cas pour la juger. Tu trouves ça admirable d’être à ce point bienveillant et empathique au même niveau que Nevaeh trouve admirable le métier que tu exerces. Seulement, à tes yeux, il n’y a aucune raison de t’admirer parce que derrière ce beau sourire et cette belle gueule se cachent énormément de travers et de vices. Mais ça, la jeune femme n’a pas besoin de le savoir, du moins, pas pour l’instant. Si votre relation évolue, il y a des choses que tu devras forcément partager avec elle mais pour aujourd’hui, tu préfères rester sur ce ton léger en gardant cette atmosphère douce et agréable qui plane autour vous. Plutôt que de la contredire une fois de plus, tu lui offres un sourire pour toute réponse, reconnaissant que cette femme incroyable s’intéresse à un type comme toi. Une fois arrivés à destination, vous entrez à l’intérieur de ce café-céramique où vous décidez de décorer des tasses. Nevaeh lance un petit concours entre vous et l’idée de pouvoir lui demander une faveur, celle que tu veux, te booste évidemment. Tu sélectionnes une tasse à ton tour avant de prendre de la couleur noire, ayant comme idée de créer une tasse qui ressemblerait à une ardoise. Ton idée est vague mais si elle est bien exécutée, le rendu peut être plutôt sympa. Tu souris en voyant la couleur choisie par Nevaeh puis concentres toute ton attention sur ta propre céramique. « Bien sûr, dis-moi ce qui te dévore, comme ça, depuis nos premiers échanges… » Réponds-tu, taquin. « Je ne sais pas. Je crois qu’un choix ne peut pas s’imposer parce que ce sont deux types de relations totalement différents. Même en ce qui concerne le sexe, ce n’est pas comparable. » Tu hausses légèrement les épaules, pas le moins du monde gêné à l’idée de parler de sexe. A tes yeux, il n’y a pas de sujets tabous. « Tu as déjà essayé quelque chose avec une femme ? » Demandes-tu, curieux.

Le sujet de l'amour, c'est compliqué pour Nevaeh. Felix avait réduit son coeur en miettes, l'avait écrasé sous ses yeux en choisissant ses anciens travers plutôt que le changement, elle qui lui avait fait confiance une seconde fois, les yeux fermés. La confiance, elle n'en avait que très peu. Il l'avait effrité, réduit à néant. Seulement, quand Juliann posait ses yeux sur elle, qu'il lui souriait comme si elle était la seule à exister, elle avait envie d'y croire, envie de se dire que tous les hommes n'étaient pas comme Felix. Peut-être qu'il les regardait tous ainsi, peut-être que Juliann les charmait tous sur son passage. Mais quand elle le regardait, elle avait réellement l'impression de ne pas être une fille parmi d'autres, elle avait l'impression d'être unique. Et ça lui faisait peur, avec toute honnêteté, de ressentir ce genre de sentiments, alors qu'ils venaient à peine de se retrouver, qu'ils apprenaient à se connaître sous de nouvelles facettes, parce que à force elle finirait par s'attacher à lui. C'était déjà un peu le cas, leur rendez-vous à peine commencé, alors qu'ils échangeaient des banalités sur les horoscopes qu'elle avait jadis écris. Elle lui proposa d'ailleurs d'en faire un pour lui, ce à quoi il répondit à l'affirmative. « Le 2 août, c'est enregistré », lâcha-t-elle les doigts sur les tempes faisant mine de télécharger la date dans son calendrier cérébrale. « Au fond, c'était juste une tactique pour avoir ta date d'anniversaire, histoire de te faire une surprise au bon moment », gloussa la brune pour rigoler avant d'ajouter : « T'es sans doute le plus beau des lions que j'ai rencontré. » Cette fois, ce n'était pas une blague. Juliann lui plaisait, physiquement. Et elle était sans doute bien maladroite pour le lui faire comprendre. Elle gloussa un peu honteuse. « Pardon, c'était horrible comme compliment. Ça se voulait beau et... et c'est sorti un peu n'importe comment », se justifia-t-elle, les joues rosies. Avant qu'elle ne lui dise qu'elle n'avait pas avant de le laisser sur le carreau. « Je sais ce que je veux », lui confia-t-elle, un sourire en coin. Elle aurait pu ajouter que ce qu'elle voulait, c'était lui, mais elle se contenta de lui offrir un regard qui vouait le dire à la place des mots, là où ses derniers n'avaient pas toujours lieu d'être. Cette fois, le silence était plus beau que la parole. La conversation divergea vers le point faible de la journaliste, son envie de faire du bien autour d'elle, constamment, alors que parfois, c'était elle qui en souffrait. « J'y tâcherai », affirma Nevaeh en lui souriant. C'était peut-être cette histoire complexe entre eux, d'ailleurs, qui lui ferait prendre conscience qu'à force de se mettre en second plan pour tout le monde, elle finirait par se perdre. Si la conversation s'était montrée plus sérieuse durant leur balade à trottinette, celle qui s'amorçait dans le café, elle, avait retrouvé un peu de légèreté. Nevaeh avait proposé au pompier un défi dont l'ultime récompense menait à une faveur exécutée par le perdant. Les règles étaient simples : la plus belle tasse l'emportait. Tous les coups étaient permis et alors que le signal de départ était lancé, leurs tasses en main, la brune s'était déjà lancé dans le recouvrement de l'intérieur de sa pièce de céramique dans un jaune qui la représentait plutôt bien, couleur joueuse, couleur lumière. Juliann, lui, avait choisi le noir. Nevaeh se montrait alors curieuse de la création de l'homme, sans vraiment vouloir qu'il s'en rende compte, jetant un œil ici et là à ce qu'il faisait, alors qu'elle se permettait de poser une question qu'elle se posait depuis leur toute première conversation. Le ton était léger, joueur. Et à vrai dire, bien des choses lui brulaient les lèvres depuis leurs premiers échanges. Mais elle s'arrêta sur la question des préférences. « Je vois », répondit la brune qui rinçait son pinceau, sans aucun jugement dans la voix. Elle se montra cependant surprise à la question de Juliann, cela parut sans doute dans son visage avant qu'elle ne lui réponde. « Non », lâcha-t-elle en secouant la tête, presque timide de sa réponse. « Ce n'est pas quelque chose qui m'attire spécialement », se justifia-t-elle alors qu'il n'y avait aucune raison. « Toi, en revanche... », souffla-t-elle en changeant de couleur pour un bleu pastele avec lequel elle dessinait des petits pois disparates sur sa tasse. « T'es vraiment le genre de mec qui me plait... », confessa-t-elle. Elle était sans doute trop honnête, elle ne savait pas bien jouer ses cartes dans les jeux de séduction. C'était comme si elle avait une main pleine au poker, mais qu'elle venait de vendre la mèche à tous les joueurs.

« Maintenant que tu m'as dit ça, je vais vraiment attendre une surprise de ta part et si elle n'arrive pas, je risque d'être très déçu. » Dis-tu, taquin, quand Nevaeh t'apprend que c'était un stratagème pour connaitre ta date de naissance afin de te surprendre le jour j. Tu ne sais pas où ce rencard va vous mener ni même où cette relation va vous mener mais penser que la brune sera toujours dans ta vie d'ici six mois est plutôt plaisant. Cette alchimie, qu'il y a entre vous, est naissante et pourtant tu sens déjà une certaine force qui en émane. Tu sens que le lien que vous êtes en train de construire se solidifie au fil des minutes et des confessions. « Et toi, tu es née quand ? » Demandes-tu afin d'ancrer son anniversaire dans ta mémoire. Même si tu n'es pas très bon pour retenir les dates, il y a certaines choses que tu n'oublies pas. Et puis, tu pourras toujours t'aider de ton téléphone, où tu notes tout et n'importe quoi, au cas où ta mémoire te fasse défaut. Quand Nevaeh te complimente, soulignant que tu es sans doute le plus beau Lion qu'elle ait rencontré, tes yeux s'ancrent aux siens et un sourire se dessine au coin de tes lèvres. Bien qu'elle trouve ce compliment horrible, de ton côté, tu trouves cela plutôt unique et original puisque jusqu'ici, personne ne t'avait jamais adressé de tels mots. Tu ris, surtout parce que ton rire se joint au sien qui résonne si bien dans tes oreilles. « C'était plutôt inattendu mais ça m'a plu. N'est-ce pas le plus important ? » Demandes-tu en souriant du coin des lèvres. Même si tu la trouves incroyablement belle, toi aussi, tu n'as pas envie de lui retourner le compliment aussi simplement. Tu ne veux pas qu'elle pense que tu te sens obligé de lui répondre en retour, toi, tu préfères que les choses se fassent spontanément. Et surtout, quand elle s'y attendra le moins. « Ca tombe bien, moi aussi. » Dis-tu en la regardant avec la même intensité qu'elle dans le regard. Tes yeux trahissent sans difficultés le désir que tu éprouves pour Nevaeh et en ce moment, surtout pour ses lèvres qui paraissent encore plus douces que la soie. Tu voudrais laisser tes propres lèvres s'y perdre encore et encore pour contenter, au moins un peu, le désir qui sommeille dans ton bas-ventre. Mais pas tout de suite, pas encore. L'Australienne, tu ne la considères pas comme une conquête parmi tant d'autres alors elle mérite plus que quelques compliments graveleux dans le seul but de finir dans ton lit. Pour l'instant, tu préfères prendre le temps d'apprendre à la connaitre et surtout profiter de ce rencard totalement inédit. C'est la première fois que tu mets les pieds dans ce café et pour tout dire, c'est la première fois que tu retournes à un vrai rencard depuis Alejandro. Mais il n'y a aucune gêne, aucun stress, parce que tout vient naturellement avec Nevaeh. Tu n'as pas besoin de réfléchir, pas besoin de peser tes mots, tu peux être toi. Simplement toi. Et tu espères que du côté de la brune, c'est aussi simple que cela également. Finalement, quand elle te questionne sur tes préférences, tu lui expliques que pour toi être avec un homme ou une femme sont deux choses totalement différentes et que tu ne peux donc pas les comparer. Tu serais bien incapable d'avoir à faire un choix entre les deux et c'est bien pour cette raison que tu te considères comme bisexuel. Si le choix était évident, tu ne te dirigerais que vers un seul genre, après tout. « Je comprends, tes yeux sont plus attirés par les formes masculines et musclées. » Réponds-tu en souriant du coin de la bouche. Mais Nevaeh ne s'arrête pas là et souligne que tu es vraiment le genre d'hommes qui lui plait. Tu t'arrêtes de peindre pendant quelques secondes pour la regarder, cherchant son regard du tien. Si elle continue à dire des choses dans ce genre-là, tu ne parviendras pas à contrôler ton envie de l'embrasser, de passer un doigt sur ses lèvres ou encore une main dans ses cheveux bruns. « Toi aussi tu me plais... » Murmures-tu en accrochant tes yeux aux siens. « Et si tu continues à me dire des choses comme ça, j'vais... » Tu ne termines pas ta phrase parce que tu es bien trop hypnotisé par ses yeux et par ce qu'il se passe, alors que vous vous regardez avec une telle intensité.

Un rire perçant s'émane de Nevaeh quand Juliann décore son stratagème. « Pas de soucis à te faire là-dessus et puis elle est déjà toute pensée », fit-elle d'un air fier en se retournant vers lui alors qu'elle avance toujours sur sa trottinette électrique vers le lieu secret de leur rendez-vous. « D'accord, d'accord, je te donne un indice pour patienter jusqu'au mois d'août », lui dit la brune, son rire qui semble être devenu une seconde nature quand Juliann est dans les parages. « Je vais.... » Nevaeh plisse les yeux, se donnant presque un air malicieux avant de terminer sa phrase : « .. Me rendre chez toi, un chou sur la tête ! » Mais pour ça, encore fallait-il qu'ils soient chacun dans la vie l'un de l'autre dans six mois. C'était précipité de se l'imaginer, seulement pour Nevaeh, c'était d'une évidence. Plus le temps avançait, plus les minutes passaient à ses côtés, plus elle avait envie qu'ils fassent un petit bout de chemin ensemble, tous les deux. Mais ça, elle le garda pour elle. De peur de trop en dire alors qu'ils ne se connaissaient qu'à peine, de peur de voir ses envies se briser parce que ce n'était pas réciproque de son côté, de peur qu'ils ne cherchent pas la même chose, au fond, ils n'en avaient pas discuté. Tout ce qu'ils savaient, tous les deux, c'est que leurs coeurs avaient été brisés par deux hommes égoïstes et que leur confiance avait été effritée au passage. Et, secrètement, sans le lui dire, Nevaeh espérait qu'elle lui fasse regagner cette confiance, qu'elle lui redonne envie de croire que le coeur pouvait battre. Le sien recommençait déjà quand il posait ses yeux sur elle. Il lui retourna ensuite la question, demandant à son tour la date de son anniversaire. Nevaeh regardait vers l'avant, ne laissant pas paraître dans ses yeux que cette date lui infligeait des mauvais souvenirs d'une soirée qu'elle avait finalement passé toute seule, à souffler sa bougie allumée par elle-même alors que son ex, lui, galopait avec une autre. « On est jumeau de date », chantonna-t-elle en se retournant à nouveau vers lui pour le lui confier. « 2 décembre », confirma-t-elle en ajoutant : « J'aurai trente ans cette année. », elle fit une moue faussement découragée alors, qu'en fait, elle s'en fichait un peu de l'âge. Puis, elle n'allait sans doute même pas souligner cette journée, elle s'arrangerait pour avoir trop de boulot et que les autres autour d'elle oublient. Elle préfère plutôt plonger son regard dans celui de Juliann et lui livrer un compliment maladroit qu'elle excuse une fois à peine sorti. Il lui confie pourtant avoir apprécié. La brune ne lui a pas dit en s'attendant à le voir le lui retourner, c'était sorti un peu tout seul, sans l'avoir prémédité. C'est qu'elle le trouvait beau, vraiment beau, qu'en sa présence il était difficile de ne penser à autre chose que son sourire et ses yeux qui la transperçaient. C'était plus que physique, elle le trouvait beau de partout, et plus ils discutaient, plus il lui faisait de l'effet. Plus elle avait envie de lui. Ce qui ne lui arrivait pas toujours. Elle n'était pas du genre à coucher dès le premier soir, elle n'avait eu que très peu d'aventures éphémères, préférant nettement la proximité émotionnelle. Et bien que Juliann n'était pas à ses yeux un coup d'un soir, bien qu'elle avait envie de remettre le rendez-vous encore et encore, il y avait cette envie différente dans son ventre, l'envie de consumer le désir, de se laisser aller à la tentation. Et de recommencer, demain. Et encore la semaine suivante. Elle posa un regard profond sur lui, en lui faisant comprendre qu'elle savait ce qu'elle voulait, qu'elle n'en dérogeait pas. Et ils se remirent à rouler à une vitesse normale jusqu'au petit café où, une fois bien installés, ils avaient commencé leur travail, chacun de leur côté, les yeux rivés sur leurs tasses, les levant parfois pour s'observer jusqu'à ce qu'elle se permette des questions pour mieux le connaître encore. N'était-ce pas le but d'un premier rendez-vous, d'en apprendre plus l'un sur l'autre ? Elle osa lui demander ses préférences, elle ne connaissait rien à tout ça. Et, surtout, elle était curieuse de savoir si elle pouvait lui plaire assez pour lui faire oublier Alejandro, ne serait-ce que l'espace d'une soirée, ce à quoi il répondit avec plus de complexité qu'elle aurait cru. Mais, à vrai dire, en écoutant sa réponse, elle comprenait. S'il avait une préférence, il ne s'afficherait pas en aimant les deux sexes, c'était logique. Juliann lui demanda ensuite si elle avait déjà tenté l'expérience avec une fille. Elle répondit presque timidement, n'étant pas aussi ouverte que lui sur la sexualité moins conventionnelle. Elle, elle n'avait toujours qu'été attirée par les hommes. Et elle ne voulait pas qu'il pense qu'elle avait des préjugés, en répondant à la négative. C'était simplement que dans son cas, les femmes ne l'attiraient pas. Juliann semblait avoir compris, mettant les mots manquants sur son explication, ce que Nevaeh acquiesça de la tête en ajoutant qu'elle était surtout attirée par des hommes comme lui, pour ne pas dire qu'il lui plaisait vraiment. Juliann arrêta son mouvement de pinceau pour la regarder avec une tout autre intensité, lui renvoyant la confession, lui n'utilisant pas des généralités, sans un murmure qui procura à la journaliste d'infinis frissons. Mais il coupa sa phrase en deux, ne laissant pas à la belle brune la chance d'entendre ce qu'il allait bien faire si elle continuait à lui confier ses envies. Elle mordait sa lèvre inférieure, son pinceau qui faisait à présent n'importe quoi sur sa tasse, ses pois qui ressemblaient plutôt à des taches d'enfants qu'à un dessin d'adulte, les yeux plantés dans ceux du pompier. « Tu vas quoi... ? », demanda-t-elle dans un souffle, le coeur en panique, le corps chaud.