we need someone to lean on ∞ ft. tahlia

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we need someone to lean on
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@tahlia wates & @lys r. kickett

J’avais toujours beaucoup apprécié Tahlia, que j’avais rencontré au moment où elle était sortie avec Azriel, déjà mon ami à l’époque. J’aimais son esprit, sa bienveillance, cette douceur qui se dégageait d’elle. Nous nous fréquentions peu, au final, et c’était un tort. La soirée du nouvel an me l’avait prouvée, aussi chaotique fut-elle…Tahlia faisait partie des gens sur lesquels je pouvais compter, et ils étaient rares. Par ailleurs, je savais que mon amie traversait une période difficile. Après avoir accouchée prématurément de sa petite Thaïs, Tahlia était forcée de laisser son enfant à l’hôpital en attendant que cette dernière soit suffisamment solide pour affronter le monde extérieur. Je n’avais jamais été mère, ni pensé à ce que cela signifiait que d’être la maman de quelqu’un. Pour moi, le concept même de la maternité était nébuleux, flou, pas vraiment palpable. Je savais que ça existait, je comprenais que c’était quelque chose de fort, mais je n’avais jamais expérimenté cela, et certainement pas avoir ma propre mère qui ne se donnait pas vraiment la peine de prendre de mes nouvelles. Malgré tout, je pouvais imaginer la douleur que pouvait ressentir Tahlia d’être séparé de son enfant, si petite, si fragile. La peine de devoir la laisser seule avec des médecins, sans l’odeur de sa mère pour la réconforter. Quelle torture cela devait être. Pour la mère et pour l’enfant. Je m’estimais donc chanceuse de partager un café avec Tahlia aujourd’hui, et mesurais la préciosité de ce moment qu’elle avait choisi de passer avec moi. Des minutes de son temps qu’elle aurait pu consacré à sa fille. Ma volonté de départ avait été celle de lui changé les idées, j’espérais que cela fonctionnait au moins un peu.
— Ca me fait tout drôle, Tahl’, avouai-je avec mon franc parlé, de…de savoir que t’es une mère maintenant. C’est complètement dingue quand on y pense…

Depuis cette soirée folklorique au Hendrix, le soir du Nouvel an, Tahlia n'avait pas encore revu Lys. Alors, quand elle reçut ce message, ce matin, qui lui proposait de boire un café avec elle, Tahlia s'était empressée de répondre positivement. Elle avait un grand besoin de souffler, de prendre l'air, d'encaisser ces dernières semaines qui avaient été riches en émotions. C'était sa vie qui avait pris un tournant à 90°. Elle avait fait un déni de grossesse, apprenant qu'elle était enceinte à 5 mois, puis elle avait accouché prématurément à 7 mois. Elle n'avait réellement eu que deux mois pour se préparer à être une maman, pour encaisser ces chocs, pour se dire que maintenant plus rien ne serait pareil. Mais quand elle voyait Thaïs, quand elle la voyait se battre pour s'en sortir, elle se disait que cela valait le coup. Elle en oubliait les allers-retours incessants. Elle oubliait la fatigue, les émotions en vrac, les problèmes avec Carter. A côté de sa petite fille, Tahlia se mutait en vraie battante, alliant ses forces avec Thaïs pour dépasser les obstacles qui se dressaient face à elle. Bien sûr, chaque soir était un déchirement quand elle devait laisser son enfant, mais elle savait que c'était pour son bien, même si la culpabilité de ne pas avoir réussi à la garder jusqu'au bout dans son ventre serait toujours là, telle une cicatrice. Se rendant au lieu de rendez-vous, Tahlia retrouva avec joie la jeune femme, avec qui elle s'installa à la terrasse d'un café. Quelques minutes plus tard, alors qu'elle faisait tourner la cuillère dans son cappuccino bien chaud, Tahlia releva son visage cerné quand Lys reprit la parole. Les mots de la brune la firent sourire, et même rire quand elle demanda : « Pourquoi est-ce si dingue que ça ? » Il était vrai que la grossesse de Tahlia avait surpris pas mal de gens. Elle n'était pas réputée pour ses relations longues. Elle se montrait souvent comme la femme indépendante. Mais ses plus proches amis savaient qu'au fond, elle avait cet instinct maternel qui l'avait souvent poussé à avoir des envies de maternité...

Il est vrai que la maternité était pour moi un sujet très flou, et le désir d’enfant aussi. Je ne savais pas moi-même si je voulais un jour des enfants, je ne m’étais en réalité jamais posé la question. Je n’imaginais pas me marier non plus. Certes, les deux étaient parfaitement dissociable mais en vérité, je n’avais jamais pensé au fait de créer une famille, du tout. Donner la vie, élever un être humain, cela me semblait être quelque chose de magnifique, mais réservé aux autres, sans que je ne sache expliquer pour toi. Malgré tout, quand je voyais Beth avec Ivy, puis Tahlia avec sa fille – bien que je ne l’ai pas encore rencontrée – cela me fascinait. Ce lien qui se créait presque automatiquement entre deux êtres, entre une mère et son enfant, dès la naissance du bébé. J’enviais cela, je devais l’admettre. Que cela devait être doux, de ressentir cet amour inconditionnel fleurir en soi.
— Non, c’est pas si dingue, en soi, me corrigeai-je, je suis persuadée que tu seras une super maman, j’ai pas de doute là dessus. Ce qui est dingue c’est…bon sang…Tahl, t’as fabriqué un être humain, quoi !

Cappuccino en mains et l'oeil rivé sur son téléphone portable, guettant la moindre notification, Tahlia redressa la tête en entendant Lys parler. Elle s'en voulait de ne pas être d'une merveilleuse compagnie, mais l'esprit de l'ex-policière était en ébullition. Et c'était épuisant. Néanmoins, Lys et son franc-parler eut le mérite de la dérider quelque peu. Elle connaissait l'avis de Lys sur la maternité. Tahlia s'était d'ailleurs longuement reconnue dans les paroles de la brune. Il y avait trois-quatre ans, Tahlia vous aurait ri au nez si vous osiez parler couple, mariage ou bébé avec elle. Elle avait tellement perdu confiance, à cause de ses échecs sentimentaux, qu'elle ne pensait pas que le portrait de famille typique lui conviendrait. Et au fond, elle était restée fidèle à cela. Elle n'avait pas un portrait de famille typique. Elle avait appris sa grossesse surprise après avoir rompu avec son petit ami. Elle était mère célibataire avant même que la petite soit née. Et même si elle ne le montrait pas, c'était quelque chose qui lui faisait énormément de mal. Finalement, elle l'aurait peut-être bien voulu, ce portait de famille typique. Elle aurait voulu rentrer chez elle, le soir, avec sa fille, et attendre que son homme rentre après une longue journée de travail. Elle aurait voulu avoir quelqu'un avec qui parler de sa journée, de ses problèmes, de ses projets et recueillir l'avis de celui qui comptait à ses yeux. Elle aurait voulu se réveiller le matin auprès de la personne qu'elle aimait. C'était un lit vide qu'elle trouvait chaque matin. C'était même une maison vide qu'elle trouvait chaque matin. Et Thaïs n'était même pas encore à la maison qu'elle se demandait déjà comment elle allait gérer toute seule. Alors oui, cela pouvait être dingue de savoir qu'une femme comme elle était mère. Mais Lys rétablit la vérité en reprenant la parole. C'était Tahlia qui se remettait en doute, là où ses amis la voyaient comme une femme qui assurerait dans le rôle de la mère. C'était des paroles plaisantes à entendre, évidemment. Elle se mit à rire en entendant la fin de sa phrase, hochant la tête : « ça, oui, j'avoue que c'est dingue. » Surtout quand on savait que Thaïs était un bébé-pillule, qu'elle s'était cachée pendant cinq mois. « Quand je la regarde, j'ai du mal à me dire que c'est mon bébé, que c'est une partie de moi, que Carter et moi avons créé. Je m'attends presque à ce que quelqu'un rentre un jour dans la chambre et me dise 'allez, c'est fini, vous avez assez joué à la maman. On la récupère, maintenant.'. » Elle rit de nouveau, évidemment qu'elle exagérait. Elle savait bien que c'était sa fille, qu'elle la ramènerait à la maison et qu'elle vivrait de belles années avec elle. « Mais c'est tellement une belle expérience et je ne pensais pas vraiment le dire un jour. Je t'assure, Lys, je n'ai jamais aimé autant. Et surtout en si peu de temps. » Un simple regard et Tahlia s'était pris une vague d'amour en pleine figure. « Mon dieu, je deviens gaga... » ajouta-t-elle, une lueur malicieuse venant rallumer son regard éteint par la fatigue et les derniers événements.

On n’apprenait pas à être mère. Bien sûr il existait des millions de guides en librairie, mais comment savoir lequel donnait les meilleurs conseils, comment savoir quand on n’avait jamais été mère soi-même, ou qu’on n’avait jamais eu d’exemple – comme moi –, ce qu’il fallait faire exactement. Un bébé – et dans le cas de Tahlia, en plus, un prématuré – était si fragile, si petit. Quels étaient les bons gestes ? J’imaginais que l’instinct faisait une parti du job, le maternel, le fameux, celui que chaque femme était censé avoir de manière innée en elle. Je savais pourtant que certaine en était dénué totalement. Malgré tout quand j’observais Beth avec Ivy, quand j’écoutais Tahlia me parler de sa petite Thaïs, je retrouvé foi en ce concept flou qu’était la maternité. Les mains de chaque côté de ma tasse, la chaleur de ma boisson me réchauffant la peau, je regardais mon amie en souriant. Devenir mère était un bouleversement, c’était certain mais l’amour que Tahlia portait à sa fille m’apparaissait plus fort, plus solide, plus vrai que n’importe quoi d’autre. Elle n’avait jamais aimé autant. Cette phrase m’émut, davantage que Thalia ne semblait vouloir l’appréhender.
— Non, t’es pas gaga du tout. C’est magnifique ce que tu dis.
J’attrapai sa main et la serrai dans la mienne avec tendresse.
— Il me tarde vraiment de la rencontrer ta petite.
Je me mis à rire pour cacher l’émotion vive qui, tout à coup, me traverser, puis me redressai sur ma chaise.
— Je pensais que les bébés, c’était pas mon truc, mais je dois bien avouer que…la petit Ivy m’a complètement envoutée. Alors si y’en a une qui est gaga, ici, c’est moi…

Pendant des années, Tahlia avait montré qu'elle était un roc, un roc qui avait parfois du mal à gérer ses sentiments, qui avait du mal à visualiser le concept de l'amour, comme si elle se disait qu'elle n'était pas en droit de le vivre. Qu'elle ne le méritait pas. Il suffisait d'ailleurs de voir sa vie sentimentale, qui avait été bien chaotique sur de nombreux points et qui faisait qu'aujourd'hui, elle était mère célibataire. Mais en posant ses yeux sur Thaïs, ce tout premier jour, elle avait découvert l'amour maternel, fort, intense. Elle avait reçu cette vague d'amour qui la poussait à être insubmersible. Bien sûr, cela avait aussi ses inconvénients. Avec l'amour maternel venait aussi le temps des angoisses, des peurs. La peur de ne pas bien faire, la peur d'être une mauvaise mère, la peur de ne pas comprendre son enfant. Un bébé n'arrivait pas avec le mode d'emploi, malheureusement, et chaque jour, Tahlia faisait des erreurs. Mais c'était comme cela qu'elle avançait, petit à petit, qu'elle apprenait les bons gestes et les bonnes attitudes pour être une maman à l'écoute de son enfant. Une maman déjà bien gaga, dit-elle sur le ton de la plaisanterie, surtout pour cacher ses émotions à fleur de peau. Mais Lys avait perçu ce trop-plein d'émotions, les tripes que Tahlia mettait quand elle évoquait l'amour qu'elle portait à sa fille. Les mots de la brune, accompagnés de cette main sur la sienne, ouvrirent la vanne des émotions qu'elle contenait. Elle essuya cette larme qui coulait sur sa joue, cette larme de joie, de bonheur, d'amour pur et sincère, avant de lâcher un léger rire pour reprendre contenance : « Désolée... les hormones. » Elles avaient bon dos, ces hormones. « J'ai vraiment hâte que tu la rencontres... » Cela voudra dire que Thaïs sera enfin avec elle.C'était frustrant de limiter les visites aux personnes de l'entourage proche, alors qu'elle n'avait qu'une envie : la montrer fièrement à tout le monde. Lys se confia alors sur sa vision de la maternité, admettant que les bébés, ce n'était pas son truc... à l'origine. « On se fait vite envoûter par ces petits bouts. » affirma-t-elle, dans un léger sourire. « Je crois qu'au tout début, un bébé, ça reste abstrait. Mais quand on en a un, dans le cercle proche, on peut en effet vite devenir gaga. » Encore plus quand le bébé était le sien. « Entre Az et toi, cette petite Ivy est décidément bien entourée... » Heureusement pour Beth. Tahlia but une gorgée de sa boisson, avant de demander, avec douceur : « Et toi alors, comment vas-tu ? » Il était vrai qu'elles ne s'étaient pas revues depuis le jour de l'An, où elles avaient passé les premières minutes de 2020 dans les toilettes du Hendrix. Un début d'année assez chaotique, d'ailleurs...

Tahlia s’excusa de l’activité excessive de ses hormones, ce qui déclencha chez moi un petit rire. J’étais bien mal placé pour la blâmer quand mes propres hormones n’en faisaient qu’à leur tête dès qu’un certain italien entrait dans mon champ de vision, ou simplement dans mes pensées. Puis, elle n’avait absolument pas à s’en faire, la manière dont elle parlait de son enfant était émouvante et faisait plaisir à voir. Son regard pétillait, j’étais vraiment heureuse pour mon ami. La petite Thaïs, j’en étais persuadée était aussi spéciale que sa mère, un vrai rayon de soleil. Tahlia avait raison, il était si facile de se laisser charmer par une bouille d’ange ; je n’étais pas vraiment du genre à partir dans les aiguës à la vue d’un nourrisson, mais je devais admettre qu’Ivy, la fille de Beth, m’avait conquise. On ne pouvait, en effet, comprendre cela que lorsqu’on avait un bébé dans son entourage. J’imaginais que ce sentiment de plénitude et de sérénité qu’on pouvait ressentir en plongeant son regard dans celui d’un nouveau-né était décuplé lorsqu’on était mère.
— Je m’avoue vaincue ! plaisantai-je.
J’avais déjà évoqué le sujet bébé avec Tahlia par le passé et elle connaissant parfaitement ma position sur la question. En d’autres termes, cela devait être surprenant pour elle d’avouer que j’étais gaga. S’il y en avait un, en revanche, qui ne nous surprenait ni l’une, ni l’autre sur le sujet, c’était Az. Mon meilleur ami n’avait jamais caché qu’il aimait les enfants, il était même vraiment doué avec eux, attentionné, joueur et patient.
— Az endosse ce rôle bien mieux que moi, répliquai-je en riant, on pourrait croire qu’il est fait pour ça !
C’était la simple vérité. En effet, la casquette de tonton lui allait encore mieux que celle qu’il portait constamment à l’envers sur la tête. Je relevai les yeux vers Tahlia qui me demanda comment j’allais. Sa voix douce me ramena à la soirée du nouvel an. L’ex petite copine d’Azriel m’avait réconfortée dans les toilettes du Hendrix, avec Beth que j’avais rencontrée ce soir-là. Ca, c’était juste avant que je ne dérape. Nous nous étions pas revues depuis, et dans sa voix, je sentais qu’elle souhaitait prendre de mes nouvelles suite à cette fameuse soirée. Savoir ce qui avait évolué ou non, sans doute.
— Ca va, dis-je, par reflexe.
En réalité, j’essayais de ne pas trop y penser, à mon état d’esprit justement. Si je m’attardais, je ressentais alors une douleur dans la poitrine, et c’était insupportable sur le long terme. Je préférais, de loin, me voiler la face. Penser à autre chose était nécessaire pour ma santé mentale.
— J’ai…je suis obnubilée par ma nouvelle série de peintures, contournai-je, Du coup, j’ai peu de temps pour le reste…

Quand elle parlait de Thaïs, le regard de Tahlia reprenait vie. Elle taquinait souvent les jeunes mères auparavant, se demandant pourquoi elles étaient aussi gaga devant un bébé qui pleurait, bavait, dormait toute la journée. Et puis, elle avait eu son bébé. Elle avait reçu cette vague d'amour et à son tour, elle était devenue gaga. Ils avaient le don pour mettre tout le monde dans leur poche. Le moindre geste, le moindre regard provoquaient des exclamations joyeuses des personnes qui regardaient ces nouveaux-nés. C'était impossible de ne pas craquer. Et Lys, l'allergique à la maternité, avait également été touchée de plein fouet par le charme de la petite Ivy. Tahlia se mit à rire quand elle s'avoua vaincue : « Comme quoi, tout est possible. » Elle regarda son amie d'un air malicieux, en faisant référence à sa position sur la question du bébé qu'elle avait toujours défendu corps et âme. Mais au fond, Lys était comme tout le monde, prête à fondre devant une petite bouille. Ivy était décidément bien entourée. Avec Az à la maison, Beth devait sentir qu'on lui retirait une belle épine du pied. Son ex était d'une douceur et d'une gentillesse incroyable, Tahlia ne doutait pas qu'il gérait à merveille avec les bébés. Elle hocha la tête face aux mots de Lys, répondant doucement : « Oui, je crois qu'il est bien fait pour ça. » Le jour où il se posera, elle était persuadée qu'il ferait un papa d'enfer. Et Lys ferait une maman d'enfer... vous voyez un petit peu où elle voulait en venir ? En évoquant Az, il était évident que Tahlia venait tâter le terrain. Après avoir enchaîné les soucis avec sa grossesse et les allers-retours à l'hôpital, Tahlia n'avait pas eu le temps de se soucier de son amie. Son amie qu'elle avait vu mal-en-point au Hendrix, le soir du Nouvel An. Son amie qui lui assurait que tout allait bien. Mais Tahlia n'était pas dupe. Elle reconnaissait ce regard, elle reconnaissait ce détour, ce moyen de dévier la conversation pour ne pas trop se dévoiler, pour ne pas trop penser à ce qui faisait mal, là, au plus profond de son cœur. Tahlia avait été adepte de ces façons de faire, elle aussi, quand elle clamait tout haut qu'elle allait bien et qu'elle terminait avec des rails de coke quand elle était dans sa chambre. Alors, évidemment, cela faisait mal de voir que non, Lys n'était pas aussi bien qu'elle le prétendait.Elle esquissa un sourire quand elle parla de ses peintures, l'imaginant se perdre dans sa créativité pour oublier tout le reste. Quel bel exutoire... mais après ? Que se passerait-il ? Alors, avec douceur, elle reprit : « Oui, je comprends, ça doit te prendre beaucoup de temps. Mais il ne faut pas oublier le reste, Lys... ça revient toujours en pleine face à un moment ou un autre. » … et là, cela faisait encore plus mal.

Depuis la naissance d’Ivy, Beth me rapportait souvent à quel point Az et Milo était au petit soin avec sa fille. Mon meilleur ami avait toujours été à l’aise avec les enfants, sa patience et son calme naturel aidaient surement. J’avais en effet pu constater de mes yeux qu’il se débrouillait comme un chef avec un nourrisson et Tahlia avait sans doute raison en disant que l’italien était fait pour ça. L’image d’Azriel devenant père à son tour n’était pas si incongru que cela, quand on y pensait vraiment. Je savais qu’il avait en lui tout l’amour et toute la bienveillance nécessaire pour cela. En parlant de père, je me demandais comment cela se passait avec Carter. Je le connaissais peu, pour ne pas dire pas du tout mais je savais qu’il s’était impliqué dans la grossesse – mouvementée – de mon amie et qu’il avait reconnu l’enfant. Je n’osai pas aborder la question, ne sachant pas trop si le sujet était sensible ou pas. Nous parlâmes plutôt de mes peintures, et quand Tahlia me rappela – entre les lignes – que de m’acharnait dans le travail ne me permettrait pas indéfiniment d’ignorer le reste, je ne pus m’empêcher d’esquisser un sourire.
— Comme au nouvel an ? hasardai-je en riant. C’est que tu essaies de me dire ? Ok…ouais, ça s’est pas vraiment amélioré, mais bon…Azriel est heureux, c’est le principal, non ?

Quand elle parlait d'Az, il y avait ce sourire tendre qui s'affichait sur les lèvres de Tahlia. Ils avaient eu une brève aventure, certes, et si en temps normal, elle ne conservait pas de bonnes relations avec ses ex-petits amis, elle était heureuse de voir que le jeune italien en était l'exception. Cet homme était un rayon de soleil, avec le coeur sur la main. ALors, elle ne doutait pas qu'il faisait des merveilles avec la petite Ivy. Il avait cela dans le sang, et elle espérait réellement le voir un jour avec ses propres enfants. Quel père formidable fera-t-il ! Mais ces pensées-là, elle les gardait précieusement pour elle. A vrai dire, parler d'Ivy avait permis d'évoquer le jeune italien et ainsi, de tâter le terrain concernant Lys. Leur dernière soirée au Hendrix lui était restée en tête. Tahlia avait eu énormément de mal à voir Lys souffrir ainsi. Et elle ne savait pas vraiment comment aborder le sujet, sans mettre le doigt sur ce qui faisait mal. Elles étaient là pour se changer les idées, à l'origine. Mais maintenant qu'elle l'avait en face d'elle, elle ne pouvait pas passer à côté de ce sujet. Lys le comprit d'ailleurs à merveille. Bien que Tahlia essayait d'être subtile, à coup de gros sous-entendus - appréciez d'ailleurs l'effort, sachant que Tahlia était du genre à foncer dans le tas - Lys évoqua directement la soirée du Nouvel An. "Oui, c'est ce que j'essayais de te dire." confirma-t-elle avec un sourire désolé. Un sourire qui disparut en voyant Lys s'effacer totalement au profit d'Az et de son bonheur. "Oui, il donne l'air d'être heureux, et oui c'est important qu'il le soit, mais..." ...Mais ce n'était pas celle qu'il lui fallait. Elle le savait, Tahlia. Oui, Az avait décidé d'être exclusif. Oui, il semblait heureux. Mais jamais il ne regardera quelqu'un comme il regardait Lys. Il y avait quelque chose de fort entre eux. Quelque chose de beau, de pur, de puissant. On n'avait qu'une âme soeur dans toute notre existence. Et sans doute passait-il lamentablement à côté de la sienne... "Mais toi... toi, tu n'es pas heureuse. Et je ne veux pas que ça te bouffe..." confia-t-elle, en la regardant avec douceur, ne pouvant toutefois dissimuler cette inquiétude qui luisait dans ses grands yeux verts.

Azriel avait l’air d’être heureux dans sa relation, il avait l’air heureux du choix qu’il avait fait de tenter l’amour exclusif. Je connaissais sa vision des relations humaines, qu’il qualifiait lui-même d’atypique et je savais aussi que cela lui avait causé du tort parfois. Azriel était un homme d’une bienveillance rare, et extrêmement conciliant, il était par ailleurs incapable de faire du mal à une mouche et s’il lui arrivait de blesser quelqu’un, c’était toujours malgré lui. Son libertinage était rarement compris, voire faisait du mal aux filles qui espéraient de lui une fidélité qu’il était souvent incapable d’offrir. Il souffrait beaucoup de ça, et avait tendance à tout garder pour lui, à tout encaisser quitte à prendre tous les blames. En effet, en couple, Azriel avait souvent été tiraillé entre sa conception de l’amour et son désir de bien faire. J’imaginais qu’il avait choisi, avec Sasha, d’étouffer l’un pour se concentrer sur l’autre, à la recherche de ce bonheur qui lui avait été trop souvent refusé. Accepter l’exclusivité, pour lui, devait probablement représenter un moindre sacrifice comparé à ce que pouvait lui offrir la jolie blonde. Qu’il trouve le bonheur, c’était pour moi la seule option acceptable, la seule raison qui faisait que j’acceptais tout ça sans broncher, que j’encaissais, moi aussi, en silence. Mais Tahlia n’était pas dupe, à sa remarque, je ne pus retenir un sourire.
— J’ai connu des jours meilleurs, admis-je en soupirant.
Me rendre compte des sentiments amoureux que je nourrissais pour mon meilleur ami avait amené son lot de douleurs. La plupart du temps, j’arrivais à les gérer, je n’étais pas franchement du genre à me laisser abattre, mais certains jours, c’était une torture.
— Mais ça va…rassures-toi. J’essaie de garder un peu mes distances vis à vis de son couple. J’apprécie Sasha, elle est vraiment chouette mais ça me fait plus mal que cela ne devrait quand…quand je le vois avec elle.
Comme le soir du nouvel an, notamment, où j’avais totalement péter un câble.
— Mais on ne va pas pouvoir continuer comme ça indéfiniment, j’en ai bien conscience.

Evidemment, Tahlia avait été étonnée en apprenant que son ami avait opté pour l'exclusivité. Elle ne connaissait pas du tout Sasha, mais si Az était tombé sous son charme, c'était probablement parce qu'elle était aussi solaire que lui. Mais tout de même, la brune restait sur ses positions, ayant le sentiment que le jeune italien se voilait la face et qu'il prenait le risque de passer à côté du bel amour, de l'amour avec un grand A. Enfin, cela relevait de l'avis de Tahlia, mais elle n'était pas la mieux placée pour parler d'amour. Simplement, dans cette situation-là, elle n'était pas aveugle. Et elle voyait bien qu'il y avait quelque chose de très fort entre Lys et Azriel. Mais sur les deux, il y en n'avait qu'un qui s'en était rendu compte. Et cette personne se trouvait devant elle, à souffrir silencieusement. Même si elle avait gardé la tête haute au tout début, la carapace de Lys commença à se fissurer en constatant qu'elle pouvait tout dire à Tahlia. Elle était là pour la comprendre, pour l'écouter, pour la soutenir. Un sourire tendre se dessina sur les lèvres de Tahlia alors que Lys se confia à elle, hochant doucement la tête quand elle parla des distances instaurées avec Az. "C'est normal. Ce serait te faire encore plus de mal à rester près de lui et à le voir jouer les tourtereaux avec sa copine." Elle but une gorgée de son café, avant de reprendre la parole : "J'ai beau aimer Az de tout mon coeur, mais là, il faut qu'il accepte qu'il ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière." Surtout quand le sourire était douloureux pour ladite crémière. "C'est sûr que la distance doit être difficile, mais il faut que tu te protèges, aussi." Surtout que Lys venait de le dire elle-même, cela n'allait pas pouvoir durer indéfiniment, au risque de se brûler les ailes. "Et Az, il s'en rend compte de tout ça ?" Il était là le problème. S'il ne se rendait pas compte de l'éloignement de Lys, s'il ne comprenait pas les sentiments amoureux qui liaient la brune au jeune italien, ils n'étaient pas sortis de l'auberge !

Parler d’Azriel avec Tahlia me faisait du bien, elle le connaissait. Elle savait quel genre d’homme il était, avait conscience de ses qualités, autant que de ses défauts. Elle nous connaissait tous les deux et savait la force du lien qui nous unissait. Sans doute était-ce tout cela qui me poussait si facilement à la confidence. En plus du fait qu’elle était l’une des rares que je pouvais considérer comme une amie.
— Le sourire de la crémière…, répétai-je avec un petit rire. Je connais une version moins soft. Tu me diras, ça ne change pas tant que ça, dans mon cas…
Je laissai planer mon rire un petit moment. Depuis qu’Azriel avait décidé d’être exclusif avec Sasha, la relation que nous entretenions, lui et moi, avait changé. Même si mon meilleur ami s’échinait à dire que non, rien n’avait changé dans le fond, il y avait un aspect de notre lien qui avait du être modifié, ou même carrément effacé. Au début, je m’étais résignée à dire que ça n’était pas bien grave, que ça n’était que du sexe, qu’Az et moi étions bien davantage que de simple sex friends. Seulement, là était tout le problème. Nous étions effectivement plus que ça. Nos rapports charnels n’étaient pas seulement là pour combler un désir ou étancher une pulsion toute bête. Il y avait une tendresse entre nous, une osmose qui passait aussi par là. Je savais ça bien avant de réaliser que mes sentiments pour lui étaient amoureux d’ailleurs. C’était douloureux, en effet, de me tenir prêt de lui, comme d’être loin. Et je ne savais toujours pas ce qui était le mieux…
— Az ne se doute de rien, je crois…ou alors il le cache bien.
Azriel était discret et capable de garder des choses, même douloureuses, pour lui, lorsqu’il ne voulait pas faire souffrir une personne…ou affronter un sujet en face. Parce que, oui, Azriel n’avait pas que des qualités.
— Je te l’ai dis…il se sent heureux auprès de Sasha. Il a envie de tenter quelque chose avec elle et c’est tout à son honneur. De vouloir que les choses se passent bien, je veux dire.
Je pris une gorgée de mon cappucino qui commençait à refroidir, puis levai les yeux vers mon amie.
— Et toi ? Carter ? Comment il a réagi avec la petite ?

La brune ne put retenir son rire quand Lys évoqua la version moins soft du fameux 'sourire de la crémière'. Malicieuse, elle répliqua aussitôt : "J'ai également pensé à cette version. Mais que veux-tu, je suis devenue maman, il faut que je choisisse uniquement les versions soft maintenant." Mais elle savait très bien qu'il n'y avait pas eu que le sourire de la crémière dans la relation entre Az et Lys. Il y avait toute une dimension charnelle qui, pour eux - semblait-il - n'allait pas plus loin. Tahlia, elle, n'en avait jamais été convaincue. Entre Lys et Az, ce n'était pas qu'une amitié avec bénéfices. C'était plus fort, plus beau, plus pur. Il avait fallu que le bel italien s'amourache d'une autre pour que Lys s'en rende compte. La question qui se posait maintenant était : quand Az s'en rendrait-il compte à son tour ? Là résidait le véritable mystère. Et plus les jours avançaient, plus Lys souffrait. Cela se ressentait quand elle avoua avoir pris ses distances avec le couple, même si Tahlia se doutait que c'était tout aussi difficile d'être loin du jeune homme. Quelle situation terrible ! Tentant d'en savoir plus sur Azriel, sur sa façon de voir les choses, sur sa réaction face à la prise de distance de Lys, Tahlia secoua la tête face à la réponse de son amie. "... ou il se voile juste la face." ajouta-t-elle. Après, Lys avait pleinement raison. Az était en droit de tenter quelque chose avec une femme qui le rend heureux, quitte à avoir une prise de conscience tardive. Simplement, il fallait espérer, à ce moment-là, que Lys ne se soit pas dirigée vers un autre. C'était le risque à prendre.  "Et toi ? Justement ? ça ne te donne pas envie de faire de nouvelles rencontres ?" demanda-t-elle, avec douceur. Lys n'allait tout de même pas l'attendre éternellement ! Ceci dit, cette histoire d'amour poussa ensuite la jeune femme à questionner Tahlia sur Carter. C'était étrange de se dire que, désormais, un homme avait totalement pris place dans la vie de la brune. Thaïs les liait à tout jamais. Elle esquissa un léger sourire, haussant brièvement les épaules : "Tu sais, il n'évoque pas trop ses sentiments. Je pense qu'il est tout aussi perdu que moi concernant Thaïs et sa prématurité. Mais c'est un super papa... C'est tellement beau de le voir avec Thaïs." Son sourire s'était élargi en prononçant cette dernière phrase. Elle avait fait un enfant avec un homme merveilleux et elle savait que c'était une chance. Même si entre eux, ce n'était plus très rose. Sur cette pensée et après un silence, Tahlia lâcha un rire : "Nous sommes vraiment nulles avec les hommes..." Elles étaient finalement au même stade toutes les deux : complètement perdues.

Tahlia plaisanta avec moi à propos de ma remarque sur la version moins soft du fameux sourire de la crémière, ce à quoi elle me répondit avec humour qu’elle était mère désormais et devait par conséquent faire un peu attention à ce qui sortait de sa bouche. Je pris un air faussement choqué.
— Les mamans, ça ne dit jamais de gros mots ?! m’étonnai-je. Si c’est ça, je préfère renoncer à la maternité !
Je me laissai aller à la plaisanterie, trouvant le plaisir de rire un peu avec mon amie. Je ne m’étais jamais vraiment posé de question quand à ma propre maternité, c’était vrai. Malgré tout, en voyant autour de moi mes amies devenir mère, que ce soit Tahlia ou Beth, me confrontait directement à cette idée qui, jamais auparavant, ne m’avait traversé l’esprit. Je passais doucement du « c’est pas pour moi » au « et…pourquoi pas ? » . Bon ok. C’était juste une idée, à peine une graine qui était venu se planter là, dans mon cerveau jusqu’à présent complètement réfractaire au sujet, mais c’était là…ça prendrait le temps de grandir, de se developper, en douceur, quand je serais vraiment prête. Perdue dans mes pensées, j’entendis simplement Tahlia dire qu’Azriel se voilait peut-être la face par rapport à cette histoire. Je haussai les épaules en soupirant.
— Non, je pense qu’il veut vraiment donner une chance à ce couple.
Pour une fois, Azriel essayait de se mettre dans les clous, de faire les choses comme la société l’entendait même si ça n’était pas son tempérament de base. Il tenait aussi énormément à Sasha et souhaitait qu’elle se sente bien avec lui. Il était visiblement prêt à quelques sacrifices pour ça.
— Moi ? répondis-je lorsque la jeune maman demanda si je ne cherchais pas, de mon côté, à faire de nouvelles rencontres.
Je secouai la tête.
— Le couple et moi, tu sais…
Je partis d’un léger rire.
— Mais ça ne veut pas dire que je ne m’offre pas quelques distractions, précisai-je avec malice.
Enzo Luciano, rencontré au Hendrix un soir, avait été l’une de ses distractions d’ailleurs. Il ne m’avait suffit que d’entendre son accent italien pour lui succomber. Bon…ok, sa plastique impeccable et son sourire ravageur avaient aidé aussi, soyons honnête ! Je déviai la conversation sur Carter, non pas par simple volonté de changer de sujet, mais parce que je m’intéressais à la vie de mon amie et Carter était le père de sa fille après tout.
— Oui, j’imagine que c’est déstabilisant, en plus d’avoir appris la grossesse tardivement, il vous faut faire face à ça…Heureusement que tu n’es pas seule et qu’il prend part à la vie de Thaïs.
Tahlia se confia sur le fait qu’elle trouvait de la beauté dans le fait de voir Carter avec sa fille, je souris. Etrangement l’image d’Azriel avec Ivy, même s’il n’était pas son père et que, moi-même, je n’étais pas du tout la mère de la petite, me vint en tête. Oui…c’était beau en effet. Je n’aurais d’ailleurs jamais cru pensé ça un jour. Je souris à mon amie avec chaleur.
— J’imagine…je suis sûre qu’il sera un papa fantastique pour elle.
Je ne le connaissais pas beaucoup, mais Tahlia avait l’air confiante, cela me suffisait. Mon amie, malgré tout, plaisanta sur le fait que les hommes, décidément, nous donnait du fil à retordre.
— Les hommes…ou leur coeur plutôt, personnellement c’est plus ce point là que je trouve difficile à appréhender, rigolai-je joyeusement.