Et merde, j'fais quoi maintenant? [ft. Brooke]

Corps qui suinte sous cette chaleur, je laisse tomber ma tête en arrière, cheveux collant qui me tombe légèrement sous les yeux mais que je dégage rapidement. Un coup sur la gauche, un autre sur la droite pour me faire craquer la nuque, je laisse échapper un long soupir en regardant devant moi, du moins de ce que je peux avec toute cette vapeur d'eau. Parmi ce brouillard se cache cependant une silhouette que je ne connais que trop bien. Brooke. Grand crush jamais parti, mon coeur commence à battre la chamade. "Eh, princesse!" l'interpellais-je. "Besoin de souffler?" Jamais je ne planterais un couteau dans le dos de Sacha, ne vous en faites pas. Déjà parce que d'un, il sait bien mieux s'en servir que moi et je crains pour ma vie, deuxièmement car c'est inscrit dans le bro code : ne jamais sortir avec les exs de ses meilleurs potes et encore moins en famille, imaginez-bien. Je me redresse et m'avance vers elle pour m'asseoir à ses côtés tout en laissant une certaine distance entre nous. "Comment tu vas en ce moment?" m'inquiétais-je. Je ne lui parle que très rarement. En général je la salue et je fuis tellement elle m'intimide mais s'il faut que je prenne mon courage à deux mains. "Genre vraiment, entre la rupture, le fait que tu as quitté le delirium et tout ça..." Un regard attendrissant en sa direction même si peut-être elle ne le remarquera pas. "Enfin, si tu veux en parler. T'es peut-être là pour te détendre et surtout oublier." J'hausse les épaules.

Séance de yoga qui se termine, tu étires ton corps de tout son long. Souple, tu tiens ça du monde du cirque, t'as pas eu de mal à faire les poses, bien que t'es pas assidue à ce genre de pratique. C'est que tu crois pas trop à la philosophie du yoga, les croyances qui s'y rattachent et tout. Mais tu viens pour te vider l'esprit, pour garder la souplesse de ton corps qui manque, alors que tu ne le fais plus autant travailler qu'avant. Et ça te fait du bien. La séance se termine sur une note de namasté que tout le monde chantonne en choeur, salutations et tu prends ta bouteille après avoir roulé ton tapis. Et si, pourtant, les dernières séances t'ont fait du bien, on quelque peu apaisés le feu qui brûlait dans ton fort intérieur, cette fois, ce n'était pas suffisant. Tu soupires devant le casier loué, regardes tes affaires et décides de plutôt tout retirer, toutes les parcelles de vêtements qui sombrent encore sur ton corps. Tu enfiles une serviette blanche, fausse vision angélique autour de ton corps drapé de tatouages et de piercings, remontes tes cheveux dans un chignon plutôt décousu et laisses tes pas prendre la route vers la porte de bois qui renferme cette pièce un peu trop chaude, un peu trop humide. T'es sans doute masochiste à chercher à irriter ta respiration, à te foutre volontairement dans une pièce surhumainement vive. Mais est-ce que ça t'a déjà arrêté. Dans le sauna, y'a peut-être deux ou trois personnes déjà. Tu ne les regardes pas. Tu t'en fiches. Tu poses tes fesses contre le bas, là-haut, là où tu penses qu'on ne peut te voir, au travers de la vapeur et de l'odeur d'eucalyptus qui y règne. La sueur commence à perler sur ta peau, faire reluire tes clavicules presque comme dans une vision dangereusement séduisante. Tu fermes les yeux, la tête appuyée contre le mur derrière toi, quand une voix vient interférer tes pensées. Une voix que tu connais. Une voix qui te rappelle la Russie. Ton russe. Tu ouvres les yeux, leur bleu transperce l'ombre de l'humidité pour se poser sur lui, le cousin, l'ex-collègue. « J'suis la princesse de personne », mâches-tu en soufflant avant d'hocher la tête à sa question. Ouais, tu cherches à souffler. Il s'empresse de demander comment tu vas, tu t'apprêtes à mentir, comme tu le fais à tout le monde. Mais il t'arrête, comme s'il lisait dans tes pensées. Ouais, merde, il est voyant, il connait bien les gens quand même, il sait analyser leur réaction et dire ce qu'il faut pour les faire parler. « Ca va », amorces-tu. C'est un début, il en veut plus, tu le sais bien. « J'ai cru mourir, mais ça va. » Tu souffles, le regarde sérieusement. « Si Sacha t'envoie à la pêche aux infos, Vass, tu peux lui dire que y'a personne d'autres. » C'est que tu sais plus comment lui faire comprendre, à Kheinov, que t'es pas là, t'es pas prête à ça. Ouais, ok, t'as eu du plaisir avec une ou deux personnes, parce que t'es pas en mesure de t'arrêter de baiser, mais t'as rien partagé de sentimental avec eux. Et t'as rien prévu de tel non plus pour bientôt. Tu peux pas offrir ça, à personne. T'es trop brisée.

Un roulement d'yeux. C'est vrai qu'j'aurais pu trouver mieux pour l'interpeller mais ce n'était pas méchant pour autant. De simples renseignements à son sujet, une petite inquiétude secrète que je tente de dissimuler sous un air assez distant face à tout ça. J'ai ma réponse, il est vrai mais elle casse rapidement l'ambiance en me parlant de Sacha. J'hausse un sourcil en la zyeutant. "J'peux aussi prendre des nouvelles par simple sympathie. J'suis pas le clebs de Sacha. S'il veut prendre de tes nouvelles, il saura porter ses couilles et te demander directement." lui dis-je sur le même ton sans prendre en compte de sa première réponse. Je soupire en baissant le regard. "Tu fais quoi maintenant pour t'occuper du coup? T'as l'air tout de même assez affectée encore pour quelqu'un qui a cru mourir. J'ai l'impression de te voir encore en agonie." rebondis-je finalement en laisser une fois de plus tomber ma tête en arrière. "C'est moche quand même que vous ne soyez plus ensemble. Vous étiez le plus beau couple du monde." Et ça me troue le fion de devoir avouer ça. "C'est la vie, tu trouveras bien quelqu'un d'autre même si je ne te vois pas sans lui." ajoutais-je maladroitement.

Il roule des yeux, mais tu ne sourcilles pas. Pour personne, t'es une princesse. C'est pas toi. C'est pas ton genre. T'aimes pas les trucs niais du genre. Autant le dire maintenant, comme ça, c'est clair. Et t'aimes pas qu'on te surveille. C'est l'impression que Vass te donne à te demander comment tu vas. « T'es aussi sans doute la personne la plus près de lui à Bowen », réponds-tu à la justification du voyant. C'est justement parce qu'il porte ses couilles que tu penses qu'il envoie Vass à la pêche aux infos. Parce que chaque fois qu'il demande, tu le remballes. Mais Vass semble réellement vouloir prendre de tes nouvelles. Alors tu soupires un coup, toi qui n'es pas de bonne compagne ces derniers temps, avant de daigner lui répondre. Le pauvre mec, c'est pas sa faute si tu digères mal la rupture. « J'étais serveuse dans un bar de striptease. » C'est moins glam que travailler au cabaret, tu le conviens, t'aimais pas réellement ça, non plus, servir des pervers toute une soirée, mais ça payait et t'en avais besoin pour ta came. « Mais j'fais plus ça, maintenant. J'fais tout et rien. J'garde des chiens, si jamais tu connais quelqu'un qui voudrait une gardienne ou une baladeuse. » C'est pas compliqué, c'est ce que t'as su trouver pour te permettre de survivre avant de trouver mieux. C'est chiant, ça paye pas assez, mais au moins t'as de quoi te nourrir. Pis, de toute façon, y'a rien qui te satisfera autant que le cabaret. Alors, faut arrêter de chercher l'idéal niveau boulot. Tu dis pas les réelles raisons qui font que tu ne travailles plus au bar, t'évites de parler de la raclée que tu t'es prise à cause de tes dettes de drogue et de celle que le fiancé de ta meilleure copine a pris, lui aussi. T'évites de dire que c'est parce que Aelya t'en veut à mort que tu ne travailles plus au club. « J'suis pas à l'agonie, ça s'appelle essayer de se détendre dans un sauna mec! », le reprends-tu en grognant presque. Merde, y'a personne qui te dit que tu fais pitié, personne qui laisse sous-entendre que t'as du mal à t'en sortir. Personne d'autre que toi. « Ouais, merci. Pour les encouragements, Vass, on repassera. »

Est-ce que le fait d'être en couple rend les personnes plus intéressantes ou est-ce simplement le fait qu'elle me parle comme de la merde qui fait que mon crush sur elle est en train de se ternir? Je fronce les sourcils à sa réponse. "Je ne vais pas m'excuser pour avoir une famille et encore moins pour bien m'entendre avec." répliquais-je avant de garder le silence quelques instants, passant outre cette remarque faite pour m'intéresser à elle. Je l'écoute attentivement, notant chacune des informations à son sujet en tête. "Navré, j'connais personne avec un chien donc..." Du moins, il y aurait bien Ethan mais il sait très bien s'en occuper lui-même. Un ange passe une nouvelle fois lorsqu'elle me remercie agressivement pour les choses que je pense et que je préfère dire tout bas. "Et bien, j't'en prie écoute." J'm'en fous en soi de ce qu'elle peut avoir en tête. C'est pas ma meuf et j'suis pas le genre de mec qui sait réconforter les gens de toute façon. "Tu sais, si j'te fais chier, dis le moi clairement. J'me casse si c'est le cas." lui envoyais-je en pleine poire. "Toute façon, t'as jamais réellement pu m'apprécier. Tu ne me parlais jamais et les peu de fois où tu m'adressais la parole c'était avec ce ton-là." J'prends une pause. "Ah ouais. En fait t'as toujours craqué pour moi, c'est pour ça que tu as dû mal quand j'suis dans les parages. J'ai bien compris ouais." Tête en arrière, paupières fermées, je suis tout à fait serein de la connerie que je viens de lui lancer.

C'est dur d'être devant Vass. Il te rappelle Sacha. Tu l'avoues pas, mais t'as du mal à te remettre de votre rupture. Et voir son cousin, ça te rappelle lui. Lui que tu tentes d'oublier. Lui que tu veux chasser de ta tête. Pas que tu l'aimes pas. C'est juste que t'arrives pas à avancer sinon. Ça te bloque. Ça te tue, merde, de plus l'avoir dans ta vie. Putain, t'allais l'épouser! T'allais l'épouser et il est sorti de ta vie pour de bon. Comment ça peut être possible ? « C'est pas ce que j'dis, joues pas avec les mots », lâches-tu quand il tente de te faire dire qu'il devrait s'en vouloir de bien s'entendre avec son cousin. « M'en fiche de votre relation. » Dans le sens que t'en avais rien à faire qu'ils soient proche ou pas, que ça les regardait. Toi, t'façon, la famille, c'est pas ton genre. Son frère te hait. Sa soeur doute de toi. Sa mère te déteste. Et son cousin.... Bah... Il semble pas plus t'apprécier. Il semble être là pour t'emmerder. Tu parles des chiens, il dit qu'il connait pas de maître. Tu hausses les épaules. Tant pis, c'est pas plus grave, tu trouveras d'autres clients. Mais les prochaines remarques te font froncer les sourcils. Tu le regardes, complètement à l'ouest, avant de rire. « Pauvre chaton, tu penses vraiment que je te kiffe ? », dis-tu en souriant. « T'aimerais trop ça, en vrai, que je te désire. Fais pas de la projection. » Tu te redresses avant de dire avec sérieux. « Vass, penses pas que j'agis différent avec toi qu'avec les autres. J'parle à tout le monde sur ce ton. C'est moi, j'suis chiante, c'est tout. Sacha te l'a pas assez dit ? »

Le casse-couille et la chieuse. Un bon mélange mais que je ne referais pas une fois prochaine sauf si j'y suis contraint. J'vous assure que si elle se remet avec mon bro, les repas de famille risquent d'avoir une saveur amère, salée aussi. J'tente de comprendre cependant, le pourquoi du comment. J'suis pas un espion russe pour le grand Vladimir, j'suis juste là pour faire la causette avec une ancienne collègue de travail? Est-ce qu'on peut appeler ça comme ça? Une camarade de cirque. J'la titille un peu, rien de bien méchant. Je sais très bien que je n'en pense pas un mot. Malgré le béguin que j'avais pour elle, depuis tant d'années, elle ne m'a jamais remarqué. Je crois juste que je me suis bercé d'illusions à son sujet. Elle n'est pas la femme douce que je l'imaginais. La femme élégante et sexy pour qui j'aurais pu voyager durant tout son cursus en tournée mondiale, oui mais pour le reste, non. Je serre les dents. L'insupportable est en train de me les briser. Dire que ce n'était qu'amical et affectueux de base, il m'a sujet de trois mots alignés de sa personne pour que je me fasse une toute autre idée. "Sur ce point, on est d'accord. Une vraie emmerdeuse. J'ai pas besoin de Sacha pour me dire clairement ce que tu es, j'l'ai compris bien rapidement." Une autre femme à problèmes de ce qu'il me disant sans pour autant poser ces mots. "Songe un jour à changer, il va t'arriver des bricoles un jour." Libre à elle de l'interpréter comme elle l'entend. Mon regard est bien plus sombre, mon ton tout aussi sérieux. "Ta putain de carapace ridicule se brisera avec le temps. Tu seras encore plus faible que tu ne l'es maintenant et ce n'est pas ton ton arrogant qui pourra recoller les morceaux. Tu n'es rien." Je ne suis pas grand chose non plus mais je crois que je me donnerais corps et âme pour ne pas que mon cousin revienne avec elle. Il est trop bien pour elle et ça m'fait mal j'crois d'le savoir comme ça à cause de cette nana. Dire que je les enviais presque en secret. Putain. Quelle erreur. Je me redresse, la regardant de haut en bas, je la mépriserai presque. "J'sais clairement pas comment il a fait pour te supporter. Partout où tu vas tu fous ta merde. Tu es peut-être sa raison de vivre mais tu es aussi celle qui le fait mourir à petit feu. T'es un putain poison, le plus toxique de tous et il n'y a rien pour te contrer. Barre-toi de sa vie, vraiment. Pour le bonheur de tout le monde." Un putain de venin qui se dégage, je crache à ses pieds.  Qu'elle aille se plaindre à Sacha de mon comportement. J'crois qu'j'en ai rien à carrer. Il pourra me faire la gueule, me régler mon compte et m'ignorer, m'en vouloir, si ça peut l'éloigner d'elle, je suis prêt à subir son châtiment.

Il dépasse les bornes, Vass. Pense qu'il te connait en analysant deux ou trois trucs que tu lui as dit, d'autres que Sacha lui a raconté. Mais qu'est-ce qu'il y connait, au fond, à ta personne, à ta relation avec son cousin ? Strictement rien. Il était pas là, toutes les fois où tu lui as apporté bien plus de bien que de mal. Il le sait pas que tu l'as changé pour le mieux, qu'il était au point de crever quand t'es entré dans sa vie et que tu l'as sauvé, petit à petit, que tu lui as donné envie de pas laisser la mort l'emporter. Sans toi, merde, il serait mort, Sacha. Sans toi, s'il avait pas succombé, il serait dans une foutue d'asile à vie. Mais ça, non, évidemment, on ne le reconnaîtra pas. Parce que c'est plus facile de penser que t'es la conne de service, la chiante toxique qui brûle tout sur son passage, que tu fais que du mal autour de toi, que le bien ça n'existe pas dans ta vie, que t'es tellement brisé que t'as besoin de briser les autres. C'est facile de croire que la fautive, dans l'histoire, c'est toi, parce que tu repousses Sacha. C'est bon, il peut le dire, le croire, t'en as plus rien à chier de lui de toute façon, il défend son cousin, il défend son territoire, c'est bon, sauf que quand il crache à tes pieds, là, c'est personnel. Là c'est une attaque envers toi. Là, il dépasse les bornes. Tu le regardes faire, la rage qui monte. Mais tu dis rien. Tu restes de marbre. Tu ne gaspilleras pas un seul mot de plus pour lui. Tu te lèves, remonte la serviette sur ta poitrine, et tu sors. Sans même te retourner. Qu'il aille se branler le con et qu'il ne revienne plus jamais sur ton chemin.

FIN