everything is going to be okay -r.

On le lui avait répété à maintes reprises, à Woody, que c’était à lui de se prendre en main et que personne ne pourrait le faire pour lui. On ne peut aider quelqu’un qui ne veut pas être aidé, apparemment. L’année dernière, il avait voulu se reprendre en main pour prouver à Freja qu’il était prêt à se battre pour elle, pour eux, mais face à l’échec monumental d’essayer de renouer avec elle, il avait abandonné à nouveau. C’était bien la preuve qu’il voulait aller bien pour les autres, pour leurs regards portés sur lui, pas pour sa propre personne. Lui, il se laisserait bien glisser vers l’abysse. Certaines personnes l’en empêcheraient quand même. Après tout, c’était sa sœur Nevaeh cette fois-ci qui avait tout donné pour le sortir de sa léthargie. Il n’allait pas forcément mieux qu’avant, mais il entrevoyait un peu mieux son sort, sans pour autant l’accepter. Il ne pouvait plus tourner le dos à la fatalité, ça se ressentait dans son discours à Tiffany. Il était comme … résigné. Il soupira quand Tiffany releva sa maladresse d’avoir comparé leurs situations. Il haussa les épaules. « T’en fais pas pour ça. » Woody Rutkowski qui ne sautait plus sur l’occasion de reprocher quelque chose à Tiffany Sawyer ? Qui ne cherchait pas à faire grandir la culpabilité en elle ? Vraiment, tous les deux ensembles, ils avaient changé. Le physiothérapeute sourit quand la blonde proposa un challenge, lorsqu’elle pourrait marcher à nouveau, et si lui le pouvait toujours. « Deal. Va falloir qu’on s’attaque bien comme il faut à ton plan de réadaptation, alors. Dans quelques années j’serai peut-être pas assez en forme pour être un réel adversaire, c’est pas juste si tu pars avec une longueur d’avance. » Il esquissa un sourire, contre toute attente ravi de retrouver cette flamme compétitive entre eux. Comme il venait de le lui affirmer, Sawyer avait toujours été son adversaire la plus redoutable. Elle était bornée et téméraire comme lui. Il sourit, fier, en l’entendant lui renvoyer le compliment. « Bon, allez, ça suffit la perte de temps, on passe aux exercices. » Il avait bien réchauffé les jambes de Tiffany avec ses massages et étirements, maintenant, les choses sérieuses attendaient dans la salle d’à côté.

Woody ne t'en blâmait pas, au contraire, il te disait même de ne pas t'en faire mais tu ne pouvais pas t'empêcher de ressentir une certaine culpabilité. Tu ne pouvais rien y faire, c'était ainsi mais tu trouvais que la vie était quand même mal faite. « T'auras le droit de me mettre des handicaps pour rééquilibrer les chances ! » ajoutais-tu avec un grand sourire. Tu l'avais déjà fait pour jouer avec Lisandro, à l'époque où tu n'avais pas encore de fauteuil, tu en avais loué un ainsi que des espèces de bottes très lourdes pour être sûre que tu ne puisse pas te lever et te mettre à marcher. Tu avais eu envie de lui montrer ce jour là que c'était possible de vivre et bizarrement, après ton accident, tu n'avais pas réussi à trouver cette même détermination. Au contraire, tu t'étais laissé allée dans le fond de ton fauteuil. Lisandro était parti et avec Woody, ce n'était plus pareil. « J'suis pas la patiente la plus assidue, à chaque fois on discute tellement et j'travaille peu. Promis, je ferais en sorte de mieux tenir ma langue lors de la prochaine séance. » Rien n'était moins sûr quand à ta capacité de tenir cette promesse mais au moins tu essayerais. La dernière fois déjà tu avais fait une demie-séance, mais c'était plus parce que tu avais eu du mal à faire confiance à Woody. Alors qu'aujourd'hui, tu en avais profité pour avoir une conversation à coeur ouvert avec lui et étrangement, ça te faisait du bien. Pour le peu de temps qu'ils vous restaient, tu te concentrais sur ce qu'il te disait, sur la façon de faire les exercices et avant de mettre fin à la séance, il te filait une liste de nouveaux exercices que tu pouvais faire seule chez toi. « Merci Woody, pour tout. » Alors que tu regagnais ton fauteuil, tu lui offrais un grand sourire pour accompagner tes propos. Tu espérais que ça irait mieux pour lui dans les jours à venir. Tu aurais l'occasion de prendre un peu de ses nouvelles lors d'une prochaine séance, maintenant que tu savais que c'était son cabinet, tu pourrais tomber dans ses pattes plus souvent, au moins le temps de ta réeducation.  

Un rire spontané s’échappa de la bouche de Woody qui balança la tête vers l’arrière en le libérant. Il s’imaginait mettre des handicaps à Tiffany pour qu’ils soient sur le même pied d’égalité, et si cette pensée aurait pu lui miner le moral un peu plus encore, il arrivait étonnamment à en rire. Nevaeh avait sans doute eu raison de tirer les rideaux de la vie de son frère pour y laisser rentrer la lumière. « Bien. Comme ça on pourra réellement voir qui est le meilleur de nous deux. » C’était ça le but depuis la toute première fois, entre eux. Ça n’avait pas commencé sur une compétition amicale, bien au contraire même. Ce serait différent dans le futur, il était évident maintenant que l’eau avait coulé sous les ponts entre Tiffany et Woody, mais il était persuadé que la compétition n’en serait pas moins coriace. Bref, le jeune homme mit un terme à cette longue discussion, parce qu’il avait aussi un boulot à faire. « C’est toi la pire d’entre nous deux, tu me payes pour ça. » Il rit. Il savait qu’il n’était pas la plus agréable compagnie qui soit, en plus, alors s’il fallait que la blonde lance son argent par les fenêtres pour son air maussade, ce serait bien dommage. Le physiothérapeute aida alors Tiffany à traverser de l’autre côté et la guida vers le coin de la salle entouré de miroirs et d’objets d’entraînement ou d’étirements. La jeune femme arriva à tenir sa promesse pour le moment, écoutant les directives de son physiothérapeute et en exécutant avec sérieux les mouvements. Une trentaine de minutes plus tard, la séance tira à sa fin et Woody remit à Tiffany la liste des exercices qu’elle aurait à faire d’ici son prochain rendez-vous. « Ça fait plaisir, Tiffany. Et … si jamais t’avais envie qu’on continue ensemble, j’suis certain qu’Eva comprendrait et qu’elle accepterait que je te vole comme patiente. » Il esquissa un sourire. C’était une proposition inattendue pour eux qui autrefois avaient tenté de se fuir comme la peste. Les temps changent.

- fin ?

L'idée semblait bien plaire à Woody et tu étais contente d'y avoir pensé. Ce n'était pas parce que sa condition physique allait se détériorer qu'il fallait le laisser aller, au contraire. Tu ressentais une certaine fougue maintenant que tu pouvais retrouver l'usage de ton corps. « On pourra peut-être mettre fin à cette gueguerre d'enfants ! » ajoutais-tu avec un fin sourire. Vous n'y arriverez sûrement pas, il y aurait toujours l'un pour dire à l'autre que ça ne compte pas, que c'était pas le bon sport pour faire une compét, ou pour demander à l'autre de remettre son titre en jeu à moins de vouloir se faire traiter de poule mouillé. Il y avait trop de fierté pour refuser et s'arrêter là, ça avait du bon, l'envie de pousser l'autre à donner son maximum. « Il faut croire que j'aime jeter l'argent par les fenêtres, mais au moins t'as pas trop le choix que devoir me supporter ! » Il y a quelques années, il aurait pu refuser de t'avoir comme cliente, refuser de prendre ton argent et devoir s'occuper de toi. Les choses avaient bien changés, même si là, tu l'avais un peu pris au dépourvu. Mais on fond, ça s'était mieux passé que tu ne l'avais esperé en découvrant qu'il allait s'occuper de toi. « Je n'osais pas aborder le sujet, mais ça me ferait plaisir oui. » Faire ce travail de rééducation avec Woody était une chance pour vous de vraiment repartir de zéro, la chance de mettre de côté toute la rancune que vous pouviez avoir l'un contre l'autre. Oublier la fierté mal placée qui pousse à agir comme un con, et puis apprendre à réellement se connaître. De découvrir la personne que Woody était, et ce qu'il avait à offrir. « Prends soin de toi et on se voit dans quelques semaines alors ! » ajoutais-tu avec un sourire alors que tu quittais son cabinet.