C'est la fête à la grenouille [ft. Saoirse]

J'sais pas si vous vous souvenez lorsque je disais qu'on emmerdait les gens avec mon frère sans le faire forcément exprès? Ben il semblerait parfois que des pulsions fassent qu'on a juste besoin de décompresser et c'est bien ce que je ressens aujourd'hui. J'ai envie de bouger et de faire de la merde mais je n'ai pas encore choisi ma victime. Je tourne la tête de droite à gauche, essayant de trouver le bout de chair qui s'en prendra plein la tête et il semblerait finalement que la personne soit à ma droite, assise elle aussi sur le bord de la fontaine de la place. Un sourire malin sur mon visage, je laisse tremper ma main dans l'eau avant de faire une énorme vague et de la diriger vers la jeune femme. Je me lève en furie, allant directement vers elle. "Oh bon sang, madame, vous allez bien? Y'a vraiment des cons en ville!" que je lui dis en posant une main sur son épaule, cherchant simplement à la faire pivoter doucement en arrière pour qu'elle s'étale dans la fontaine. Manque de bol, l'eau qu'il y a déjà au sol me fait glisser et l'embarque dans ma chute. Je me relève vite, attrapant mon portable pour voir ce qu'il en reste. "Fais chier bordel. Ca va? Rien de casser madame?" Autant continuer à faire genre que ce n'est pas voulu.

S'adapter à un nouveau monde, un nouvel environnement, une nouvelle vie. Ça pouvait déjà paraître complexe pour une personne ordinaire, alors imaginez-vous la même chose, mais en n'y voyant rien. Saoirse n'était pas effrayée pour autant par l'inconnu, au contraire, elle l'avait apprivoisé, depuis le temps. Elle avait donc décidé de découvrir les environs, armée de sa canne blanche, son violon dans l'autre main, à la conquête du monde comme si rien ni personne n'avait pu l'arrêter. Techniquement, ça n'aurait pas été difficile, son regard sur le monde étant aussi noir que les abysses, et pas au sens figuré. Elle distinguait tout de même que c'était le jour, mais c'était tout. Il aurait été facile de lui faire un croche-pied pour arrêter là sa conquête. Seulement, personne n'aurait eu l'irrespect de s'y risquer, on ne plaisantait pas avec les aveugles, ils avaient tendance à mettre mal à l'aise, ou au moins à réveiller un sentiment d'empathie. La belle rouquine avait donc fini par faire son chemin jusqu'à ce qui lui semblait être une fontaine, elle en avait trouvé le rebord, s'y était assise, un mince sourire accroché aux lèvres, son attirail posé à côté d'elle, à portée de main. Que quelqu'un tente seulement de lui voler son violon, elle l'entendrait arriver à des kilomètres, au propre comme au figuré. Ce ne fut toutefois pas un voleur mais bien une vague fraîche qui l'assaillit, trempant une bonne partie de sa silhouette avant qu'elle n'ait pu se dégager entièrement. Sourcils froncés, Saoirse tourna son regard qui semblait tellement vide et vague vers la personne responsable. À son grand étonnement, celle-ci sembla blâmer quelqu'un d'autre. L'irlandaise pouvait douter, mais pas de ce genre de choses, elle avait plus de quinze ans d'expérience dans le domaine. Suffisant pour avoir bien entendu le souffle de l'air traversé par la main de son interlocuteur, qui avait plongé dans l'eau, humidité qu'elle avait reçue en pleine face. Il n'y avait pas eu intervention d'une tierce personne, elle l'aurait entendue. La jeune femme n'eut cependant pas le temps de répondre, que déjà son interlocuteur masculin posait une main sur son épaule, ce qui arracha un froncement de sourcils contrarié à la rousse. Pas le temps de lui expliquer qu'on n'approchait pas un aveugle de cette façon et que c'était d'une impolitesse incroyable, que déjà elle était renversée en arrière, accompagnée de cette personne. Vive comme un éclair, Saorise se redressa, sortant le plus rapidement possible de l'eau qu'elle pouvait sentir autour d'elle, se tournant vers le responsable. « Il en faut plus pour me briser, mais j'imagine que ce n'était pas votre intention. » rétorqua la rousse, aussi sèchement que malicieusement. S'il voulait jouer au plus malin avec elle, il ne savait pas ce qui l'attendait. Sa vision n'était peut-être que ténèbres, mais elle n'était pas crédule pour autant.

Une main sur mon torse, légèrement choqué par ses propros. "Mon in... Quoi? Nan c'est pas mon genre madame!" que je lui réponds. Je sors doucement de la fontaine, tendant ma main vers la femme pour qu'elle en fasse de même. "Bon quand mon voulez, y'en a qui sont morts comme ça!" que je râle comme à mon habitude. Être sympa oui, mais pas durant une éternité, faut pas profiter non mais ! J'fais un minimum attention à l'instrument au sol en me reculant. "C'est à vous ça?" que je lui demande. "Il ne manquerait plus que vous soyez aveugle et que vous demandiez de l'argent à tous les passants. Haaaaa Paris me manque je crois." que je lui lance. "Y'a pas d'orchestre ici pour que vous les rejoignez ou quoi? Au pire vous pouvez voir pour faire de la musique genre pour les Pixar, la suite de Rebelle par exemple non?" J'tente de trouver des solutions. J'vois pas pourquoi les gens font la manche. Qu'ils se lèvent et qu'ils aillent travailler, c'est tout aussi bien vous ne pensez pas vous?

Elle entendait son interlocuteur se défendre, son ton semblait presque offusqué, laissant Saoirse toujours aussi sceptique. Elle se releva en ignorant la main tendue pour l'aider, vu qu'elle ne pouvait la voir, un petit rire lui échappant quand le jeune homme précisa que certains étaient morts comme ça. Il en faudrait plus pour arriver à bout de l'irlandaise, comme elle l'avait dit. Une fois sortie de l'eau, le garçon lui posa une question sans qu'elle ne puisse déterminer l'objet qu'il désignait, soit sa canne, soit son violon. Elle n'eut cependant pas besoin de poser la question, car déjà il continuait à déblatérer tout seul sur les artistes de rue, mentionnant au passage son handicap. Il n'avait visiblement pas remarqué qu'elle vivait dans le noir, ce qui arracha un sourire en coin narquois à la rouquine. Il parlait donc visiblement de son instrument. « Je joue pour le plaisir, pas pour un orchestre. Et je ne demande pas d'argent, les passants m'en donnent s'ils en ont envie. » répliqua la violoniste de son fort accent irlandais, en se saisissant du bel instrument de bois, mince sourire touché d'ironie sur les lèvres, transpirant une certaine fausse sympathie. Elle n'était pas méchante, Saoirse, mais elle n'appréciait guère qu'on la prenne pour une idiote. « Par contre, pour ce qui est d'être aveugle, je ne peux pas y changer grand-chose, navrée de vous inspirer tant de mépris. » ajouta-t-elle en prenant cette fois la canne blanche repliée, qu'elle avait posé derrière le violon. Elle la déplia, la faisant passer de quelques dizaines de centimètres à un peu plus d'un mètre. Prête à quitter cette agréable fontaine, sourire crispé sur les lèvres, pour aller voir si l'herbe - ou les gens - n'était pas plus verte ailleurs.

Bon, elle ne prend pas ma main très bien, paye ta politesse alors. Peut-être qu'elle sait juste que c'est moi qui ai fait tout ça, s'il faut j'étais déjà bien ancré dans son champ de vision et j'suis en fait grillé à dix milles mètres. C'est peut-être pour ça oui, elle doit être rancunière la rousse. J'lui pose des questions, tente de m'intéresser. Je fronce cependant les yeux à son accent. Bordel mais elle a appris à parler où elle? C'est genre pire que les gens d'ici. "Très bien m'dame!" Vous voulez que je lui dise quoi en plus? Elle veut juste jouer comme ça, qu'elle fasse, j'vais pas l'en empêcher. Mais elle réplique aussitôt sur les aveugles. Je. Quoi? Je me plante fasse à elle, mes mains sur les genoux pour mieux la regarder. "Ah ouais chaud! Du coup si j'fais ça genre vous voyez rien?" Je passe ma main devant ses yeux rapidement avant de me redresser. "Vous avez pensé à mettre des yeux en verre? Le vert vous irez à merveille, ça va de paire. Avec les rousses j'entends, enfin les yeux aussi mais si jamais vous voulez les avoir vairons, c'est vous qu'ça regarde." Chaud, j'suis fasciné j'crois. "Et c'est comment d'être aveugle du coup? Vous me montrez?" Un jour, une histoire, un handicap. J'pourrais m'entraîner ainsi et devenir en suivant un ninja.

Saoirse avait prévu de tourner les talons, mais c'était sans compter le garçon qui ne semblait pas vouloir en rester là. Sa façon de s'exprimer avait une fâcheuse tendance à venir attiser l'agressivité de la jeune femme, qui reposa son instrument au sol, appuyé sur le mur de la fontaine, retenant un soupir exaspéré devant les réactions de son interlocuteur. Visiblement, il n'avait pas compris qu'un handicapé n'était pas une bête de foire, mais une personne comme une autre. Vive comme un serpent, l'irlandaise attrapa son poignet, serrant sans doute plus que nécessaire, quand il passa la main devant son visage. Non, elle ne pouvait pas la voir. Mais elle pouvait la sentir se déplacer dans l'air, percevoir le mouvement rien qu'en sentant le petit vent sur son visage, et la repérer dans l'espace. À cette distance, c'était facile. « Non, je ne la vois pas. Ça ne veut pas dire que je ne sais pas où elle est. » rétorqua-t-elle sèchement, avant de relâcher le poignet du garçon. Elle avait bien envie de lui foutre un coup de canne dans le tibia, s'il continuait à lui parler avec une telle condescendance. Mais il fallait qu'elle réfrène ses pulsions violentes, elle venait d'arriver à Bowen, n'y connaissait quasiment personnes, c'était pas le moment de se mettre en situation délicate. Un pincement au cœur la saisit en se rappelant qu'elle n'avait plus de famille sur qui compter, personne qui la soutiendrait avec autant de férocité. Elle haussa les sourcils, interloquée, devant les questions du jeune homme. Franchement, elle ne comprenait même pas de quoi il lui parlait. Aux dernières nouvelles, elle avait des yeux, pourquoi aurait-elle besoin d'en avoir des faux, si ça ne lui ramenait pas la vue. L'expression de la rouquine était de plus en plus froide et elle leva les yeux au ciel quand il lui demanda comment c'était d'être aveugle. En tout cas, il en avait du tact. Il pouvait se crever les yeux, s'il avait envie de savoir ce que ça faisait. Au lieu de l'emmerder avec ses questions intrusives et totalement déplacées. « Il vous suffit de fermer les yeux, je pense que vous pourrez vous faire une idée. » répondit Saoirse sur un ton excédé. Elle le repousserait bien dans la fontaine, lui.

La jeune femme m'attrape rapidement le poignet, ma bouche en tombe par ce geste. "Damn! mais c'est trop cool! Vous avez des super pouvoirs de malade! WOW." J'tente de me renseigner plus à son sujet, c'est la moindre des choses. J'sais pas vraiment ce que ça fait mais elle me dit simplement de fermer les yeux. Je... Ok. Je ferme les yeux alors, me mettant bien à côté d'elle. "Ok et maintenant? On va où?" que je lui demande, enthousiaste. Je tente de battre de l'aile pour chercher son bras et m'y accrocher. "Désolé, j'ai pas de cane moi." Je tente de me baisser, de faire quelques pas en avant puis en arrière pour revenir à côté d'elle. "Et du coup c'est au feeling le violon ou vous connaissez juste les notes par coeur? Si vous voulez on peut faire un concert, j'peux faire du triangle et du kazou, je débute en maracas par contre." J'l'informe juste, ça pourrait être cool vous ne pensez pas? Elle ferait la mélodie, je tiendrais la mesure. WOW. Quel concert formidable! "Par contre sérieux, vous venez d'où car faut s'accrocher pour comprendre votre patois à vous?" Je râle oui mais elle n'a clairement pas idée de ce que je ressens. Autant l'anglais avec Reece ça va, il parle lentement même quand il est rapide, l'américain j'ai assez donné je crois, même l'anglais avec un accent italien mais là c'est trop pour moi.

Devant toutes ces pitreries, les yeux qui ne pouvaient voir de la jeune femme s’agrandirent tout rond. Il était sérieux, lui ? Si ça se trouve, lui aussi avait un handicap. Mental, s’entend. Parce que tout ce qui sortait de sa bouche semblait être un ramassis de conneries. Au moins, il ne la prenait pas en pitié, elle aurait peut-être déjà dû s’estimer heureuse. Elle se contenta de lever les yeux au ciel, tâchant de contenir sa moue exaspérée, et d’attendre qu’il ait fini de jouer les aveugles comme un imbécile. Réfrénant tout autant ses envies de le pousser dans la fontaine. Il était déjà mouillé, de toute façon, alors ça n’aurait pas été si méchant que de céder à cette pulsion. Mais son interlocuteur semblait déjà parti sur autre chose, lui parlant de son violon, enchaînant sur ses talents musicaux à lui. Était-ce vraiment utile qu’elle lui réponde ? Elle commençait sérieusement à se poser la question. « J’en joue depuis que je suis petite. Je peux le faire les yeux fermés. » répliqua-t-elle simplement, son regard se fixant devant elle, dans le vague, une pointe d’ironie au coin des lèvres avant qu’elle ne se détourne. Sans répondre à sa proposition de concert. Il allait bien finir par se lasser, et comprendre que jusqu’ici, il ne lui inspirait pas spécialement des sentiments amicaux. Saoirse n’était pas quelqu’un de désagréable, mais elle n’était pas une sainte qui laissait tout passer en disant amen pour autant. Et là, tout de suite, il l’exaspérait, de plus en plus. « D’Irlande. Mais vous pouvez toujours aller faire la conversation avec quelqu’un d’autre, je ne vous retiens pas. » fit-elle avec un petit haussement de sourcil, son ton aussi calme que tranchant. Elle n’avait rien dit de mal ou même d’agressif jusqu’ici, répondant simplement à ses questions de manière polie. Seule l’intonation de sa voix laissait entendre qu’il lui courait sur les haricots et qu’elle se foutait un peu de sa gueule, de façon pas assez subtile pour qu’il ne s’en rende pas compte. Parce que c’était tout le but, qu’il s’en rende compte, ou qu’il décide de lui-même d’aller ennuyer quelqu’un d’autre.

Un hochement de tête. "Les yeux fermés, j'en doute pas. Vous avez de l'humour, j'aime ça!" Peut-être qu'elle n'avait pas fait exprès tout simplement mais moi, ça m'a fait marrer sur le moment. Je continue de m'agripper à elle, mon humeur casse-couille étant bel et bien au rendez-vous, je lui pose donc toutes les questions qui me passent par la tête. "Ha non, non, ça me convient, faut juste que je m'accroche." Des petits pas, je triche, j'ouvre un œil pour savoir où l'on va avant de vite le refermer et de fouiller dans mes poches pour mon paquet de tabac. Une cigarette entre mes lèvres, je tente d'allumer mon briquet, cherchant tant bien que mal ce bâton de cancer. Des tests. Du bizutage donc. Elle peut voir les mouvements, du moins les deviner mais si je mets la flamme bien assez près de son bras pour voir si elle ressent tout aussi bien la douleur ça peut marcher non? Un oeil entrouvert, j'approche donc le briquet de son avant-bras, entendant ses poils cramer par la chaleur. "Bordel, ça pue le porc ici non?" Je renifle encore, ouvre les yeux. "Oh merde pardon, ça va? Je ne vous ai pas fait trop mal? Pardonnez moi, j'arrivais pas à viser." Bien sûr que j'aurais pu mieux le faire. Il y a une différence entre son bras et mes lèvres et je crois que je m'attends au pire pour la suite. Louis, ce n'est pas un putain de cobaye, sois respectueux! Mais c'est juste plus fort que moi.

De l’humour, oui. Heureusement pour lui, qu’elle en avait. Même si dans le cas présent, ce n’était pas vraiment comme ça qu’elle voyait les choses, mais soit. Alors qu’il s’accrochait désagréablement à elle, elle réprima une puissante envie de se dégager brutalement, mais son poing s’était serré. Elle l’entendit chercher dans ses poches, sans deviner l’objectif de la recherche, jusqu’à entendre le bruit caractéristique d’un briquet qu’on allume. La cigarette. Ça faisait longtemps qu’elle n’y avait plus touché, et c’était tant mieux. Saoirse fronça le nez, ralentissant, prête à laisser ce boulet sur place et prendre congé. Avant qu’il ne tente de la brûler, ce qu’elle sentit venir à des kilomètres, encore une fois. Une source de forte chaleur était facile à percevoir, on la sentait de loin, c’était comme ça que les animaux ne se brûlaient pas. Ils comprenaient assez rapidement qu’il ne fallait pas plus s’approcher d’un objet incandescent ou des flammes. Pour l’irlandaise, c’en était trop. Elle dégagea brusquement son bras avant que la petite flamme ne puisse l’atteindre, peut-être qu’un ou deux poils avaient roussi, au maximum. « Bon, c’est quoi ton putain de problème ?! » s’emporta-t-elle sans crier gare, sourcils froncés, s’éloignant de lui en un mouvement de recul. Valait mieux pour lui, d’ailleurs, parce qu’elle allait lui enfoncer sa canne en travers de la gorge. Ou ailleurs. « J’sais pas si ta mère t’as mal éduqué ou si t’as été bercé trop près du mur, mais on traite pas les gens de cette manière, qu’ils soient aveugles ou pas. Et c’est désolant que tu sois malpoli au point qu’une inconnue dans la rue doive te l’expliquer. » continua-t-elle, l’attaquant d’une voix furieuse et cassante. « Sur ce, j’te souhaite bonne chance dans ton éducation future. Bye ! » Et elle le contourna en reprenant un pas vif, sa canne roulant de gauche à droite devant elle, alors qu’elle fulminait. Mais quel énorme goujat.

Un sursaut en l'entendant s'exclamer. En même temps, à quoi je pouvais m'attendre? C'est mon petit monstre de la journée, mon petit Frankenstein que j'ai envie de tester jusqu'à ses limites les plus inatteignables mais elle met rapidement le "ola". Soit. J'ai un peu abusé ok, enfin, j'aurais pu faire pire je pense mais bon. "Je..." Etais-je à deux doigts de dire que j'étais désolé? Hahaha. Non. La bonne blague. Pourquoi je m'excuserais? Alors oui "on ne s'excuse pas tout seul" et ta mère en slip, ça te va ça comme réponse? Je dis juste que je ne comprends même pas comment cette pensée a pu me traverser l'esprit. "Alors déjà, j'suis poli, j'ai dit tout à l'heure "pardon" et "pardonnez-moi" dans la même phrase et ça, j'trouve que c'est beaucoup donc faites pas votre marseillaise là." Les références de français bien évidemment, on ne peut me changer à ce que je sache? Le naturel revient toujours au galop ce genre de truc. "Mais soit. Vous voulez quitter l'aventure? Très bien! Vous êtes le maillon faible alors!" m'énervais-je en peu en la voyant s'éloigner de moi. "J'espère que vous allez vous prendre un lampadaire dans la tronche!" Mon volume sonore était légèrement plus élevé, les regards se retournaient sur moi. J'ai la fâcheuse habitude de garder l'arrogance française, faisant en sorte que notre réputation soit bel et bien confirmée dans les autres contées. "Quoi? Vous voulez ma photo?" agressais-je en faisant chemin inverse. Si elle je la revois, j'vous assure que... Je ne sais pas encore qu'est-ce que je lui ferais comme misère ou comme blague mais ça viendra. Ouais.

Spoiler:

Toute patience avait délaissé son esprit et elle laissait maintenant l'exaspération sortir de tous ses pores en hurlant. Il lui sortait par les trous de nez, là, ce type. Elle voulait bien faire un effort et s'exhorter au calme, mais fallait pas déconner. Aveugle, oui, bonne poire, non. Et ce n'était pas parce qu'elle venait d'arriver en ville, à l'autre bout du monde, qu'elle allait se laisser marcher dessus et laisser ce type se foutre ouvertement de sa gueule. Elle n'était pas sa mère et elle n'avait pas à perdre son temps à refaire son éducation et le laisser faire des conneries comme un ado ingrat. Elle crut qu'elle allait exploser quand il eut l'audace de lui répondre qu'il avait fait preuve de politesse. C'est qu'il essayait de lui prouver par a plus b en plus. Incapable de supporter un instant de plus ce personnage dont le manque de savoir-vivre était à la hauteur de l'Everest, Saoirse le contourna après lui avoir sorti ses quatre vérités. Elle n'avait pas d'énergie à perdre à bouillonner de rage pour un inconnu malpoli et immature qui n'en valait pas la peine. Plus vite elle s'éloignerait, plus vite elle oublierait cette malheureuse rencontre. Et alors qu'elle traçait sa route, nez et sourcils froncés de mécontentement, et qu'elle percevait encore ses protestations futiles derrière elle, elle leva le bras qu'elle tendit bien haut au-dessus d'elle pour lui offrir un magnifique doigt d'honneur, sans même se retourner ni s'arrêter. Ça, ça devait se comprendre dans toutes les villes du monde.

End.