and i need you like a heart needs a beat (lys)

Ses doigts tremblaient sur le clavier tactile de son téléphone portable. Elle paniquait. Elle imaginait déjà le pire. C'est que la conversation qu'elle a eue récemment avec Milo ne l'avait pas rassuré. Il était amoureux, semblait-il, amoureux de celle qui lui avait fait le plus de mal dans sa vie. Celle qui l'avait repoussé parce qu'il avait choisi le chemin de la sobriété et qui l'avait fait sombrer à nouveau en un claquement de doigts. Il l'aimait. Et il allait se détruire. Beth n'avait rien dit, elle avait accepté en silence, que pouvait-elle dire de toute façon ? Si Beth souhaitait que Milo accepte Zak, elle n'avait rien à dire sur Effy. Seulement, cette fois, c'était la peur qui l'animait alors qu'autour de lui, sur cette photo qui témoignait tout le mal qu'il avait, de la fumée se déployait, lui qui ne fumait habituellement pas. Il allait mal, alors que l'amour, n'était-il pas apporter du bon ? Elle le sentait fragile, Beth, elle le sentait au bord du ravin, à quelques centimètres de commettre des conneries. Et autant elle avait peur pour lui, elle n'était plus seule, à présent. Il y avait Ivy, sa priorité. Quelques mois avant, Milo avait failli craquer, retomber, un sachet de drogue caché dans le tiroir de la cuisine qu'il avait vidé dans les toilettes avec l'aide de Niels. Beth, enceinte, avait voulu intervenir, mais il le lui avait empêché, ne voulant pas la mêler à toute cette merde. Il avait eu un bon réflexe, et maintenant qu'Ivy était née, c'était au tour de Beth de la protéger. Ivy dans les bras, sac dans l'autre, elle toqua d'une main tremblante à la porte de l'appartement de sa meilleure amie. « J'suis désolée, je savais plus quoi faire », souffla Beth lorsque Lys lui ouvrit. Elle désigna son sac ouvert, une bouteille de rouge les attendait. « J'ai quand même pensé à ton anniversaire, même si je débarque un peu sans prévenir et que je viens peut-être gâcher tes plans... »

@lys r. kickett

Quand Beth m’avait demandé si elle pouvait venir passé quelques jours chez moi avec Ivy, je n’avais pas hésité. La jeune anglaise avait été là pour moi dans les moments où j’en avais eu le plus besoin, lui rendre la pareille me semblait naturel. Même sans cela d’ailleurs, Beth savait qu’elle pouvait trouver chez moi un lieu sûr, un refuge si elle le souhaitait, et il m’apparaissait ce soir qu’elle avait besoin d’un endroit où elle pourrait lâcher prise, elle semblait déboussolée et n’avait précisé dans son message qu’une seule chose : Beth s’était disputer avec Milo. Je n’avais, de mon côté, aucun connaissance de la nature de leur dispute, mais je savais l’attachement qui existait entre les deux collocs, pour qu’ils en viennent à passer plusieurs jours éloignée, cela devait être quelque chose d’important.
— Bien sûr, entre.
Beth n’avait pas à être désolée, je lui ouvrais ma porte sans problème. Notre amitié avait beau être plutôt récente, ce qui nous unissait été fort et il était hors de question que je la laisse seule alors qu’elle avait clairement besoin d’aide et de soutien. Sur le palier, je me décalai pour laisser la jeune maman entrée chez moi avec ses affaires et son bébé sous le bras. Instinctivement, je tendis les miens pour accueillir la petite Ivy et laisser à mon amie une liberté de mouvement. La petite battit des jambes contre mon ventre aussitôt qu’elle fut dans mes bras. J’adorais cette gamine et ne pouvait m’empêcher de sourire dès que je la voyais. L’attention de cette dernière fut soudain capté par le pendentif que je portais, qu’elle se mit à tripoter me laissant le loisir de me pencher vers sa mère.
— T’es la meilleure ! On va s’ouvrir ça et se faire une soirée tranquille. Rassures-toi, les seuls plans que j’avais impliquaient un plat cuisiné du traiteur et mon film préféré à la télé. Je préfère largement l’option que tu me proposes  !

Si Lys avait été dans la situation inverse, ou dans n'importe quelle situation impliquant un malaise, Beth aurait mis corps et âme pour lui redonner ne serait-ce qu'un petit sourire qui aurait duré une fraction de seconde, pour apaiser les maux de son coeur. C'était d'ailleurs ce qu'elle avait fait lorsque la brune pleurait Azriel. Beth avait laissé Lys pleurer dans ses bras, le temps qu'il lui fallait, jusqu'à ce que la douleur s'atténue quelque peu, sans pour autant disparaître. Mais quand il était question d'elle, de ses problèmes, l'Anglaise semblait toujours penser déranger, arriver comme une tornade dans la vie déjà bien assez complexe comme cela de l'artiste. Les amies, ça sert à ça, direz-vous. Oui, totalement, et Beth donnerait sa vie pour Lys. Mais quand on s'appelait Beth Ellington, on pensait toujours déranger, partout où l'on mettait les pieds sans s'y être fait inviter. Ça, c'était du classique Beth Ellington. La dispute entre Milo et elle pesait dans son coeur, la peur et la colère, mélangée à beaucoup de tristesse, embrouillaient ses idées. Elle ne pouvait plus rester au treize, ne voulait surtout par embêter Zak avec ses problèmes et, surtout, elle avait besoin d'une amie qui pouvait la comprendre. C'était gênant de parler de ça avec son amoureux tout récent, de parler de la jalousie qu'on ressentait face à un ami qui se rapprochait d'une autre fille, alors que l'on était en couple et, surtout, heureux et satisfait. Du moins, c'était gênant pour la brune qui ne se voyait pas expliquer au cuisinier ses sentiments embrouillés. C'était beaucoup plus facile d'en parler à Lys, elle qui comprenait avec plus de facilité ce que la belle pouvait ressentir, elle qui la connaissait par coeur, mis à part leur récente amitié, bien plus que ce que l'ancienne rockstar pouvait connaitre sur elle. Et donc, à son arrivée, elle s'excusa, typique Beth Ellington, alors que sa meilleure amie accueillait la petite Ivy contre elle. Ivy, rayon de soleil, seul apaisement de sa journée. « Oh, il y a Titanic qui passe à la télé ? », s'intéressa Beth. « J'ai pas penser au repas, mais on peut commander une pizza pour aller avec le vin, si tu veux... », proposa-t-elle, faisant exprès pour tourner autour du pot le plus longtemps possible, éviter de parler de cette dispute qui l'avait fait fuir. « Oh et pendant que j'y pense... » Elle se pencha dans un de ses sacs pour y ramasser une petite enveloppe blanche. Là, ce n'était pas une tactique pour gagner du temps. « Ivy et moi, on a pensé à te faire un petit cadeau d'anniversaire. » Beth lui tendit l'enveloppe qui contenait une carte faite maison, avec des gribouillis de la petite - dont Beth avait guidé en grande partie les coups de crayons comme elle était encore petite pour le tenir toute seule - et un certificat cadeau pour une journée au spa, massage et détente assurés.

Dès que je prends Ivy dans mes bras, je ne peux m’empêcher de jouer les tatie gaga, lui souriant exagérément, et gazouillant avec elle. A priori, je suis plutôt douée pour ça car la petite me sourit de ses quatre dents et commence à m’imiter. C’est dingue comme le monde peut s’effacer lorsqu’on tient un bébé dans ses bras, en particulier lorsque le bébé en question est aussi mignon qu’Ivy. Je lâche un peu des yeux ma jolie nièce puis souris à Beth.
— J’ai le dvd, précisai-je, mais on n’est pas obligé de le regarder ! On peut passer un truc plus…drôle.
Oui parce que Titanic n’était pas franchement le meilleur film à visionner pour se mettre dans un mood joyeux, et ma meilleure amie n’avait pas vraiment besoin d’un tire-larme ce soir.
— Pizza ça me va ! acquiesçai-je. tant que tu n’en choisis pas une avec de l’ananas dedans…beurk !
Je n’avais jamais compris ceux qui commandait cette pizza, cela relevait du sacrilège pour moi. Puis…ça ne se mariait pas très bien avec le vin. Beth se pencha alors vers son sac, qu’elle avait posé par terre et me tendis une enveloppe, m’informant que cela venait de sa part et de celle d’Ivy.
— Oh Beth ! C’est trop gentil, merci.
Je rendis Ivy au bras de sa mère pour retrouver ma liberté de mouvement et découvrir le cadeau qui m’était fait. Le dessin de la main d’Ivy, guidé par celle de sa mère bien sûr, me toucha beaucoup.
— Hé mais c’est que tu pourrais en faire une artiste de cette petite ! m’enthousiasmai-je. Et…merci pour la séance spa.
Je m’approchai de ma meilleure amie et la pris dans mes bras.
— T’es la meilleure, tu sais ça ? 

« C'est ton anniversaire, on va regarder ton film favori ! », fit Beth, faisant mine de ne pas comprendre pourquoi sa meilleure amie lui proposait un programme plus rigolo. Elle évitait le sujet, tournait autour du pot, sans doute un peu parce qu'elle avait honte, aussi parce que la tristesse était tellement grande qu'elle ne savait pas comment l'aborder. Elle se sentait à la fois trahis et flouée, comme si on avait mis sa confiance aux ordures, comme si elle avait tout misé sur son meilleur ami et qu'il avait vu juste de tout gâcher pour une fille qui ne lui apporterait que du mal, et il le savait. Elle finirait par en parler, par exploser, sans doute plus tôt qu'elle ne le pensait. Mais pour l'instant, Beth se voilait la face, proposant non seulement du vin, mais aussi de la pizza pour ce soir. « C'est ton anniversaire, tu choisis ce que tu veux », proclama la brune comme le mantra de leur soirée. « Tu peux même y mettre ces abominables poivrons que tu aimes tant », gloussa-t-elle. Beth, elle n'était pas fan de ce légume. Mais Lys et Zak semblaient l'adorer. La brune le repoussait sans gêne, le leur donnait parfois même dans leur assiette, tant elle l'avait en horreur. Retrouvant son sérieux, Beth tendit le cadeau qu'elle et Ivy avaient préparé pour la belle artiste et les deux jeunes femmes firent un échange, Ivy retrouvant les bras de sa maman. Elle la berçait doucement, la câlinant au passage, épiant la réaction de son amie. « T'as vu, elle est pas mal pour un bébé, non ? », ria-t-elle. « Je l'enverrai rendre visite à tata Lys pour des conseils sur ses coups de crayon, par contre. Parce que pour ma part, c'est plutôt limité. » Elle n'avait pas l'âme d'une artiste, Beth. « Ça me fait plaisir », lâcha la brune en prenant son amie dans ses bras. « Arête, si j'étais parfaite, je crois pas que je me serais prise la tête avec mon meilleur ami pour une fille qui ne le mérite pas », souffla-t-elle en soupirant. Elle suivit Lys dans son appartement, son sac prêt à exploser. « Tu te rends compte qu'il est prêt à se foutre en l'air pour elle ? », demanda Beth, sans vraiment s'attendre à ce que Lys lui donne raison. « Il est prêt à risquer de tout perdre pour une droguée. Effy, elle ne lui apportera rien de bon. J'comprends pas, Milo, il est beau, gentil, il pourrait avoir n'importe quelle fille... Pourquoi il a besoin d'une... d'une.... » Elle était incapable de méchanceté, normalement, mais là, c'est comme si la colère et la tristesse prenaient le dessus. « Une conne comme elle. » C'était l'effet de la colère, elle ne pensait pas tout ce qu'elle disait. « Je ne devrais pas parler comme ça devant Ivy. » La brune soupira, embrassa sa fille avant de la déposer au sol.

— Je ne suis pas un tyran, je vais quand même t’éviter les poivrons, rigolai-je en attrapant dans ma cuisine le menu du camion Pizza en bas de chez moi.
Beth me fit sourire avec sa règle du « c’est ton anniversaire, tu choisis ». C’était tellement mignon et attentionné de sa part et cela lui ressemblait bien. Ainsi, nous regarderions Titanic ce soir, quand à la pizza, je décrétai que nous allions prendre une basique quatre fromages. Nous serions livrés d’ici trois-quart d’heure ce qui était parfait, Beth et moi pourrions gentiment prendre un apéritif et le temps de discuter. J’avais le sentiment qu’elle avait besoin de vider son sac ce soir.
— Je vais faire d’Ivy la meilleure artiste de sa génération, tu vas voir. Et tu as raison on part déjà avec un grand potentiel !
Malgré l’amorce légère de notre conversation, le ton de Beth devint d’un seul coup plus sérieux. Mon sourire s’abaissa doucement et j’abordai une mine désolée, quand elle m’expliqua qu’elle s’était disputée avec Milo à cause de sa nouvelle copine.
— Dis pas ça…
Au ton qu’elle employait, je me doutais que cette fille lui posait problème, mais ce que j’entendais surtout dans son discours, en filigrane, c’était de la peur, une inquiétude sincère pour son meilleur ami. Je la laissai continué, comme je l’avais prédit, elle avait besoin de se livrer.
— Oulah…t’y vas un peu fort, là.
J’avais très rarement entendu ma meilleure amie juré. Elle devait en avoir gros sur le coeur.
— Alors, d’abord, t’en fais pas pour Ivy, je suis à peu près sur qu’elle pense que t’as dis « lionne » ou un autre truc en « onne »…et ensuite, je connais un peu Effy, pas beaucoup, c’est vrai mais, elle me semble surtout…perdue cette fille. Et…peut-être qu’un garçon, beau et gentil et bourré de qualité comme Milo, peut effectivement l’aider. Qu’est-ce qui te fait peur ?
J’essayai au maximum de rendre ma voix douce, et mon ton bienveillant. Je cherchais à ce qu’elle se sente en confiance et qu’elle me parle sans filtre, qu’elle déballe tout, pour se débarrasser de ce qui la tracassais.

Beth n'était pas difficile quand il s'agissait de la nourriture. Mais les poivrons, ça, elle détestait. Seulement, elle connaissait l'amour de Lys pour ce légume qui en raffolait encore plus sur sa pizza. Pour son anniversaire, elle pouvait tout accepter. D'ailleurs, le mantra de la soirée, c'était ça. Son anniversaire, ses choix. Et Beth ne trouverait rien à en redire. L'artiste s'opposa aux poivrons, Beth gloussa un bon coup et la discussion se dirigea peu à peu vers la petite, le centre de l'attention de tout le monde, Ivy. « C'est déjà la meilleure, c'est Ivy », fit-elle fièrement avant d'éclater de rire. Pourquoi les parents avaient toujours cette manie de vanter leur enfant ? Au fond, n'étaient-ils pas peu objectifs quand il fallait parler de leur enfant ? « Peut-être que tu pourras analyser ses gribouillis, il paraît que ça révèle pas mal de choses, l'inconscient des bébés. », poursuivit Beth avec une part de sérieux, une part de plaisanterie. Le ton était léger, doux, jusqu'à ce que Lys qualifie la brune de meilleure. Et là, les événements des dernières heures revinrent la frapper de plein fouet. Elle n'était pas la meilleure, la meilleure ne se comportait pas ainsi. C'est ce qu'elle expliqua, précisant que c'était stupide de s'embrouiller avec Milo pour une fille qui ne le méritait pas. C'était peut-être fort, mais ce n'était pas moins ce qu'elle pensait. Et entre Lys et Beth, il n'y avait jamais eu de censure. Après la seconde insulte, Lys l'arrêta, trouvant que la brune y allait beaucoup trop fort. Il est vrai que Beth ne jurait jamais et qu'elle trouvait le bon dans tout, mais dans cette histoire, bien qu'Effy n'avait rien fait pour mériter ces mots, son côté protecteur prenait le dessus. « Tu penses ? », demanda la jeune maman en baissant les yeux vers Ivy, le regard déjà désolé. « Au risque de perdre Milo ? », demanda-t-elle rapidement quand Lys sembla prendre parti d'Effy. « Il est fragile, je le sens depuis quelque temps déjà... Il y a quelques mois, il avait failli reconsommer, par chance Niels l'avait aidé à passer par-dessus le manque. Effy, tout ce que je sais d'elle, c'est qu'elle baigne dans la drogue et qu'elle n'a aucune intention d'arrêter. Comment on peut continuer d'être sombre quand on fréquente une fille comme elle, dis-moi ? »

L’inquiétude de Beth pour Milo était palpable, elle occupait presque toute la pièce dans laquelle nous nous trouvions. Et nous avions beau discuter innocemment d’Ivy et de ses dessins, je la sentais peser au dessus de nous.
— Je suis pas certaine que ta fille ait un inconscient très chargé, laisse-lui encore quelques petites années d’innocence, les tracas viendront bien assez vite.
Malgré tout, il y avait du vrai dans ce que disait Beth. Le dessin permettait d’exprimer bien plus que ce que cela ne laissait croire, de prime abord. J’étais bien placée pour le savoir. Mes propres émotions, je les faisais souvent passer par la peinture, déchargeant sur la toile tout ce que ma bouche ne parvenait à exprimé. J’avais souvent peint la colère que je nourrissais envers ma mère par exemple, le chagrin d’avoir perdu mon père, mes joies aussi, mes désirs. Combien de fois avais-je dessiné des courbes sur mes chassis en songeant rêveusement au corps d’Azriel ou à celui d’autres amants. Mais Ivy n’avait encore rien de tout cela à exprimer. Sans doute percevait-elle le trouble de sa mère, mais elle n’avait probablement pas conscience de ce qui se tramait dans la vie si compliqué des adultes.
— Je comprends que ça te fasse peur, mais Milo a des raisons de résister, il y a Ivy, et toi…je suis certaine que ça lui donne la force de ne pas craquer et tu l’as dit, il n’est pas seul. Niels et Azriel ne le laisseront pas replonger, et…Effy, peut-être a-t-elle besoin d’aide aussi. Tu…tu veux que j’en parle à Az ? Il saura peut-être trouver les mots pour parler à Milo et s’assurer qu’il va bien.

C'était sans doute Beth qui avait des tracas bien trop gros et qui les projetait involontairement sur les épaules de sa fille. C'est les dessins de la brune que Lys devrait analyser. Des tracas, des inquiétudes, Beth en avait des tonnes. Et pas que concernant sa fille. Ivy, elle était le moindre de ses soucis actuellement, dans le sens où elle allait bien et que malgré ses courtes nuits causées par ses maux de dents, Beth avait atteint un point de la maternité où elle se faisait confiance et où elle craignait moins de faire des erreurs. Ses plus grosses inquiétudes actuellement touchaient, oui un peu Ivy, mais surtout ce qui pourrait lui arriver si jamais Milo se laissait retenter par les drogues et tout ce qui venait avec elles. Mais, aussi, elles étaient tournées vers son meilleur ami. Sa santé physique et mentale, la santé aussi de son coeur qui menaçait de se briser dans les bras d'une fille aussi destructrice que celle dont il tombait petit à petit amoureux. Beth ne connaissait pas personnellement Effy et, au fond, normalement elle n'aurait pas eu de jugements envers elle, elle aurait même sans doute tenté de l'aider si la vie les avait fait se croiser d'une autre façon, elle et son grand coeur. Seulement, là, elle représentait le danger parce qu'elle était une tentation pour celui qui comptait presque plus que tout dans sa vie, son grand-frère de coeur, mais aussi une des personnes les plus importantes pour sa fille. Si Ivy grandissait sans père et sans grand-père, elle grandissait avec un tonton qui était prêt à porter n'importe quel chapeau pour le bien de la petite. Et la brune ne supportait pas que tout soit mis en péril pour les beaux yeux d'une tentation bien trop attirante pour y résister. La traductrice fit part d'une parcelle de ses inquiétudes à sa meilleure amie. Lys, elle, tentait de la résonner, de lui faire comprendre qu'Effy avait peut-être besoin d'un garçon comme Milo pour changer. Oui, peut-être, et elle concevait que Milo était le meilleur homme sur qui elle pourrait sans doute tomber. Mais la peur qu'elle ne l'écorche plutôt qu'elle ne le laisse l'aider était bien trop forte. C'était comme l'instinct maternel, ça ne trompait pas. Et pour elle, il s'agissait d'une question de temps avant que le pire ne se produise. « Non », fit Beth en secouant la tête lorsque Lys proposa de parler à Azriel. « Si j'ai peur, c'est que Milo aurait pu craquer, il y a quelques mois. Heureusement, il s'est montré fort et a jeté la drogue dans les toilettes... Mais cette fois, la tentation, elle serait bien plus grande. » Il fallait que Lys comprenne. Beth prenait une grande inspiration, fermant les yeux l'instant de quelques secondes pour bien placer un mot devant l'autre. « S'il a le choix entre consommer pour garder la femme qu'il aime ou la laisser partir, Lys, je ne crois pas qu'il sera en mesure de résister... » Et ce même s'il y avait Ivy, Beth, Niels et Azriel.  

Beth se faisait du soucis pour Milo, c’était ce qui transparaissait en premier. Leur amitié était spéciale, elle était unique. Plus qu’un lien simplement amical ou même quelque chose d’un peu fraternel, la connexion qui existait entre eux était forte et je savais que l’épreuve qu’ils traversaient n’était qu’un passe, qu’ils finiraient par retourner l’un vers l’autres. Cela demanderait sans doute un peu de temps, et quelques oreilles attentives. Je prêtais volontiers les deux miennes à la jeune et belle anglaise. Elle avait besoin de parler, d’exprimer à voix haute ce qu’elle avait sur le coeur, elle avait besoin de se défaire de cette charge qui lui pesait sur le mental. Et j’étais là. Beth était entré dans ma vie comme la tornade silencieuse qu’elle était, à peine quelques mois plus tôt. Elle n’avait pas fait de bruit, rien cassé sur son passage et pourtant, mon univers s’en était vu complètement retourné. J’avais vécu assez peu d’amitié avec des femmes, me liant plus facilement avec les garçons, comme avec Alex, Viktor, Jackson ou Azriel. Mais avec Beth c’était différent. Elle avait été d’un soutien incommensurable quand j’avais eu besoin d’elle, c’était à mon tour de lui rendre la pareille.
— Tu viens de le dire, il a eu la force d’y résister, et tu sais…je connais Milo depuis quelque temps maintenant et il a changé, en quelque sorte, depuis qu’il est rentré de cure. Depuis que tu es là. S’il a déjà replongé par le passé, je ne suis pas sûre qu’il recommencerait aujourd’hui. Je ne pense pas qu’il laisserait derrière lui les efforts qu’il a fait, pour lui-même déjà, et puis pour ses amis, pour toi, pour Ivy. Je ne crois pas qu’il craquerait aujourd’hui, même pour une fille.

L'histoire entre Beth et Milo était particulière. À peine arrivée à Bowen, encore en recherche d'un endroit pour vivre définitivement, elle s'était rendue à l'hôpital dans le but de trouver un médecin pour la suivre dans sa grossesse. Il fallait dire que ce détail l'importait plus que de trouver un endroit où vivre, la compagnie de son père qui payait le séjour à l'hôtel en attendant qu'elle trouve. Dans les couloirs de l'hôpital, à la recherche de l'endroit où elle devait se rendre, elle était tombée sur lui. Coup de foudre. Pas d'amour, mais une grande complicité, déjà. Ils s'étaient tous les deux ouverts. Il était la première personne à qui elle avait parlé de sa grossesse. Et elle était l'une des seules à savoir les détails de sa désintox. Ensemble, ils s'étaient promis de reconstruire le monde. Ils s'étaient promis de toujours être ensemble et de veiller l'un sur l'autre. En le laissant se lancer dans une relation amoureuse comme celle qui planait avec Effy, Beth échouait, elle brisait la promesse qu'ils s'étaient toujours faite : d'être là, de veiller l'un sur l'autre. Elle n'avait aucune confiance en cette Effy, alors qu'elle ne la connaissait pas du tout, parce qu'elle représentait la tentation absolue pour son meilleur ami. Et Milo, il donnait coeur et âme dans sa relation avec Beth, ça ne pouvait être qu'accentué dans une relation où il aimait d'amour. « Peut-être que tu as raison, Lys », faisait Beth en soupirant. « Mais peut-être que tu as tort, aussi. Et ça, je ne suis pas prête à le voir... J'ai un mauvais pressentiment. » Ce n'était pas à Ivy ou à Beth qu'il penserait si la drogue revenait le titiller. Non. Il saurait que c'est mal. Il saurait que c'était pas la meilleure des idées. Mais l'envie serait plus forte, plus enivrante que celui de résister. Et il serait trop tard. S'il se remettait à consommer, il ouvrirait des portes menant droit aux enfers. Et cette fois, il serait presque impossible de revenir. « Mais il est adulte. Et il fait ses choix. Il est assez grand pour le faire », capitula la brune comme pour clore la conversation. « Je ne l'empêcherai pas de trouver l'amour. Si c'est celle qu'il lui faut, c'est seulement sans doute que je ne suis pas celle qui lui faut comme meilleure amie. » Et elle prendrait les distances qu'il leur faudrait pour le laisser vivre cet amour sans restrictions. Et si ça voulait dire partir du treize, se trouver un petit appartement et refaire sa vie en apprenant à vivre sans lui, elle le ferait. Pour le savoir heureux avec la fille qu'il voulait, elle le ferait. Mais ça ne serait pas avec elle.

Je n’arrivais pas à trouver les mots pour rassurer Beth, car je voyais bien que toute cette histoire la troublait fortement. Je savais le lien qui l’unissait à Milo, je savais à quel point ils étaient proches et l’inquiétude de ma meilleure amie transpirait de ses pores, un sentiment de peur qui n’était pas rationnelle, je savais qu’il m’allait être difficile de la tranquilliser.
— Essaie de lui faire confiance…
Il fallait à tout prix qu’elle accorde du crédit à Milo. J’entendais la peur de Beth, j’appréhendais les scenarii qui lui passaient par la tête, et je comprenais que ça l’effraie, mais Milo avait changé, j’en étais intimement convaincue. De plus, je savais que l’épreuve ne serait pas facile pour lui, et elle le serait encore moins avec Beth loin de lui. La belle anglaise était devenue l’un de ses piliers, c’était évident. Mais ce que Beth affirma par la suite me fit de la peine, pour elle et pour Milo.
— Beth…ça n’a rien à voir. Pourquoi tu ne serais pas l’amie qu’il lui faut ? Bien sûr que tu l’es…On parle de Milo, là. C’est le type le plus adorable du monde…bon, sans compter Az, mais, lui est hors compétition.
Je lâchai un petit rire, espérant détendre l’atmosphère.
— Donne-lui du temps, ne balaye pas votre amitié comme ça. Ce serait gâcher une belle histoire…crois-moi, je sais de quoi je parle, j’ai failli gâcher la mienne.

Elle cherchait son verre de vin à tâtons et avec une urgence. Elle en avait besoin, Beth. Ça en était presque vital. Et elle coula un regard sur sa fille entre ses bras. Ivy, dormant paisiblement, sa respiration courte et pourtant si paisible. La brune reposa aussitôt son verre de vin. Ce qui lui faisait du bien, c'était son bébé, l'amour de sa vie. Et actuellement, l'Anglaise avait besoin de la présence de sa fille pour canaliser toute sa peine. Elle serait la petite dans ses bras, presque comme si sa vie en dépendait, respirait l'odeur de ses cheveux entre ses réponses à sa meilleure amie. « Je lui fais confiance », soupirait-elle. « C'est à elle que je n'en fais pas. » Milo aurait pu choisir n'importe quelle autre fille que la question ne se serait pas posée. Évidemment, elle se serait montré protectrice envers Milo, aurait jouer les meilleures amies difficiles. Mais elle se serait vite adoucie. Parce qu'en réalité, ce qu'elle voulait, c'était le bonheur de son ami. Et cela passait aussi par de l'affection, de l'amour. Il avait besoin de ça. Mais ce qui lui faisait peur, à Beth, c'était son choix de fille. Cette Effy, elle ne la connaissait pas réellement, Beth. Mais elle la craignait. Parce que de ce que Milo en avait dit, elle ne semblait pas être la meilleure influence pour lui. Elle était à l'origine de cette overdose qui les avait fait se connaître. Elle était toujours dans ce monde de consommation alors que lui, il ne l'était plus. Alors, comment pourraient-ils avancer à deux. Ce n'était pas à Beth de juger. Et pourtant, pourtant elle n'y pouvait rien. Elle le faisait. Inlassablement, elle jugeait. « Parce que je n'arrive pas à accepter son choix, Lys », fit-elle en soupirant, quand sa meilleure amie lui demandait pourquoi elle ne pouvait être une bonne alliée pour Milo. « Je ne pourrai pas le voir se détruire. Je.. » Ivy bougeait dans ses bras, Beth resserrait son étreinte. « Comment tu te sens, toi? C'est ton anniversaire, c'est toi la reine. »

Beth avait confiance en Milo, ça n’était pas le problème. Pour autant, cela ne l’empêchait pas d’avoir peur. Elle avait peur que sa nouvelle relation ne l’entraine vers des eaux profondes, desquelles il avait déjà eu du mal à s’extirper lui-même quelques mois plus tôt. Le lien qui unissait les deux colocataires étaient fort, et allait au delà de la simple amitié. Il y avait quelque chose de presque filiale entre Milo et ma meilleure amie. Le même amour qui unissait un frère et une soeur. Beth avait du mal à accepter le choix du jeune guitariste, en ce qui concernant sa relation avec Effy, mais pouvait-on réellement parler d’un choix lorsqu’il était question d’une attirance ? Cela ne tombait dessus, bien souvent, sans que ne puisse tout à fait le rationaliser. Je n’avais que très peu rencontré Effy, et je ne me sentais pas capable de juger cette jeune femme, même si je comprenais les inquiétudes de ma meilleure amie. J’avais envie de faire confiance à Milo, malgré tout.
— Je ne pourrais pas le voir se détruire, non plus, avouai-je tout de même à Beth.
Je connaissais Milo depuis plusieurs années, depuis que lui et Azriel étaient colocataires et j’appréciais énormément le jeune français. Je le considérais comme un ami cher. Je n’étais pas prête, non plus, à le voir dévaler la pente qu’il avait eu temps de mal à remonter. J’essayais d’être optimiste et espérais sincèrement ne pas me tromper. Le sujet revint à mon anniversaire et je collai un sourire enjoué sur mon visage, baissai les yeux vers la petite Ivy, puis le redressai vers sa maman.
— La reine, je ne sais pas, rigolai-je, mais en tout cas, ça me fait plaisir de vous avoir toutes les deux à la maison ! Ca faisait longtemps qu’on ne s’était pas fait une petite soirée pyjama entre filles !

fin