who's gonna walk you through the dark side of the morning ⤅ rose

who's gonna walk you through the dark side of the morning

Musique.

Se baladant le long des rues animées de Bowen, au léger brouhaha joyeux qu’elle pouvait percevoir, Saoirse avait un simple sourire en coin accroché à ses lèvres minces, respirant ce vent de bonne humeur au goût de liberté. Sa canne scannant prudemment le chemin devant elle, elle avançait d’un pas enjoué, commençant petit à petit à se sentir à l’aise dans cette ville dont elle apprenait à connaître la configuration. Elle avait déjà une meilleure connaissance des rues et des commerces qui s’y trouvaient, des carrefours dangereux et des endroits moins fréquentables, aussi. La violoniste avait pris l’habitude de s’offrir une balade ensoleillée presque tous les jours, arpentant le centre-ville sans but précis, son violon à la main. Souvent, elle passait par la petite place, avec sa fontaine au doux bruissement d’eau ruisselante et ses bancs entourant l’espace. En passant par là aujourd’hui, ce fut le son de la musique qui l’attira, lui décrochant un sourire intrigué et appréciateur. De ce qu’elle pouvait entendre, c’était un groupe de trois musiciens qui jouait. Elle s’installa tout d’abord en spectatrice, sur le côté, un peu à l’écart de la foule qu’elle ne pouvait voir, se dépeignant lentement une image mentale de l’emplacement des gens autour d’elle. Lorsque le deuxième morceau toucha à sa fin, Saoirse s’avança de quelques pas, tel un chat curieux, pour aborder un des musiciens et proposer sa contribution, désignant son violon. Elle ne voulait pas s’imposer, mais c’était le genre d’occasion qu’elle saisissait, celui de partager un petit moment simple et agréable avec des inconnus. Le groupe accepta avec plaisir et ils se mirent d’accord sur une reprise de "It ain’t me". Prenant place aux côtés des autres musiciens, la rouquine leva son archet et entama la chanson, sourire aux lèvres, regard perdu dans le vague. La musique était envoûtante, parfois mélancolique et à la fois si positive. À la fin de la chanson, quelques applaudissements se firent entendre. « Et remercions pour sa participation, la talentueuse… » commença l’un des membres du groupe, et la jeune femme put sentir qu’il se tournait vers elle pour avoir son prénom. « Saoirse. » souffla-t-elle avec un sourire en coin amusé. « Saoirse ! » acheva le musicien, suite à quoi la rousse inclina légèrement la tête en souriant, comme une révérence au public qu’elle ne pouvait voir, mais bien entendre et percevoir.

À la fin de la prestation, un sentiment d’épanouissement l’étreignit, un petit moment du bonheur simple dont on jouissait sans trop savoir pourquoi. Doux et éphémère, justement dosé. Et à la fois, une pointe de mélancolie vint se mêler à cette petite bulle de chaleur autour de son cœur. Peut-être étaient-ce les notes, les paroles de la chanson bien qu’elles n’aient pas été chantées ici. Saoirse les connaissait par cœur, comme celles de bien d’autres musiques. Ou simplement un coup de cafard passager, qui venait lui rappeler qu’elle n’avait peut-être pas vraiment le droit d’être aussi contente, de se sentir bien. Alors qu’une larme salée pointait le bout de son nez au coin d’un de ses yeux, tandis qu’elle rangeait son violon dans son étui. Elle se déconcentra de ses mouvements en entendant le son de pas sur les pavés se rapprocher, plus près que ne l’auraient fait ceux d’un simple passant. Elle se redressa légèrement, se tournant déjà vers là où la personne était censée se tenir, et une voix s’éleva effectivement près d’elle. Un sourire amusé étira les lèvres de la rouquine en entendant la question, et en percevant l’accent de la jeune femme. Moins prononcé que le sien, certes, mais elle pouvait entendre les restes d’intonations rustiques de son pays d’origine. « C’est ça. Et vous avez vu juste. » répondit l’aveugle d’une voix joviale. « J’imagine que vous aussi ? » demanda-t-elle à son tour, et ses iris vert-gris auraient pétillé s’ils n’étaient pas devenus si vitreux suite à son handicap.