#06 - last night was the last night of my past life (elmo)

Jour de repos, Bella avait branché son téléphone au Bluetooth de son haut-parleur portatif, une playlist entrainante qui bourdonnait en fond sonore alors qu'elle entreprenait le grand ménage de son appartement. Planchers, fenêtres, miroirs, cabinets de la cuisine, tout allait y passer. La musique teintait l'ensemble de l'appartement, accompagné des, par moment, interventions vocales de la brune. Bella, ce n'était clairement pas la meilleure des chanteuses, ce n'était un talent qu'elle n'avait pas eu à la naissance, mais quand personne l'écoutait, encore moins ses amis musiciens, elle avait comme plaisir coupable de se laisser vibrer au son de la musique, de vivre les paroles, de se croire dans une salle de concert, en grande représentation devant tout Bowen. Et c'était d'ailleurs ce qu'elle faisait, limite avec la brosse à récurer les toilettes dans les mains en guise de micro, alors que la vibration et la sonnerie de son téléphone la fit revenir à la réalité. Brosse retombée dans les toilettes, gants retirés, elle s'était dirigée vers l'appareil, impossible pour elle de ne pas le consulter à la minute près où il sonnait. Et pour le coup, elle avait eu raison de s'arrêter dans sa corvée. Les Writers avaient encore frappé. Et ce n'était pas peu dire. Devant ses yeux, un récapitulatif des histoires de couchette de la ville. Tout pour intéresser la brune qui, amoureuse des histoires et des ragots, s'asseyait déjà sur l'accoudoir du canapé pour consulter l'article. Son sourire se perdit quand elle tomba sur sa photo. Viktor. C'était écrit, noir sur blanc, elle avait couché avec Viktor. Et elle ne l'avait toujours pas dit à Elmo. Et si elle se fiait à leur obsession commune à leur téléphone cellulaire, il devait être exactement en train de consulter la même chose qu'elle à l'instant. Paniquée, elle avait tout planté derrière elle, au diable les corvées... Bella s'était alors directement rendu chez Elmo, sans même s'annoncer. Et une fois devant la porte du #06, après une grande respiration, elle se décida à toquer dans l'espoir qu'il daigne lui répondre...  

Ce n’était pas jour de repos pour Elmo, qui avait débuté très tôt sa journée en ouvrant le café où il bossait comme barista, mais commencer tôt signifie également que pas très longtemps passé midi, il termina son quart de travail. La journée s’offrait à lui, il profita d’ailleurs du chemin du retour pour s’arrêter dans son magasin de musique préféré, où de vieux vinyles dénichés un peu partout dans le Queensland étaient vendus. Il s’acheta le vinyle de Beck, l’album Sea Change, avec son pourboire de la semaine. Il aurait probablement dû songer à arrêter de dépenser pour tout et n’importe quoi et épargner, lui qui n’avait que ce job d’étudiant alors qu’il n’était même plus étudiant, lui qui avait encore du mal à joindre les deux bouts mais qui se comportait quand même comme un irresponsable. Mais le sourire sur son visage en contemplant la grosse pochette chassait tous les doutes. Si seulement un sourire avait pu chasser les doutes qui traverseraient son esprit dans les minutes qui suivraient … À peine sorti du magasin de disques, Elmo sortit son téléphone pour scroller les nouveautés en marchant, comme il le faisait toujours. Un rire s’échappa d’entre ses lèvres en voyant le nouvel article des Writers, qui promettait bien des ragots pour les prochains jours. Il ne s’attendait malheureusement pas à tomber sur l’une des diapositives, celle de Bella, accompagnée de son propre nom, de celui de Milo sans surprise, mais aussi de celui de … Viktor. Elmo fronça les sourcils. Il savait que Viktor et Bella n’avaient jamais eu d’histoires par le passé, elle le lui aurait dit, ils avaient parlé de lui à de nombreuses reprises puisque l’italien ne le portait pas dans son cœur depuis sa relation avec Vega. Les pensées s’entremêlaient dans sa tête jusqu’à ce qu’il mette en place les morceaux et qu’il réalise que si Bella et Viktor avaient réellement couché ensemble, c’était une histoire récente. Dans la dernière année. Leur dernière année. La mâchoire serrée, Elmo avait accéléré le pas jusqu’à chez lui, monté les escaliers quatre par quatre avec la ferme intention de claquer la porte une fois rendu dans son logement. Mais face à cette porte sur laquelle il aurait voulu se défouler, se trouvait Bella, à cogner dessus. Elmo s’arrêta au début du couloir, puis marcha vers elle en brandissant son téléphone, face vers la costaricaine. « J’sais pas si t’es au bon endroit. C’est moi que tu cherches ou bien c’est Blackbird ? Lui se trouve du côté des ordures. » Cracha-t-il.

Main tremblante, elle savait bien que la nouvelle ne passerait pas, que son petit ami serait sans doute en colère contre elle, parce que de cette histoire, ils n'en avaient pas parlé. Elle ne lui avait jamais évoqué le nom de Viktor. Et ce n'était pas bien compliqué de faire le calcul, de savoir que cette histoire, elle n'était pas vieille de mille ans. Main tremblante, elle toquait à la porte d'Elmo se doutant fort bien de la colère qui l'habiterait. Parce qu'elle, elle l'aurait sans doute trucidé à travers le téléphone, si elle avait découvert qu'il lui cachait une histoire de couchette comme celle-là. Rappelons qu'elle n'avait pas été de mains mortes, quand elle l'avait vu, sur les réseaux sociaux, alors qu'ils n'étaient pas encore ensemble, se laisser lécher le visage par une amie. Quelle crise ne lui avait-elle pas faite à cet instant ? Et, ici, on parlait d'une inoffensive photo postée sur Instagram, pas d'une histoire d'un soir qu'il avait omis de lui dire. Elle s'attendait à une colère, à une colère monstre, elle s'attendait à un Elmo blessé, déçu, trahi. Et à ça, elle n'aurait rien d'autre à lui répondre que de lui donner raison. Il aurait raison. Et elle était coupable. Mais dans l'optique de limiter les dégâts, elle n'avait pas réfléchi, elle s'était précipitée chez lui, de peur qu'attendre ne fasse qu'empirer la situation. Et, attendre, Bella trouvait qu'elle l'avait bien assez fait ainsi, pour lui donner des explications. Alors elle toquait, de cette main tremblante, à la porte de l'Italien où personne ne répondait. Et elle toquait de nouveau, décidée à ne pas abandonner aussi rapidement. Et s'il ne répondait pas encore, elle finirait par l'appeler, à tenter de le convaincre de lui laisser la chance de lui raconter les circonstances de toute cette histoire. Mais elle n'eut pas besoin de le faire, parce que derrière elle, il était là, son téléphone tendu sous les yeux de l'étudiante, exactement sur cette diapositive, sa diapositive. Bella Garcia. Un coeur sous le nom d'Elmo, accompagné de deux autres têtes masculines, dont l'un qui lui faisait bien plus de mal que l'autre. « Je te jure que j'allais te le dire », soupira-t-elle en cherchant le regard d'Elmo, regard qui la foudroyait sur place. « Ça ne veut rien dire, j'en ai rien à foutre de ce mec ! » Coupable, elle ne chercha pas à se défendre de ses actes. Lui mentir, lui dire qu'elle n'avait pas couché avec lui, ce serait encore plus douloureux. Seulement, elle n'allait pas se laisser passer pour ce qu'elle n'était pas. Elle allait se défense, sur le timing, sur les raisons qui faisaient qu'elle avait voulu coucher avec un autre que lui. Parce que dans l'histoire, il ne fallait pas oublier qu'Elmo, il lui avait dit de l'oublier...

Le corps tout entier de Bella sembla se figer quand elle entendit la voix d’Elmo, devina sa présence. Elle trouva tout de même le courage de pivoter vers lui, lui qui aurait peut-être préféré ne pas avoir à lui faire face, pas maintenant. Il aurait volontiers pris quelques heures de plus pour digérer la nouvelle, pour faire de l’ordre dans sa tête, relativiser peut-être. Les conclusions auraient sans doute été les mêmes, mais les mots auraient sans doute été moins durs. Parce que faire du mal à Bella, c’était la dernière chose que l’italien voulait. Mais sous la colère qui n’avait pas encore dit son dernier mot, Elmo était incapable de se contrôler. Le regard de la costaricaine allait de la diapositive vers lui, de lui vers la diapositive. Ce fichu carré dans son écran qui risquait de tout envoyer valser. Une année complète à s’aimer dans le silence et maintenant qu’ils étaient prêts à avancer, main dans la main, tout volait en éclats. Que resterait-il d’eux, après ça ? « Ouais, c’est facile à dire ça, maintenant que je le sais, maintenant que t’as plus de temps devant toi. Tu me l’aurais dit quand, Bella, hein ? Sur mon lit de mort ? » Il secoua la tête, il était dans l’exagération, dans l’overreaction, mais il était vrai que les mots qu’elle choisissait n’avait rien de réconfortants. La brunette continua en lui assurant que ce mec-là, elle n’en avait rien à faire, que ça ne signifiait rien pour elle. « Mais moi, j’en ai quelque chose à foutre, de ce mec ! Fuck, tu sais à quel point je le déteste. Tu sais tout de l’histoire, tu sais comment ça s’est fini avec Vega, tu sais tout ce que je pense de lui. Alors pourquoi, pourquoi lui ? Tu voulais à ce point-là me blesser ? » Il laissa son bras retomber, sa main refermée sur son téléphone toujours ouvert. Il haussa les épaules, nonchalant. « Et bien bravo, mission accomplie. » Il se sentait trahi par celle qu’il aimait, il avait l’impression qu’elle s’était moquée de lui, l’humiliant alors que pour la première fois de sa vie, il ouvrait réellement son cœur.

C'était vrai, elle pouvait lui concéder ça, c'était facile de lui dire ça après qu'il ne l’ait appris par nul autre que le journal à ragots de la ville. Les Writers se faisaient un malin plaisir de se foutre le nez dans ce qui ne les regardait pas. Et si la plupart du temps ils racontaient n'importe quoi, dans le cadre de cet article-là, ils avaient visé juste. Du moins, pour la diapositive sur Bella. À vrai dire, elle avait arrêté de consulter le diaporama après celle-là. Ça avait été suffisant pour lui couper l'envie de découvrir le reste ! Alors, oui, il avait raison, c'était facile de dire ça après coup. Et sans doute qu'elle s'attendait à ce qu'il lui réponde un truc du genre. Mais le reste, par contre, c'était de la méchanceté gratuite. Lui, est-ce qu'il lui avait dit quand il avait couché avec Lux ? Non, non c'était la blonde qui lui avait craché au visage. Et, quand elle était allée le retrouver en Italie, lui avait-il dit dès son arrivée qu'il ne comptait plus revenir à Bowen ? Non, non, il avait attendu la fin de leur idylle à deux. S'il voulait commencer à comparer leurs erreurs, elle aussi, elle pouvait lui remettre sous le nez ce qu'il avait fait par le passé. Mais elle ne le fit pas, par respect, parce qu'il était en colère avec raison. Tout ce qu'elle trouva à dire, c'était : « Non, je voulais juste trouver le bon moment pour le faire... » Parce qu'elle avait vu comme il avait été blessé quand il l'avait vu avec Joey. Et Bella, la dernière chose qu'elle souhaitait, c'était de le blesser davantage. Elle tenta de se justifier, lui expliquant qu'elle n'en avait rien à faire de Viktor, que ça aurait pu être n'importe qui que ça n'aurait rien voulu dire à ses yeux. Mais ce n'était pas convaincant. Et il repartait de plus belle, Elmo. « À ma défense, j'savais pas que tu le détestais quand j'ai couché avec lui... », souffla-t-elle, comme si ça pouvait changer quelque chose. La vérité c'est qu'elle avait su l'histoire entre Vega et Viktor qu'après avoir couché avec lui, quand Elmo était encore en Italie. Elle avait rencontré Vega pour lui parler de son erreur d'avoir tenté d'oublier Mo dans les bras d'un autre et rapidement l'étudiante en politique lui avait expliqué leur passif amoureux, ne manquant pas d'informer Bella de la haine qu'il y avait entre lui et Elmo. Ce n'était qu'à son retour, qu'Elmo lui avait parlé de Viktor. Et à ce moment-là, le mal était déjà fait. « T'as vraiment envie qu'on règle ça ici, au beau milieu du couloir ? » Elle espérait qu'il l'invite à rentrer, qu'il se calme pour qu'elle puisse tout lui raconter, qu'elle lui dise qu'au fond, elle avait tenté de l'oublier quand il lui avait rendu son coeur en quittant Sorento.

hj:

Ses excuses rentraient par une oreille et sortaient de l’autre. Non, pire, elles passaient en boucle jusqu’à en perdre tout leur sens, pour qu’Elmo les rejette plus violemment à la figure de Bella. Il secoua encore la tête de gauche à droite quand elle parla de bon moment. Il ne voulait rien entendre, et surtout, il ne voyait aucune vérité dans les paroles de sa petite amie. Il était braqué, s’étant déjà monté toute l’histoire dans sa tête et il aurait besoin de quelques minutes pour décanter, sans doute. « Le bon moment ? J’suis revenu y’a presque cinq mois et t’as pas trouvé le bon moment encore ? C’est vrai, j’imagine qu’en passant trois nuits par semaine ici, en venant chiller avec toi sur le divan pendant que tu révises, en ayant des dates le week-end, y’a aucun de ces moments-là qui était propice. » Lâcha-t-il. Cinq mois, c’était long, sa plus longue relation à vie, alors qu’elle lui dise qu’elle n’avait pas trouvé le bon timing pour lui révéler cette information pourtant bien importante pour eux, Elmo voyait rouge. Il continua à s’emporter, surtout parce qu’il était question de Vitkor et qu’il était persuadé que sa haine était tellement immense que tout le monde devait être au courant de ce qu’il pensait de ce mec. Bella le reprit rapidement, rectifiant sa pensée en lui affirmant que lorsqu’elle avait couché avec lui, elle ignorait cette information. « Ah, bien, en plus ça me permet de mieux situer le moment où tu te l’es tapé. » Répondit-il, comprenant que c’était pendant son absence, pendant qu’il était en Italie. Vega lui avait écrit pour lui raconter qu’elle avait parlé avec Bella de sa relation avec Viktor. Sa meilleure amie avait toutefois omis de lui mentionner pour quelles raisons le sujet de Viktor était atterri sur la table, à ce moment-là. Le savait-elle, donc ? Forcément. Il n’y avait pas d’autres explications. « Alors pendant que tu m’faisais sentir cheap pour une photo avec une amie d’enfance, toi tu te tapais quelqu’un, vraiment cool. Et à chaque fois que je t’ai parlé de Viktor après ça, toi tu faisais comme si de rien était. Ça, ça aurait pas été le bon moment, tu penses ? » Demanda-t-il, ramenant le premier sujet sur le tapis. Bella lui demanda alors s’il voulait vraiment régler cette histoire ici, dans le couloir de son logement. « Non, t’as raison, j’veux pas que mes voisins apprennent à quel point j’ai pu être con … » Il déverrouilla la porte puisque visiblement, personne n’était là. Il entra et laissa rentrer Bella, ne s’attardant pas davantage dans l’entrée. Elle pourrait refermer la porte toute seule. Il alla s’asseoir à une chaise de la table à manger.  

Spoiler:

Est-ce qu'il y en aurait vraiment eu un, un bon moment ? Ou, alors, cette nouvelle n'aurait fait qu'ombrager leur relation peu importe le moment choisi pour le lui dire ? Dans tous les cas, tout aurait volé en éclat. Cependant, Elmo avait raison, elle aurait pu le lui dire avant. Il l'aurait mérité, d'ailleurs, de le savoir avant, plutôt que de passer cinq mois à ses côtés sans qu'elle ne lui laisse savoir sa part de vérité. Si Bella apparaissait confiance, sûre d'elle, forte, elle ne l'était pas tellement. Elle était faible, sa confiance en elle vis à vis les relations amoureuses était tellement mince qu'elle avait eu l'impression que cette bombe le ferait fuir, qu'il la détesterait si elle osait le lui dire. Parce que lui, il n'avait pas eu le besoin d'aller voir d'autres filles à Sorrento. Et il avait pris soin de le lui confier. C'était peut-être ça, aussi, qui l'avait empêcher de parler, d'oser se confier, la peur que sa vision d'elle changerait pour une action posée avant même leur relation officielle. Aux accusations d'Elmo, elle ne trouvait rien d'autre à dire que le silence et un hochement de tête. « Tu as parfaitement raison », fit-elle savoir à son peut-être ex-petit ami, signe qu'elle reconnaissait ses torts dans l'histoire et qu'elle lui donnait raison. Cinq mois, c'était long. Et elle aurait tout le temps de le lui dire, avant qu'il l'apprenne sur le blog à ragots de la ville. Seulement, quand elle lui avait dit qu'elle comptait le lui dire elle-même, c'était aussi vrai. Et ça, elle espérait qu'il finirait pas le croire, au delà des apparences. « C'est tellement pas la même chose, Elmo ! », s'opposa Bella quand il lui remit sur le nez la crise qu'elle lui avait fait. Mais il avait raison. Et là, c'était l'orgueil qui parlait. « J'ai pas affiché publiquement que j'étais avec un autre exprès pour te faire du mal.. » Parce qu'au fond, en publiant cette photo, il devait bien le savoir que Bella l'aurait vu, qu'elle aurait été témoin de cette proximité avec une autre. Il aurait pu au moins avoir la décence d'être subtil, non ? Non, surement pas.. « J'aurais dû, oui, j'aurais dû te le dire dès la première fois que tu l'as mentionné... J'aurais dû et je l'ai pas fait parce que j'ai eu peur de te perdre.. » C'était son coeur qui parlait, là, et pas que des excuses pour se débarrasser de l'histoire. Dans le couloir de l'appartement, le ton n'était pas tout à fait calme. Et il ne le serait pas davantage, si Bella chercherait à s'expliquer, Elmo répliquerait. Elle n'avait définitivement pas envie que ses voisins soient au courant de toute leur querelle ni même qu'ils soient aux premières loges de leur séparation, s'il en faisait le choix. La Costaricaine espérait qu'ils n'en restent pas là, qu'Elmo l'inviterait à entrer pour mettre les choses aux claires, avant de prendre une décision sur leur relation. Et il l'invita à entrer, oui, sans pour autant manquer une nouvelle occasion de lui faire comprendre sa frustration. Bella encaissait, après tout, elle l'avait mérité. Et une fois à l'intérieur, elle le suivi jusqu'à la salle à manger. « Je sais pas quoi te dire, Elmo. Chaque fois que ça semblait un bon moment pour te le dire, j'avais peur.. J'avais peur qu'on en soit là, à se disputer pour une histoire qui n'avait tellement pas d'importance parce que c'était avant nous. » Le nous officiel, évidemment, parce que eux, ils l'étaient depuis cette première nuit où tout avait dérapé. « Tu m'avais quitté, tu m'avais dit de t'oublier, de pas t'attendre.. Mais j'y arrivais pas. J'pensais qu'à toi, je parlais que de toi, mes copines en avaient marre... Et je m'étais dit que... Que peut-être que je pourrais t'oublier si je passais à autre chose, si je couchais, sans attache, juste pour penser à quelqu'un d'autre que toi un instant.. Je sais, c'est con, t'as pas à me le dire, je m'en suis voulu après coup parce que ça n'a pas fonctionné et que tu me manquais encore plus qu'avant... »

C’était sans doute injuste, la réaction d’Elmo, puisqu’à la place de Bella il aurait sans doute réagi exactement de la même manière. En se cachant dans le mensonge, en gardant le mal là où on ne pouvait le voir, de peur de tout perdre ce qu’ils avaient enfin réussi à s’avouer. Il se souvenait avoir avoué à Bella, lors de sa grande tirade d’amour, qu’elle avait été le seul objet de ses pensées pendant tout son séjour en Italie. Que malgré les doutes de la brunette, il n’y avait eu aucune autre femme. Après ça, comment aurait-elle pu lui dire que de son côté, ce n’était pas tout à fait le même portrait ? Ça l’aurait détruit. Mais ça l’aurait détruit tout autant qu’aujourd’hui, au fond. Il aurait été préférable qu’à la souffrance ne s’ajoute pas le sentiment d’humiliation, d’avoir été avec elle pendant cinq mois sans se rendre compte de quoi que ce soit, sans savoir qu’elle lui avait menti par omission. Au moins, elle reconnaissait ses torts. Mais elle trouvait quand même le moyen de le faire culpabiliser pour cette ridicule photographie avec une amie. « Tu penses vraiment que j’ai publié ce post pour te faire du mal ? Tu penses vraiment ça de moi ? Wow, c’est de mieux en mieux ! » S’exclama-t-il. « J’ai pas affiché que j’étais avec une autre, c’aurait très bien pu être un de mes amis d’gars avec moi sur la photo, t’en aurais rien eu à faire, je me suis jamais retenu de poser avec des potes que ce soit des gars ou des filles. C’est pas ma faute si t’es jalouse ! » Puis il parla de toutes ces fois où il avait parlé en mal de Viktor et qu’elle avait gardé le silence. C’était pas le moment, ça ? « Tu l’as pas fait parce que t’avais peur de me perdre et après tu penses que je vais te croire quand tu me dis que tu voulais vraiment me le dire, un jour ? En quoi tu m’perdras moins maintenant ? » Lança-t-il sans réfléchir, sous-entendant alors qu’ils se perdraient pour une histoire ridicule qui s’était passée pendant son absence, pendant leur genre de rupture. En même temps, ce n’était pas tant l’acte en tant que tel qui le blessait, mais plutôt le mensonge. Pour ne pas davantage se donner en spectacle, tous les deux rentrèrent dans le logement d’Elmo, ce dernier se dirigeant directement vers la salle à manger. C’est elle qui reprit la discussion. « C’est pas con que t’aies essayé, que t’aies voulu vivre autre chose. C’est même pas pour ça que je t’en veux, même si clairement y’a eu une erreur de jugement en choisissant Viktor pour tourner la page. » Dit-il avec hargne, haussant les sourcils. Puis, il soupira. « C’est vrai que je t’avais dit de m’oublier alors pour ça, j’peux pas vraiment t’en vouloir, même si ça me fait chier de t’imaginer avec lui. Mais que tu m’dises rien depuis tout ce temps ? J’sais pas, il me semble que pendant que je te promettais qu’il s’était rien passé avec mon amie, j’aurais aimé que tu me renvoies la même honnêteté. » Continua-t-il, le ton au moins un peu plus calme qu’à son arrivée.

Et à la place d'Elmo, elle aurait sans doute explosé, Bella. Boule de colère, imperturbable, inarrêtable. Si les rôles étaient inversés, cet acte qu'Elmo voyait très fort probablement comme une trahison aurait achevé la brune. Et ce, même s'ils ne s'étaient rien promis, même s'ils avaient convenu - enfin, surtout lui - qu'il était mieux, pour eux, de s'oublier. Et si elle reconnaissait les torts qu'il lui infligeait, sans avoir un mot à dire pour les effacer, nul autre que des excuses, elle se justifiait pour les autres actions qu'elle avait commises, à l'occurrence la crise de jalousie injustifiée qu'elle lui avait faite par sms. Et déjà, il comprenait mal ce qu'elle tentait de lui dire, extrapolant ses dires pour lui donner une vision de lui qu'elle n'avait même pas. Elle s'empressa de répondre, sans même attendre qu'il ait terminé sa phrase. « T'as raison, j'en aurais rien eu à faire si..... » si ça avait été un mec, qu'elle aurait voulu dire, mais elle ne terminait pas sa phrase parce qu'il venait de la poignarder dans son orgueil, mettant sa jalousie en évidence. Comme si elle était la seule à l'être. Bella ravala ses paroles, soupirant avant de fermer la bouche. Il avait remporté une manche, la blessant au passage. Évidemment, ça ne devait avoir rien à voir avec ses blessures à lui, c'est ce que Bella tentait de se dire alors qu'ils enchaînaient la discussion. Elle était prête à tout entendre, toute la rage d'Elmo. Elle l'acceptait, se mettait volontiers au front de cette dispute parce qu'elle était fautive. Mais ça, c'était tout ce qu'elle ne voulait pas. En quoi tu me perdras moins maintenant. Ça résonnait dans sa tête, ça frappait dans son coeur. Sa peau était même sans doute rouge écarlate mélange de honte, de tristesse et de colère. Colère envers elle, envers lui, envers ses choix. Et si ce n'était pas une rupture, ça sonnait visiblement comme ça, assez pour lui faire perdre la tête. « Je sais pas, Elmo.. J'ai juste pas envie de te perdre.. » Pas pour ça, pas pour une baise qui avait eu lieu avant eux. Et ce, même si c'était avec un mec qu'il détestait. Au fond, est-ce qu'elle était obligée de lui dire ? Elle ne l'avait pas trompé, ils n'étaient pas ensemble. Tout était flou dans sa tête, le coeur et la raison se battaient, s'interloquaient. Dans la salle à manger, elle ne pouvait se résigner au silence, Bella lança les premières explications. « Je sais. Et t'as raison. T'as vraiment raison. J'ai pas été honnête et je t'ai passé des remarques alors que je tentais de t'oublier de mon côté avec l'aide d'un autre. T'as raison, j'peux pas en dire le contraire », lui fit-elle comprendre à nouveau. « Mais tu trouves pas que ça va trop loin.. ? », osa Bella. « J'savais pas que tu le détestais. Et je suis désolée de m'être rabattue sur lui. On fait tous des erreurs.. Moi la première. Et quand t'as couché avec Lux, crois-moi, j'aurais voulu aussi l'apprendre d'une autre façon qu'elle qui me le balançait à la figure avec toute son arrogance... Et je t'ai pardonné.. » La Costaricaine soupira, s'approchant d'Elmo pour chercher son regard. « J'te demande pas de me pardonner... Si t'as plus envie de moi, j'comprends.. J'ai pas d'autre choix que comprendre.. Je l'accepte pas, j'suis pas d'accord, mais je comprends.. Si tu savais comment je m'en suis voulu après coup.. Et.. Et je t'ai vu avec Joey, j'ai cru que j'allais t'anéantir si je te disais la vérité pour Viktor... Mais je m'en fiche de lui, c'est toi que je voulais préserver.. » Les larmes montaient à ses yeux, mais par orgueil elle luttait. « J'pense à personne d'autre que toi.. »

Elle débutait des phrases mais la vérité était qu’Elmo n’était pas vraiment en état d’écouter, il avait juste besoin de laisser déferler la vague, peu importe les gros dégâts qu’elle ferait sur son passage. Il savait que Bella allait se défendre, n’importe qui à sa place essaierait de le faire, de se justifier, de se faire pardonner. Mais Elmo venait tout juste d’apprendre ce mensonge par omission, il n’avait même pas encore tout à fait encaissé, pas eu le temps de process la nouvelle, que déjà il était confronté à Bella. Il aurait préféré avoir quelques heures de plus pour se faire une tête sur le sujet, peut-être qu’à ce moment-là la colère se serait dissipée, mais non. Bella était accouru chez lui, sans doute dès la parution de l’article, et Elmo avait eu le mauvais timing de rentrer chez lui pile au moment où elle martelait la porte de son logement. S’il avait déjà été chez lui, sans doute aurait-il fait le mort, préférant un peu de silence à la dispute. Malheureusement, ils étaient maintenant face à face et les mots dépassaient sans doute leur pensée. Il faudrait par la suite ramasser les pots cassés, mais qui sait s’ils en auraient la force. « Moi non plus mais c’est exactement en agissant comme ça que ça risque d’arriver. » Lâcha-t-il, déçu. Leur relation avait débuté sur des mensonges, les uns après les autres. Leur amour lui-même avait été un mensonge pour trop longtemps, gardé pour eux, caché aux autres, alors comment pouvaient-ils s’attendre à ce que ce soit différent maintenant ? Ils ne connaissaient que ça, depuis qu’ils étaient ensemble. Mentir, ou omettre la vérité. Dans l’un ou l’autre des cas, ça faisait mal. « Ça aurait pas été si loin que ça si y’a cinq mois, t’avais arrêté ça là où ça devait arrêter. À la vérité. » Il était bien conscient qu’il faisait une montagne avec une colline, Elmo, mais il avait mis tellement de confiance en Bella, se disant que c’est lui qui finirait par merder, que sa fierté en prenait un coup d’être celui à être blessé, à la fin. C’était con, orgueilleux, immature, d’analyser le problème sous cet angle-là, mais c’était plus fort que lui. Et on n’attendait pas mieux que ça de sa part, de toute façon. Au fond, la réaction de l’italien n’avait rien de surprenante. Quand elle ramena Lux dans la conversation, Elmo leva les yeux au ciel. « J’pouvais quand même pas contrôler comment Lux agissait avec toi. Pis tu m’as pardonné, ouais, après tes petites vengeances avec Axel et pas mal de temps. Est-ce que je peux au moins avoir la chance de souffler, s’te-plaît ? Parce que bon j’ai appris tout ça y’a genre quinze minutes alors te pardonner quand j’ai même pas eu le temps de penser, c’est beaucoup demander. » Bella lui affirma pourtant qu’elle ne lui demandait pas de la pardonner, malgré son discours d’auparavant. « J’sais pas ce dont j’ai envie actuellement, ok ? J’veux juste y voir plus clair. » Mais il se connaissait, Elmo, plutôt que de prendre le temps de méditer sur la question, il se réfugierait dans les jeux vidéo, le fast-food et l’alcool pendant les prochains jours. La fuite, c’était toujours plus facile.

Elle aurait pu lui laisser du temps. Elle aurait pu donner de l'espace à Elmo, éviter de se rendre tout de suite chez lui, de toquer à sa porte sans avoir prévenu d'avance. Elle aurait pu lui envoyer un sms, le téléphoner pour lui dire qu'ils avaient sans doute lu la même chose, tous les deux, qu'ils étaient au courant des mêmes histoires et qu'elle l'invitait à aborder le sujet quand il en serait prêt. Oui, sans doute que ça aurait été plus mature, plus censé, comme réaction, plutôt que de débarquer au six, de toquer à s'en prendre un vent à la porte de l'appartement, de forcer la discussion alors qu'il n'en avait pas du tout envie. Mais ce n'était pas Bella. Bella, elle fonçait sans réfléchir, elle l'aimait tellement qu'elle avait voulu minimiser les dégâts sans même savoir qu'elle ne faisait que les aggraver à force de parler alors qu'il n'était pas prêt à l'entendre et que leur dispute ne cessait de s'envenimer de mots et de pensées qu'aucun d'eux ne pensait réellement. Impatiente, elle voulait régler les choses là, dans l'immédiat, maintenant. Égoïste, elle voulait savoir où en était leur relation, pour éviter de vivre dans la douleur de l'inconnu encore des semaines. Elle l'avait trop vécu, quand il était question d'eux, l'inconnu. Et à présent qu'eux, c'était officiel, à quoi bon retourner dans leurs vieux travers des non-dits et de la fuite ? Et si leur histoire avait commencé sur des mensonges, d'abord envers Milo, puis envers eux-mêmes concernant leurs sentiments, puis envers le reste du monde concernant leur histoire secrète, à présent, elle ne souhaitait pas continuer sur cette lancée. La vérité, elle le lui donnait. Certes, trop tard, il avait raison de lui en vouloir pour ça d'ailleurs, elle avait fait erreur. Il supposait que ça n'aurait pas été aussi loin si elle avait été honnête dès le début. « Permets-moi d'en douter.. », souffla-t-elle. Oui, il n'aurait pas pu justifier sa colère sur le mensonge, puisqu'il n'en aurait pas eu, bien que pour Bella, il ne s'agissait pas d'un mensonge en soit, mais aurait-il forcément mieux réagi ? se serait-il résigné à l'écouter aussi facilement ? Non, ce n'était pas Elmo. Il fuyait quand c'était nécessaire. Et ce genre de situation appelait à la fuite. Dans la salle à manger, debout devant l'Italien, Bella tentait de lui faire entendre sa raison, sa version de l'histoire, mais elle semblait parler à un mur. Elle cherchait son regard, mais elle ne le trouvait pas. Jusqu'à maintenant, la brune n'avait pas réalisé l'affront que c'était de venir le voir, de chercher à s'expliquer. Il lui demandait du temps. Lasse, Bella lâchait ses bras le long de son corps. « Entendu.. », capitula-t-elle avec irritation. Mais que pouvait-elle faire de plus ? « Donc pour l'instant, toi et moi, c'est terminé ? », osa-t-elle tout de même demander. Mis à part Milo, elle n'avait pas eu de relation de longue durée. Chaque fois que le ton montait, l'un ou l'autre des partis dans la vie amoureuse de Bella finissait pas prendre la décision radicale de mettre fin à la relation. Pourquoi ce serait différent avec Elmo ? C'était tout ce qu'elle connaissait.

Sans doute aurait-il préféré un texto, oui, parce que c’était plus distant, plus loin, impersonnel presque. C’était plus facile de gérer les mots à l’écrit qu’à l’oral. Plus facile de se laisser le temps de les apprivoiser, aussi. Un message, ça donne la chance de réfléchir un peu avant de répondre. Un appel ou un face-à-face, c’était dans le là, ici, maintenant et ça, Elmo avait toujours eu bien du mal à le gérer. Autant il pouvait être impulsif et rapidement regretter les mots qui dépassaient sa pensée, autant parfois, il restait juste complètement pris au dépourvu, sans pouvoir dire quoi que ce soit. Il n’y avait pas de juste-milieu chez l’italien, pas de possibilité de conversation calme, posée et soutenue. C’était tout ou rien. Tous les deux fonçaient sans réfléchir, Bella et Elmo avaient deux forts caractères et inévitablement cela résultait en des explosions volcaniques incontrôlables. C’est pourquoi Bella était atterrie ici plutôt que d’envoyer un sms, et c’est pourquoi Elmo était en train de rager autant de l’intérieur que de l’extérieur. Parce qu’ils étaient deux tempêtes, infatigables. Quand Bella se permit de douter que l’impact aurait été moins dur, moins grand, si elle lui avait dit la vérité dès le début, le barista leva les yeux au ciel. « Bien sûr parce qu’en fait c’est ma faute, c’est moi qui réagis inévitablement trop fort, peu importe ce que t’aurais dit ou fait c’aurait été pareil parce que c’est moi qui suis immature et qui le prend mal, c’est ça !? » S’emporta-t-il, vexé que Bella puisse croire qu’il n’aurait pas été capable de relativiser un peu plus, s’il avait été mis au courant dès le départ. Au plus profond de lui, il voulait y croire, qu’il aurait pu passer par-dessus plus facilement. Mais la vérité était qu’Elmo était effectivement intense, vivant des émotions décuplées, et parfois il avait du mal à rester connecté avec la réalité, les deux pieds sur terre, quand ses sentiments tournoyaient autour de lui comme un ouragan. Alors, pour éviter que leur histoire ne se termine trop vite, pour un détail sans doute futile avec du recul, Elmo lui demanda du temps. À la question de Bella, cette inévitable question si douloureuse, il baissa les yeux. La tristesse dans le regard de la costaricaine était trop lourde à supporter pour son cœur égaré. « Pourquoi faut mettre un mot ? Parce que si c’est terminé au moins tu pourras retourner dans les bras de Viktor sans culpabiliser ? » Il était injuste et il s’en rendit rapidement compte. Il soupira. « Je sais pas, Bella, ok ? J’te demande pas des semaines, juste quelques jours, j’veux juste prendre le temps d’encaisser et m’calmer. Ça ira mieux après. » Et là, sans doute, pourraient-ils s’asseoir et réellement régler ce qui semblait être une impasse, mais qui était sûrement juste un énième test pour les rendre plus forts encore.

Peu importait, chacun des mots qui sortaient de sa bouche avait l'effet d'une bombe nucléaire, d'une explosion radioactive qui empotait tout sur son passage et qui, même une fois éclatée, continuait de se consumer. Bella ne faisait qu'aggraver la situation et Elmo ripostait avec son agressivité en moyen de défense. Ils étaient tous les deux des bombes à retardement, blessés et écorchés de la situation, chacun à leur manière. Et vu leurs caractères respectifs, explosifs, imprévisibles, intenses, il n'y avait aucune autre issue que celle qu'ils vivaient actuellement : une dispute pour une connerie arrivée bien avant qu'eux deux se soient retrouvés. Et si Bella comprenait la réaction d'Elmo, la sienne aurait sans doute été pire, même, une part d'elle la trouvait injuste. Et s'il n'était jamais revenu? Et s'il était revenu dans deux, trois, cinq ans? Aurait-elle dû l'attendre sagement tout ce temps? Aurait-elle dû se priver de rencontrer des garçons, de tenter de reprendre une vie normale post rupture? Et lui, l'aurait-il fait? Elle se permettait d'en douter, Elmo aurait fini par noyer sa peine, lui aussi, et l'oublier dans les bras d'une autre, ce qu'il avait déjà fait avec Lux, d'ailleurs. Et l'Italie regorgeait de beautés qui auraient pu remplir ce mandat, pour aider l'Italien à faire une croix sur le passé qu'il avait laissé partir lui demandant lui-même de l'oublier. Elle se permettait également de douter que la réaction d'Elmo ait été moins forte si elle avait osé lui en parler dès son retour. Et encore une fois, Bella venait de créer une explosion, Elmo qui perdait son calme en l'accusant de remettre la faute sur lui. Elle soupira, ayant perdu le compte des fois où durant cet échange elle l'avait déjà fait. « Non », répondit-elle, dans sa tête la réaction de son peut-être-ex-petit-ami confirmait ce qu'elle pensait, clairement. « J'ai jamais dit que je doutais parce que tu étais immature, ne mets pas des mots que je n'ai pas dit dans ma bouche! », s'énerva Bella qui, depuis le début de l'échange, s'était montrée plus calme, tentant d'adoucir les tensions. « J'en doute parce que je me mets à ta place et que moi aussi j'aurais été blessée, même si je l'avais appris dès le départ. Mais évidemment, à ça, tu trouveras quelque chose à répliquer pour dire le contraire de moi, juste pour alimenter la dispute. » Bella soupira à nouveau. C'était ça, depuis le début de l'échange, chacun d'eux alimentait la dispute du mieux qu'il le pouvait, jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus recoller les morceaux éclatés. Et Elmo demanda du temps. Du temps.. Ça sonnait comme un synonyme de rupture, ça sonnait comme une façon polie de dire que leur histoire était arrivée à sa fin. Bella posait sur Elmo un regard qui se voulait fort, mais dont la tristesse ne cessait de l'envahir. Elle voulait résister, elle voulait montrer qu'il ne réussissait pas à l'atteindre, elle voulait se montrer forte comme elle le faisait toujours, mais cette fois, elle n'y parvenait pas. Et quand elle osa lui demander des précisions, il repartit au quart de tour, laissant ses mots injustes se frayer un chemin, supposant qu'elle retournerait dans les bras de Viktor dès qu'elle en aurait la chance. Bella étira ses lèvres dans un sourire beaucoup trop triste, les larmes qui montaient à ses yeux, en guise de réponse alors qu'Elmo se ravisait déjà, sans pour autant lui présenter d'excuses. Elle hocha la tête, résistant à l'envie de pleurer. « D'accord », souffla-t-elle, franchement humiliée par la réaction de celui qu'elle aimait. Il lui montrait la porte, lui demander de ne plus tenter de recoller les morceaux qu'elle avait brisés et d'attendre, d'attendre qu'il serait prêt à discuter, prêt à entendre la vérité. Et pour Bella, c'était comme dire que ce moment n'arriverait jamais ou qu'il s'agissait d'un moment de pause avant d'officialiser leur rupture. La brune regarda une dernière fois Elmo, lasse, impuissante, mais aussi vidée, avant de tourner les talons pour lui donner ce qu'il voulait : de l'espace. Elle n'attendit pas qu'il vienne la reconduire à l'entrée, sachant très bien qu'il ne daignerait même pas se lever pour la regarder partir, et elle quitta l'appartement, contrôlant ses larmes alors qu'elle croisait sur son chemin les voisins du #06. C'est qu'une fois dans sa voiture, portière fermée, qu'elle explosa en sanglots, les mains contre le visage, la respiration coupée par les larmes qui prenaient toute la place, son coeur brisé en tellement de morceaux qu'il lui semblait impossible de le réparer.

fin ?

Aux yeux d’Elmo, que Bella l’ait dit à voix haute ou qu’elle l’ait pensé, c’était du pareil au même. Il ne mettait pas de mots dans sa bouche, il mettait des réflexions sur ses pensées. C’était tout aussi prétentieux, parce qu’il ne pouvait clairement pas prétendre savoir ce qui se passait dans la tête de la costaricaine, mais c’est tout de même la conviction qu’il avait. Tout était toujours la faute de son immaturité, de son incapacité à faire la part des choses. S’il réagissait de manière trop explosive, c’était parce qu’il ne réfléchissait pas correctement, c’était parce qu’il ne prenait pas le temps de relativiser. On le lui avait toujours dit, pourquoi Bella serait-elle différente ? Elle tenta tout de même de lui expliquer son point de vue, et les raisons de ses doutes. « Tu vois, encore une fois, c’est moi qui fous la merde. C’est moi qui veux avoir le dernier mot juste pour qu’on se dispute. Parce que c’est vraiment tout ce que je veux, hein, qu’on se prenne la tête pour tout et n’importe quoi. J’m’amuse, là, vraiment. » Répondit-il, plein de sarcasme. Au fond, c’était tous les deux qui se lançaient des répliques à la figure sans songer aux conséquences. Ils jetaient de l’huile sur le feu, un après l’autre. Au lieu de chercher l’antidote, ils répandaient le poison. Elmo fit d’ailleurs l’ultime attaque, quand il pensa directement à Viktor quand Bella lui demanda combien de temps il avait besoin. Il s’était ravisé, mais le mal était fait. La costaricaine lui adressa un sourire tellement triste. Il la regarda, sans pouvoir dire quoi que ce soit, alors qu’elle acquiesçait, blessée, humiliée. Il serra la mâchoire pour retenir ses larmes, pour avoir l’air fort alors qu’il n’était plus qu’un vaste vide. Sans se retourner, Bella quitta l’appartement, et lui ne daigna effectivement pas se lever pour la reconduire. Au lieu de ça, il resta immobile, figé dans le temps, regardant celle qu’il aimait partir sans pouvoir la retenir. Ce ne fut qu’une fois la porte refermée et les pas évanouis au fond du couloir que l’italien frappa la table de son poing, lâchant un rugissement de colère, de douleur, de regrets.

FIN