it’s not the wings that make the angel ⤅ billie

it’s not the wings that make the angel

21 mai 2020

Cette réunion de famille – enfin, plus que de famille, en fait – du turfu avait bien secoué Charlie ces derniers jours. La colère avait été fortement présente, dans les premiers instants. Contre Ariel, surtout, contre Billie aussi, contre tous les gens présents peut-être, d’avoir été au courant en même temps qu’elle. Et contre elle-même, de n’avoir rien su, rien vu, rien cherché. Elles avaient beau être très proches en âge, Billie restait sa petite sœur et son instinct de protection envers sa fratrie avait surgit avec une force comparable à celle d’une explosion nucléaire. Après un temps à s’être calmée et avoir pris du recul, Charlie avait finalement franchi le pas d’envoyer un message à sa cadette. Elle s’était d’abord excusée, pour ensuite lui proposer de prendre un café au Starbucks, en milieu de matinée d’un samedi, profitant du calme à cette heure-là. Assise à une petite table pour deux personnes, collée à la baie vitrée, la jeune interne regardait négligemment par la fenêtre, deux cafés posés sur la table, le sien, au caramel, et le préféré de Billie, en espérant que ses goûts n’aient pas changé. Elle avait besoin de rediscuter de cette fameuse annonce, de l’Italie, de ce qu’il lui était arrivé. Et alors qu’elle tentait de contenir ses émotions, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir cette nervosité face au manque de mots, au manque d’idées quant à comment elle devait agir. Tout ce qu’elle voulait, c’était aider Billie, mais aussi comprendre et digérer tout ça. Accepter que cela soit arrivé à sa sœur, qu’elle ait du vivre ça, qu’elle doive toujours vivre avec ça.

Un message, des excuses et un rendez-vous au Starbuck. Bien. Qu'il en soit ainsi. Je sais très bien que le spectacle donné récemment n'était pas au goût de tout le monde et je me dis surtout que c'est pour ça qu'elle veut que l'on se retrouve même si j'espérais au fond de moi que ce soit autre chose. Une heure fixée, je la rejoins après cinq petites minutes de retard, espérant que le rendez-vous ne soit pas trop gênant et surtout rapide, travaillant dans l'heure qui suit. Je pousse la porte, m'assois face à elle, un petit sourire crispé sur les lèvres. "Salut. Merci pour le café." lui dis-je, finalement avec un sourire timide. "Tu... Tu vas bien?" lui demandais-je, fronçant légèrement les sourcils comme inquiète. "Tu voulais me parler d'un truc? C'est important? C'est long? Je travaille dans une heure, on aura le temps?" Je tente de me renseigner et surtout de la prévenir que je ne pourrais rester longtemps.

C’était égoïste au fond, d’imposer cette discussion. C’était pour se sentir mieux, elle, que Charlie voulait parler de ce qui était arrivé à sa cadette, pour mieux comprendre, mieux saisir l’ampleur de tout ça. Elle avait l’impression que sans une conversation calme et claire, elle n’arriverait pas à digérer la nouvelle. Elle avait besoin d’une structure pour assimiler l’info proprement, pas comme à la réunion de famille foireuse. Cependant, tout ça ne traversait pas l’esprit de la brune. Maintenant qu’elle avait terminé de bouder et qu’elle avait calmé son ego – qui encore une fois n’était pas le sujet de tout ça –, elle avait besoin de parler avec sa sœur. Et de lui rappeler qu’elle l’aimait d’amour et qu’elle serait toujours là pour elle, même si parfois son caractère explosif l’empêchait de montrer tout ça. Son ventre se serra un peu quand la brune entra dans le café, elle esquissa néanmoins un petit sourire qui se voulait assuré. « Oui, ça va et toi ? » répondit l’aînée en tentant de se détendre. C’était bizarre de se saluer avec tant de politesse et de modération, ça rendait l’ambiance encore plus malaisante. Aussi, Charlie ne put se retenir dans le vif du sujet histoire de percer ce nuage lourd qui pesait au-dessus de leurs têtes. « Je sais que t’as dit que tu voulais plus en parler, mais… » commença la chirurgienne sans trop savoir quel chemin elle allait emprunter. Elle avait besoin de vider son sac, mais elle devait garder à l’esprit que le but n’était pas de remplir celui de Billie. « Je suis désolée de m’être énervée l’autre jour, et d’être partie comme ça. C’était vraiment nul de ma part. » souffla-t-elle finalement en baissant les yeux vers son café auquel elle ne touchait pas. Quand on connaissait Charlie, on savait que des excuses aussi sincères et tant de réflexion sur son comportement ne venait pas de soi.

Un hochement de tête, un sourire légèrement timide ainsi qu'un petit "Ca va aussi." en guise de réponse. Elle enchaîne rapidement, allant droit au but, comme à son habitude. Je roule des yeux, cette mise en scène à nouveau sur le tapis. Je soupire avant de baisser le regard. "J'y suis aussi pour quelque chose en soi, tu n'as pas à t'excuser pour ça." J'hausse les épaules. Il est vrai que j'aurais pu trouver une autre manière de le faire mais cette méthode était à mon image; imprévisible, complètement ravagée et toujours ratée au final. "Je ne sais même pas ce qu'il y a à dire de plus en soi. J'ai juste l'impression d'avoir tout dit déjà, tu ne crois pas?" Je m'ose à relever mes yeux sur son minois. J'avais déjà tenté de leur raconte les faits (et gestes) en détail, que pouvais-je lui donner de plus? Une explication plus approfondie du pourquoi du comment je n'ai pas voulu le déballer avant? Le comment ça en est venu pour que je m'ouvre à ce frère de la famille bien qu'il ne soit pas un frère de sang? Je suis pourtant persuadée d'avoir déjà mentionné tout ça, à moins que je ne l'ai pensé fort à la place?

Charlie ne répondit rien, se contentant de cette petite moue malaisée et à la fois sincère, qui se voulait preuve de bonne volonté. Elle secoua juste la tête avec un mince sourire. Elle connaissait la prédilection de sa sœur pour le théâtral, ainsi que le don de la famille d’utiliser l’humour comme arme de diversion. Cette grosse réunion dramatique ne lui avait pas plu, certes. Mais si elle avait mal reçu le message sur la forme, le fond l’empêchait de pouvoir continuer à en vouloir à Billie. Elle se fustigeait mentalement d’avoir osé lui en vouloir tout court, même si une part d’amertume restait présente. Elle finirait par s’envoler, une fois que tout serait clair et organisé dans son esprit. « Oui, non, je… Je sais pas, c’est toi qui décides, en soi. » marmonna Charlie sans parvenir à formuler une question cohérente, ou même une réponse. Elle ne voulait pas remuer le couteau dans la plaie, mais elle avait besoin que les choses soient ordonnées, mises à plat, sorties au grand jour, et qu’elle sache sur quel pied danser avec Billie. À ses yeux, c’était impératif pour que leurs prochaines rencontres se déroulent sans appréhension. « On était là, tu sais. On n’aurait pas… Je veux dire, on est là quoi qu’il se passe, même à l’autre bout du monde, peu importe ce qu’il y a. J’en reviens pas qu’on ait vécu normalement, alors que t’étais coincée là-bas, avec tout ça, et qu’on n’en sache rien… » tenta d’expliquer la brune, ses doigts tapotant le gobelet de café. Que je ne sache rien. Voilà sans doute où elle voulait en venir, entre autres. Billie était la première petite sœur qu’elle avait eu, et avec les années, cette sorte de lien un peu spécial s’était renforcé dans ce sens. Elle ne comprenait pas, et ne pourrait jamais totalement comprendre sans être passée par là, pourquoi sa cadette ne lui avait rien dit, ni durant l’Italie, ni à son retour. Elle les blâmait toutes les deux pour ça et elle avait besoin d’éclaircissements directs pour se défaire de cet horrible sentiment qu’elle ne contrôlait pas.

Un petit soupir s'échappe lorsque je laisse ma tête basculer en arrière. Je n'avais pas vraiment envie d'en parler davantage, je lui ai dit mais si c'est la seule manière pour mettre ce sujet de côté. "Si ça peut te rassurer, j'ai souvent pensé à vous là-bas." Bon, peut-être pas que ça va la rassurer en fait. "Enfin j'veux dire, je sais bien que vous auriez été là mais dans tous les cas je n'avais aucun moyen de vous contacter. Enfin si mais je me rappelais pas vos numéros." Un sourire pincé. "Je ne me suis pas sentie abandonnée non plus si c'est ce qui t'inquiète." Ou peut-être ai-je mal interprété ce qu'elle essayait de me dire. J'hausse les épaules. "Et oui vous viviez normalement mais je préfère ça plutôt que vous soyez inquiet à vous gâcher la vie pour ce genre de conneries." Quel sens incroyable de minimiser les faits! Wow, je m'impressionne. Je plonge mon regard dans celui de Charlie, avançant timidement mes louches pour attraper les siennes. "Ce qui compte c'est que tout ça est fini non?" Je fronce les sourcils, cherchant davantage son regard comme si je voulais son approbation à ces mots-là.

Charlie n'était pas certaine d'être tellement rassurée par la réponse de sa cadette. Ça ne lui faisait qu'encore plus imaginer des scènes horribles, Billie seule et désemparée, pensant à sa famille se trouvant à 10 000 kilomètres. Non, valait mieux ne pas y penser. Mais la brune voulait y penser, justement. Elle ne voulait pas éviter de se plonger mentalement dans ce cauchemar juste pour sauver son confort émotionnel, alors que sa sœur l'avait vécu, elle, ce qui était mille fois pire. « Okay... » laissa échapper la chirurgienne d'un air moyennement convaincu. Elle voyait bien que ça demandait un gros effort à Billie de lui expliquer tout ça, et se sentait coupable de le lui imposer, mais elle en avait besoin. Pour passer à autre chose, comme le souhaitait sa sœur. « C'est pas la seule chose qui m'inquiète, non, mais voilà, enfin je... » Ok, Charlie, si tu pouvais au moins parvenir à faire une phrase concrète qui fait avancer la conversation, ce serait sympa. T'as deux de tension ou quoi ? « C'est pas une connerie, du tout. » réagit l'aînée des Meers en fronçant les sourcils. Comment pouvait-elle minimiser à ce point ce qui lui était arrivé ? Elle fit un effort pour monter cette colère sourde qui montait, dirigée uniquement contre l'auteur des faits et le système qui avait abandonné sa cadette. Billie ne méritait pas qu'elle s'énerve, ni qu'elle lui dise comment elle devait prendre les choses. Elle plongea son regard clair dans celui de la jeune fille, rencontrant cette demande qu'elle lui faisait entre les lignes. « Oui, c'est vrai. Si tu me dis que pour toi, c'est vraiment fini. » répondit Charlie avec un très mince sourire, mais on voyait qu'elle était on ne peut plus sérieuse et qu'elle cherchait une réponse sincère dans le regard de la brune. Elle n'avait pas étudié la psychologie, mais elle n'avait pas besoin d'un cours pour se douter que ce genre de trauma était long et pénible à gérer.