Everyone else in the room can see it, everyone else but you |ft Nova

Non, je ne t’en veux pas. Dans la tête de Nova, un volcan se surprenait lui-même à projeter des confettis dans un nuage de lumière. Elle avait tellement appréhendé ce moment, se dessinant mille et un scénarios catastrophes dans la tête, que jamais elle n’avait osé imaginer que Gretchen puisse réagir aussi bien. Elle avait des questionnements, c’était tout à fait légitime et Nova ne lui en voudrait jamais de douter sur certains points. Mais elle ne foutait pas le camp dans une tornade de colère et ça, c’était un gigantesque poids qui venait de disparaître d’un coup, redonnant leur légèreté aux épaules de Nova qui se redressa alors. Elle avait encore un peu plus d’assurance, encore un peu plus de confiance, comme si la blonde la conduisait lentement mais sûrement vers une certaine acceptation d’elle-même. Il y avait de cela quelques mois de cela, Nova n’aurait jamais imaginé se retrouver dans une telle situation. C’était inconcevable, pour elle, de donner vie à ses fantasmes honteux. De leur permettre d’exister en-dehors de sa tête. Mais Gretchen faisait de doux et grands miracles du bout de ses doigts et de ses lèvres. Son être tout en entier se réveilla, en alerte, quand la blonde releva une partie de son discours, lui demandant si elle était en train de lui dire qu’elle ressentait quelque chose pour elle. Un rire intimidé s’échappa d’entre ses lèvres, elle regarda rapidement partout autour d’elles, avant de replacer une mèche de sa chevelure rousse derrière son oreille. « I mean … ça crève les yeux, non ? J’aurais pas risqué tout ça …risqué de dévoiler ce que j’essaie tant bien que mal de cacher … si je ne pensais pas que … si je ne ressentais pas quelque chose de … complètement incontrôlable. Pour toi. » Avoua-t-elle d’une petite voix. Parce que de s’ouvrir ainsi, c’était une autre brèche qu’elle créait dans ce mur de briques et de peurs. Gretchen affirma qu’elle savait que c’était du vrai, et lui demanda si elle se souvenait de la dernière fois, de ce baiser. Nova leva les yeux au ciel en riant, gênée. « Comme si je pouvais oublier. » Ce baiser, son premier avec une femme, le premier vrai baiser en tout cas et pas juste le fruit d’une soirée bien trop arrosée entre copines, il avait été complètement renversant. Nova ne s’en était d’ailleurs pas encore tout à fait remise, comme si elle avait besoin d’y regoûter une seconde fois et puis des milliers d’autres pour s’acclimater à ce genre de désir, de plaisir. La rouquine ferma les yeux quand la musicienne passa sa main dans ses cheveux. Elle les rouvrit pour l’écouter parler à son tour de cette application de rencontres. La tristesse captura son regard en apprenant le passé de sombres sentiments de Gretchen. Ses mots faisaient tout de même écho au passé de Nova, d’une certaine manière, elle qui n’avait jamais cherché quoi que ce soit de sérieux puisque ce qu’elle s’autorisait à vivre comme relations la dégoûtait. Le rire de Nova, sortit en un souffle de bonheur, ponctua la déclaration de Gretchen. Elle la regardait de ses yeux brillants. « Je pensais pas qu’on puisse m’aimer pour ce que je suis non plus. Parce que mes parents m’ont toujours bien fait comprendre que ce que j’étais, ce n’était pas bien. Alors je ne me suis jamais autorisée à être complètement moi-même. Pas sur l’app, et encore moins dans ma vie … Personne ne sait, Gretchen. Personne à part toi. » Elle la regarda en silence, pour lui faire comprendre toute l’importance de ce rôle. Du secret qu’elle avait entre les mains. « C’est bien la preuve que je suis sûre d’une chose, moi aussi … De toi. » Mais seulement d’elle. Des autres, Nova en était encore terriblement terrifiée. Mais fidèle à l’effet qu’elle lui faisait tout le temps, Gretchen balaya les doutes le temps de quelques minutes en suspens. La blonde avait approché son visage du sien et lui avait offert ce second baiser qu’elle avait attendu des jours durant. Ce baiser qui consolidait encore un peu plus qui Nova était et ce qu’elle voulait. Ce baiser qui lui donnait envie de se lever et de ne plus jamais se laisser dicter sa vie.

Un rire cristallin s’échappa des lèvres de Nova. Leur histoire débutait sur tellement de poésie à propos des perceptions, du regard, de voir l’autre et d’être vu par l’autre, de lire en l’autre aussi. Leur relation, c’était une avancée timide mais constante vers la lumière. D’abord que des mots échangés avec une distance inconnue séparant leurs deux écrans de téléphone. Ensuite une proximité des plus émotives mais une distance sensorielle alors qu’elles avaient été plongées dans le noir à leur premier rendez-vous. Puis, aujourd’hui, il n’était resté qu’un pan de noirceur recouvrant les yeux de Gretchen, noirceur que Nova avait décidé de chasser d’un espoir spontané, que tout irait bien, qu’elles étaient là où elles devaient être. Que la rousse n’avait plus à avoir peur. Et elle avait eu raison. Et elle ne regrettait rien. « S’il-te-plaît, n’en arrivons pas là. J’les aime trop, tes yeux. » La première partie de sa réponse avait été dit d’un ton rieur, mais la deuxième, elle était craintive, parce qu’elle n’avait pas encore l’habitude de complimenter une femme, pas avec toutes les intentions derrière, pas avec tous les sentiments impliqués. Gretchen n’était pas qu’une amie à qui elle affirmait que son regard perçant allait faire tomber tous les mecs à leur sortie au bar. Gretchen était la femme qui avait permis à son cœur de battre non pas mécaniquement, mais symboliquement. Aujourd’hui, rien que pour aujourd’hui. Nova avait envie de tenir tête à ses parents, de ne plus écouter leurs voix comme un douloureux souvenir, mais comme une force autour de laquelle se rebâtir. Ils l’avaient empêché d’être qui elle était pendant tellement longtemps, maintenant, la rouquine dansait autour de son propre feu qui rageait. « Je ne sais pas s’ils pourront un jour le voir. S’ils pourront un jour l’accepter. Mais en ce moment, Gretchen, je n’en ai absolument rien à faire. Je me suis trop longtemps sentie enchaînée à leurs préjugés, leurs convictions, mais toi tu m’montres que … Argh, j’ai envie de sortir un truc comme quoi tu m’fais pousser des ailes, tu vois ? C’est terrible et kitsch mais … c’est la meilleure image que je puisse trouver. » Elle rit, doucement. Leurs sourires se laissèrent eux aussi envahir par le silence qui guida leurs lèvres les unes vers les autres. Ce second baiser avait un goût de certitude et d’espoir, et Nova l’accueillit avec douceur contre son cœur. Elle laissa ses doigts s’emmêler à la chevelure de Gretchen, appréciant avec fébrilité l’odeur de son parfum, de son shampooing, le goût de son rouge à lèvre, la texture de sa chevelure teinte, tous les détails qu’elle ne pouvait apprécier auprès des hommes. Tous les détails qui avaient tellement manqué à sa vie, aussi futiles soient-ils. Ce qui mit fin à ce baiser, c’est l’odeur de brûlé qui chatouilla le nez de Nova, chassant le parfum de Gretchen de par la puissance de la senteur. Nova fronça les sourcils, leurs bouches se détachèrent au moment où le cuistot paniqué venait d’entrer en trombe dans la cuisine. Alors que la rousse tournait un regard surpris vers lui, la blonde, elle, recula dans son élan et fit tomber tous les ingrédients au sol. Le cuistot faillit d’ailleurs tomber en marchant à toute vitesse sur les oignons qui roulaient. Nova plaqua sa main contre sa bouche pour s’empêcher de rire, hilare, alors que Gretchen semblait avoir un peu plus de retenue qu’elle. « Tu crois que c’est le bon moment pour foutre le camp en douce ? » Demanda-t-elle à voix basse, un sourire amusé au visage. Elles n’avaient pas profité de l’expérience à fond, mais elle en avait eu pour son argent – façon de parler, elle n’avait pas eu à débourser quoi que ce soit. Ce qu’elle venait de vivre avec Gretchen valait tous les bateaux-restaurants du monde.

En ce moment précis, si Nova regardait cette scène de l’extérieur, elle vomirait ou en tout cas ferait semblant d’être sur le point de régurgiter son être tout entier. Face à n’importe quelle démonstration amoureuse trop prononcée, elle avait pris l’habitue de montrer du dédain, à la blague. Il s’agissait sans doute d’un mécanisme de protection, de feindre l’écœurement pour ne pas montrer sa jalousie grandissante. Longtemps, elle avait cru qu’elle n’aurait jamais droit à de telles manifestations niaises et mielleuses. Elle s’était convaincue qu’on ne la regarderait jamais comme Gretchen la regardait pourtant actuellement. Petit à petit, peut-être réapprendrait-elle à aimer voir l’amour, parce que pour une fois elle y aurait un peu droit elle aussi. Elle esquissa un faible sourire à la réplique de la blonde. « J’vais probablement tomber avec peu de grâce bien souvent, mais j’peux te promettre d’essayer de me relever à chaque fois. » Ce ne serait pas difficile, pour Gretchen, la suite des choses. Nova ignorait si la musicienne s’en doutait, de ça. Nova ne pensait même pas vivre un balbutiement de relation en s’inscrivant sur BBT, alors encore moins voir quelque chose de vrai en naître. Elle ne se sentait pas prête à vivre cela aux yeux de tous. Elle ne savait même pas si elle était à l’aise avec son propre regard sur la situation. Le baiser qu’elles échangèrent était donc encore confiné à leur intimité à toutes les deux, ce dont la rouquine ne se plaignait absolument pas. Ça lui permettait d’en profiter, de le savourer, sans se poser d’autres questions. Le cuistot qui fit irruption dans la cuisine ne la gêna pas outre mesure, puisqu’il semblait bien plus paniqué par le petit incendie que par la scène qu’il venait tout juste de surprendre et d’interrompre. Hilare, Nova essayait tant bien que mal de ne pas être trop irrespectueuse envers le cuisinier. Le pari étant trop difficile à tenir, elle proposa à Gretchen de foutre le camp, ni vues ni connues. « Ouais, sérieux, avant qu’ils nous fassent payer des dédommagements alors qu’on n’a rien fait ! » Dit-elle à voix basse en riant, ce qui compliquait la compréhension de la phrase. Elles n’avaient même pas eu le temps de terminer la coupe des oignons, absorbées dans la découverte de l’autre, alors ce rond allumé et ces aliments cramés n’avaient rien à voir avec elles. Elles auraient pu surveiller, certes … mais leurs regards s’étaient perdus ensemble, à la place. Comme Jack et Rose dans un remake Rose & Rose, elles prirent la poudre d’escampette en courant à travers les cuisines, les allées, le sas d’entrée puis le pont. Ce qui les attendait toutefois au bout n’était pas une vieille voiture dans laquelle s’embrasser et laisser la marque de sa main sur la vitre, non. C’était le monde extérieur, la réalité, celle qui frappa de plein fouet Nova. Elle le réalisa lorsque Gretchen la serra dans ses bras en riant. Son rire à elle s’estompa un tout petit peu plus vite, même si elle tentait de dissiper son malaise. Ce n’était qu’une accolade. Personne n’y verrait davantage. « J’ai fait mon exercice de la journée en tout cas, le cardio pour la course et les abdos pour le rire. » S’exclama-t-elle en se détachant de Gretchen, faisant deux pas vers l’arrière. « Ouais c’est déjà un début. Il faudrait pas rester trop longtemps par contre, c’est encore trop près de la scène du crime … » Blagua-t-elle alors qu’aucun crime n’avait été commis. Enfin, sauf pour ce qui était de ce que ses parents considéraient comme un péché. « Du coup on n’aura finalement rien à manger … Je t’invite au resto ? Un autre resto. » Précisa-t-elle, ne voulant pas retourner sur ce bateau que la panique avait de toute façon gagné.  

Elle continua de rire, ce qui ne l’aidait pas à reprendre son souffle. Elle plongea ensuite son regard étincelant dans celui de Gretchen, sourire aux lèvres. Elle avait tellement à apprendre à propos d’elle, et elle devait avouer qu’il y avec quelque chose d’agréable au fait de la découvrir au compte-gouttes. Cela rallongeait le plaisir, comme si chaque journée lui réservait des surprises. « Tu fais du jogging ? Good to know, on pourrait courir ensemble de temps en temps. » Elle sortait courir trois à quatre fois par semaine, parfois sur la plage, parfois au Mullers Lagoon ou à la forêt et, quand elle était bien motivée, elle courait jusqu’en haut du Horseshoe Bay Rotary Lookout. Ce serait un bon prétexte pour passer du temps plus souvent avec Gretchen, et d’avoir l’air de deux copines qui s’entraînent ensemble. C’était dommage, cette manière de pensée, ce réflexe de toujours vouloir cacher leur relation. Mais Nova vivait dans un mensonge depuis toujours, et il était difficile pour elle d’envisager d’être elle-même au grand jour. Pour le moment, sa relation naissante avec Gretchen était son petit secret, qu’elle déballait quand elle était seule, pour revisiter les scènes et les images de ses souvenirs passés auprès d’elle. Aux yeux du reste du monde, pour le moment, Nova voulait que leur amour soit invisible. C’est pourquoi, une fois sur le pont, elle semblait plus distante, mettant fin rapidement à leur étreinte et en gardant quelques pas de recul. Son corps tout entier avait envie de se rapprocher, résultat d’un magnétisme très fort, trop fort, mais la raison erronée de Nova la ramenait sans cesse à l’ordre. « Non, c’est vrai. Mais le cuistot pourrait très bien nous mettre ça sur le dos. Tu l’as pas vu ? C’était comme si sa vie dépendait de cette cuisine. » Elle continua de rire en se rappelant la scène, essuyant à son tour ses larmes. La rousse proposa finalement de poursuivre ce rendez-vous dans un autre restaurant, là où elles pourraient réellement manger. Elle s’en voulait un peu que Gretchen ait payé ce cours de cuisine un peu pour rien, au final, mais elles en garderaient tout de même un beau – et drôle – souvenir. Peut-être que c’était ça l’important. « Ce genre de resto-là, oui. » Répondit-elle dans un doux rire. La blonde accepta, ne voulant évidemment pas que leur soirée se termine comme ça, aussi abruptement, tout ça pour une erreur d’un cuisinier. Nova aurait voulu prendre la main de Gretchen en quittant le pont, parce qu’elle avait envie de sentir la chaleur de sa peau contre la sienne, de se sentir complète pour une fois dans sa vie, mais l’ombre au tableau lui rappelait que le vide avait fait partie d’elle depuis si longtemps maintenant, il ne s’effacerait pas de sitôt. Elle se mit donc en marche vers les restaurants du beachside, aux côtés de Gretchen. « Bon avec toutes les odeurs de la cuisine du bateau, reste que je crave quand même quelque chose de terre & mer. Ça te tente ? » Demanda-t-elle en tournant la tête vers la blonde.

Son sourire s’élargit en comprenant que Gretchen avait, elle aussi, envie qu’elles pratiquent des activités quotidiennes ensemble. Aller courir ensemble, ce serait carrément plus motivant que de se pousser à sortir du lit pour enfiler ses chaussures de course en solo. Et puis, évidemment, Nova avait une idée derrière la tête en proposant ça. Des activités du genre, banales, qu’on a l’habitude de voir deux amies effectuer ensemble, ça leur permettrait de passer du temps ensemble loin des soupçons. Ça, Gretchen n’en avait peut-être rien à faire, mais pour Nova, c’était une entrée toute en douceur dans leur relation, que ça lui prenait. Ça lui était nécessaire. Sinon, elle prendrait peur, elle paniquerait, et elle fuirait. Elle apprit un autre sport pratiqué par la blonde quand cette dernière lança qu’elle saurait se défendre contre le cuistot en furie. Elle rit. « Le pauvre !! » S’exclama-t-elle, même si elle osait croire que Gretchen n’irait pas jusque-là. Elle avait l’air d’être une dure à cuir mais douce à l’intérieur. Elle voulait croire à cette douceur. « J’aimerais trop que tu m’apprennes à boxer. J’ai déjà essayé, de temps en temps, mais jamais rien de bien sérieux. » Elle sourit, avant d’ajouter : « Moi c’est le volleyball. T’as même devant toi une fière joueuse de l’équipe de Bowen. » Dit-elle en posant ses poings sur ses hanches, redressant la tête, avant de rire. Elle participait quand même à plusieurs tournois qui les opposaient aux équipes des villes de Cairns, Townsville et MacKay, pour ne nommer qu’elles. Mais ça ne lui permettrait pas de corriger qui que ce soit, sauf en visant très bien avec son ballon lors d’un service. Un ballon sur la tête quand on ne s’y attend pas, ça peut surprendre, quand même. La rouquine changea de sujet en sentant son estomac s’agiter, lui qui n’avait finalement jamais été comblé. Les odeurs de la cuisine et les odeurs actuelles entourant le quai lui rappelaient qu’elles n’avaient pas mangé. Nova avait donc proposé de terminer ce rendez-vous à demi-raté dans un restaurant, question de finir la soirée sur une meilleure note. Perdue dans ses pensées, la jeune femme laissait ses cheveux roux portés par le vent s’emmêler dans le blond de Gretchen, à défaut de pouvoir se laisser aller au point que ce soit leurs doigts qui s’emmêlent. Sa question l’extirpa des tourments dans sa tête. « Du poulpe braisé ? Non … J’imagine juste l’image et j’sais pas si j’aimerais la texture … Tu aimes ça ? » Gretchen continua en vantant la sole, mais en ajoutant que le poulpe pouvait être exceptionnel. Nova sourit en voyant le regard lumineux de la blonde. Elle aurait aimé qu’elle parle d’elle comme elle parlait de nourriture (lol). « Il faudrait que j’essaie, alors. Tu vends bien la chose. » Elle sourit, avant de détourner le regard en se replongeant dans ses souvenirs, à la suite de sa question. « Quand j’étais au lycée, oui, j’ai participé à un voyage organisé en Espagne. C’était magnifique, mais c’est la seule fois. Après, j’ai commencé l’université et j’en suis encore à rembourser mes dettes, à mettre de l’argent de côté pour une maison et pour la retraite … et à flauber le reste dans les soirées. » Elle rit, puis haussa les épaules. C’était la vie que ses parents lui avaient appris. Planifier son avenir tôt. Le plaisir viendrait plus tard. À croire qu’ils n’étaient que bon à ça, la priver de son plaisir et toujours repousser à plus tard le moment où elle pourrait vivre sa vie comme elle l’entendait. Et ça lui restait dans la tête, tout ça. « Du coup les voyages viendront plus tard. Et toi ? T’es allée souvent ? Pour ta musique ? » Questionna-t-elle, elle aussi curieuse de découvrir d’autres mondes à travers les yeux et les paroles de Gretchen.

Faire de la course en duo c’était plaisant, ça permettait de discuter et de s’encourager, mais apprendre à boxer auprès de Gretchen ce serait une toute autre expérience. Elle s’imaginait mal frapper la belle blonde et vice-versa, mais ça leur vaudrait sans doute bien des fous rires et des demandes de pardon inutiles. Nova ferait rapidement comprendre à la jeune femme qu’elle était capable d’en prendre, même si cet entêtement entraînait pas mal d’ecchymoses au lendemain. La rouquine voudrait certainement impressionner son crush et pour ça, elle donnerait tout ce qu’elle avait. Lorsque la thanatopracticienne parla de son sport d’équipe de prédilection, soit le volley, Gretchen sembla surprise. Pourtant, elle pensait avoir clairement le profil pour ça. La grande et mince fille aux cheveux remontés en queue de cheval qui porte des shorts courts et des protège-genoux, c’était comme si ce style-là était fait pour elle. « T’es pas la seule, on dirait que le fait que ce soit un sport enseigné au lycée, ça dégoûte la plupart des gens. » Admit-elle en riant. Il y avait eu des cours obligatoires de volley, c’était genre le sport, avec la gymnastique, le badminton ou encore le basket, qui semblaient être des incontournables des années de l’adolescence. « Pour moi ça a été un coup de cœur et mon équipe est formée de filles avec qui j’allais au lycée, c’est cool, on n’a jamais perdu contact. » Elle en parlait avec un tel entrain que Gretchen se sentit coupable de ne pas s’être intéressée à ce sport avant. « Oh mais non voyons ! » Lâcha-t-elle dans un rire. Elle haussa les épaules. « J’te forcerai jamais à aimer les trucs que j’aime, hein. » Lui assura-t-elle, comme ça au moins ce serait clair. Elles pouvaient avoir leurs propres intérêts. Elles étaient tellement différentes, ça allait de soi. Quand même, Nova était prête à ouvrir un peu plus ses horizons pour la belle blonde, à commencer par du poulpe braisé, peut-être ! « En tout cas, c’est intriguant. Rien que pour comprendre ce que tu décris, j’aurai envie d’essayer. Au pire tu termineras mon assiette si je me vomis dessus. » Elle rigola. Elle se doutait que Gretchen n’aurait pas envie de terminer ses bouchées si Nova était en face d’elle en train d’être malade sur ses vêtements. La jeune femme proposa d’apprendre à le cuisiner afin de lui faire goûter. Nova lui sourit, touchée par cette attention. « Je t’assisterai. Et cette fois, on fera ça dans ta cuisine ou dans la mienne, comme ça on risque moins de reproduire le fiasco d’aujourd’hui. » Elle sourit, avant de se rappeler que ce serait un peu compliqué de faire ça chez elle. Avec ses colocataires aux alentours, elle risquait de changer complètement d’attitude afin d’entretenir le secret, et elle se doutait que ça ne plairait pas à Gretchen. Avec raison. La rouquine parla finalement de voyages, quasi absents dans ses expériences, puisqu’elle mettait déjà de l’argent de côté pour sa retraite, ce qui fit sourciller la musicienne. Elle rit, coupable et gênée. « Mes parents m’ont toujours stressées avec les finances, du coup j’ai de l’argent dans tous les véhicules d’épargne possibles … J’dormirai pas sur mes deux oreilles tant que j’aurai pas cotisé le plafond pour chaque compte. » Elle se fourra la tête dans ses deux mains en riant. « Tu dois trouver que je suis folle. » Chose certaine, elle pourrait relaxer comme personne lors de ses beaux jours de fin de vie. En espérant qu’elle soit en pleine santé pour en profiter. Gretchen, elle, avait sans doute plus d’histoires de voyage à raconter, mais ça semblait complexe. « Oh ? » Questionna Nova. Mais avant de rentrer dans le restaurant, la blonde demanda à fumer. La jeune femme ressentit un certain malaise, elle qui détestait la cigarette et qui avait d’ailleurs paniqué, la dernière fois chez Gretchen, un peu pour ça et pour tout ce qui les différenciait. « Euhm, non, non, vas-y … » Elle se décala un peu, cherchant à déterminer d’où provenait le vent pour adopter une position stratégique qui lui éviterait de respirer l’odeur. Elle écouta Gretchen parla de l’Europe en essayant de ne pas avoir l’air trop dérangée. Elle ne voulait pas avoir l’air de se braquer pour un rien. « Faudra les redécouvrir, alors. » Annonça simplement Nova, avec un petit espoir dans un coin de sa tête qu’elles le feraient toutes les deux, ensemble.

C’aurait creusé un peu plus encore le fossé entre elles, de savoir que Gretchen avait toujours eu du mal à s’intégrer aux groupes formés. Nova était généralement la chef d’équipe, et ça vaut autant pour les cours de sport que pour sa bande de copines en général. Elle aimait avoir l’attention, elle savait manipuler pour obtenir ce qu’elle voulait et elle savait aussi mentir pour s’attirer l’amour des autres. Cela l’avait rapidement propulsée au sommet de la popularité, derrière laquelle elle s’était cachée pour ne pas montrer ses failles. Il ne faisait aucun doute que Nova et Gretchen se seraient snobées, si elles avaient été au même lycée. Heureusement, malgré leur même âge, elles n’avaient pas fréquenté les mêmes établissements. C’aurait pu gâcher ce qui se passait là, actuellement, quelques années plus tard. C’était con, mais Nova remerciait le ciel de ne pas avoir mis Gretchen sur son chemin avant. « Ouais ! Enfin, y’a plusieurs personnes qui ont quitté Bowen après le lycée mais … pour celles qui restent dans le coin, c’est sympa, oui. » Nova avait souvent rêvé de quitter cette ville, d’aller se réinventer ailleurs, à Sydney, à Brisbane ou à Melbourne, dans les grandes villes quoi. Elle avait toujours eu l’impression qu’elle s’y sentirait plus libre. Malheureusement, la rouquine avait aussi eu une trouille monumentale, elle qui était habituée à ses repères à Bowen, à ses habitudes et à son statut, aussi. Elle avait eu peur de se retrouver complètement seule, ailleurs. « Dis comme ça, on dirait presque tu me mets au défi ! » Releva Nova avec un sourire au coin des lèvres et un regard observateur, alors que Gretchen affirmait que personne n’avait réussi à lui faire aimer quelque chose qui la rebutait aux premiers abords. Nova, de son côté, n’était pas fermée à proprement dit aux nouvelles expériences. Au contraire, elle aimait découvrir. Cependant, il est vrai que si elle n’excellait pas rapidement de façon à se mettre en valeur, elle se frustrerait elle aussi. De nouvelles expériences culinaires, ça par contre, aucun risque d’échec si elle n’avait qu’à goûter. Enfin, à part si elle commençait à se vomir dessus. « Non, pas sur toi, jamais !! Mais sur moi … ! » Elle haussa les épaules, l’air de dire j’y pourrais rien. Elle rigola en regardant vers l’avant. Il commençait à y avoir pas mal de monde puisqu’elles étaient sur l’avenue des restaurants, et il ne fallait quand même pas qu’elle fonce dans tout le monde rien que pour les beaux yeux de Gretchen dont elle n’arrivait pas à se détacher. La rousse éclata de rire, balançant la tête vers l’arrière, quand sa compagne parla de brûler un immeuble au complet plutôt qu’un bateau. « On n’aura qu’à se prévoir un menu froid, si y’a trop de risques. » Ce serait assez difficile de rendre dangereuse la confection d’une salade verte. Gretchen avait raison, elles ne parlaient que de bouffe et de vin. « J’vois pas où est le problème là-dedans … » Elle esquissa un sourire avant de rire tout doucement. Nova était une foodie et elle appréciait énormément les différents cépages. Rares étaient les femmes de son âge qui se souciaient à ce point d’un accord mets-vins. Aussi rares que celles qui prévoyaient déjà leur retraite. « Oui. Mais ils pensaient bien faire, sur ce coup-là. Et j’suis pas contre. » Elle avait spécifié sur ce coup-là parce que pour bien d’autres trucs, la fausse bienveillance de ses parents avait plutôt fait d’elle une coquille vide, parce qu’elle s’était vidée d’elle-même de ses vérités effrayantes. La jeune femme se contenta de rire quand Gretchen affirma qu’elle aussi, elle était folle. Sacré duo ! Avant de pénétrer dans le restaurant, la grande blonde demanda à fumer une cigarette. Après avoir analysé stratégiquement la position à adopter pour ne pas avoir de fumée dans sa direction, Nova continua leur conversation sur les voyages, tentant de dissiper son malaise par rapport à la cigarette. « Je serais incapable de choisir entre les deux … Quoique … c’est vrai que la Grèce m’a toujours fait rêver depuis The Sisterhood of the Traveling Pants … ! » Admit-elle avec un rire, elle qui avait autrefois bâti une partie de son personnage sur Bridget. Son regard brillait, tout d’un coup, elle aussi. Encore plus quand Gretchen proposa des concerts rien que pour elle. « J’te promets de t’écouter et de te regarder si intensément, que ce sera comme si tu faisais l’ANZ Stadium à guichet fermé. » Putain, elle devenait tellement mielleuse. Elle rougit légèrement, puis énormément en voyant Gretchen se rapprocher un peu et lui présenter son bras. Affolée, elle hésita une fraction de secondes avant d’attraper son bras et d’opiner de la tête. Oui, elles pouvaient y aller. La jeune femme rentra dans le restaurant et demanda une table pour deux, d’une toute petite voix, comme si elle voulait que personne ne les remarque. C’était ridicule et c’était blessant. Elle espérait que Gretchen était prête à s’armer de patience.

Everyone else in the room can see it, everyone else but you

C'est souvent le risque après le lycée : les gens grandissent, les adolescents deviennent des hommes et des femmes accomplis, et les chemins se perdent dans l'avenir. Gretchen n'avait pas gardé contact avec grand monde de cette époque, si ce n'est personne, puisqu'elle s'était ensuite enfuie à l'autre bout du monde, alors, elle comprenait parfaitement ce que disait Nova. Ce qui était admirable, par contre, c'était que le peu de personnes qui étaient restées avaient continué à se suivre sur ce chemin. Faisant la moue, Gretchen haussa les épaules, presque dégoûtée. « Hum, je retire ce que j'ai dit. Je ne tenterais pas, oublie ce défi ! » tente-t-elle de la convaincre avec un regard de biche. Elle vivait dans la compétition et le dépassement de soi perpétuel, alors si Nova relevait ce défi, elle risquerait bien de surenchérir et elles ne s'en sortiraient certainement pas. Et visiblement, elles étaient finalement l'une comme l'autre en train de refouler cette personnalité, en plus du côté sûrement fêtard. Gret avait beau paraître calme et dans son monde, elle aimait boire à n'en plus finir lors des soirées. Combien de fois elle avait fini dans le lit d'un inconnu à lui vomir dessus... Si Nova n'oserait jamais, elle ne pouvait pas promettre la même chose. Quand elles se lâcheraient enfin en compagnie l'une de l'autre, ça allait donner quelque chose de véritablement explosif, comme dans cette cuisine où tout avait failli brûler.  « Je suis d'accord. Et si on arrive à faire cramer quoi que ce soit comme ça, on devra définitivement se rabattre sur la livraison. » plaisanta-t-elle, tout sourire.  « Si je faisais pas autant de sport tous les jours, je prendrais sûrement au moins quinze kilos rien que pour toutes les fois où on a évoqué la bouffe. » ajouta-t-elle en s'imaginant ronde. Avec le recul, ça ne lui irait pas du tout, elle se sentirait sûrement mal dans sa peau, puisqu'elle avait toujours été trop mince pour ce monde, quoi qu'elle n'aurait pas dit non à deux ou trois kilos supplémentaires pour augmenter le volume de ses seins ou de ses fesses, sur lesquelles elle avait tendance à pas mal complexer.  « J'imagine que tous les parents pensent bien faire. » commenta-t-elle, une pointe de déception dans la voix. C'est ça, être humain. Avoir certaines choses dont une certaine éducation et désirer absolument tout l'inverse. A croire que l'être humain est paradoxal de nature, ce qui n'étonnerait pas la blonde qui entrait parfaitement dans cette règle. Heureusement, elles n'allaient pas en discuter pendant mille ans, trouvant le sujet des voyages plutôt intéressants. A l'évocation du film Quatre filles et un jean, la blonde se mit à sourire. Elle n'avait pas du le voir depuis plusieurs années, si bien que ses souvenirs étaient flous. Elle en avait même oublié que la Grèce était l'un des sujets du film, ce qui lui donnait envie de le revoir. « J'avoue, la Grèce, c'est plaisant. »  Elle avait retrouvé sur les lèvres un véritable sourire sincère. C'était un beau projet qu'elles ne pourraient peut-être pas réaliser tout de suite, mais rêver lui faisait beaucoup de bien. Ces derniers temps, elle se sentait revivre doucement, même si la douleur était toujours bien présente pour de multiples raisons, notamment celle de devoir se cacher du monde. Sans parler de ces histoires de concert... Nova était absolument adorable quand elle souriait ainsi, avec le regard pétillant. La blonde avait tout de suite envie de sortir la guitare pour jouer devant elle, mais elles devraient patienter. « Wow... Je vais vite tomber amoureuse si tu me regardes si intensément pendant un concert privé, je préfère t'avertir. » Elle l'était déjà, un peu mordue, mais ce serait encore pire une fois cette étape passée. Tout sourire, le cœur léger, elle apprécia le contact de la rousse sur son bras et entra avec elle dans ce restaurant pour un nouveau repas très romantique. Elle vivait une vie rêvée, bien que les conditions et les problèmes ne doivent bientôt revenir à la charge.  

Codage par Libella sur Graphiorum

HRP: