bad habits ⤅ morgan

bad habits

Calée dans un large fauteuil confortable aux abords de la piste de danse, ses deux tresses parsemées d’épis et de mèches rebelles, un peu humidifiées de sueur, Effy riait aux éclats, malgré le verre d’eau qu’elle tenait à la main. Seule boisson qu’elle s’autorisait ce soir, d’une part parce qu’elle se félicitait d’éviter l’alcool, d’autre part par sécurité. C’était un peu de mauvaise foi, sachant que si elle avait choisi de ne pas spécialement boire ce soir, c’était parce qu’elle s’autorisait un autre type de poison. Et puis, sa flasque de vodka était bien calée dans sa poche arrière, lui permettant de boire une gorgée par-ci, une gorgée par-là. Ce soir, cette irrépressible envie de bouger, de s’échapper, de se perdre, l’avait saisie. Elle avait obéi, quittant son appartement pour aller se réfugier dans la chaleur humide de la boîte de nuit, laissant son corps se mouvoir au rythme des basses, parlant avec l’une ou l’autre personne croisée sur son chemin, de temps en temps, sourire énigmatique et regard sauvage perçant la foule. Deux bombes d’ecsta plus tard, elle s’était assise avec eux à une table pour poursuivre la soirée. Soirée qui toucha à sa fin beaucoup plus tard, alors qu’elle sortait au grand air rafraîchi de la nuit, allumant sa clope, ses iris azur se levant vers la lune lointaine. Elle accompagna un petit groupe au début d’une ruelle adjacente, pour partager un dernier joint avec eux avant de rentrer se coucher. Elle aurait mieux fait de passer, car quelques minutes plus tard, les lumières bien reconnaissables d’un gyrophare éclairaient les murs, alors que l’anglaise laissait échapper un long soupir. Elle avait encore cinq ou six bombes d’ecstasy sur elle. Et avant même qu’elle se retourne, elle avait reconnu la voix de l’autre flic, celui qui lui tombait toujours dessus. Cette fin de soirée allait être une sacrée partie de plaisir, dis donc. Fuck.

Tu ne savais pas quelle heure il était. Mais pour une fois, ce soir tu n'étais pas sur le terrain. Tu étais chez toi, dans ton lit. Tu ne sais pas depuis combien de temps tu n'as pas dormi. Tu as un peu de temps ce soir. Il faut bien que tu en profite, on pouvait t'appeler à n'importe quel moment de la nuit ou alors pas du tout. Cela dépendait si on avait besoin de toi. T'étais pas le seul flic de Bowen. Ils pouvaient te laisser tranquille pour une fois. Alors que tu allais entrer en phase sommeil lent profond, tu entends la sonnerie de ton portable, te faisant sursauter. Tu l'avais mis suffisamment fort pour l'entendre. Tu le prends et décroche. Bien sur on avait besoin de toi. Fait chier. C'était pas encore ce soir que tu allais récupérer de tes nombreuses heures de travail.

On t'avais encore appelé pour des conneries. Des trucs que les autres pouvaient régler tous seul sans avoir besoin de toi. Vous avez encore arrêté un gamin. Vous étiez assez nombreux juste pour un simple gamin. T'allais pas partir avec eux au commissariat. Ils pouvaient rentrer tous seuls comme des grands. Il était attaché de toute façon, le jeune pouvait pas faire grand chose à part proférer des insultes ce qui ne l'aidera pas. Tu laissai tes trois collègues ramener le gamin dans leur voiture. Toi tu restai là avec un autre collègue. Tu sais pas pourquoi tu restai encore, tu pouvais rentrer chez toi. Tu sors une clope de ton paquet que tu allumes. Alors que tu viens de tirer une première latte, ton collègue te montre quelque chose à ta gauche, te demandant si tu connais la personne. Tu fronces les sourcils, te demandant bien de quoi il voulait parler. Toujours ta clope entre tes lèvres, tu tournes la tête vers la gauche pour voir une personne que tu connaissais bien. Que tu avais revu il y a ça quelques mois. Et tu la revoyais ce soir. Elle était connue ici à Bowen. Tu aurai très bien pu la laisser tranquille, la laisser rentrer chez elle ou qu'elle termine sa soirée tu ne sais où mais tu faisais ton taf. Tu aurai été seul, tu l'aurai laissé tranquille. Mais t'es pas seul ce soir. Alors tu fais ton boulot. Tu t'avances vers elle, ton collègue sur tes talons. "C'est pas la première fois qu'on t'arrêtes. J'espère que ce soir on aura pas à le faire.". Tu laisses ton collègue la fouiller. Il sort de sa poche arrière une flasque qu'il ouvre et sent son contenu. "Vodka". Vous allez pas l'arrêter pour si peu...il continue sa fouille et sort des autres poches un sachet transparent où se trouvait quelques pilules aux couleurs différentes reconnaissables entre mille. Elle le faisait exprès ! Tu laisses ton collègue lui mettre les menottes sans intervenir.

Tu te trouves au commissariat dans ton bureau. Devant toi se trouve la jeune femme que toi et ton collègue avez arrêté. Tu as allumé ta deuxième cigarette de la soirée. A voir combien tu en fumeras ce soir. Deux ou bien plus ? Une fois ta cigarette allumée, tu reposes ton briquet sur ton bureau. Tu lui demande pas si elle en souhaite une. Tu tires une première latte et sort de ton silence depuis que vous l'aviez arrêté. [b]"J'aurai très bien pu te laisser repartir. Mais j'étais accompagné ce soir. Je sais que les nombreux discours sur les danger de la drogue ne serviront à rien. J'pourrai très bien te relâcher là tout de suite mais j'peux pas. J'te rassure j'te mettrai pas en taule. Mais si tu veux que j'te lâche la grappe faudrait que tu fasses un effort de ton côté." T'avais un marché à lui proposer. A voir si elle l'acceptera ou non.

Milo allait la tuer. C’était bien sa veine tiens, elle était déjà passée maintes fois entre les mailles du filet, mais après une petite cure forcée en hôpital psychiatrique, la seule fois où elle craquait depuis des semaines, elle se faisait choper. Sérieusement, l’univers ? Et en plus, c’était toujours le même, le flic Johnson. Elle avait beau le regarder de travers, Effy savait bien qu’il la laissait filer la plupart du temps. Pour une raison inconnue, il ne se montrait pas trop sévère avec elle, malgré son comportement ingrat et insolent. Peut-être qu’il avait compris depuis bien longtemps qu’elle était un cas désespéré, et qu’on ne pouvait rien lui faire de plus que ce qu’elle se faisait déjà à elle-même. Au fond, il devait être plus intelligent qu’il n’en avait l’air. Mais ça la faisait quand même toujours chier de le croiser et elle ne se privait pas de le faire savoir. Elle le faisait un peu exprès aussi, de le narguer. Allez savoir pourquoi. L’Anglaise ne tenta même pas une fuite ou une justification. C’était pas la peine, vraiment. Elle se laissa faire par le collègue de Johnson, levant les yeux au ciel, mais n’opposant aucune résistance. Elle était en faute et ils allaient trouver pourquoi, ça ne servait strictement à rien d’essayer de gagner du temps ou de cacher quoi que ce soit. Et jackpot, le flic tomba en effet sur sa petite réserve. Quelques secondes plus tard, elle avait les menottes. D’ordinaire, elle aurait affiché un petit sourire insolent, comme si la situation était une bonne blague qu’elle seule pouvait comprendre. Cette nuit, elle n’en avait pas le cœur. Parce que pour la première fois depuis des lustres, elle en avait quelque chose à foutre. Elle avait promis à Milo de faire des efforts, d’essayer de quitter tout ça. Elle savait qu’elle n’y arriverait probablement jamais, mais néanmoins, elle essayait, elle ralentissait, tempérait un peu ses pulsions sauvages et autodestructrices. Elle reprenait le contrôle, petit à petit. Se faire embarquer au commissariat ne faisait pas partie de cette amélioration, aussi légère soit-elle. Elle s’en sortirait, comme toujours, mais elle en menait moins large que d’habitude. Une vingtaine de minutes plus tard, disons trente le temps de l’enregistrer et de la débarrasser de ses affaires, Effy était assise à la table, face au policier, qui fumait sa clope façon flic des années quatre-vingt. Bah bravo, les forces de l’ordre. Elle hocha d’abord la tête, gardant le silence. Elle savait qu’il disait vrai, qu’il l’aurait laissée repartir, pour si peu. Et il la connaissait suffisamment pour avancer ce qu’il lui disait là. « Ça, c’était déjà un effort. » marmonna la brunette en arquant un sourcil. Certes, elle était encore un peu perchée, mais il l’avait déjà retrouvée dans des états bien pires. Prendre deux bombes sur la soirée et carburer à l’eau, la première fois qu’elle s’encrassait le corps en trois semaines, ça relevait déjà de l’exploit, pour la belle Anglaise. « Merci. » souffla-t-elle quand même de mauvaise grâce. Elle était bien placée pour savoir que vu le nombre de ses récidives, il aurait pu la foutre au cachot quelques jours. Vandalisme, drogues, ivresse sur la voie publique, outrage à agent. Son dossier était suffisamment fourni pour ça.

hj:

Tu avais encore fait la morale à la jeune femme. La dernière fois que tu l'avais croisé était il y a quelques mois en boite de nuit. Ce soir, tu l'avais encore arrêtée comme à chaque fois que tu la croisais. Elle n'avait vraiment pas de chance de tomber sur toi alors qu'elle était toujours dans un sale état. Tu espérais juste qu'elle n'était pas comme ça tous les jours. Non. Si ça aurait été le cas, elle aurait eu une tête pas très belle à voir. Tu lui avais dit de faire des efforts si elle souhaitait que tu la laisse tranquille. Celle-ci te répondit en disant que ça était déjà un effort. Elle parlait de ce soir. Tu l'observas quelques secondes. Elle ne sentait pas l'alcool comme habituellement lorsque tu l'arrêtais. Par contre tu remarquais bien ses pupilles dilatées dû à la prise de drogue. Elle avait au moins fait un effort au niveau de l'alcool. Mais tu aurais apprécié qu'elle en fasse plus des efforts. Tu sais pas trop pourquoi tu t'inquiètes comme ça pour elle alors que vous ne vous connaissez pas spécialement et votre relation n'était pas des plus sympathiques au contraire. Vous n'êtes pas spécialement ennemis mais c'était tout comme. Merci. Cela te décontenanças pendant quelques secondes. C'était bien la première fois que quelqu'un te remerciait. Pourquoi Effy ? Toi qui t'attendais à une autre insulte de sa part comme à son habitude. Peut être te remerciait-elle pour ne pas l'avoir encore mise en taule. Tu aurais dû normalement. Mais tu savais très bien que cela ne servait à rien. Elle resterait quelques temps en prison et recommencerait à se droguer le premier jour de sa sortie. Tu avais réfléchi pendant quelques jours à ce que tu pourrais lui proposer pour l'aider à s'en sortir. Ou du moins freiner sa consommation. A elle d'accepter ou non. S'il lui arriverait quelque chose dorénavant, c'était plus ton problème. Souhaitait-t-elle crever au fin fond d'une ruelle sombre oubliée de tous ou souhaitait-elle continuer à vivre. Tu sortis de ta poche un dépliant publicitaire concernant un centre de désintoxication à quelques heures de Bowen. Dépliant que tu posas devant la jeune femme. "Je te laisse le choix de t'en sortir ou non.". Qu'allait-t-elle décider ?

À la réponse de Johnson, la brune au regard aiguisé reprit son habituel sourire narquois. Ah, il lui laissait le choix de s’en sortir. Sortir de quoi, au juste ? Vivre comme ça, c’était pas réellement un choix. Vivre de travers et avec un cerveau tordu, c’était un fait. Elle faisait des efforts, mais vivre avec ses démons au quotidien, c’était pas un choix. Le choix c’était de se battre ou d’abandonner. Et elle tergiversait sans cesse entre les deux, fatiguée, lassée, sans espoir sur l’issue de toute l’histoire qu’était sa vie. Eff’ eut rapidement la réponse, quand il lui glissa un prospectus sous le nez. Cette fois, elle éclata franchement de rire. Parce qu’il y croyait, réellement ? Au stade où elle en était, la croyance de mille personnes à la place de ses propres espérances n’auraient pas réussi à la sauver. En tout cas, elle en était intimement convaincue. « Et c’est quoi, ce fameux plan de sauvetage ? » reprit-elle, tranchante, son regard d’un bleu incroyable perçant celui du flic. L’enfermer et lui donner d’autres drogues pour tenter de la sevrer des actuelles, c’était ça l’idée ? Mais c’était inutile, ça, c’était pas ça le fond du problème, c’était pas un semblant de solution. Y avait pas que les drogues qui n’allaient pas chez Effy, loin de là. Ça, c’était que ça solution à elle, et non un problème. Une solution malsaine et destructrice, certes, mais la seule qui parvenait à lui faire traverse cette vie, sur son navire aux voiles déchirées, qui prenait l’eau petit à petit. Il espérait quoi, qu’une énième cure de désintox allait soudainement recâbler son cerveau en vrac et que quelques séances de psy en feraient une citoyenne modèle ? C’était beau, de rêver.