they say that i can't last a day in the real world, i say you wouldn't survive one night in mine ⤅ perry

they say that i can't last a day in the real world, i say you wouldn't survive one night in mine

Elle avait décroché le téléphone d’un noir délavé, marqué de griffes, traces de toutes les lourdes annonces que l’appareil avait porté au fil des années. Il devait en avoir entendu, des histoires. Des bien connes et des biens tristes. Celle d’Effy, elle n’avait rien d’exceptionnel, elle n’en était pas à sa première danse au commissariat. Insensible aux remontrances, aux voix tantôt agressives, tantôt adoucies des forces de l’ordre, histoire de bien jouer avec ses nerfs, l’anglaise avait plutôt longtemps tergiversé sur qui appeler. Se faire prendre, elle s’en moquait pas mal, d’habitude, ça n’arrivait pas souvent et elle s’en tirait toujours. Le flic Johnson avait d’ailleurs souvent fermé les yeux, préférant la saouler avec des histoires d’injonction thérapeutique ou des travaux d’intérêt général, que de la foutre vraiment dans la merde. Il était peut-être con ce type, mais au moins il comprenait que ça ne servait à rien d’agiter le bâton avec elle. Ça ne changerait rien. Cette fois cependant, c’était sans doute la fois de trop. C’était bête, pour trois fois rien en plus. Résultat, une belle amende qu’elle était incapable de payer l’attendait, et après une éternité de papiers administratifs, elle se retrouvait avec ce combiné en main, à composer le numéro de Perry. Elle avait hésité à appeler Milo, balançant entre l’honnêteté et sa promesse, et la peur de lui avouer. Il lui avait promis de ne jamais l’abandonner, peu importe ce qui se produirait. Mais Effy connaissait trop bien la chanson, la peur de sa propre vulnérabilité et du rejet, qu’elle ne cachait que trop bien, était solidement ancrée dans ses tripes. Elle ne voulait pas faire face à ce qu’elle savait déjà : elle n’apportait rien de bon au musicien. Elle le prouvait encore une fois. Et ça lui déchirait le cœur. Et là, tout de suite, elle n’avait pas envie de lui avouer. Elle ne voulait pas approcher cette spirale de questionnements maintenant. « C’est Effy. Liz. J’ai besoin d’aide. » dit-elle simplement, d’une voix blanche, quand le jeune homme décrocha enfin. Après l’étrange histoire de leur rencontre, ils s’étaient effectivement recroisés à de multiples occasions. Sans doute pas suffisamment pour qu’elle se considère comme une amie, mais à l’instant, elle ne savait pas qui appeler d’autre.

Quand son téléphone sonna, Perry était à son bureau, en train de lire des mails tout en regardant une vidéo débile sur youtube, on ne peut pas dire qu’il soit au top de la productivité mais c’est sa manière de faire. Il ne travaille pas comme un acharné, ce n’est pas un bourreau de travail mais il tente de faire au mieux et d’être un minimum à la hauteur de ses responsabilités. Le numéro qui s’affiche n’est pas enregistré et il se demande qui ça peut être, sans doute quelqu’un qui ne l’a jamais appelé sinon le numéro serait enregistré. Il décroche, lâchant simplement un « Allo ? » avant d’entendre la voix de Effy/Liz. Il fronce les sourcils en l'entendant lui demander de l’aide, elle n’a pas l’air bien. « T’es où ? » lui demande-t-il, se levant et attrapant ses affaires sans même attendre sa réponse. S’il ne pensait pas la revoir, au final ils s’étaient recroisés quelques fois, échangeant même leurs numéros. Il avait mis un temps à comprendre ce qu’elle était et même maintenant il ne comprenait pas vraiment pourquoi elle faisait ça, bosser dans une maison close, prendre de la drogue. Il voulait l’aider mais il sait aussi que ce n’est pas simple. Lui n’a pas été longtemps dedans, il a pu en sortir facilement mais pour elle ce n’est pas si simple. « J’arrive. » lâche-t-il avant de raccrocher et de dire à son secrétaire qu’il doit y aller et qu’il espère être de retour rapidement. Perry traverse la ville aussi vite que possible sur son skate, encore habillé avec ses habits de bureau, une chemise et un pantalon sobre, le tout accompagné de jolies chaussures, ça donne une vision un peu étrange mais il s’en fiche, il n’abandonnera pas son skate sous prétexte qu’il dirige une boite et qu’il doit avoir genre une voiture avec chauffeur. En arrivant, il se dirige directement vers l’accueil et dit « bonjour, je viens chercher Elizabeth. » Il n’a pas retenu son nom de famille mais il espère que ça suffira.

La voix au téléphone lui conféra une pointe de soulagement, il avait décroché. S’il n’avait pas été là, elle n’aurait pas été sûre de qui appeler. Sans doute Milo, mais cela aurait garanti une conversation plus houleuse. « Au commissariat. » répondit-elle sans plus d’explications. Ça devait vraiment lui paraître insensé, qu’elle l’appelle à l’aide, alors qu’ils n’étaient même pas proches et qu’Effy ne lui avait jamais confié quoi que ce soit sur ses activités, rien de précis en tout cas. Tout ce qu’il savait, c’est qu’elle vendait son corps aux âmes esseulées de Bowen ou des villes voisines. Aucune connaissance de sa récente tentative de suicide ni de son séjour en hôpital psychiatrique. « Il faudrait quelqu’un pour venir me chercher. » ajouta-t-elle après une pause, sans préciser dans l’immédiat que ce n’était pas la seule chose dont elle avait besoin. Perry répondit sans hésiter qu’il arrivait, arrachant un sourire reconnaissant à la jeune femme, même s’il ne pouvait le voir. « Merci. » souffla-t-elle avant de raccrocher. Il ne restait plus qu’à attendre. On vint finalement la chercher, demandant une Elizabeth, et elle se leva. Prénom qu’elle n’entendait jamais, hors des murs du commissariat. L’anglaise se leva, récupérant ses maigres possessions à savoir son téléphone et son portefeuille, ainsi que la flasque d’alcool qu’elle emportait souvent avec elle, désormais vide. Alors qu’elle rejoignait Perry, lui adressant un petit sourire sans joie, le policier continua à s’adresser à ce dernier. « Il y a également ceci. » fit-il d’un air désinvolte, pensant sûrement plutôt au sandwich qu’il allait s’envoyer ce midi, en faisant glisser les papiers vers Perry. Effy s’en empara avant que le blond ne puisse faire un geste, les repliant en quatre. « Merci. » fit-elle avec ironie à l’attention du policier administratif, le gratifiant d’un sourire insolent. Elle avait beau afficher un air rebelle, intérieurement elle n’en menait pas large. Une fois dehors, n’ayant pipé mot jusque-là, elle se tourna vers le garçon. « J’ai une amende à payer. » dit-elle, le visage impassible. Dans le fond, elle était profondément mal à l’aise par rapport à ce qu’elle s’apprêtait à demander, mais elle ne laissait rien transparaître. « J’ai pas les moyens. » termina-t-elle finalement en baissant la tête. Elle comprenait bien que ce qu’elle demandait de façon implicite était totalement déplacé, et Perry avait toutes les raisons de refuser. Mais elle n’avait pas de solution sous la main alors il semblait plus judicieux de tenter, quand bien même elle avait honte de demander un truc pareil.

Perry ne s’attendait pas à recevoir un coup de téléphone de la demoiselle, surtout pas un lui disant qu’elle était au commissariat. Il ne pensait pas que ça serait lui qu’elle appellerait, il n’imaginait pas vraiment qui l’appellerait pour ce genre de choses. Fede peut-être ou Concho ? Et lui, qui viendrait le chercher au commissariat ? Si sa sœur n’était pas repartie au Texas, ça aurait été sûrement elle mais à présent il n’en sait trop rien. Au final même si c’est un homme très sociable et bien entouré, il a parfois l’impression de n’être réellement proche de personne. Ce n’est pas un gars complexe à comprendre qui ne s’ouvre qu’à quelques personnes. Non il est plutôt simple et ne cache pas grand-chose aux gens alors même s’il a un meilleur ami et quelques amis proches, il n’a pas l’impression d’avoir un cercle aussi grand que ce que les gens pourraient s’imaginer. En tout cas il faut croire qu’il est plus proche d’Effy que ce qu’il aurait pu penser. Il n’attend pas longtemps avant de filer en direction du commissariat pour aller la chercher, comme la personne responsable qu’il n’est pas. Le jeune homme ne met pas très longtemps à arriver et patiente au guichet, le temps que l’officier aille chercher la jeune femme. Il la voit arriver et elle n’a pas l’air dans une grande forme mais ça ne change pas réellement du peu de fois où il l’a vue. Il l’a rencontré dans une maison close et elle lui a donné l’impression d’une personne pas très bien dans sa vie même si comme le type naïf qu’il est, Perry a préféré s’imaginer que tout ceci n’était qu’une mission sous couverture. Le policier donne un papier à Effy, papier qu’elle glisse directement dans son sac. Rapidement elle lui avoua que c’était une amende, qu’elle devait payer et qu’elle n’en avait pas les moyens. « Une amende pour quoi ? » demanda-t-il alors sans jugement, juste par curiosité, histoire au moins de savoir de quoi il la sort. Sans attendre sa réponse il ajoute « C’est combien ? » Il glissa sa main dans sa poche pour en extraire son porte-monnaie, près à payer l’amende qui ne représente rien pour lui.

hj : i'm so late sorry

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Au stade où elle en était, ça ne servait à rien de mentir ou de minimiser. Surtout vu la demande qu’elle venait de faire. « Possession de drogues. » répliqua-t-elle immédiatement en toute transparence, le visage toujours baissé en direction du sol. Pas une once de honte ou de regret dans son ton, elle regrettait de s’être fait prendre, pas d’avoir eu quelques pilules sur elle, pas d’avoir reconsommé. Pas d’en avoir eu besoin. Effy faisait des efforts pour tenir la tête hors de l’eau, mais dans le fond, elle restait fidèle à elle-même. Ratée au démoulage, elle n’avait pas sa place dans ce monde, elle en avait toujours été intimement convaincue. C’était comme ça. « 450 dollars. » répondit la brunette en relevant la tête, ancrant son regard bleu océanique dans celui de Perry. Elle l’avait dit avec aplomb, parce que de toute façon, elle jetait une bouteille à la mer, à court de solutions, espérant une intervention divine. Ça ne servait à rien de tourner autour du pot et de jouer les timides. L’Anglaise fronça cependant les sourcils en voyant que Perry avait déjà la main au portefeuille avant même de connaître le montant. Surprise de constater la facilité avec laquelle il acceptait. Oui, elle l’appelait à l’aide, aussi humiliant que ce soit pour elle, Effy l’indépendante, Effy dans son monde, Effy qui préférait rester dans sa merde et se débrouiller par elle-même. Mais les choses semblaient changer. Ce qui s’était passé, son séjour à l’hosto et ses retrouvailles avec Milo, avait changé la donne. Peut-être était-ce pour ça qu’elle avait appelé Perry. Pour s’extirper d’une situation délicate, oui, mais aussi pour affronter la personne qu’elle avait promis de devenir. Elle n’allait pas fuir, pas s’enfermer dans une spirale infernale, comme elle l’avait toujours fait, comme elle avait envie de le faire. Non, cette fois elle prenait ses responsabilités, demandait de l’aide, peu importe que ça lui arrache la gorge et sa fierté de le faire. « J’suis désolée de te demander ça. » ajouta-t-elle tout de même à mi-voix. Encore une fois, une lueur dans son regard, mélange de gratitude teintée de désespoir, avec une pointe de force de caractère en fond de toile.

Elle avait répondu à sa question, simplement, sans tenter de cacher ce qu’elle avait fait. Ou au contraire, peut-être que c’était pire que ça et qu’elle lui avait dit quelque chose de plus acceptable. Toujours est-il que la possession de drogues n’est pas un truc que Perry apprécie particulièrement. Il a vécu un court moment dans la spirale des drogues suite à un enchaînement d’événements qui l’ont poussé à tout repenser. Il en est sorti rapidement, grâce à Penny, qui, même si elle ne comprenait pas ce qu’il se passait, l’aimait de tout son cœur. Il a fait une cure de désintox et mène aujourd’hui un combat contre les drogues, n’ayant plus touché à quoi que ce soit d’illégal depuis des années et essayant d’aider ses amis qui pourraient toucher à des trucs pas bien, à renoncer. Effy enchaîna avec le prix de l’amende. Pour beaucoup c’est un prix énorme mais pour le jeune homme ça ne représente pas grand-chose. Il dégaine seulement sa carte près à payer. Elle s’excusa d’avoir à lui demander qu’il paie mais il se contenta de soulever les épaules. Rapidement il paya avant qu’ils puissent quitter le commissariat. Une fois dehors, il lui demanda « T’as pas t’excuser. Juste pourquoi tu fais ça ? C’est vraiment d’la merde ces trucs, peu importe c’que c’est. » Elle devait sans doute le savoir mais il voulait tout de même lui dire. Parfois les gens le savent mais lorsque quelqu’un d’autre leur dit, la résonance est différente. Perry veut aider la jeune femme, autrement qu’en payant ses amendes. « J’espère que ça va pas recommencer. J’dis pas ça pour que tu sois plus discrète hein. » D’un coup il était un peu plus sérieux qu’à son habitude. La drogue est un sujet qui le rend sérieux et lui donne un air de grand-frère protecteur.

Le calme de Perry face à la situation et l’insouciance avec laquelle il acceptait sa requête, sans mot dire, sans surprise ni froncement de sourcils, soulageait la jeune fille. Elle détestait demander de l’aide et être redevable, mais la réaction du garçon l’aidait beaucoup, en cet instant. Cependant, les questions habituelles arrivèrent, questions auxquelles les réponses d’Effy n’apportaient jamais grand-chose. Comment expliquer toute une vie d’autodestruction à des gens qui étaient nés dans le bon sens ? La brunette ne s’était jamais sentie comprise, à bien des égards, mais elle avait fait sa paix avec ça depuis belle lurette. Elle était comme elle était, fucked up sans doute depuis toujours, un peu à côté du monde réel, en marge d’un système auquel elle ne s’adaptait pas, préférant plonger dans les remous noirs de son esprit. L’Anglaise haussa donc les épaules à la question de Perry. Ces mots, elle les avait entendu des centaines de fois, il le savait sûrement aussi. Elle ne voyait même pas l’utilité de lui répondre, il n’y avait rien à dire. « C’est utopiste, comme espoir. » lâcha-t-elle ensuite, le visage assorti d’un sourire sans joie. C’était sans doute malvenu de sa part après ce que le jeune homme venait de faire pour elle, sans même la sermonner. Mais elle ne pouvait faire autrement qu’être honnête. Promettre qu’elle allait arrêter les drogues, l’alcool et les merdes, elle ne le faisait jamais, et on lui avait demandé bon nombre de fois. Déjà, elle parvenait à garder les choses sous contrôle, depuis tout ce qui s’était passé avec Milo. Pour la première fois, elle acceptait de remettre les choses en perspective et d’entrevoir la possibilité d’une amélioration. Ça ne se voyait peut-être pas de l’extérieur, mais c’était déjà une énorme avancée. « Merci. » Le ton était calme, mais la force déposée derrière ce mot voulait tout dire, alors qu’elle ancrait son regard iceberg dans celui du blond. Au fond de ses iris, on pouvait apercevoir toute la gratitude que ses traits figés n’exprimaient pas.

Perry n’est pas vraiment le genre à passer des savons aux gens, à leur faire la morale. C’est même plutôt lui qui se fait sermonner parfois, même par ses filles. Il est d’ailleurs parfois obligé de les disputer mais on ne peut pas dire qu’il soit le parent avec le plus d’autorité. Pour Siobhan, il laisse ça à Aisling qui a une autorité naturelle. Et pour Penny, pour l’instant elle a l’air d’être plutôt équilibrée et responsable alors son manque d’autorité n’est pas trop un problème. Il se demande si les choses vont continuer lorsqu’elle sera un peu plus dans l’adolescence et qu’elle commencera à faire des bêtises. Elle en fait peut être déjà mais si c’est le cas, elle cache bien son jeu. En tout cas pour Effy, il ne sait pas exactement quelles bêtises elle a fait, il ne lui demande pas trop de détails, mais il imagine que ce n’est pas une bêtise d’enfants. Malgré tout, il aimerait comprendre ce qui pousse la jeune femme à agir ainsi. Il se dit qu’il doit bien avoir quelque chose derrière tout ça. Il n’a pas envie de jouer les psy mais il a aussi connu quelques moments pas sympas dans sa vie et aimerait bien qu’Effy puisse avoir l’aide qu’il a eu lorsqu’il n’allait pas bien. La jeune femme évite sa question. « Mmh...ouais. » répond-il seulement. Ils ne se connaissent pas énormément mais il aurait tout de même apprécié qu’elle lui donne quelques informations, même partielles pour l’aiguiller. Elle le remercia tout de même et il se rendit compte que cela n’était pas anodin pour elle. « Tu sais, j’veux bien t’aider, mais j’veux pas t’obliger, juste c’est con de foutre sa vie en l’air. » dit-il en haussant les épaules.

Elle aurait eu bien du mal à emmener Perry se promener sur le chemin de ses démons. Et par respect pour sa santé mentale, elle ne l’aurait jamais fait même si elle avait pu. Personne ne méritait de subir les abysses sombres et torturées de son esprit. Ne fut-ce que les entrevoir était déjà assez effrayant. La plupart des gens semblaient le sentir et s’éloignaient naturellement de la jeune fille. Ils faisaient bien. Traîner autour d’elle n’amenait jamais rien de bon. Un petit rire cynique franchit les lèvres de la brune lorsque son interlocuteur parla de foutre sa vie en l’air. Elle ne s’attendait pas à plus de compréhension de sa part, pas plus que de n’importe qui d’autre. C’était difficile de se glisser dans la peau d’Effy si on n’était pas dans son crâne tourmenté. Et, encore une fois, elle ne souhaitait cette expérience à personne. Elle aurait aimé avoir une vie saine et normale, mais fallait croire que y avait eu une erreur à la fabrication. « Elle est pas en l’air. Elle a juste jamais été sur terre non plus. » rétorqua Eff’ avec un nouveau haussement d’épaules défait de toute illusion. Elle n’avait jamais su prendre le droit chemin, tout simplement parce qu’il n’y avait pas de chemin pour son existence. Plutôt une bulle suffocante qui la séparait de la réalité, de la normalité, des rêves et des expériences des gens communs. Elle n’avait jamais su pourquoi, mais elle avait fini par l’accepter. Ça ne servait à rien de se battre contre du vent, elle était comme ça, point. Peu importe à quel point elle essayait, elle finissait inévitablement et inexorablement par foirer. Généralement en entraînant des gens dans sa chute. L’image de Milo revint dans son esprit et son cœur se serra. Malgré tout ce qu’elle ressentait pour lui, il était hors de question de prendre le risque de l’entraîner avec elle. Une moue empreinte de tristesse prit place sur le visage de la jeunette, qui secoua la tête sans mot dire. « C'est gentil. Mais c'est une proposition dangereuse, tu sais. » finit par reprendre la journaliste, sourit sans joie au bord des lèvres.

Effy et Perry semblent si différents qu’ils n’ont pas l’air de vivre dans le même monde. Lui essaie toujours de voir le positif et de rejeter les idées négatives le plus loin possible. Son monde ressemble un peu à celui des bisounours tandis que pour la jeune femme, c’est tout l’inverse. Elle ne semble pas voir la beauté du monde qui l’entoure et ne pas réussir à vivre en dehors de ses addictions. Le jeune homme n’est peut être pas bien placé pour la conseiller. Il n’a pas été longtemps accro, il a toujours eu des gens pour le tirer vers le haut, pour l’aider quand il n’allait pas bien et Effy ne semble pas avoir eu cette chance. Il se dit qu’à force elle a fini par rejeter les personnes qui voudraient l’aider. Elle lui fait comprendre que sa vie n’a jamais été vraiment stable, saine et équilibrée. Au final elle n’a pas de repère positifs, de choses qui pourraient l’aider. « Tu sais y’a un début à tout ! » lui répliqua le jeune homme, déterminé à faire quelque chose pour elle. Il n’est pas du genre à laisser les gens tomber, il est présent quand ses amis en ont besoin, la plupart du temps. Pour autant elle ne le rejette pas, le prévenant seulement qu’il s’engage dans quelque chose de sans doute plus compliqué que ce qu’il s’imagine. « Je risque quoi ? » demanda-t-il alors. Perry est relativement trouillard alors si la situation devient vraiment dangereuse il risque de prendre ses jambes à son cou et courir le meilleur cent mètres de sa vie. Il ne s’imagine pas que les choses puissent réellement devenir dangereuse ou qu’il puisse finir par se faire influencer par Effy plus qu’il ne pourrait l’influencer. S’il est assez manipulable, il a aussi assez de caractère pour dire non, surtout lorsqu’il s’agit de drogue.

La brune haussa les épaules, face à l’affirmation presque enthousiaste de Perry. Lui, il semblait vivre dans un monde d’illusions et de magie blanche, alors qu’elle, elle était dû côté des ténèbres et des abysses, ne voyant qu’une peinture nihiliste et triste pour représenter la vie humaine. Effy avait toujours été comme ça, enfin, en partie. Elle avait eu une vie normale, une enfance stable. Des amis et une famille. Elle n’avait pas toujours vu la vie avec un tel cynisme, parce qu’elle était encore trop jeune pour avoir une vision assez élaborée de l’existence. Elle était cette petite fille malicieuse et déjà très intelligente, avec une conception bien à elle des choses et un esprit très analytique pour son âge, mais aussi passionné. C’était sans doute la réalité de la vie et les drogues qui l’avaient pointée dans cette direction, un peu moins d’optimisme, toujours une bonne dose de folie, et puis des angoisses existentielles. Elle était juste comme ça. Prédisposée à voir le monde ainsi. « Des déceptions. » répondit simplement la jeune femme, avec un nouveau haussement d’épaules. Voilà ce qu’il risquait, et ce qu’Effy s’imaginait faire vivre à la plupart de son entourage. Des déceptions. Pourtant, cette enfant lumineuse et espiègle était toujours quelque part en elle. Elle sortait parfois, autant grâce à l’alcool et la drogue qu’à des moments inattendus. Effy avait beau vivre dans une tête hantée de pensées sombres et d’angoisses insolubles, elle était aussi quelqu’un de déterminé, de joueur, de provocateur. Elle aimait secouer les choses et déjouer les règles. Seulement, cette partie plus positive de son âme venait avec son prix, le down n’était jamais loin. Il finissait toujours par ressurgir, un jour ou l’autre. Son regard retrouva celui de Perry, intense, mais ouvert. Elle lui faisait confiance, sans trop savoir pourquoi, mais surtout elle était prête à l’écouter, ce qui n’arrivait pas à tout le monde.

Il a sans doute beaucoup à apprendre de la jeune femme, tout comme elle a à apprendre de lui. Avec un mélange des deux il serait sans doute possible d’arriver à un être équilibré et sain. Perry est déjà assez équilibré et sain mais il a toute une part de négativité qu’il rejette sans cesse. Une boîte où il range son agacement, sa colère, sa tristesse, ses doutes, son refus de l’engagement et qu’il n’ouvre que rarement. Effy a l’air d’être elle, au contraire, sans cesse plongée dans cette boîte et n’en sortir que rarement. Il voit le verre à moitié plein, elle à moitié vide. Pourtant il est persuadé qu’il peut l’aider, il n’est pas psy, ni un gars très persuasif d’ailleurs mais il n’est pas du genre à laisser tomber les gens, à les voir sombrer sans rien faire. Il ne l’a pas vu sombrer, elle sombrait déjà quand il l’a connu. Il n’y a qu’à voir le lieu, une maison close où il s’est retrouvé sans vraiment s’en rendre compte. Il ne peut pas aider tout le monde mais il peut au moins essayer avec elle. Il risque des déceptions qu’elle lui répond, soit mais il est prêt à tenter le coup. « Moi aussi j’ai déjà déçu des gens, y’a des gens qui m’ont déçu, c’est pas si grave. » répondit-il en haussant les épaules. Il ne sera pas simple pour lui de se dire qu’il n’a pas réussi à l’aider et qu’elle en est au même point qu’au début mais s’il n’a pas le choix, il essaiera de ne pas y penser et de vivre sa vie sans penser à celle d’Effy. « J’suis pas magicien alors si t’as pas un minimum envie, j’crois que j’pourrais pas faire grand-chose. » Sa situation semble lui convenir mais il est persuadé qu’au fond d’elle, elle aimerait être un peu comme tous ces gens qui semblent vivre dans un monde de bisounours. Ou peut-être pas, il n’en sait rien au fond de ce qu’elle pense vraiment.

Un demi-sourire un peu cynique, mais déjà un brin plus positif, éclaira le visage de la jeune Anglaise. Avec son interlocuteur, les choses semblaient recouvertes d’un voile plus simple, qu’il suffisait de lever d’un soupir conciliant. Une charge lourde et insurmontable ne semblait pas exister, dans son monde. C’est ce qu’Effy en percevait, en tout cas, même si elle était consciente que ça ne se résumait sûrement pas à ça. Mais Perry parvenait tout de même à insuffler un peu d’énergie optimiste dans tout ça, et Eff’, même si elle ne parvenait pas à se prêter au jeu, laissait cette énergie l’entourer de ses bras délicats. La brunette hocha la tête en guise d’accord, gardant le silence, mais ses yeux d’un bleu pétillant retrouvant un peu de lumière. S’il estimait que ce n’était pas grave, alors ça ne l’était pas, non. Et Effy était contente de ne pas se retrouver encore une fois avec la charge mentale d’une déception à venir, qu’elle provoquerait inévitablement, et qui exploserait à la figure de quelqu’un de bienveillant. Perry était prévenu, soit. « Ah oui ? Dommage, je m’attendais à trois vœux et un lapin blanc sortant du képi du flic. » ironisa gentiment la jeune femme, désignant d’un coup d’œil amusé l’homme en tenue de travail qui venait de s’engouffrer dans le commissariat. Honnêtement, elle non plus, elle ne savait pas ce qu’il pouvait faire, ni même pourquoi il se proposait pour une tâche si ardue. D’autant plus qu’il l’avait déjà bien aidée aujourd’hui, après l’avoir fait sortir du commissariat et payé son amende. Rien qu’à y repenser, elle fronçait les sourcils. Oui, Effy n’était pas quelqu’un de facile à aider.

Dans le monde de Perry, tout n’est pas si grave, tout finit à un moment ou à un autre par s’arranger. Il a parfois du mal à se rendre compte que les choses ne sont pas simples pour tout le monde, que dans le monde réel il n’y a pas que des happy end. Même s’il a eu de la chance dans la vie, d’un autre côté il a connu son lot de malchance et pas qu’un peu. Mais il a toujours été entouré, toujours été aidé, il y a toujours eu des gens pour lui changer les idées, lui remonter le moral, l’aider à s’en sortir. C’est peut être ça qui fait défaut à Effy, des gens pour l’aider, des gens qui soient là pour elle et lui montre qu’elle n’est pas juste une personne noyée dans la foule. Le jeune homme a envie d’être là pour elle, de l’aider, d’être un peu cet ange gardien qui saura l’aider à remonter la pente. Il lui explique cependant que si elle n’a pas envie de s’en sortir, il ne pourra pas faire de miracles, qu’il faut qu’au fond il y ait ce petit espoir chez elle. La jeune femme lui répond simplement par une blague mais il a pu voir son humeur changer depuis qu’il l’a sorti du commissariat, tout espoir n’est pas perdu. « Ah ouais ? Et si t’avais trois vœux tu demanderais quoi ? Y’en a que je pourrais peut être accomplir, j’suis génie sur mon temps libre des fois. » lui répond-il avec un sourire. Il n’est pas vraiment un génie en terme d’intellect mais avec son compte en banque et ses relations, il peut sans doute accomplir moitié des vœux des habitants de Bowen.

De quoi avait-elle réellement besoin ? C’était une question à laquelle l’Anglaise ne savait pas répondre, dans le fond. Un sourire amusé tira le coin de ses lèvres quand il emboîta le pas à sa blague, néanmoins, elle ne savait pas quoi lui dire. Enfin si, y avait des mots qui fusaient très vite dans sa tête, genre, de l’amour, de l’alcool, de la drogue gratuite. Mais ça, ça ne franchissait pas le scellé de ses lèvres. Elle savait que la question de Perry n’attendait pas de telles réponses. Alors, quoi ? Qu’est-ce qu’il pouvait bien faire pour l’aider, à part la sortir de chez les keufs ? « Je ne sais pas… J’devrais demander des choses sensées, I guess. » sourit cyniquement la brune avec une ombre de pessimisme. « Genre, du soutien, de l'amour, une cure, et un abonnement à Psychologies Magazine. » rit-elle, ponctuant la fin de sa phrase par un mot sarcastique. Elle haussa les épaules. Elle avait l’impression que peu importe ce qu’on ferait pour l’aider, elle parviendrait d’une façon ou d’une autre à tout foutre en l’air. C’était un peu sa spécialité, une seconde nature. Elle ne le faisait pas consciemment. Elle ne savait pas, ce que Perry pouvait faire pour elle, vraiment pas. Et il en avait déjà fait énormément, aujourd’hui, de toute façon. Elle ne se sentait absolument pas en position de demander plus, et ferait sans doute mieux de considérer leur conversation comme une bonne blague, le remercier et partir.