young, dumb & broke (Maileen)

Il avait terminé son quart de travail avec peu de motivation. C'était maintenant sa cinquième journée de travail en ligne qu'il entamait et c'était peu dire que Skye était royalement déchaîné, à bout. Non seulement il détestait donner des heures de son temps à un patron richissime qui le sous-payait,  mais en plus le restaurant en question était des plus chiants possible. Loin de lui l'idée appartenance ou de rapprochements avec des gens riches à souhait, gonflé par leur possession, leur matériel, leur biens. Même si'il passait bientôt le cap des 2 ans au même endroit, Skat gardait quand même un mépris pour sa propre «carrière». Était-ce par paresse ou par pessimisme que le jeune homme n'avait pas cherché à améliorer son  statut professionnel? Plutôt qu'il s'en foutait un peu, ne se définissant pas par l'emploi qu'il occupait, mais davantage par ses rêves, ses valeurs, ses projets futurs.

Du coup, lorsqu'il passa la porte de l'entrée, ces grandes baies vitrées offrant au lueur du soleil dormant une pleine liberté de jouissance, Skye envoya la main à une collègue avant de sortir, tout joyeux, le joint qui l'attendait dans son portable. (C'est là qu'il les rangeait, tous bien cordés l'un à côté de l'autre, prêt à être consumés.) Aspira sa première bouffée, laissant les voluptés de fumée s'unir dans sa gorge, Skye marchait lentement sur le bord de la route, là où il pouvait admirer le coucher de la journée sur les rives d'un lac. Ça le calmait, cette routine. La solitude ne l'inquiétait pas, même qu'il trouvait un apaisement inexplicable à l'errance, la musique dans les oreilles et un peu de mari au bout des lèvres. Il vivait sa vie sans tracas, c'était lui qui s'était imposé ce ménage psychologique afin de réduire son anxiété et tous ces tracas qui ne cessaient de le tourmenter.  Il songeait régulièrement à Stella, mélancoliquement. Son âpre regret de ne pas l'avoir encore dans sa vie. Manchester, le bruit du vent et de la nature le réveillant les matins d'automne, ce genre d'images lui grattant l'esprit pour des réponses à je-ne-sais-quoi.

Normalement, après une journée de boulot comme celle-ci, Skye aurait l'habitude de se diriger vers le skatepark, histoire de voir qui était là. La plupart de ses amis s'y rendaient des heures durant, boire des bières plus que de skater réellement. Sinon, Skye allait aussi au marché, prenant un plaisir à composer un repas avec ce qui lui tombait sous les yeux. Or, aujourd'hui était différent. Il avait gagné une paire de billets pour aller voir une avant-première d'un film indépendant... dont il avait oublié le nom. Étant un lecteur assidu de la revue culturelle de Bowen, il avait été attiré par un genre de concours pour aller au cinéma rencontrer le réalisateur et tout le truc. Certainement, le jeune homme avait participé, quelque peu high, mais rigolant de l'éventualité où il gagnerait. Quelle ne fût pas sa surprise quand on le contacta avec une paire de billets gagnants.

Skye se rendit sur les lieux, au summergarden où la représentation avait lieu. Lentement, d'une démarche presque blasé, le vent dans ses cheveux crépus, Skat approcha l'endroit où une certaine foule était déjà présente.Son joint était presque à peine entamé. C'est là qu'il réalisa aussi le billet de trop qu'il avait avec lui. Sa soeur était partie pour le week-end en nature avec une amie et il n'avait pas trouvé d'intéressés pour l'accompagner. Il s'en foutait un peu, mais trouvait dommage le gaspillage d'une entrée comme ça. Bref, en voyant l'attroupement, Skye relâcha un ricanement avant de s'approcher discrètement des voix, des visages brillants exprimant l'anticipation. Plutôt réservé, le jeune homme resta en arrière, une main dans son jeans et l'autre tirant quelques taffes sur son joint. Ses yeux volèrent de tête en tête, inconnue comme étrangère. Une présence à sa droite lui coupa son regard, une jeune femme aux cheveux bleues semblait, elle aussi, un peu dépassé par les événements. Skye tira à nouveau une longue taffe, laissant le nuage s'évaporer à sa gauche et lui sourit,  partageant sa confusion.
«J'savais pas qu'il y allait avoir autant de monde...» lui glissa-t-il dans son sourire neutre, ses yeux bruns ébènes tâtant poliment le visage éclairé de cette jeune femme à ses côtés.