looking for something dumb to do (milo)

Quinze heures de l'après-midi. Journée normale, comme presque toutes les autres au sein des locaux de la NFT entreprises. Lyne se penchait – une fois de plus – sur des dossiers qui n'attendaient plus qu'à être rapidement bouclés. Rapide, et efficace. C'était totalement elle. Alors qu'elle s'apprêtait à passer un coup de fil important, on vint la déranger dans sa lancée. Relevant la tête, grande fut sa surprise lorsqu'elle aperçut la petite tête de Milo dépasser de la porte. Cette fois-ci, elle était bien plus étonnée par le fait qu'il se soit déplacé jusque son bureau que par autre chose. Depuis qu'elle travaillait ici, il prenait bien soin d'éviter ce coin de l'étage juste pour ne pas venir à sa rencontre. « Milo. » dit-elle avec un léger sourire. Pas de bonjour, ni rien, comme d'habitude. Il tombait toujours au mauvais moment celui-là. « Que me vaut l'honneur de cette visite ? » demanda-t-elle, tout en insistant sur le mot honneur. Il devait sûrement avoir une information importante à lui dévoiler, sans quoi le voyage jusque cette pièce ne serait pas bien important. Les sourcils légèrement froncés, elle attendait sa réponse. Plus vite il aurait ouvert sa bouche et plus vite elle pourrait terminer ce qu'elle avait à faire. Peut-être avait-il enfin trouver le courage pour la licencier ou peut-être avait-il seulement envie de discuter. Des deux propositions, la deuxième n'était pas crédible. Elle n'avait pas envie de discuter avec lui, et lui non plus. Comme ça c'était fait, aucune question à se poser. Mais en même temps, la première proposition était complètement inimaginable. Ça n'arriverait jamais. « Si tu pouvais faire vite, et aller droit au but, ça m'arrangerait. » ajouta-t-elle tout en désignant d'un mouvement de tête quelques papiers sur son bureau. Elle n'avait plus besoin de se justifier, Milo savait très bien qu'elle ne faisait que ça : travailler encore et toujours. Lyne ne savait pas pourquoi, mais elle sentait que quelque chose n'allait pas. Avec lui, elle s'attendait vraiment à tout. Elle croyait le connaître, avoir fait le tour de sa personnalité creuse, mais au final il restait imprévisible comme gars. Remarquant qu'il n'avait toujours pas commencer à parler, elle fit un petit rappel à l'ordre qui ne lui ferait pas de mal. « Je t'écoute. » Elle était toute ouïe même. En attendant, elle baissa la tête vers sa table, farfouillant dans quelques documents, écrivant des notes par-ci par-là tout en planifiant son programme pour le lendemain.

Il était plutôt lent à la détente, ce Milo. Le fait qu'il vienne jusque son bureau était plutôt étonnant en soi, alors qu'il se dépêche. Elle n'avait pas tout son temps, surtout pas avec lui en fait. Vaquant toujours à ses occupations le temps qu'il ne daigne enfin aligner trois mots compréhensibles, elle releva les yeux vers ce dernier lorsqu'elle entendit ce qui semblait être des excuses. On pouvait facilement lire l'étonnement sur son visage, ne s'attendant sûrement pas à une telle démarche de sa part. Loin d'être dupe, elle se doutait bien qu'il se tramait quelque chose, qu'elle n'allait pas tarder à découvrir d'ailleurs. « On t'a payé ? Pire, menacé pour dire ça ? » C'était forcément ça, impossible d'imaginer d'autres options. Ne le lâchant pas du regard, elle comptait bien apprendre la raison de ces excuses inattendues, en essayant de le déstabiliser. Un peu con ? « ENFIN ! » hurla-t-elle dans la pièce, en levant les bras en signe de victoire. « Tu t'en rends compte. Il vaut mieux tard que jamais... » Le tout accompagné d'un petit rire qui avait le don d'agacer son supérieur. « Tu as peut-être besoin d'aide ? » ajouta-t-elle, se moquant ouvertement de son cas. Tout en discutant, elle prit le temps de rallumer son ordinateur pour jeter un coup d’œil sur ses mails. Parfait ! Elle avait eu une réponse d'un collaborateur avec qui elle avait prévu de grandes choses. Merci qui ? Merci Lyne, elle avait parfois l'impression de faire tourner l'entreprise à elle seule. « J'ai l'honneur de t'annoncer qu'on a un nouvel allié. » dit-elle en détachant légèrement ses mots, concentrée sur la lecture de ses mails. L'un d'entre eux attira un peu plus son attention. Elle était habituée à recevoir des mails de Marius, mais le titre était trop vague pour qu'elle comprenne quelque chose. Pitié, pas encore une blague bidon à la Milo. Habituée à lire en diagonale, elle repérait de ce fait les informations les plus importantes sans perdre de temps. « Quoi ? » Milo avait sûrement dû se boucher les oreilles, tant son cri avait été puissant. Elle relit le mail une nouvelle fois. Il parlait de mariage, d'accord. Le mariage de Milo, ce qui aurait été parfaitement accueilli si elle n'avait pas lu son prénom à côté. Elle releva les yeux vers le principal intéressé. « Si c'est une blague, elle n'est pas drôle Milo. » lança-t-elle, gardant difficilement son calme. « C'est quoi cette histoire ? Tu vas m'expliquer, et maintenant ! » Tout devint plus clair, les excuses, l'air sympathique, il avait donc agi sous la menace. Mais le pire dans l'histoire, c'est qu'elle n'avait pas le choix si elle voulait grimper dans l'entreprise.

A la regarder, Lyne faisait des efforts. Des efforts qu'elle aurait cru impossible quelques temps plus tôt. Elle avait proposé son aide à Milo, même si c'était pour se moquer ouvertement de lui. C'était déjà ça. Elle eut même le droit à des remerciements, mais rien de bien convaincant. « Je t'en prie ! » La bonne nouvelle qu'elle venait de lui annoncer ne semblait pas réjouir le PDG. Pas étonnant, elle avait l'impression qu'il se fichait complètement de cette boîte et elle en avait encore une fois la preuve. Elle haussa légèrement les sourcils, passant rapidement à autre chose. Tant pis pour lui. Elle, elle était plutôt satisfaite de son travail. Mais elle perdit rapidement cette joie lorsqu'elle lut le mail de Marius, l'autre PDG de la boîte, et le meilleur soit dit en passant (mais ça, elle n'avait pas besoin de lui préciser). « Le week-end du 29 ? » Elle esquissa un léger sourire. Il n'allait quand même pas se plier à cette condition ? Enfin, il pouvait bien aller lui parler ou faire un truc de ce genre ! « Laisse-moi regarder mon agenda. » C'est une femme très prise la Lyne, alors elle espérait intérieurement qu'elle avait déjà quelque chose de prévu. Mais rien du tout. Comme par hasard. « Libre. » finit-elle par dire. Elle prit quelques secondes pour reprendre son calme. Elle n'avait jamais songé à se marier avec Milo et cette idée lui paraissait impossible. Ils ne s'aimaient pas, et Lyne n'en voulait qu'à son poste. Mais il fallait tout de même admettre que la proposition était alléchante. Elle monterait au rang de PDG et elle attendait ce moment depuis longtemps. Dans son esprit, elle s'imaginait plus évincer Milo que de voir Marius partir. Mais bon, entre ses mains il était sûr que l'entreprise ne coulerait pas. « Il faut se mettre au travail rapidement alors si on veut que ça se passe bien. » Ou du moins réduire les dégâts. Le supporter et faire semblant d'être heureuse à ses côtés n'allait pas être aisé. Mais pour ce genre de mariage, il faut préparer quelque chose de beau, de grand, à leur image quoi. Enfin, plus à celle de Lyne. « Mes parents vont être raaavis. » lança-t-elle, posa sa tête sur la table en digne de désespoir. Ils rêvaient de la voir la bague au doigt depuis longtemps, et bien leur rêve va se réaliser. « Sérieusement, tu vas vraiment faire ça ? » A le regarder, il semblait bien désespéré pour accepter une telle demande. Quant à Lyne, c'était une opportunité de plus à saisir, quel qu'en soit le prix. Même si pour le coup, elle allait le payer très cher ! « Si oui, je garde mon nom. Poppy-Lyne Bradshaw, ça sonne pas bien du tout. Milo-Peter Nichols, c'est déjà plus classe. » Quitte à ne plus avoir le choix, autant en rire et se poser des questions existentielles plus débiles les unes que les autres, à l'image d'un couple.

Au final, ce ne serait qu'un mariage en carton, alors pourquoi devrait-elle se prendre la tête pour des détails ? Mais un mariage, reste un mariage. Et mine de rien, comme toute petite fille, elle avait imaginé un tas de choses pour ce jour si particulier. Sûrement pas un passage rapide devant le maire pour boucler le tout. « Ne me dis pas que tu vas garder tout ça pour toi ? » S'il voulait faire dans la discrétion, et bien ça allait être difficile ! « Connaissant Marius, pas depuis aussi longtemps que toi, je l'imagine bien répandre la nouvelle un peu partout dans la ville. Sinon ce n'est pas drôle. » S'il avait prévu ce plan diabolique – auquel même Lyne n'aurait pas pensé – c'était sûrement pour observer ses dégâts. « Ton sacrifice est admirable. » ajouta-t-elle tout en laissant échapper un rire nerveux. A l'écouter, se marier avec elle représentait la pire des situations envisageables. Il pouvait au moins garder sa joie pour lui, comme Lyne le faisait. « Mourir, carrément ? » S'il continuait sur cette lancée, il risquerait bien de mourir maintenant. Elle lui offrit son regard le plus méprisant en prime. « Attends que la mariage soit prononcé avant de te jeter du quinzième étage. » Du moment qu'elle ne se salit pas les mains, elle n'est pas contre ce suicide. « Parfait. Je trouverai quelqu'un, ne t'en fais pas. » Son cas n'était pas non plus si désespéré. Lyne connaissait des personnes à Bowen qui pourraient être excellents dans le rôle de témoin. Et pour son décolleté jusqu'aux genoux, il pouvait bien rêver. « Cette journée à la mairie va être marquante. Je te le garantis. » ajouta-t-elle comme pour enfoncer encore plus le couteau dans la plaie. « Une longue et belle robe noire, en signe de deuil et de désespoir, et un col-roulé pour ne pas attraper froid. Bien plus pratique que le décolleté. » Et il avait ses exigences en plus. Très bien. Elle allait tout faire pour rendre cette union encore plus malheureuse et pathétique qu'elle ne l'était déjà. Elle roulait des yeux, poussant quelques soupirs par-ci par-là lorsqu'il énonçait tout ce qu'ils n'allaient pas faire. Il attira un peu plus son attention en évoquant la lune de miel et la nuit de noces. « Un geste déplacé, t'es mort. » Il n'avait pas intérêt de la toucher s'il tenait à ses bijoux de famille. N'ayant sûrement pas envie de passer une nuit avec son futur époux, elle savait que c'était également le cas pour ce dernier. Mais elle préférait le préciser, ne sait-on jamais. Il reste un homme. Elle marqua une courte pause. Lyne avait encore du mal à intégrer ce qu'il se passait dans ce bureau. Elle était en train de parler mariage avec l'homme qu'elle supportait le moins sur cette Terre. Plutôt drôle comme situation. De son côté, elle n'avait pas grand chose à perdre. C'était tout à son avantage même. « Ta vie sentimentale a l'air d'être aussi chaotique que la mienne. Alors pourquoi garder ça pour nous ? Sois un peu réaliste à la fin ! Tu es le PDG de cette boîte, une figure … importante de la ville. » C'était difficile de l'admettre, mais oui, l'entreprise avait sa réputation et Milo la dirigeait. Elle prit le temps de relire le mail. La condition était bien précisée, mais très peu d'informations y figuraient. « Et tout ça, ça va durer combien de temps ? » Plus vite ça sera fait, plus vite ils en seront débarrassés. Ou alors non. Elle resterait mariée avec lui, jusqu'à refuser le divorce uniquement pour l'embêter. Elle n'avait actuellement personne dans sa vie, alors pas d'autre mariage en vue. « Parce que sinon... » Levant les yeux vers son patron, elle essayait de garder son sérieux au mieux. « ...ce n'est qu'un morceau de papier. » Elle afficha tout de même un léger sourire en coin. Difficile de garder son calme alors qu'elle imaginait la mine de Milo se décomposer devant ses yeux. « Et puis tes parents devraient être rassuré à l'idée de te savoir enfin casé. Tu te fais vieux quand même. » Ils n'avaient que deux années de différence, mais Lyne n'avait pas encore atteint la barre de la trentaine. Et elle se faisait un malin plaisir à lui rappeler.

Finalement elle devrait peut-être le tuer maintenant et ne pas attendre le mariage. Bon débarras, pensa-t-elle. Elle se débrouillerait avec Marius pour trouver un compromis, mais tenir longtemps comme ça, ça ne va pas être possible. Tout comme elle, il ne voulait pas de ce mariage. S'il n'y avait pas l'entreprise en jeu, jamais ils ne se seraient lancés là-dedans. « C'est fort probable oui. » Au ton de sa voix, on pouvait aisément deviner son irritabilité. Et quand madame est énervée, se payer sa tête la rend encore plus folle. Et agaçante, insupportable, invivable tout ce que vous voulez. Elle leva les yeux au ciel. Bien sûr que le orange lui allait bien. Lyne a un corps de rêve, il devait l'admettre. Loin d'elle l'envie de se venter, mais c'est un fait. « Je choisis ma robe. » Quitte à passer devant le maire, autant être classe. Et elle tient à en porter une qui la mettra bien en valeur, histoire de lui montrer e à quoi il ne pourrait jamais toucher. « Tu peux venir en caleçon, ou déguisé en bob l'éponge, je m'en fous. » Du moment que les papiers sont signés et le mariage prononcé. Une nouvelle question existentielle lui vint alors à l'esprit : le lieu d'habitation. Pas question pour elle de déménager dans l'antre du PDG le plus gamin et irresponsable que cette Terre ait pu connaître. « Parfait dans ce cas. » Ils vont paraître ridicules devant le maire, avec leur attitude étrange et cette tension. Il n'allait sûrement pas croire à toute cette histoire. Au moins, ça venait apporter un peu d'action dans son quotidien uniquement bercé par son travail à la NFT entreprise. Elle haussa un sourcil étouffant un rire lorsqu'il affirma que sa vie sentimentale n'était pas chaotique. Mensonge de l'année deux-mille-treize, il n'allait sûrement pas lui faire avaler ça. Quant à la sienne... c'était compliqué. « Honnêtement ? » A part Heath qui avait réapparu dans sa vie sans qu'elle ne s'y attende, c'était le calme plat. « Ouais. » avoua-t-elle, lâchant un léger rire. Il n'était sûrement pas la personne avec qui elle parlerait de ses histoires de cœur. Car oui, elle avait aimé un jour la Poppy-Lyne. Un jour loin, très loin derrière elle, mais quand même. « En comptant le super cortège qui va nous empêcher de passer, les félicitations de touuus nos invités, je dirais … longtemps en tout cas. » Mais bien évidemment, rien de tout ça ne les attendait. Le mariage le plus ennuyant et nul de l'année bonjour ! Lorsque la blonde évoqua les parents de Milo, il devint directement plus froid, sec. Il ne voulait pas les mêler à cette histoire, très bien. Elle respecterait son choix. « Dans ce cas je ne préviens pas les miens. Les faire déplacer de Londres juste pour ça c'est... trop. » Elle se retint d'ajouter un ça ne vaut pas la peine, qu'elle garda finalement pour elle. Elle qui s'imaginait faire des pancakes à son mari au petit-déjeuner ou se promener le long de la plage avec lui, c'était raté ! Une vision du mariage beaucoup trop idéaliste et romantique, et sûrement pas réaliste.