Trusting you to draw my memories - Blanche

Jamie regarde une nouvelle fois l’adresse sur son téléphone. Elle lève la tête. La salon de tatouage Blanche’s ink était devant elle. Son cœur commence à palpiter d’excitation, un sourire naquit sur ses lèvres et des pétillements arrivent doucement dans ses yeux. Elle a hésité plusieurs semaines avant de pousser la porte du salon. Jamie a, tout d’abord, cherché pendant des jours un salon. Puis c’était une évidence lorsqu’elle a trouvé le site de Blanche’s ink. Les tatouages présents dans la galerie du site l’ont conquis. Mais un salon tenu par une femme l’avait achevé. Alors elle n’hésite pas longtemps avant d’ouvrir la porte. Elle se diriges vers le comptoir d’accueil. Jamie, n’a aucune idée de ce qu’elle veut. Elle sait juste la place et ce que son tatouage doit représenter. En un an, beaucoup de choses ont changé. Enfin, on devrait dire en quatre ans. Tout d’abord, elle a sa certitude qu’elle ne sera jamais maman. Ensuite, il y a eu divorce et le procès. Puis les humiliations. Et enfin, il y a le déménagement. Un changement radical dans sa vie. Tout quitter pour tout recommencer. Voilà un an qu’elle essaye doucement de se reconstruire. Jamie n’est pas le genre de personne à vouloirs voir ses souvenirs partout. Mais un tatouage qui marque un tournant dans sa vie, oui elle en veut. Un tatouage pour lui rappeler ce que c’était d’être mariée, ce qu’est le divorce et ce qu’est le renouveau. « Bonjour. » Elle sourit à la femme qui se trouve en face d’elle. « J’aurai besoin de votre talent et de votre créativité pour illustrer un bout de mon corps. » Il semble évident pour Jamie qu’en entrant dans ce salon, elle souhaite un tatouage.

Elle n'avait presque pas dormi la nuit dernière. Ni la nuit précédente, d'ailleurs. Dans son tout petit loft dont la vue lui rappelait jours après jour pourquoi elle avait choisi d'en faire la location, il y avait bien des désagréments. La solitude, d'abord, qui pesait bien plus que ce qu'elle ne l'aurait souhaité. Mais aussi la résonance des voisins d'immeuble. Jusqu'à maintenant, elle ne s'en était pas réellement plain. Elle ne passait généralement pas beaucoup de temps à l'appartement, le trouvant bien trop vide. Et quand elle avait besoin de son refuge pour dessiner, pour créer, elle choisissait le salon. Mais ces derniers temps, le travail se faisait de moins en moins présent au salon, elle devait rester de moins en moins tard et était plutôt témoin du mouvement de ses voisins, de la musique forte et des discussions qui s'éternisaient dans la nuit. Assez qu'elle avait de tout petits yeux, fatiguée, épuisée, hors service.

Dans son salon, elle avait fait installer en début d'année une cafetière à capsule biodégradable. Avec chance, avait-elle envie de dire. Si depuis qu'elle l'avait fait installer, elle ne s'en était servi que les soirs où elle bossait tard et où elle avait besoin de tenir jusqu'à trois heures du matin encore éveillée, aujourd'hui elle lui était bien pratique en ces matinées où elle en avait besoin pour passer au travers des journées. Elle en était à sa troisième tasse, l'élixir coulait dans la porcelaine blanche, alors que la clochette d'entrée retentit. En fond sonore, elle faisait jouer du Ziggy Alberts, balades douces et paisibles pour un début d'après-midi. La jeune femme, une belle blonde au sourire transcendant et aux yeux perçants d'un vert strident avançait vers le comptoir. « Bonjour », répondait Blanche en écho à la jeune femme, se dirigeant vers elle avec sa tasse de café à la main. « Talent, je ne sais pas si on peut dire ça comme ça », gloussa Blanche en posant la porcelaine sur le comptoir. Elle était plutôt douée et on en faisait les louanges sur les réseaux. Seulement, elle avait aussi un très grand manque de confiance en son coup de crayon - ou de dermographe. « Tu as déjà une idée de ce que tu veux? » Elle ne tutoyait pas, encore moins quand les clients semblaient de son âge. Son sourire était rassurant, chaleureux. « Je te fais un café et on en discute? », proposait-elle en pointant du menton le canapé derrière elle. Elles pourraient s'y installer pour mieux discuter.

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Jamie, ce n’est pas une artiste. Elle aurait voulu, mais elle n’a jamais été créative. Elle fait peut-être quelques photos mais ça s’arrête là. Non Jamie, c’est une femme universitaire, elle écrit, elle lit, adore lire les lois et écouter les débats télévisuels. L’art lui montre une autre facette du monde auquel elle n’aura jamais accès. La culture est une part importante de sa vie et essaye autant qu’elle le peut de promouvoir des artistes. C’est pour cette raison qu’elle était dans ce salon. Déjà, elle adore le style de la tatoueuse, et ensuite, elle préfère financer des artistes locaux aux talents époustouflants que des grandes firmes. En voyant la tatoueuse, Jamie sourit. Sans même la connaître, elle sait qu’il y aura un bon feeling, une bonne coopération d’idée. Le salon était cosy et Jamie ressentait de bonnes vibes, de quoi la mettre encore plus en confiance. Ce tatouage serait un nouveau cri de révolte. Elle avait son premier quand elle avait vingt ans, Jonas n’aimait pas vraiment. Elle en aurait voulu plus, mais d’un côté, elle savait que cela ne plairait à son ex-mari. A quel moment, Jamie s’était-elle perdue pour faire des choix en fonction d’une autre personne. Son divorce et le départ de Perth est au final une renaissance de Jamie. L’avocate peut redevenir celle qui elle était au départ. Jamie sourit à la remarque de Blanche. C’est typiquement ce qu’aurait pu dire Jamie si on lui avait dit qu’elle était la meilleure dans son domaine. Elle sait aussi à quel point les compliments peuvent mettre mal à l’aise. « En tout cas, j’aime beaucoup ce que j’ai pu voir sur les réseaux. » Est-ce que Jamie avait une idée de ce qu’elle voulait ? Pas vraiment. Elle réfléchit apportant un silence non lourd sur le salon. Elle relève les yeux à la proposition de l’artiste. « Avec plaisir » répond-elle avec un sourire.

Attendant le retour de Blanche, Jamie s’installe, regardant d’un œil les dessins qui décoraient le salon. « Merci. » Un café bien chaud entre ses mains, elle se sent en confiance pour discuter. Il y a une part psychologique tout de même dans le travail de tatoueur. Les personnes doivent souvent venir avec une histoire, parfois pas simple à porter. « Ca fait longtemps que je ne me suis pas sentie aussi libre. » Les yeux un peu dans le vague, Jamie n’est pas du genre à raconter les événements de sa vie. « Je n’ai pas dessin précis, mais j’ai besoin d’avoir quelque chose qui me rappelle de ne jamais s’oublier pour quelqu’un. » Elle sourit timidement, c’est bête d’être aussi mal à l’aise pour parler de quelque chose de positif au final.

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Et pourtant, ce qu'elle faisait Blanche, ce n'était pas considérer de l'art pour la majorité des gens. Y compris ses parents de qui elle s'était vite éloignée, dès qu'elle en avait eu la chance, à défaut d'entrer dans le moule qu'ils auraient voulu que la jeune Cambridge choisisse de revêtir. Cambridge, nom prestigieux, nom de renommé, nom que Bowen connaissait de son héritage mais qui, pour elle, ne voulait rien dire. Elle s'en fichait de sa richesse, de cet argent qu'elle ne toucherait jamais parce qu'elle avait choisi sa passion plutôt que ce que ses parents voulaient pour elle. Et à force de se faire répéter que ce qu'elle faisait, ce n'était pas de l'art parce que ça ne s'affichait pas dans des musées, elle avait fini par y croire tout de même un peu et à devenir timide de s'exposer. Et, pourtant, elle était talentueuse, Blanche. Bien plus que la majorité des tatoueurs de Bowen. Et elle avait réputation. Et cette réputation lui faisait bonne publicité puisqu'elle avait attiré une nouvelle cliente à son studio. « Tu es aimable », répondit la blonde en souriant, elle qui n'aimait pas être sous les projecteurs.

Café en main, elle vint rejoindre l'autre blonde sur le canapé où elle lui tendit la tasse et tira sa chaise à dessin, laissant les roulettes craquer contre le parquet, pour s'installer face à elle, son carnet à dessin dans les mains, un crayon de plomb prêt à griffonner. Elle était prête à entendre l'histoire de cette blonde qui sortait de nulle part, prête à découvrir ce qui se cachait derrière son sourire et son amabilité. Parce que tout le monde cachait quelque chose, tout le monde qui entrait chez elle cherchait à extérioriser une partie de leur histoire. Et celle de la blonde dont Blanche ne connaissait pas le nom, elle la fit sourire. « Ne jamais s'oublier pour quelqu'un.... », répétait la tatoueuse avec un ton réflexif. « Liberté... », murmurait-elle alors qu'elle commençait à griffonner le croquis d'une clé à l'allure ancienne dont le haut était une rose aux pétales bien déployés. Elle levait les yeux vers la blonde. « Je suis sur la bonne voie ou on change de registre? », demandait-elle avec sincérité. C'était elle qui allait le porter, il fallait que ça lui plaise avant tout.

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Il avait fallu plusieurs semaines à Jamie pour choisir un tatoueur. Son choix s’était portée sur Blanche, déjà parce qu’elle aimait sa trace et son originalité. Puis Jamie voulait que ce soit une femme. Elle n’était pas contre les hommes loin de là, pour ce tatouage, celui qui viendrait marquer ce renouveau elle voulait une femme. Son premier tatouage était plutôt simple, entre ses seins, qu’elle avait fait sur un coup de tête vers ses dix-huit ans. Celui-là elle le voulait plus personnel. Personne ne serait là pour critiquer son choix. Sa mère encore vivante, n’était plus vraiment présente sur ce monde, se perdant dans la dépression Jamie n’avait pas pris de ses nouvelles depuis un moment et se demandait si sa mère la reconnaîtrait si la blonde l’appelait. Son frère ne la jugerait pas. Et Jonas n’avait plus son mot à dire. Il n’aurait jamais dû l’avoir, mais Jamie tellement amoureuse lui avait laissé trop de place dans ses choix de vie. Elle souriait à la tatoueuse. Jamie était comme ça. Si elle aimait quelque chose, elle le disait quitte à faire des compliments qui pouvaient mettre mal à l’aise. Elle se disait que les femmes n’étaient pas assez félicitées pour leur travail et leur art.

Assise dans un fauteuil du salon, elle raconta un peu à Blanche ce qu’elle voulait. Mais Jamie n’était pas hyper à l’aise. Ce n’était pas récent mais toujours aussi dur d’expliquer ce moment de sa vie. Pourtant elle ne s’était jamais sentie aussi libre, elle renouait avec la Jamie aventurière et gourmande de découvrir l’Australie et le monde. Blanche était concentrée, dessinant sur son carnet de croquis à chaque phrase, chaque mot prononcés par Jamie. Parfois elle répétait même quelques phrases. Plutôt admirative de cette phase de travail, Jamie essayait d’avancer un peu son histoire. La tatoueuse lui montra le premier dessin. Jamie le trouvait très jolie, bien dessiné mais ce n’était pas ce qu’elle voulait. Pourtant, elle était plutôt mal à l’aise d’infirmer la proposition de la blonde. « Est-ce que ça peut être d’autres fleurs ? » Les roses n’étaient pas vraiment des fleurs de Jamie appréciaient. « Je suis plutôt fleurs sauvages ou Gerbéra. » Confessa-t-elle. La clé en soit ne la gênait, mais jamais elle n’avait pensé se faire tatouer une clé. Elle lui souriait timidement traduisant une excuse. Mais avant de lui laisser faire un nouveau dessin, elle lui expliquait sommairement son travail et son militantisme écologique et féministe.

La partie la plus difficile de son travail, c'était de refléter le sentiment de ses clients aussi bien que ce qu'ils s'étaient imaginé. Pour Blanche, reproduire une image donnée était simple. Mais savoir illustrer le ressenti, les émotions, l'histoire de ses clients, c'était tout autre chose. Ce qui pouvait représenter la liberté pour la blonde, pouvait être différent pour son prochain. Et avec si peu d'informations, il était difficile d'arriver à un dessin final. Et donc, Blanche s'était mise à griffonner ce qui lui venait en tête. Pour elle, la clé c'était le gain absolu de cette liberté. Les fleurs, elles, étaient pour le renouveau. Quant au choix des roses, c'était son péché mignon. Elle aimait bien les dessiner, y mettre de l'ombrage, griser les pétales pour les rendre plus réels. Visiblement, cela ne plaisait pas à la blonde assise devant elle. Pourtant, elle demeurait bien trop polie, faisait comme si modifier un ou deux éléments le rendrait plus adéquat pour elle. Blanche secoua la tête, griffonnant par dessus son croquis pour le rejeter. Et elle posa son calepin à côté d'elle. « Je ne veux pas savoir si tu le trouves joli. Je veux savoir ce que toi tu veux. » Blanche soupira doucement, parfois elle se montrait trop exigeante. Ce n'était pas donné à tout le monde de bien exprimer ses pensées. « Qu'est-ce qui représente la liberté pour toi? », fit la tatoueuse en jouant avec son crayon. « Et, surtout, où voudrais-tu te le faire tatouer? Est-ce que l'on part sur une grande pièce ou quelque chose d'ultra discret? » Blanche souriait faiblement. « Je veux bien travailler pour toi, mais j'ai horreur de travailler seule. J'ai besoin que tu me guides. » Elle se remit à griffonner. Des fleurs sauvages, elle en avait fait il y avait pas si longtemps, sur le corps de Charlize. Elle aussi, elle cherchait à se sentir libre. C'est ce qu'elle commença à dessiner. Un gros bouquet, dont les tiges se torsadaient, s'interloquaient.

L’avocate n’avait pas imaginé à quel point il était compliqué pour elle de parler de son passé. C’était en essayant d’expliquer à Blanche, qu’elle se rendait compte que cette histoire était encore trop sensible. Mais Jamie voulait ce tatouage, elle voulait définitivement mettre un trait dessus. Elle était timide devant la blonde, alors qu’habituellement Jamie était plutôt à l’aise avec les personnes. La premier croquis était beau mais l’avocate n’était convaincue. Les roses étaient loin d’être ses fleurs préférées, elle n’aimait pas le symbole qu’il y avait derrière. Pour la clé en revanche, elle n’y avait pas pensé. Mais elle n’avait pas eu le coup de cœur et Jamie voulait avoir un coup de cœur pour l’artiste et le dessin. Jamie trop polie n’osait pas vraiment dire ce qu’elle pensait, se contentait simplement d’un oui approximatif qui ne trompa pas la tatoueuse. Elle vit les rature sur le dessin, ressentit le soupire de Blanche. Et Jamie essayait d’être détendue. Elle l’aimait bien, au final, ce côté un peu autoritaire mais nuancé avec douceur. « D’accord. » Répondait-elle timidement. Puis elle se laissa envahir par les questions de la tatoueuse, l’écoutant attentivement. Puis pendant quelques instants, elles ne disaient rien. Jamie réfléchissait et Blanche attendait en dessinant. « Alors j’aimerais le faire là. » Elle montra avec sa main la localisation qui se trouvait entre ses deux seins. « Je ne veux pas une immense pièce, mais quelque chose d’assez grand qui pourrait partir du sternum jusqu’au côte. » Tout en expliquant, elle montrait sur son corps. « J’adore les fleurs sauvages parce que pour moi elle représente un peu la liberté de la nature. » Elle essayait pour elle de savoir ce qu’était la liberté, elle pensait bien au voyage mais ce n’était pas la plus grande voyageuse au monde. L’eau aussi, elle se sentait tellement libre lorsqu’elle surfait. « Je me sens hyper libre lorsque je suis sur l’eau ou quand je lis. » La lecture aussi était sa façon à elle d’être libre, de sortir de ce monde quelques heures pour se concentrer sur elle, sa respiration et l’histoire qui se trouvait sous ses yeux. Elle souriait à Blanche, espérant avoir donner assez d’informations. Elle ne voulait pas travailler seule et et Jamie le comprenait. « N’hésites pas à poser d’autres questions, même si je rougis. » Elle riait. Rire lui permettait de lâcher un peu ce malaise qui l’animait depuis le début de la séance, alors qu’il n’y avait pas de raison.

Un tatouage, ce n'était pas un coup de tête. C'était sans doute pourquoi Blanche refusait de tatouer le nom de quelqu'un sur le corps de ses clients. Enfin, à quelques exceptions près. Il lui était arrivé de tatouer le nom d'enfants ou de personne aimées défuntes, entouré de fleurs ou de feuillages. Mais lorsqu'elle dérogeait de ses règles plutôt strictes, elle cherchait toujours à comprendre l'histoire qui amenait ses personnes à vouloir encrer le nom d'une personne à jamais sur leur corps. C'était important, pour Blanche, que cet acte qui résultait d'un dérapage de ses principes soit fait pour les bonnes raisons. Un tatouage, c'était permanent. Et bien que cela représentait la personne à l'heure de sa confection et que les gens ne cessaient d'évoluer, c'était important de ne pas le regretter. Parce qu'une fois en place, il était difficile de s'en débarrasser.

La dernière chose que Blanche voulait, c'était de travailler pour rien. Et de décevoir une cliente. Et pour l'aider à mieux répondre à ses envies, il fallait que Jamie communique. Elle comprenait que les blessures amenant à vouloir se faire tatouer pouvaient être encore récentes, douloureuses, et elle ne voulait pas que Jamie lui raconte sa vie, si la blonde le faisait elle l'écouterait avec soin, mais ce n'était pas une nécessité. Pas si Jamie n'en était pas prête. Ce qu'elle voulait, Blanche, c'était que la blonde lui dise ce qu'elle s'imaginait. Et ce qui représentait la liberté.

Blanche griffonnait par dessus sa première ébauche et recommençait. Fleurs sauvages, ça, elle savait le faire. Et elle s'était imaginé une pièce bien plus petite que celle que la blonde voulait. Blanche prit plus de place sur son carnet à croquis, changeant de page, commençant à dessiner alors plus largement. Elle reproduisit alors ses fleurs sauvages, les entoura de feuillages qui se torsadaient et de petites épines qui s'y interloquaient. « C'est mieux? », demandait Blanche sans lever les yeux de la feuille. « pour l'eau, je trouve que c'est intéressant. Mais ça fera sans doute chargé.. Et si je faisais des gouttelettes sur certains pétales? », fit-elle en relevant la tête juste pour voir l'approbation ou le refus de sa cliente. « Cette liberté, elle est récente », lâchait la tatoueuse, comme si elle l'avait deviné. « Il arrive que certains clients pleurent sur ma chaise. Ne t'en sens pas mal.. Et si le besoin te vient d'en discuter, je sais écouter. »

Elle pensait à ce tatouage depuis plusieurs mois, il viendrait compléter le livre qu’elle avait au creux de la cheville. Puis au fond d’elle, ce tatouage c’était aussi un doigt d’honneur à Jonas qui lui avait pourri la vie ces dernières années. Enfin elle arrivait à se détacher, enfin elle arrivait à devenir la femme qu’elle avait espéré être. Blanche avait devant elle une nouvelle Jamie, timide, sensible, en proie d’identité, mais elle l’ignorait. Jamie était le genre de femme qui ne voulait blesser personne et n’agacer personne. Sauf qu’elle ne l’aidait pas cette magnifique blonde. La douceur avec laissé place à peut-être un petit agacement. En tout cas, elle savait demander Blanche et dire ce qu’elle souhaitait de Jamie. Cela fit presque rire Jamie, elle aussi voulait cette détermination. Elle prenait une gorgée de café pour réfléchir. Qu’est-ce qui représentait pour elle la liberté ?

Les idées commençaient à arriver et Jamie parlaient des fleurs sauvages. Ces fleurs qu’elle adorait. Jonas lui avait l’habitude de lui offrir des roses, il n’avait jamais compris qu’elle n’aimait pas spécialement ses fleurs. L’avocate refuserait qu’on lui en offre des fleurs sauvages parce qu’elles n’avaient pas leur place dans une maison mais dans la nature. Puis elle parlait de l’eau. Elle avait toujours cette impression de liberté quand elle nageait ou faisait du surf. Cette vitesse et ce balancement de l’eau sur son corps étaient grisants.

Elle regardait Blanche dessiner, même si Jamie n’avait pas encore la possibilité de voir ce qu’elle faisait. Mais elle avait confiance en elle, sans la connaître pour autant. Sans relever la tête, elle lui montra le dessin, et oui c’était mieux. Pas de rose, que des jolies fleurs qui apaisaient l’avocate. « Oui tout à fait. » Disait-elle avec un sourire, sentant que les idées des deux femmes commençaient à s’entendre. Elle lui proposa des gouttelettes mais Jamie n’était pas certaine. Elle passait son regard entre le dessin et les yeux de la jolie blonde. « Je ne suis pas sûr, mais tu peux les mettre peut-être que dans l’ensemble je vais aimer. » Il fallait voir avant de choisir. Puis elle avait le choix au final Jamie de dire oui ou non. Elle avait deviné Blanche qu’il y avait autre chose derrière dans tout ce qu’elle avait dit. « Pas vraiment, il y a un ou deux ans. » Elle avait répondu naturellement, se sentant en confiance dans ce salon cosy. « Ce n’est pas si triste à vrai dire. J’ai divorcé, il m’a pourri la vie même après le procès. Je lui ai pris sa tune, il m’a pris ma réputation. Il était trop traditionnel pour moi. » Ce n’était pas aussi simple que ce résumé mais c’était suffisant. Elle n’avait pas besoin de parler du désir d’enfant de Jonas, de l’avortement caché, des humiliations constantes au tribunal. Jamie s’en était remise de tout ça, maintenant qu’elle était à Bowen.

La patience n'était pas une qualité chez la blonde. On aurait pu croire que ses histoires intimes avec un certain photographe qui la faisait languir depuis des années auraient pu entrainer la patience de Blanche, mais ça en était tout le contraire. Et quand il était question du travail, elle était bien plus impatience. Blanche détestait travailler pour rien. Pourtant, l'élaboration d'un dessin, c'était connu, c'était plutôt long. Et pour ça, elle n'avait aucun soucis. Mais travailler pour finalement laisser tomber, ça, elle ne l'acceptait pas vraiment. Ça lui était d'ailleurs déjà arrivé de travailler dans le vide, se retrouvant devant un client qui choisissait de ne pas passer sous son aiguille finalement et cela avait le dont de l'agacer.

Dans le cas de Jamie, il n'en était rien de tout ça. La blonde voulait bel et bien des services de la native Australienne, elle ne revenait pas sur sa décision. C'était plutôt le croquis qui était à travailler. Tant qu'elle aimait le style de la tatoueuse, le reste n'était pas important pour Blanche qui lui fit d'ailleurs quelques propositions. « Je peux essayer », conclut-elle concernant les goutes d'eau sur des pétales. Elle fit rapidement un croquis à côté de celui déjà fait, histoire de ne pas gâcher celui que Jamie aimait déjà, puis y rajouta la détail qu'elle réfuta en secouant la tête vivement. « Mmmm, non », fit-elle sèchement, peu convaincue. Puis, elle remonta les yeux vers sa cliente. « Enfin, c'est toi qui voit. Mais je ne trouve pas que ça rend bien. Ça m'embête parce que j'aurais voulu représenter la liberté de la façon dont sur la vois.. Qu'est-ce que tu en penses? » Et cette liberté, il se pouvait elle lui fasse plus de bien une fois que l'aiguille soit entrée en contact avec sa peau. Blanche mis Jamie en garde, d'ailleurs. « C'est naze », répliquait-elle avant de hocher la tête. « Je sais écouter », répétait la blonde. Elle ne forcerait pas, mais si sa cliente avait besoin d'une oreille attentive, elle y serait.

Elle était un peu perdue Jamie depuis qu’elle était arrivée à Bowen. Professionnellement, il avait été facile pour elle de retrouver une clientèle. Mais personnellement, elle recommençait tout la blonde. Et même si elle avait retrouvé cette liberté, elle recommençait à zéro. Cette envie de se faire tatouer était apparue d’un seul coup, un moment de rébellion par rapport à son ex. Elle lui expliquait à Blanche ce qu’elle attendait un peu. La tatoueuse avait l’air de savoir ce qu’elle voulait, et après une petite remontrance, elle apparaissait avec un visage doux et à l’écoute. Pour Jamie la nature et l’eau avait toujours eu une place importante. Elle qui avait toujours vécu dans une grande ville, Bowen était une nouveauté. Mais elle aimait cette tranquillité et ce calme. Il était très agréable de se promener les matins dans les environs profitant de la végétation et de l’eau. Elle ne voyait pas vraiment le dessin Jamie, mais l’expression de la tatoueuse la rassurait. Elle était tombée sur quelqu’un de très sérieux. Elle riait presque aux remarques que Blanche se faisait à elle-même. « Ce n’est pas encore ça. Mais ce n’est pas loin. » Jamie avait l’impression d’être une cliente insupportable. « Après on est pas obligé de partir sur tous les éléments, les fleurs représentent déjà très bien la liberté. » Jamie était plutôt simple comme femme, et son tatouage devait l’être également. Elle lui expliquait très rapidement ce qui s’était passé. « Ouai… mais bon parfois, ça ne sert à rien de se battre continuellement. Il faut savoir accepter le fait qu’on est pas fait pour être ensemble. » Et pourtant elle y avait cru Jamie, sauf que Jonas et elle n’étaient qu’à présent que des divorcés sans enfants qui ne se parlaient plus.

Blanche était intransigeante. Encore plus lorsque cela concernait son travail. Perfectionniste, elle ne montrait jamais ses croquis. Léo le savait, il l'avait souvent observé de loin dessiner dans ses carnets ou peindre à l'aquarelle, perdue dans ses pensées, mais chaque fois qu'il s'était approché d'elle, elle penchait son corps au-dessus de ses oeuvres. Elle détestait l'inachevé, le sentiment de montrer quelque chose qui pouvait apporter du jugement. Dans son travail, la blonde devait faire abstraction de ce trait de personnalité. Parce qu'ici, elle ne peignait pas pour elle, pour le plaisir, mais pour une autre personne. Et parfois son défaut venait s'écraser contre la réalité de composé avec les désirs de ses clients.

Ici, Blanche était dans son élément, faisant le croquis de fleurs qui lui parlaient. Cependant, à l'ajout d'un détail demandé par sa cliente, elle n'était pas du tout satisfaite de son travail. Blanche lâcha un long soupir de désespoir. Il n'était pas envers Jamie, mais envers elle, incapable de bien représenter ce que la blonde souhaitait avoir pour le reste de sa vie sur le corps. « Mais qu'elle nulle ! », murmurait-elle dans sa barbe, se redressant pour déposer le cahier à croquis sur sa table à dessin. « Qu'est-ce que je peux faire de différent ? », demandait-elle pleine de bonne volonté. Elle était d'accord, ce n'était pas toujours tous les éléments que l'on avait en tête qui pouvaient s'agencer. Mais, là, pour le coup, Blanche était en manque d'idées pour satisfaire la blonde.

Elle aborda la définition de la liberté avec elle, comprenant qu'il s'agissait d'une histoire qui s'était terminée pour le meilleur. À cette réplique laissée planée dans les airs, Blanche fit entendre à sa cliente qu'elle avait bonne oreille. Et les mots de cette dernière résonnèrent dans son coeur. Oui, il fallait parfois accepter que certaines personnes n'étaient pas faites pour être ensemble... Léo et elle, par exemple, ne put s'empêcher Blanche de penser. Si la vie les avait réellement voulus l'un avec l'autre, pourquoi leur mettait-elle des bâtons dans les roues ? « C'est si bien dit », soupirait la blonde.

Jamie n’avait pas forcément trop réfléchi à son tatouage. Elle qui était loin d’être une artiste, elle préférait laisser carte blanche à la tatoueuse. Evidemment elle la guidait dans son dessin. Les fleurs étaient primordiales. Jamie les aimait tellement ces fleurs sauvages. L’avantage c’était qu’il y en avait partout dans le monde et elles étaient différentes en fonction de la région. Petit elle adorait en cueillir pour sa mère en écosse. Ce n’est que quelques années plus tard qu’elle se rendait compte qu’il était mieux de les laisser dehors que de les arracher à la terre. Son frère aimait lui raconter que quand elle était enfant, elle en prenant plein qu’elle mettait dans un gros catalogues de vêtements pour les faire sécher. A cette époque-là elle était déjà une amoureuse de la nature. A cette époque-là, elle se sentait déjà libre alors qu’elle n’avait que quatre ans. Elle riait légèrement à l’exaspération de la tatoueuse. Jamie avait l’impression de se voir elle quand elle bossait sur une affaire importante. « Non pas du tout ! » Rectifiait Jamie. Elle était loin d’être nulle. Elle lui souriait gentiment. Les croquis devant ses yeux, elle aimait les dessins. En fait il n’y avait pas besoin de trop d’élément. Jamie était simple comme personne. « C’est parfait ! » Disait-elle.

Il y avait eu pas mal de changement dans la vie de Jamie ces dernières années. La blonde n’était pas le genre de personne à parler de sa vie. Mais Blanche lui fit comprendre qu’elle était une bonne oreille. Respirant son café fumant, elle se permettait quelques confessions. Elle souriait à Blanche. Elle l’avait compris trop tard, et pourtant elle le sentait déjà mal son mariage. C’était si simple de lui parler et Jamie allait se permettre de nouvelles confessions. « En vrai je crois que je l’avais toujours su. Quand j’ai accepté sa demande je suis partie plusieurs jours et je l’ai trompé. » Elle n’était pas fière d’elle mais en même temps, elle avait besoin ce jour-là d’être actrice de sa vie. « Je me suis entêtée dans cette histoire et au final ça s’est mal terminée. » Disait-elle en haussant les épaules. La tatoueuse allait peut-être la juger pour avoir trompé son fiancé à l’époque mais c’était il y a des années. Puis c’était la seule fois, quand elle était revenue à Perth elle s’était donnée à fond dans ce mariage.

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Simplicité. Voilà ce qu'elles avaient finalement choisi pour le dessin final. Pas de couleur, un peu d'ombre, des fleurs qui étaient à la fois douces, mais aussi le point focal de la pièce. Blanche cernait plutôt rapidement les désirs et les envies de ses clients, mais dans le cas de Jamie, cela était plus particulier. Non pas que la blonde était demandante, non pas qu'elle était difficile, non pas qu'elle rendait la tâche ardue, mais Blanche se mettait une grande pression sur les épaules quant à la réalisation de ce tatouage. Il comptait, il avait une histoire, ce n'était pas quelque chose qui servait à faire joli. Et dès que ses clients étaient sentimentaux face à une pièce, Blanche le ressentait, la pression montait, l'envie de le rendre aussi beau que dans leur esprit et de le rendre fidèle à leur interprétation montait en flèche. Cette fois, tous les éléments peaufinés, Jamie semblait satisfaite et Blanche soufflait, terminant de tracer les ombrages à l'intérieur des quelques feuilles dessinées au crayon.

La blonde fit comprendre à Jamie que son oreille était disponible. Elle ne forçait pas la discussion, la laissant venir à elle, mais elle était là. Et, parfois, ses clients disaient préférer garder le silence, mais se mettaient à parler alors que l'aiguille touchait leur peau. Comme si les tatouages étaient thérapeutiques. Ces rencontres, c'était les favorites de Blanche qui, dans une autre vie, et sans doute pour le bonheur de ses parents, aurait pu être psychologue. Cet aspect de l'humain l'avait toujours intrigué. Elle ne se clamait pas thérapeute, mais elle savait que parler pouvait être libérateur, qui plus est parler à qui pouvait bien entendre. Sans jugements, sans reproches. Et Jamie s'était confiée. Mariage difficile, elle l'entendait pas. Et Jamie raisonnait comme une personne ayant déjà fait son deuil. Savoir accepter lorsque la fin était là, c'était un don du ciel que Blanche n'avait sans doute pas encore atteint. « Qu'est-ce qui t'a fait douter? », demandait-elle réellement intéressée, terminant l'ombrage. Puis, elle se dirigeait vers la chaise où elle y faisait la désinfection et la préparation de ses outils. « Est-ce qu'on est pas toutes comme ça, les femmes, un peu entêtées? »

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