merlbourne cup (tahlia)

Novembre à Bowen, mois plutôt calme où il n'y avait rien de passionnant réellement à faire. C'était après Halloween, après la traditionnelle fête organisée par le Maire, mais encore trop tôt pour être Noël, cet entre deux qui rendait les gens parfois maussades, moroses. Et pourtant, dehors, il faisait beau et chaud, le mois de novembre regorgeait de soleil en Australie, l'était qui allait se pointer le bout de son nez. Au journal, c'était plutôt calme. Nevaeh venait de déposer son article sur la maison hantée et la soirée costumée du 31 octobre. Elle en aurait sans doute pour quelques jours avant de se faire attribuer une nouvelle chronique.

Ce matin-là, Nevaeh n'avait rien de prévu. Petit répit, pause de boulot, elle lisait la presse du monde sur sa tablette, routine qu'elle avait pris l'habitude de faire dès qu'elle avait commencé à trimbaler ses valises de ville en ville. D'abord, ça avait été pour se garder informé sur ce qui se passait à Bowen et en Australie. Mais, ensuite, l'intérêt d'en apprendre davantage sur les autres coins du monde lui était parvenu. Sur sa table basse du salon, dans la pièce voisine, son téléphone portable s'était mis à sonner.

Pensant d'abord que ça pouvait être Juliann, le pauvre avait le bras cassé et avait reçu l'ordre d'appeler la brune à n'importe quel moment de la journée s'il en avait besoin, Nevaeh se leva pour attraper l'appareil à toute vitesse. Elle ne regarda même pas l'afficheur, répondant sans perdre de temps. « Oui? » Heureusement qu'elle n'avait pas dit autre chose puisque c'était loin d'être Juliann. Le boulot, toujours le boulot. « Bien sûr. Deux billets? Parfait, je passerai les prendre tout à l'heure. » Et si elle pensait que novembre serait maussade, c'est qu'elle avait oublié - et comment oublié - le festival de Melbourne : le Melbourne Cup. Cette course hippique qui faisait parler dans tout le pays. Costumes d'occasions, robes vintages, tous étaient invités à se mettre sur leur 31. Et, évidemment, qui on voulait pour couvrir l'événement? Nevaeh. Deux billets lui avaient été attribués.

Elle aurait très bien pu profiter de l'occasion pour s'exiler avec Juliann, deux petits jours loin de Bowen, que tous les deux. Ce n'était pas son plâtre qui les empêcherait de sortir de la ville. Mais la brune pensa plutôt à Tahlia comme accompagnatrice. D'abord, la dernière fois qu'elles s'étaient vues, la brune avait semblé espérer un moment de calme sans sa petite Thaïs, bien qu'elle l'aimait d'un amour infini. De puis, elles avaient déjà discuté, de cet événement toutes les deux, Tahlia qui rêvait de revêtir une belle tenue et de se sentir dans la frénésie de l'événement.

Proposition faite, Tahlia avait accepté et les deux brunes s'étaient envolées - ou plutôt avaient roulé - jusqu'à Melbourne. Elles avaient ri, elles s'étaient amusées et l'heure du retour sonnait. Toujours vêtues de leurs belles robes, elles reprirent la route, Nevaeh au volant, direction la maison. « J'ai plus de batteries, tu veux bien écrire à Juliann pour lui dire qu'on est en route? », demanda-t-elle à son amie. « Il commence déjà à faire sombre, il va péter un plomb s'il sait que je conduis dans cette condition », gloussa-t-elle. « Fais-toi passé pour moi qui écris à partir de ton portable... »

Tahlia était en train de préparer un smoothie vitaminé pour le grand blessé de la maison, quand son téléphone sonna. Nevaeh. Elle fronça les sourcils en voyant le nom s'afficher sur son écran de téléphone, se demandant d'abord si elle n'arrivait pas à joindre Juliann. Mais quand elle décrocha, elle comprit très vite que c'était bien elle que la jeune Rutkowski voulait avoir. Tahlia répéta ses mots, surprise, avant que la joie et l'excitation ne s'entendent dans sa voix quand elle comprit qu'elle l'invitait à la Melbourne Cup. La Melbourne Cup, the place to be ! L'ex-policière n'hésita pas et accepta, heureuse que Nevaeh ait pensé à elle. Elle connaissait les envies d'évasion de Tahlia, qui tournait en rond à Bowen, perdue dans sa vie routinière de maman. Et cette nouvelle grossesse limitait royalement les projets de voyage. Ces deux jours allaient donc être une bonne bouffée d'air frais. Quand elle raccrocha, elle demanda quand même à Juliann si cela ne le dérangeait pas que ce soit elle qui accompagne la jeune journaliste. Peut-être auraient-ils voulu se faire un joli week-end en amoureux, mais son ami lui affirma qu'il était heureux de les voir partir ensemble, concluant sa phrase par un 'file préparer ton sac !'. Et évidemment, elle promit qu'elles lui enverraient très souvent des messages...

C'était vite passé. La journée avait été magnifique. Les deux jeunes femmes s'étaient amusées à se faire belles, à s'apprêter de jolies robes, à se coiffer et se maquiller, le tout dans la bonne humeur. Elles s'étaient intéressées à la course hippique, se prenant au jeu des paris qu'elles perdirent, évidemment. Elles étaient prises dans l'euphorie, l'allégresse, les rencontres et les discussions intéressantes. C'était sur un petit nuage que Tahlia quitta la Melbourne Cup, les jambes alourdies, la fatigue l'envahissant, mais le coeur gonflé de joie. Quand elle se laissa tomber sur le siège passager, elle prit le temps de masser ses chevilles, riant : "J'avais presque oublié ce que c'était que de mettre des escarpins toute une journée. C'est une torture !" Ou c'était simplement ses chevilles qui enflaient. Alors qu'elles commencèrent à rouler, Nevaeh lui demanda, une trentaine de minutes plus tard, d'envoyer un message à Juliann pour l'informer qu'elles étaient sur le chemin du retour. "S'il fait trop sombre, on s'arrêtera. Ce n'est pas un problème." Quand elle lui demanda de se faire passer pour elle, Tahlia la regarda, taquine : "Si je l'appelle 'mon chéri d'amoûuuuur', ça risque de faire trop ?" Alors qu'elle récupéra son sac et qu'elle commença à chercher son propre téléphone, Tahlia répéta le message qu'elle comptait envoyer, sous le nom de Nev' : "Coucou mon chéri d'amour, nous sommes sur le chemin du retour. J'ai suffisamment épuisé ta coloc' pour qu'elle s'endorme une fois arrivée à la maison. Prépare-toi pour une nuit torride. Bisous bisous, ta Nev'." Non, évidemment, elle ne comptait pas envoyer ce message, mais c'était amusant de lui faire croire tout cela. Même si Tahlia murmura, de manière presque inaudible : "Faudra quand même que je mette mon casque..." Elle les connaissait, les deux loustics, elle savait qu'ils ne pouvaient s'empêcher de se sauter dessus dès que possible. Farfouillant dans son sac à main, Tahlia fronça les sourcils, puis se retourna pour prendre son autre sac dans lequel elle chercha encore. "Oh non ! Nev, je n'ai plus mon téléphone !"

La portière de la voiture se refermait sur un visage souriant des deux côtés. Nevaeh et Tahlia avaient réellement passé un bon moment, un weekend rêvé entre filles à papoter entouré de belles tenues, de bonne nourriture et de fous rires garantis. Au travers de tout ça, les demoiselles s'étaient également laissé prendre au plaisir de l'événement, se laissant emporté dans des paris qu'ils avaient, en effet, bien certainement perdu. Elles ne s'y connaissaient pas, en course équestre. En réalité, ce qu'elles connaissaient, c'était le prestige de l'événement dont tout le monde parlait en Australie. C'était un peu comme la coupe d'Euro, mais version Australienne, en terme de reconnaissance. C'était l'événement qu'elles voulaient vivre, être au coeur des célébrations et de l'engouement, entourées de belles tenues et d'apéro. Enfin, l'apéro pour Nevaeh. Parce que Tahlia, elle, elle ne l'avait pas prise.

La brune gloussait à la remarque de l'ex-policière, cette dernière qui parlait de la douleur à ses pieds. « À qui le dis-tu! », répondait Nevaeh qui balançait d'ailleurs ses chaussures à l'arrière du véhicule, enfilant une paire de vans pour plus de confort avant de se mettre en route. Musique clairement féminine dans le bolide, des hits des années 2000 de girls bands qui faisaient chanter les deux amies et quelques kilomètres plus tard, Nevaeh jeta un coup d'oeil à l'heure. Elles arriveraient à Bowen assez tard, Juliann qui leur avait demandé de le prévenir de leurs plans de retour. « Tu es certaine? Tu m'as l'air épuisée, il me semble qu'une nuit dans ton lit te ferait le plus grand bien. Et tu dois te mourir de retrouver Thaïs! », fit-elle en regardant furtivement Tahlia, puis en reposant son attention sur la route. La journaliste, en bonne petite amie responsable et en conductrice sécuritaire, demanda donc à Tahlia de taper un message à son petit ami pour l'aviser de la situation. Et elle éclata de rire alors que son amie lançait un surnom réellement stupide qui ne ressemblait en rien à la relation qu'elle avait avec Juliann. « Il va tellement se douter que c'est pas moi qui écrit. » Mais quand l'ex-policière poursuivit sur sa lancé, lui décrivant l'entièreté du message, Nevaeh la frappa doucement sur l'épaule. « T'es bête! », gloussa-t-elle avant de reprendre du sérieux. « Sérieux, c'est comme ça qu'on est? », s'enquit-elle avec inquiétudes, suivi d'un questionnement affolé : « On te dérange quand je passe à la maison? » Cette question, elle était sincère. Juliann lui avait pourtant dit maintes et maintes fois que Tahlia ne voyait aucun soucis à ce que Nevaeh passe à la maison, les deux jeunes femmes s'entendaient plutôt bien, mais ça, c'était ce que Juliann disait. Et Tahlia, elle, qu'elle était sa position face à tout ça? Mais alors que la brune fouillait encore dans son sac, la journaliste comprit qu'il y avait un problème. « Non, c'est pas sérieux? », demandait-elle en ralentissant sa vitesse. « On va rebrousser chemin... Quand l'as-tu eu dans tes mains la dernière fois? »

Elles avaient passé une journée mémorable. Certes, elles avaient participé à un événement prestigieux, mais ce que Tahlia retenait le plus, c'était qu'elle l'avait partagé avec Nevaeh. Elles n'avaient jamais vraiment eu le temps de passer une journée ensemble, elle était heureuse d'avoir appris à la connaître davantage, se découvrant bien plus de points communs qu'elle ne le pensait. C'était une fille bien, Nev. Dans la voiture, alors que Tahlia massait ses chevilles endolories, elle hocha la tête quand Nevaeh approuva ses paroles, riant : « Ce n'est pas toujours facile d'être féminine ! » La voiture démarra et la bonne humeur continua sur sa lancée, avec de la bonne musique sur laquelle elles chantaient joyeusement. Mais alors que Nev évoquait la conduite de nuit, Tahlia lui glissa qu'elles pourraient s'arrêter s'il le fallait. Sans compter qu'elle allait devoir laisser le volant à Tahlia. Nevaeh n'allait tout de même pas conduire tout le long de leur périple ! Un sourire aux lèvres, la brune regarda la jeune femme, affirmant : « Je retrouverai mon lit demain, ne t'en fais pas. Même pour Thaïs, je sais qu'elle est entre de bonnes mains. Alors, ça ne me dérange absolument pas. » Mais en attendant, il fallait prévenir les petits amis. S'attaquant au message de Juliann, Tahlia se réjouit encore plus quand Nev lui donnait l'autorisation de se faire passer pour elle. Alors, évidemment Tahlia en fit des caisses, à coup de chéri d'amour et de nuit torride. Ce qui fit rire Nevaeh, avant que cette dernière ne lui demande, avec sérieux, si c'était bien comme cela qu'elle les voyait. « Bah vous êtes juste un tout nouveau couple qui ne peut se rassasier de l'un et l'autre. » commença-t-elle, avant de secouer la tête en entendant sa deuxième question : « Non,bien sûr que non, tu ne me déranges pas ! Pourquoi tu dis ça ? C'est vrai que j'ai tendance à quitter la maison quand tu viens, mais ce n'est pas contre toi, Nev. Je vous laisse juste votre intimité. Ça participe à la bonne vie en communauté, dirais-je. » Elle ne voulait pas que Nevaeh se mette en tête qu'elle dérange. Loin de là. Mais alors qu'elle comptait envoyer ce message, elle comprit, au bout de quelques minutes, qu'elle avait bel et bien perdu son téléphone. Directement, Nevaeh proposa de rebrousser chemin. Tahlia continua de chercher dans son sac, en vain, dépitée. Et soudain, illumination : « Je l'ai laissé sur le comptoir du bar. » Elle se voyait très bien le poser, brièvement, avant que son attention ne soit détournée, oubliant totalement le pauvre téléphone. « Vu le monde qu'il y avait, je suis sûre que quelqu'un l'a récupéré ! Ça ne sert à rien de rebrousser chemin... Au pire, j'appellerai en arrivant à Bowen, même si je n'ai pas grand espoir. » Elle était dégoutée. Fort heureusement, elle avait mis toutes les photos de son téléphone sur l'ordinateur, il y a tout juste une semaine. Elle aurait été plus que triste de perdre toutes les photos de Thaïs. « Ju' va se faire un sang d'encre... »

Toutes les deux originaires de Bowen, on aurait pu croire que les deux brunes étaient amies depuis toujours. Mais en réalité, le destin ne les avait pas réunies avant très récemment. Et pourtant, elles avaient pratiquement le même âge, avaient des amis en commun, toutes les cartes étaient alignées pour qu’elles se rencontrent plutôt. Se rencontrer, elles l’avaient fait, évidemment, Bowen étant une toute petite ville. Mais elles n’avaient jamais pris le temps de discuter, d’apprendre à bien se connaître. Alors qu’elle était la colocataire de Juliann, avant même que le pompier et elle forment un couple officiel, elles avaient été amené à se croiser plus fréquemment, à discuter quelque peu et le courant était vite passé entre elles. Bien rapidement, elles s’étaient rendue compte qu’elles avaient plutôt pas mal de points en commun. L’ex policière était une personne que Nevaeh appréciait énormément, à présent, sans dire qu’elles étaient grandes copines. Mais elle était persuadée qu’elles le deviendraient. Et ce week-end le lui avait confirmé. D’un côté, la journaliste était soulagée de bien s’entendre avec Tahlia. C’était un test à passer, comme elle faisait partie des meilleurs amis du tatoué. Et, clairement, elle l’avait passé haut la main. Après un week-end de magie, de perles et de belles tenues, elles rentraient retrouver leur quotidien. Nevaeh, maladroite de nature, ne marchait presque jamais avec ses escarpins. Elle n’en portait que lors des soirées importantes ou à des rendez-vous galants. On pouvait la voir le plus clair de son temps avec des vans blanches un peu tachées à force de les avoir portées. Ce n’était pas pour autant qu’elle n’était pas féminine. Elle aimait les robes et les chaussures compensées qui lui permettaient de bouger avec fluidité, mettre un peu de parfum pour plaire à Juliann et, évidemment, la belle lingerie. « En tout cas, tu étais franchement la plus belle ce week-end. Tu es éclatante. J’ai fait des jaloux à t’avoir à mon bras », fit Nevaeh en souriant à son amie avant de mettre en marche le véhicule et de se diriger vers leur Bowen. Si elles ne voulaient pas passer trop de temps en voiture, il fallait décoller. « T’as déjà dormi dans une voiture? », demandait sérieusement la journaliste. Elle, elle l’avait déjà fait, pour observer les étoiles en Islande. Il faisait froid et elle avait eu un sacré mal de dos, mais ça avait été merveilleux. Elle l’avait d’ailleurs raconté dans son article.

Trente minutes plus tard, la journaliste demanda à sa copilote d’envoyer un sms à Juliann pour l’aviser qu’elles étaient sur le chemin de la maison. Le pompier n’était pas rassuré de voir les deux filles quitter pour Melbourne en voiture. Il avait qualifié la décision de la voyageuse d’insouciante. Ce qui l’avait bien rire. J’ai fait bien pire que 26 heures de voiture, il n’arrivera rien, lui avait-elle promis. Elle n’aurait pas dû parler trop vite. Bébé d’amour furent les mots désignés par la jeune maman comme appellation de son sms, ce que Nevaeh trouva très drôle avant qu’elle n’ajoute les mots épuiser ta coloc pour passer une nuit torride. Sexuellement parlant, Nevaeh et Juliann s’entendaient bien, plus que bien même. Ils avaient cette alchimie et cette attirance qui ne bernaient personne. Et depuis qu’ils étaient officiellement ensemble, c’était pire encore. Ils ne se lâchaient pas d’une semelle, toujours collés l’un à l’autre. A force, ça devait être fatiguant pour Tahlia. Nevaeh tâta le terrain, inquiète de déranger par sa présence. Ce n’était tellement pas son intention. « Deux obsédés qui ne peuvent pas penser à autre chose, tu veux dire », corrigea-t-elle avant de retrouver son sérieux. « Tu me le dirais si ma présence était dérangeante? Ou si je venais trop souvent chez vous? Ou si on faisait trop de bruit pour toi et pour Thaïs? », s’enquit la brune avec affolement. « Tu sais que tu n’es pas obligé de partir chaque fois que je suis là, hein... On est des obsédés, mais on sait se tenir. Et puis, j’ai mon appartement, on peut dormir chez moi pour éviter de te faire quitter la maison... » Nevaeh sentait pourtant que Tahlia ne l’écoutait qu’à moitié, concentrée dans sa recherche qui ne s’avérait pas fructueuse. Son téléphone, il n’était pas dans son sac. Déjà, Nevaeh réduisait sa vitesse, prête à rebrousser chemin et rentrer un peu plus tard que prévu. Mais Tahlia l’en empêcha. « Tu as raison, les chances qu’on le retrouve sont minces... », soupira Nevaeh qui reprenait la voie du centre. « À qui le dis-tu... », dit-elle pour la deuxième fois de la journée, cette fois avec une mine dépitée. « On arrêtera dans une station service... j’achèterai un chargeur ou je l’appellerai d’un téléphone publique.. Et Ciàran, comment il est? Sur dix, dix étant le plus élevé, à combien s’élèverait son niveau d’inquiétude? », demandait-elle avec intérêt.

Trente minutes de plus et elles avaient bien avancé. Il n’y avait pas beaucoup de voitures sur la route, elles avaient de la chance. Alors que les yeux de Nevaeh se posèrent sur son tableau de bord, elle remarqua le réservoir à essence. « Faudra qu’on trouve une station service si on ne veut pas être en panne... » Ça serait bien la cerise sur le gâteau.

C'était quand même dingue qu'elles aient passé tant d'années sans jamais prendre le temps de se connaître. Des Rutkowski, Tahlia connaissait davantage Woody, avec qui, rappelons-le, elle avait eu pour projet d'ouvrir une maison de retraite pour célibataires, les deux ayant eu une vie sentimentale catastrophique. Maintenant, elle voyait moins l'aîné mais avait appris à découvrir Nev, qui se révélait être une agréable surprise. Elle espérait que cette sortie ne sera pas la dernière. "ça, c'est parce que tu ne t'es pas vue. C'était toi qui étais sublime." riposta Tahlia, avec un large sourire. Elle comprenait pourquoi Juliann avait craqué. Nevaeh, c'était une beauté naturelle. Et il fallait avouer qu'elle formait un très beau coup avec le jeune pompier. Quand la jeune femme lui demanda si elle avait déjà dormi dans une voiture, Tahlia se mit à rire : "Oui, dans mes jeunes années, quand on était trop déchirés pour prendre le volant et qu'on était à quatre dans la voiture. Mon dos en souffre encore. Et toi ?" Et sans doute souffrirait-il encore aujourd'hui...

Quand Tahlia s'apprêta à envoyer un message à Juliann, comme demandé par Nev, la brune en fit des caisses, s'amusant de cette alchimie bien évidente entre la jeune Rutkowski et son petit ami. Mais très vite, elle décela l'affolement dans la voix de Nev. "Hey, je n'ai pas dit obsédés. Vous êtes juste un tout jeune couple. On sait bien qu'au tout début d'une relation, on vit surtout d'amour et d'eau fraîche. Et heureusement !" répondit-elle pour la rassurer. Mais cela ne semblait pas suffisant, elle qui s'inquiétait de voir Tahlia s'en aller à chaque fois. "Déstresse, Nev. Ta présence ne me gêne absolument pas. Ce qui m'importe le plus, c'est de voir Juliann heureux et épanoui. Et il l'est." Et ça, ça valait toutes ces nuits passées en-dehors de cette maison qu'elle partageait avec Juliann.  Mais alors que Nev continuait à déblatérer sur le fait qu'elle avait un appartement, etc., Tahlia ne l'écoutait plus vraiment d'une oreille attentive. Elle ne trouvait plus son téléphone et c'était plutôt avec angoisse qu'elle continuait de chercher. Puis, dépitée, elle finit par se dire qu'elle pouvait faire une croix sur son téléphone. Quelqu'un l'avait sûrement pris. Et bizarrement, sa première pensée fut de se dire que Juliann allait se faire un sang d'encre, paroles bien approuvées par Nev. Elle savait qu'il n'avait pas été partant pour que les deux jeunes femmes s'en aillent. C'était Nev qui se collera à la grosse tâche de l'appeler quand elles trouveront un téléphone. "Il va nous dire qu'il avait raison, que l'on n'aurait pas dû partir et bla... et bla... et bla..." souffla-t-elle, avant de hausser les épaules face à la question de Nev. "Ciàran ?  Sur 10 ? Je ne sais pas... je dirais 7. Peut-être huit, dans l'état actuel des choses." Porter son enfant allait probablement doubler son inquiétude. "Il ne laisse pas facilement transparaître ses émotions. Je l'ai rarement vu inquiet, à vrai dire." Mais là, sans doute allait-elle le voir bien concrètement...

De nouveau, trente minutes plus tard, Nev évoqua un nouveau problème : le manque d'essence. "Tu plaisantes ?" dit-elle en riant, un poil jaune. "On est dans la pampa, là !" Elles avaient dû quitter la voie rapide, à cause de travaux nocturnes. Elles s'étaient donc engagées dans l'arrière-pays australien. "Tu ne veux pas que je conduise un peu ? Et comme ça, toi, tu guettes si tu vois un village... On va bien trouver une station-service dans ce coin paumé, quand même !" Sinon, elle estimait qu'elles seraient le duo de poissardes de l'année.