#10 Oui! Jombon Borre! Omelitte diou fromâge!

Je sais ce que c'est d'avoir toute la merde du monde qui nous tombe dessus. J'ai assez vécu pour faire le bilan de ma vie, la comparant parfois aux autres, plus pour un constat qu'un simple jugement. Mais ces derniers temps, c'est surtout Charlie qui est en train de s'en prendre plein la tête. Un décès, la maladie de baby Devon qui s'aggrave, son coeur déchiqueté par l'homme pour lequel elle a décidé de se donner. Je vous assure que j'essaie d'être là pour elle mais pour certaines choses, je ne peux absolument rien faire si ce n'est de tenter de lui changer les idées. Mais comment ramener quelqu'un sur Terre lorsque cette personne est au fond du trou?

Elle était partie pour la France, pour une semaine me semble-t-il, me laissant ainsi seule dans cette petite maison où nous avons décidé de faire coloc. Je lui avais passé un peu d'argent histoire qu'elle me ramène des souvenirs, type une bonne bouteille de vins et surtout des macarons -si elle trouve le temps de le faire avec la situation actuelle.

La porte claque. Je sursaute. Charlie est finalement rentrée de son périple. Il y avait moins de cartons dans la demeure, seuls les siens, ne voulant toucher à ses affaires et bousiller son organisation. J'avais du temps à tuer et je fus ma foi! assez productive. Je me lève du sofa, me dirigeant à petits pas vers elle, soupirant lorsque je me retrouve à quelques mètres d'elle. "Tu... Tu veux un câlin?" Je passe ma main derrière la nuque, un peu inquiète. Je ne suis pas du genre tactile mais je suppose que je peux faire l'effort. Parfois certaines personnes ne demandent rien de plus qu'un peu d'affection durant les moments durs, les préférant à une bonne conversation. "Bon, ce serait stupide de te demander si ça va hein mais est-ce que au moins, ça va mieux ou ça a été pire?" lui demandais-je.

Retour à la maison. Pendant ce court séjour à Paris, mon temps fut rythmé par les organisations des obsèques de ma mère, des retrouvailles avec la famille et les proches, et des pleurs dont je m'autorisais à avoir seule le soir. Le moral au plus bas, la fin de ma relation avec Liam s'ajoutait à ma peine. En revenant à Bowen j'allais pouvoir reprendre le travail mais aussi m'affairer à mon emménagement avec Billie. D'ailleurs en rentrant dans notre home, sweet home, je remarquais que la plupart ou des cartons au sol ou peut-être tous, m'appartenaient. Ma Billie, elle, tenta une approche tacticle visiblement inquiète de savoir comment j'allais. Je pris avec moi les valises jusqu'au salon pour la rejoindre et l'enlaça pour la saluer. Tu m'as manqué. soufflais-je en toute sincérité avant qu'elle demanda si ça allait mieux ou pire. En guise de réponse, je haussais les épaules. J'sais pas. Je crois qu'il me faut encore un peu de temps. répondis-je avec lenteur, sans cacher mon incertitude. Je regardais autour de moi et lui lança un regard impressionné. Wow t'as bien avancé sans moi, il n'y a plus trop de cartons. C'est bien rangé. fis-je constater, alors que je mettais ma valise sur le canapé du salon. En l'ouvrant, un grand coffret vert pastel apparut, où des lettres dorées formaient le mot [i]La Durée[i]. J'espère qu'ils ne sont pas trop cassés. Tu verras, il y a des parfums surprenants. Je continuais de glisser mes mains sous la pile de mes vêtements et sortit la légendaire Tour Eiffel en statuette. J'en ai pris cinq, je ne sais pas encore à qui toutes les donner... Mais tiens. Avant de la lui céder, je la scrutais brièvement si celle-ci avait subi des dégâts mais fort heureusement elle était intacte.

Un câlin qui met du baume au coeur. Je profite de ce moment d'affection comme il se doit, posant mon menton sur son épaule, lui adressant même un petit baiser sur la joue. "Tu m'as manqué aussi." répondis-je dans un souffle avant de la relâcher. Une réponse de sa part. Oui, je ne pouvais pas en attendre plus. J'ai posé une question débile, comme à mon habitude. Je regarde l'étendu du salon à sa remarque. "J'en avais marre de me taper le p'tit doigt d'pied dans les cartons." J'esquisse un sourire puis me pose sur le canapé, rabattant mes genoux vers moi et réceptionne la boîte de macarons que je lui avais demandé, la déballant et lui en proposant par la même occasion. "Merci beaucoup!" lui dis-je dans un sourire ravi avant qu'elle ne me tende une petite Tour Eiffel. Je laisse échapper un rire. "Pour le troll tu pourrais en offrir une à Devon." J'me marre toute seule. "A ton coloc? A l'autre guignol de la soirée de mangue là, le collègue de Reece tu sais? Et pourquoi pas à... Je ne sais pas, euh... Tu peux tenter un cadeau sans nom pour Liam ou ce serait un peu mal vu sachant qu'il est marié et que ça se passe moyen bof ?" Je propose des noms, je fais ce que je peux. "Ou alors ça peut nous servir de boules pour le sapin, non? On trouve du fil et on les accroche?" J'hausse les épaules. Je prends une grande respiration avant de tout relâcher. "Et à ta patronne? Tu l'aimes bien non?" Je pose mon regard sur elle.

Nous profitions de ces retrouvailles pour nous enlacer. C'était bon de la retrouver physiquement, car malgré la distance, Billie et moi discutions tous les jours au téléphone. De son côté elle avait très bien avancé dans le rangement de ses cartons et notre home, sweet home prenait enfin forme. Bientôt j'envahirais la cuisine d'odeurs sucrés. En attendant je donnais à Billie l'énorme boite de macarons et une tour eiffel miniaturisée. J'en avais encore quatre autres à donner à qui bon me semble. Billie avait pas mal de suggestions. Devon (elle réussit à m'arracher un sourire), Louis, Konstantin, mais ce fut le nom de Liam qui retint toute mon attention. Je m'affalais alors sur le sofa, blottie contre un coussin. Laisse tomber, j'ai compris la leçon. Liam est bien plus heureux sans moi. Je... J'eut un moment d'hésitation. Billie est ma meilleure amie, je pouvais tout lui dire, même si j'en avais affreusement honte. J'ai fait l'erreur de fouiner un peu les réseaux sociaux. Et j'ai vu qu'elle avait posté une photo d'eux. avouais-je d'un air douleureux. Elle avait tout pour elle. Pippa était la jeune femme belle, rayonnante, sexy, qui l'acceptait tel qu'il est. Et moi... Je ne suis que moi. Puis surtout, je n'arrivais pas à l'aimer et le partager. Elle, si. Je n'aurais pas dû je sais. Billie pouvait me remonter les bretelles, je le méritais. C'était la règle numéro un quand on voulait couper les ponts avec son ex : arrêter de le stalker. Je savais bien que je devais arrêter de m'accrocher parce que je me faisais du mal. Mon regard se reporta sur les autres miniatures de Tour Eiffel. Je réfléchissais aux personnes à qui je pouvais les donner et le visage de Woody me traversa l'esprit pendant un court instant. Oui c'est une bonne idée je vais en donner une à Charlize. Elle a été tellement gentille avec moi. Ce n'est pas n'importe quelle patronne qui donnerait un poste à quelqu'un qui n'a que très peu d'expérience dans le métier.

Des sourcils légèrement froncés, je n'allais pas lui faire la morale à ce sujet. Je sais bien à quel point elle en avait pincé pour lui et il faut parfois du temps pour se remettre de ce genre de relation. Alors qu'elle parle, je défais le petit ruban qui enrobé la boîte de macarons et la lui tends, pour qu'elle puisse grignoter avec moi. "Et leur amour est vraiment sincère? C'est des amis de longue date tu me disais?" lui demandais-je. Je secoue la tête négativement. "Hey, c'est pas grave. Tu vas réussir à l'oublier un jour. Enfin, je l'espère du moins." Je lâche un soupir avant de baisser la tête. "Tu n'as vraiment personne d'autre à qui tu pourrais en donner?" On ne sait jamais, d'autres collègues de boulot, des connaissances, des clients réguliers peut-être même? "Tu reprends quand le travail? Elle t'a laissé plus de jours pour reprendre tes esprits?" Je lui laisse le temps de répondre avant de sourire. Avoir la connerie, c'est possiblement ce qui est en train de m'atteindre pour le moment. "Dis moi, tu veux sortir ce soir histoire de penser à autre chose ou te venger de cette histoire en faisant je ne sais pas... En détruisant sa maison avec du papier toilette. En cette période de Noel, ça lui fera un joli sapin, tu ne crois pas?" Je souris davantage.

Spoiler:

De plus en plus mal à l'aise, Charlie semblait s'enfoncer sous terre en évoquant sa relation avec Liam. Je ne sais pas. Je suppose. Ils se sont mariés, c'est que c'est sûrement sincère. dit-elle douloureusement. Elle s'en doutait, pire, elle le savait. Elle le savait qu'elle ne supportetait cette situation. C'était stupide de croire qu'elle arriverait à accepter de partager celui qu'elle aimait tant. Elle était celle de trop. Pippa elle, au moins, avait le mérite de l'accepter tel qu'il était.

Pensive, elle regarda à tour de rôle les petites Tours Eiffel et les tripota de ses mains. Elle haussa les épaules en guise de réponse alors qu'en réalité elle pensait à Woody. Je voudrais reprendre vite le boulot. Pour... penser à autre chose, tu vois? Charlize n'y verrait pas d'inconvénient, mais elle sait que la patronne est à l'écoute de ses employés et s'assurera qu'elle est vraiment prête à reprendre le travail. Attendrie par la bonne volonté de Billie à lui changer les idées, Charlie lui adressa un large sourire. T'es la meilleure, tu le sais ça? Mais et si je faisais juste du popcorn, on se regarde un bon vieux film d'horreur? proposa t-elle vaguement. Avoir peur pour penser à autre chose : il n'y avait rien de mieux. Et si dans la soirée Charlie changerait d'avis, elle savait qu'elle pouvait compter sur sa meilleure amie.

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