somewhere we can shut the world away (esras)

Sur un total coup de tête, t’avais pris la décision de prendre un billet à bord du train de Noël. T’avais jamais été un grand fan de cette fête, peut-être parce que t’avais pas vraiment de famille à retrouver lorsque cette période de l’année arrivait. Quand tu faisais encore partie de la troupe de cirque Cirkaös, pendant que tes collègues et partenaires s’envolaient aux quatre coins du monde vers leur terre natale, toi au fil des années t’avais pris l’habitude de rester là où le cirque s’était arrêté pour le temps des Fêtes. Parfois il y en avait d’autres comme toi, dont Brooke avec qui tu avais passé plusieurs réveillons, mais d’autres fois t’avais été seul. Ce n’était donc pas la fête de Noël en tant que telle qui avait éveillé en toi le désir d’être passager sur ce train presque magique. C’était plutôt ton désir de t’évader, de retrouver la vie sur la route pour une toute petite semaine. T’avais été un nomade, vivant au rythme des changements de ville, pendant une grande partie de ta vie. Aujourd’hui ce n’était plus le cas, maintenant que le cirque avait fermé les rideaux pour de bon. Ça te manquait. T’avais donc préparé ton sac, ce même sac qui t’accompagnait depuis ton adolescence, et t’étais monté dans le train quelques dizaines de minutes avant l’heure de départ. L’embarquement était déjà commencé depuis une bonne heure et les wagons de passagers se remplissaient. T’en avais réservé un double, avec deux lits superposés. T’avais aucune idée de la personne avec qui t’allais partager ta cabine, mais tu ne l’appréhendais pas du tout. Tu entras et posas ton sac sur le lit du haut, par habitude, parce que c’était la place que t’occupais avec Cirkaös. Tu faisais le clown à tous les matins en t’extirpant du lit du haut en faisant des acrobaties. Quelques minutes plus tard, la porte de la cabine se rouvrit sur un homme dont la beauté te coupa un peu le souffle, d’abord. Tu lui souris. « Hey. C’est toi mon voisin du bas ? » Demandas-tu en pointant le lit du dessous.

Il avait eu une mauvaise nouvelle Esras, celle qui le rendait grognon. Il avait reçu la carte de noël de sa famille. Il ne comprenait pas pourquoi ils se forçaient à lui envoyer, alors que des années auparavant il l’avait éjecté de cette famille comme un mal propre. Depuis il le passait seul son noël, à ruminer dans son appartement. Petit il adorait cette période, et maintenant il était nostalgique. Alors la plupart du temps il fêtait le réveillon dans un bon restaurant avant de boire au bar. Sauf que cette année la ville avait mis en place un train. Il avait lu avec attention ce que cette activité proposait. Autant les wagons avec les différentes thématiques ne le tentaient pas trop, il ne voulait pas se retrouver entouré de milliers de gosses. En revanche, il y a la possibilité de voyager un peu, de sortir de Bowen et de passer quelques jours à l’extérieur de la ville, tout en profitant d’un train couchette. Cette idée avait enchanté l’irlandais. Il pouvait fuir un peu la ville et visiter les environs. Alors il avait réservé une place, un wagon double. Il ignorait qui allait être son partenaire de voyage, mais Esras était motivé plus que jamais. Dans le pire des cas, il allait ignoré la personne et dans le meilleur des cas, il allait apprécier la personne. L’irlandais n’était pas une personne facile, mais il comptait être gentil et agréable pour essayer de retrouver un peu les sensations qu’il aimait de Noël quand il était petit. On lui indiquait où se trouvait sa place. Accompagné de son sac il ouvrait le porte et tombait directement sur ce jeune homme, très beau. « Salut ! Oui je crois bien. » Le beau brun avait déjà choisi son lit, en haut. La place du bas convenait à Esras, au moins il n’aurait pas à descendre s’il avait besoin d’aller aux toilettes durant la nuit. Il posa son sac sur son lit et observait un peu la cabine. Elle était convenable, il y avait assez de place pour deux. Il se retourna vers son compagnon de voyage. « Esras. » Disait-il en tendant sa main avec un sourire peu commun sur le visage d’Esras.

Sans dire quoi que ce soit à propos de ton choix de lit, l’homme avait posé son sac sur celui du bas. T’en déduisais que ça lui convenait, ou alors qu’il était trop gêné pour te faire la remarque contraire. Tu te permettais d’en douter, parce que généralement les gens préféraient effectivement la couchette du bas. Ça brasse moins, ça ne donne pas le vertige et surtout, c’est plus facile de se lever incognito. Toi aussi t’allais devoir apprendre à descendre d’une manière socialement acceptable, d’ailleurs, parce que tu te doutais que l’homme allait sourciller s’il te voyait descendre en faisant des pirouettes. Tu n’étais plus dans un cirque. Non, malheureusement, cette vie-là était derrière toi. Le brun te tendit finalement la main en se présentant. Ton regard resta un moment rivé sur son sourire. Le côté gauche de ses lèvres se retroussait un peu plus que son côté droit, et creusait de belles courbes sur sa joue. Ça le rendait encore plus beau. Maladroitement, un peu pris de court, tu tendis à ton tour ta main vers lui, tout sourire. « Jackson. » Tu retiras ta main, la reposant sur le matelas du lit du haut. Tu plongeas ton autre main dans la poche de ton pantalon. « T’es la troisième roue du carrosse d’un duo qui se trouve dans une autre cabine ou bien t’es aussi fou que moi pour partir en solo ? » Demandas-tu avec un sourire. La pensée que le lit du bas resterait vide t’avait effectivement effleuré l’esprit. Tu te disais que pour le temps des Fêtes, généralement, les gens restaient ensemble, entre amoureux, en famille, entre amis à la limite. Toi-même t’aurais pu inviter quelqu’un, Lys, Brooke, Charlie, Alix, la liste était interminable. Mais tu savais qu’elles avaient toutes des personnes avec qui passer ce temps-là. Des personnes autres que toi. Contrairement à elles, t’avais pas forcément d’attaches autres qu’amicales à Bowen, alors Noël, tu le passerais peut-être seul. Tu t’imaginais mal débarquer chez Liam lors de son premier Noël marié à Pippa. Cette petite escapade t’avait donc semblé évidente, invitante. Et puis, ta propre compagnie ne t’avait jamais dérangée.

Voir le lit vide en bas rassurait Esras. Il n’aimait pas vraiment montrer ses faiblesses mais il avait toujours eu un peu peur du vide. Certes, le lit n’était pas haut mais assez pour empêcher Esras de dormir, de peur de tomber durant la nuit. Au moins, en bas, même s’il tombait, la chute serait plus ridicule que douloureuse. Surtout qu’Esras n’avait pas du tout envie d’être ridicule devant cet homme qu’il trouvait très mignon. Son visage carré était très charmant. Souriant pour une fois, Esras se présentait. Lui qui était pourtant peu social, préférant la solitude s’étonnait lui-même de cette prise de risque. Il commençait doucement à changer l’Irlandais, mais il lui avait fallu du temps. Sept années pour devenir un peu plus agréable et ouvert. Alors qu’il présentait sa main, son partenaire de voyage bloquait un peu fixant le visage de l’Irlandais. Blocage qui accentuait le sourire d’Esras. Il se sentait flatté mais peut-être qu’il se faisait des idées. Jackson. Il hochait la tête à cette présentation avant que leur main retrouvaient leur place. Celle d’Esras retournait le long de son corps. Un rire spontané sortait de la gorge d’Esras à la question de Jackson. « Je dois être aussi fou que toi alors. » Ce n’était vraiment pas dans la nature d’Esras d’être la troisième roue du carrosse. Personne dans son entourage aurait eu le culot de lui proposer un tel plan. Imaginer l’irlandais avec un couple dans un train pendant la période de Noël. Rien qu’à cette pensée Esras avait de vomir. Il n’était pas un romantique et Esras n’aimait pas les couples un peu trop démonstratif. Non, l’Irlandais était venu seul, pour échapper aux décors trop féérique de Bowen. Le Maire était bien trop généreux selon l’Irlandais, à toujours montré aux villes voisines l’activité et la richesse d’idée de Bowen. « Vu qu’on impose des vacances à Noël autant en profiter pour voyager. » Esras n’était pas maître de ses vacances, obligé de se caler sur les vacances universitaires. Il aurait bien fait son curieux tout de suite Esras, lui demander pourquoi lui était aussi seul, mais il n’était pas impoli et intrusif.

Cette manière qu’il avait de te regarder, de ses yeux profonds, presque ténébreux, définitivement mystérieux, ça te faisait un peu perdre tes moyens. Évidemment, toi aussi tu te disais de ton côté que tu te faisais des idées. Ce qui était plus difficile dans la séduction entre personnes du même sexe, c’était qu’à moins de se trouver dans un endroit exclusif à la communauté ou bien de se parler via une application de rencontres où les préférences sont clairement identifiées, c’est qu’il y a toujours le risque de se tromper et de se faire solidement rembarrer. Soyons honnêtes, le gaydar, c’était pas forcément a thing. Ça, ça se basait sur des stéréotypes auxquels tu savais qu’une bonne partie des hommes gays ne répondaient pas. Quand même, tu te permettais de rêver un peu face à Esras, parce qu’il y avait clairement quelque chose dans vos sourires et dans vos hésitations. Tu verrais au fil du voyage, t’étais pas non plus en mode bestial, l’animal qui chasse sa proie. Ce voyage-là, tu avais prévu le faire pour toi-même et pas pour te jeter sur le premier mec à ton goût. À ta question, le beau brun rit franchement, t’affirmant qu’il devait être aussi fou que toi. « Bien. T’es pas à plaindre alors. C’est jamais cool d’être la personne de trop dans un groupe. » Avec toi, il ne serait pas du tout de trop, en tout cas tu ne lui ferais jamais sentir que l’espace de la cabine n’était pas suffisant pour vous deux. Le jeune homme te parla de vacances imposées et tu allas t’asseoir sur le long banc en face de vos lits, contre le mur opposé. « Imposées ? Donc … tu bosses pas dans un restaurant, une boutique ou un truc du genre, ça c’est clair. Et t’es ni pompier, policier ou d’quoi comme ça … Laisse-moi deviner … » Tu le détaillas du regard, amusé de ton propre challenge. « Avocat ? » T’essayas-tu, parce qu’il y en avait à la pelletée dans le coin mais aussi parce que t’étais prêt à parier qu’il avait une certaine pokerface qui lui serait certainement utile dans ce domaine. À l’intercom du train, on annonçait le départ imminent, et tu tendis l’oreille en levant les yeux vers cette voix venue du ciel pour écouter l’annonce avant de reporter ton attention sur Esras.

Il n’aimait pas la violence Esras, alors il ne faisait que rarement le premier pas quand un homme lui plaisait, de peur de froisser la sensibilité de cette personne et de se prendre une droite un peu trop forte. Jackson lui plaisait, avec ce regard pénétrant et cette gêne adorable. Mais il ne fera rien, surtout qu’ils allaient partagés la même cabine pendant plusieurs jours. Ce n’était pas une bonne idée de se mettre à dos son compagnon de voyage. Pourtant Esras avait le don pour se mettre dans ce genre de situation. Il lui souriait, essayent d’être le plus agréable. Il le voyait le bel homme parfois s’arrêter pour regarder l’irlandais. Mais peut-être qu’il le trouvait juste beau ou mystérieux sans avoir envie de plus. Alors Esras se contentait de répondre à ses questions, évitant de le draguer. Peut-être que plus tard ils comprendront qu’il n’y aucune raison d’avoir peur puisqu’ils se plaisaient mutuellement. « On dirait que tu l’as déjà été cette personne en trop. » Il le regardait avec un mélange de curiosité et de gentillesse, quelque chose d’assez nouveau chez le brun. Lui Esras, il n’avait jamais été de trop, sauf dans cette famille … Mais ça il le garderait pour lui, il ne voulait pas de la pitié des gens. Puis de toute façon quelle pitié ? Il les avait mérité ses claques et ses coups, il n’avait qu’à pas être ce petit con et suivre à la lettre les recommandations de sa famille pour être un parfait McCoy. Il s’explique légèrement sur la raison de sa venue, des vacances imposées. Et Jackson lui essaye de deviner, ce qui fait rire évidemment le brun. « Pas du tout. Je te laisse une autre chance pour deviner. » Disait-il en riant alors qu’au même moment, le départ s’amorçait et la voix leur annonça qu’il allait bientôt quitter Bowen pour quelques jours. « Tu as une idée de ce que tu aimerais visiter ? » Demanda-t-il curieux avant de s’assoir pour éviter de tomber au départ du train, de peur de se ridiculiser devant cette nouvelle rencontre.

Non seulement tu l’avais déjà été, cette personne en trop, mais à plusieurs reprises. Et ce n’était pas vraiment à conjuguer au passé. Tu haussas les sourcils en hochant donc la tête avec conviction, un sourire un peu amer au visage. « Ouais, on peut dire ça. » Déclaras-tu d’abord avec un léger rire qui en disant long sur ta manière de vivre cette situation. « Disons que j’ai un tas d’amis, avec qui j’avais des relations, enfin rien de sérieux mais, des relations tu vois … bah disons qu’ils ou elles se sont tous plus ou moins casés dans les derniers mois et … moi j’suis là et j’sais plus trop à quoi j’sers. » Expliquas-tu en rajoutant évidemment une couche avec ton histoire d’inutilité. Évidemment qu’aucun de tes amis, ni Lys, ni Brooke, ni Juliann ni aucun autre ne t’avait fait sentir de trop dans leur vie. Au contraire, même s’ils fréquentaient quelqu’un d’autre ou étaient sérieusement en couple, ils avaient insisté sur ton importance dans leur vie. Quand même, ça te faisait un coup d’être à chaque fois celui qu’on ne choisit pas. En même temps, pour tes amantes, ça relevait de l’évidence puisque tu n’avais jamais caché que tu t’imaginais plutôt t’engager sérieusement avec un homme. Elles ne t’avaient jamais vu comme un prétendant plus sérieux que ça, donc. C’est peut-être pour ça que t’avais déballé tout ça à Esras en insistant sur le fait que t’avais des aventures autant avec des elles qu’avec des ils. Pour enlever toute ambiguïté possible de ton côté, et pour te donner une chance peut-être de ne pas être de trop pour une fois. D’être réellement considéré. Damn, Jackson, ça faisait trois minutes top chrono que vous étiez l’un devant l’autre et t’en étais déjà à ces réflexions. Clairement t’étais en manque d’affection. Tu changeas de sujet pour apprendre à le connaître avant de t’emballer pour rien. Tu essayas de deviner sa profession, mais tu ratas la cible la première fois. « Hmmm … ingénieur ? Dans n’importe quoi. Juste ... ingénieur de quelque chose. » Visiblement tu trouvais qu’il avait la tête d’un homme intelligent. Esras vint s’asseoir à côté de toi juste avant que le train n’entame son voyage. On entendait les portes de cabine se fermer, le couloir se vider. Tout le monde devait vouloir regarder par la fenêtre quand le train quitterait le quai, un truc du genre. Tu regardas ton colocataire de voyage à sa question. « Pas du tout, pour tout te dire je connaissais même pas le nom des villes dans lesquelles on s’arrête, à part Brisbane bien sûr. Toi ? » Peut-être qu’il pourrait te donner des suggestions, ça t’éviterait de juste te perdre dans des rues en ne foutant absolument rien de pertinent.

Il ne s’était pas attendu avec sa simple question que son compagnon de voyage se livre aussi facilement. Il n’avait pas l’habitude de ça Esras. Enfin il avait l’impression que les boweniens avaient cette tendance à se confesser plus facilement que les irlandais qu’il avait pu côtoyer. Lui Esras il n’était pas du genre à parler de lui, mais il l’écoutait ce jeune homme charmant. Qu’il trouvait encore plus charmant quand il lui annonçait qu’il avait eu des relations avec des femmes et des hommes. Pas que l’irlandais allait directement lui sauter de dessus, ce n’était pas un sauvage non plus. Mais dès qu’il l’avait vu il l’avait trouvé beau. Il venait de finir sa confession et Esras se retrouvait bien bête, ne sachant pas quoi dire. En plus de ne pas trop se dévoiler aux autres, il était mauvais en conseil. « Je … Tu sais je ne les connais pas tes amis, mais je suis sûr qu’ils ne pensent pas comme ça. Mais je comprends, ça ne doit pas être facile de voir les autres avancer et toi stagner. » Il disait cela sans aucune méchanceté, il répétait juste ce qu’il avait pu entendre auparavant. Il haussait les épaules et au final, il espérait être un bon compagnon de voyage pour cet homme, qu’il passait un moment sympa et qu’il lui fasse oublié un peu tout ce qu’il venait de dire. Il retenait néanmoins son attirance pour les hommes et les femmes, ils avaient plusieurs jours à passer ensemble et Esras ne dirait pas non à des petits plaisirs. Il fallait à son tour qu’il trouve un moyen de lui dire qu’ils étaient du même bord que lui, sans être non plus trop insistant. Tout un stratagème. Mais il allait avoir le temps. Avant Jackson essayait de devenir sa profession, ce qui fit rire le professeur. Au mot avocat, Esras grimaça presque. Jamais il ne ferait cette profession, il ne voulait pas ressembler à Alistair, son parfait frère. Il s’approchait néanmoins du domaine scientifique, et il était presque flatté que le jeune homme cible directement les professions dites intellectuelles. Il riait amusé de cette petite devinette. « Navré, mais tu as échoué au test. » Il lui donnait un tout petit indice, qui au final était inutile puisqu’il allait le lui dire. « Je suis prof de math à l’université, beaucoup moins sexy. » Il releva les épaules et les mains rieur. « Et toi ? Tu me dis où je dois deviner aussi ? » Il n’en avait aucune idée mais avec quelques indices il pourrait peut-être trouvé. Mais le train démarrait et l’irlandais le rejoignait sur la banquette de leur cabine. Ils avaient des tonnes de possibilité pour ce voyage, le train s’arrêtant à plusieurs endroits sur la côté du Queensland. Brisbane était bien sûr la destination connue de tous et la seule que Jackson n’ignorait pas. « Je sais que sur la Sunshine Coast il y a Noosa et en longeant le littoral il y a des fairy pool. » Il avait lu ça sur un blog de voyageur quand il était arrivé ici et ça lui était resté en tête. Il n’avait jamais eu l’occasion avant ce voyage d’aller les voir et piquer une tête dedans.

Tu ne savais pas trop pourquoi tu t’étais à ce point ouvert à ton compagnon de voyage, toi non plus. T’étais certes du genre très sociable et à parler d’un peu tout et n’importe quoi sauf que là, Esras ne t’avait rien demandé. Il ne s’attendait certainement pas à ce que sa question lui offre autant de détails de ta part. Si ça se trouve il n’en avait rien à cirer de ta vie et il aurait préféré que tu sois le genre de voisin de lit qui se la ferme et qui regarde le décor passer à travers la vitre. Qu’est-ce que t’en savais ? Tu ne connaissais rien de lui. Rien d’autre que ce regard qui te faisait carrément perdre la tête. C’était peut-être pour ça que tu déballais tout de ta vie personnelle et de tes incertitudes. C’était pour combler cette envie folle que cet homme-là soit un peu plus qu’un compagnon de voyage. Ou en tout cas, qu’il t’accompagne dans d’autres sortes de voyages. À sa réponse, tu hochas la tête, pensif. « Non, t’as sans doute raison. Ils ne pensent sûrement pas ça de moi et ils culpabiliseraient au max de savoir que je me sens comme ça, même. Mais comme tu le dis, j’sais pas, j’ai juste l’impression que depuis que je suis à Bowen, j’tourne en rond. » Avouas-tu, réalisant qu’encore une fois tu venais de lui confier des peurs que t’avais essayé d’enfuir en-dedans de toi. La peur de courir sur place, de perdre ton temps, de ne plus savoir où tu t’en allais et de ne pas voir de chemin se dessiner devant toi. Essayer de deviner la profession d’Esras, ça eut au moins l’effet de t’apaiser et de te redonner sourire. Même si tu perdais monumentalement à ce jeu. Esras t’apprit qu’il était professeur de maths à l’université. « Ah bah au moins j’savais que t’avais quelque chose entre les deux oreilles. But maths, really ? Ça doit être genre, la matière la plus chiante pour 80% de la population. » Tu ris, avant de le regarder. « Mon troisième essai aurait été psychologue, à voir comment j’me suis ouvert à toi tout à l’heure. J’aurais encore perdu. » Tu lui offris un petit sourire, qui se voulait désolé pour tes états d’âme un peu plus tôt. Il recommença alors le jeu mais en sens inverse, à lui de deviner. Tu esquissas un faible sourire. « Mmm … disons que t’as le choix de deviner entre mon job temporaire mais pas si temporaire que ça, ou le job de rêve que j’ai pas pratiqué depuis un moment. Et si tu tentes pour les deux alors là, le prix à la fin serait vraiment gros si tu réussissais à trouver … » Tu savais que c’était de toute façon impossible qu’Esras devine que t’avais été acrobate de cirque. C’était beaucoup trop random. Le train débutait sa course vers les côtes australiennes quand Esras vint s’asseoir à côté de toi en te demandant ce que tu avais de prévu. Rien, vu que tu ne connaissais aucune des destinations hormis la finale. Le brun semblait déjà pas mal plus informé. « Des fairy pool ? C’est quoi exactement, vu que je me doute bien que y’a pas des fées qui nous y attendent. » T’intéressas-tu.

Ce genre de situation était nouvelle pour Esras. Parfois on lui confiait des choses mais dernièrement c’était plutôt sa langue à lui qui se déliait. Lui, l’irlandais bourru et souvent de mauvaise humeur. Sauf qu’avec le temps, l’humanité d’Esras était ressorti et il comprenait un peu ce que pouvait ressentir l’homme en face de lui. Il l’avait senti ce sentiment de se sentir à la traîne, c’était ce qu’il avait toujours ressenti avec sa famille. Puis, Esras s’était beaucoup plus intéressé à la conversation quand il avait compris que Jackson pourrait être plus qu’un partenaire de cabine. Les deux mains dans ses poches, il ne savait pas trouver les bons mots. « Tu n’es pas le seul, moi aussi je tourne en rond. » Ce n’était pas qu’il n’aimait pas la ville, mais sa vie le faisait chier. Il n’aimait pas enseigner, il aurait voulu Esras faire des choses extraordinaires et il pensait toujours que c’était un réel gâchis de laisser un tel cerveau enseigner. Mais ça il le garderait pour lui, pour éviter de paraitre trop présomptueux. « Je devrais les remercier tes amis au final, je me sentirais moins seul dans cette cabine. » Disait-il plus dragueur que ce qu’il souhaitait. Lui qui comptait attendre un peu avant de foncer tête baissée. Mais il était beau et l’irlandais avait toujours du mal à résister, surtout devant des hommes. Heureusement pour lui, la conversation changeait et après quelques suppositions de Jackson, Esras lui balançait son métier. Rien d’exceptionnel, ça le faisait presque chier de lui dire ça. « Alors j’fais parti fièrement de ces 20 %. » Disait-il en souriant, heureux du compliment de Jackson sur son intelligence. Puis un rire franc sortait de la bouche d’Esras quand il allait proposer psychologue. « En plus j’ai fait des études de psychologie mais bon je n’ai pas assez patience. » Disait-il en haussant les épaules, pourtant il l’avait écouté Jackson et sans jugement. A son tour, Esras voulait deviner. Il ne savait pas grand-chose à part qu’en ce moment il avait l’impression de se sentir en trop et de tourner en rond. Deux devinettes en un. Puis un prix à la fin qui fit lever le sourcil d’Esras de curiosité. « Oh ? Quel genre de prix ? » Il essayait de trouver. « J’ai le droit à un indice ? » Demandait-il amusé. Le train démarrait et il était temps de se poser un peu, côté à côté. Ils essayaient de voir ce qu’il y avait à faire durant ces quelques jours de voyage. Et Esras riait à sa question. « Y’a certaines légendes en Irlande qui explique qu’à certains endroits on peut voir des fées. » Esras ne l’avait jamais cru mais il avait toujours trouvé fascinant les personnes qui étaient en quête. « En fait il s’agit de mini piscine dans les roches où l’eau est chaude et très claire, attend je te montre. » L’irlandais sortait son téléphone pour chercher des photos sur google.

Tu avais toujours vécu ta vie à cent miles à l’heure, de l’époque où t’étais avec Cirkaös. T’avais jamais eu le temps de te demander où tu t’en allais avec ta vie, puisque le cirque décidait pour toi de la prochaine destination. Être en tournée, c’était de laisser-aller une part de libre-arbitre et de te laisser porter par les villes et ses spectateurs. À bien y penser, tu t’ennuyais de ce temps-là où ta liberté était relative. Tu préférais parfois qu’on décide pour toi, qu’on ne te laisse pas le temps de trop réfléchir à ceci ou à cela. Les relations plus sérieuses n’étaient même pas envisageables pour toi, à l’époque, puisque tu vagabondais sans arrêt. Maintenant que t’étais à Bowen depuis un an et demi, t’étais confronté à une toute autre réalité, et force était d’admettre que tes capacités d’adaptation n’étaient pas les plus développées. Tu venais donc de t’ouvrir un peu là-dessus à ton compagnon de cabine, qui t’avouas avoir lui aussi l’impression de tourner en rond. Tu le regardas, captivé par cette révélation. « Well, j’imagine qu’au moins en prenant part à ce voyage, on s’assure d’avancer et d’aller en ligne presque droite pendant quelques kilomètres, hein ? » Relevas-tu avec un sourire. Certes, le chemin de fer sillonnait les côtes et les villes, mais vous alliez quand même d’un point A au point B, avec quelques arrêts entre-temps. Vous tourneriez peut-être en rond dans votre tête, mais pas physiquement. C’était déjà ça de gagné. À la réplique un peu séductrice d’Esras, t’eus un sourire ravi, parce que tu voyais à son regard que ce n’était pas qu’une phrase platonique. « J’vais peut-être bien les remercier moi aussi, en fait … » Parce que même si t’étais pas avec eux, ils te permettaient d’être avec lui et ça, pour le moment, c’était très positif. Tu essayas ensuite de deviner le métier de l’homme, parce que c’était bien beau de rentrer dans des détails profonds comme tu l’avais fait, mais il fallait au moins apprendre les bases avant. « Fièrement en plus ! » T’exclamas-tu, toujours pris de dédain pour les mathématiques. « Tant mieux. Il faut aimer ce qu’on fait. » Contrairement à toi qui servait du thé depuis un an alors que t’en avais rien à faire. Tu appris sans surprise qu’Esras avait fait des études de psychologie. « Tu te sous-estimes. Je crois que t’aurais été pas mal, en psy. Mais quand même … psychologie, maths … tu caches d’autres études dans ton sac ? » Il avait une gueule de mec futé et brillant, et il te le confirmait. Ce fut alors au tour du brun de vouloir deviner ton métier, toi qui considérais en avoir deux, un en hiatus, un par obligation. S’il devinait les deux, chapeau ! « Un prix qui, j’espère, ne fera pas en sorte que tu me repousseras au moment de te le donner … » Osas-tu avancer. Puis, par rapport aux indices, tu lui répondis : « Mon premier métier me demande d’avoir toujours les deux pieds sur terre, et mon deuxième au contraire m’envoie la tête dans les nuages, ou presque … » Dis-tu comme une charade, le sourire aux lèvres. Au moment du départ du train, vous étiez tous les deux assis sur la banquette, question de ne pas perdre pied le temps de s’acclimater au mouvement. Esras te parlait de légendes irlandaises et de piscines de fées, et t’aurais pu l’écouter t’expliquer pendant des heures. Tu regardas les photographies sur son écran de téléphone. « Woah, c’est joli. Fée ou pas fée ça donne envie d’s’y baigner. » Affirmas-tu, heureux d’avoir un guide improvisé pour que tu ne rates pas ce genre de découvertes.

Un rire doux sortait de la bouche de l’irlandais. Il ne s’était pas attendu à ces petits confessions si tôt, mais Jackson concluait ce moment de la meilleure des manières. Aucun doute que dans ce train ils ne tourneraient pas en rond. En tout cas ce n’était pas prévu dans l’itinéraire. « C’est déjà un bon début. » Il se demandait encore pourquoi il avait décidé de faire ce voyage. Peut-être qu’il cherchait justement de voir autre chose. Heureusement pour lui, il était tombé sur ce bel homme, aux yeux mystérieux et au sourire aguicheur. Il l’avait trouvé beau dès qu’il était entré dans ce train, mais bien qu’il le trouvait canon, il n’allait pas directement le draguer. Surtout qu’avant qu’il lui dise qu’il avait eu des relations avec les femmes et les hommes, Esras ignorait ce qui intéressait l’homme. Mais maintenant qu’il en était sûr, il avait envie de lui faire comprendre que lui aussi il était intéressé. Une phrase un peu bateau et un sourire clair pour lui faire comprendre. Mais ils avaient le temps avant de flirter, ils avaient même plusieurs jours. Même si Esras ne comptait pas attendre tant de temps. Si le beau brun était aussi intéressé, ils pourraient même commencer ce soir. Mais avant de planifier les prochaines heures, la conversation se dirigeait vers plus de banalité. Il n’avait pas deviner son métier et Esras lui avait dit. Les mathématiques, il aimait ça. L’enseignement beaucoup moins. « Totalement ! J’en suis sûr que j’arriverais à te les faire aimer un peu. » Disait-il presque innocemment. Surtout qu’Esras était peu pédagogue. « Ouai … enfin si je peux faire autre chose qu’enseigner ça m’irait. » Disait-il en haussant les épaules. Il avait confessé ceci sans vraiment s’en rendre compte. Il avait l’habitude de se taire sur ses pensées, mais ces dernières semaines beaucoup de chose changeait et il était facile de parler avec Jackson. Il n’avait pas eu tort sur la psychologie, il avait un master dans cette matière, parce qu’Esras n’avait jamais réussi à choisir. Il aimait étudier, et encore aujourd’hui il adorait apprendre de nouvelles choses. Il riait à la remarque du brun. « Si tu savais. » Disait-il avec un regard mystérieux. « J’ai aussi un diplôme en philosophie, mais ce n’est pas très important. » C’était surtout pour s’amuser qu’il l’avait étudié en parallèle de la psychologie. Cela lui avait permis de comprendre plus facilement certaine notion dans les deux matières, enfin surtout les grandes théories. A son tour Esras voulait savoir et le brun lui proposait un prix. L’appât du gain galvanisait toujours Esras. « Je ne pense pas… » Il espérait réussir parce qu’Esras se doutait bien de la récompense et l’irlandais avait bien envie de découvrir cette bouche qui le narguait depuis qu’il était arrivé là. Il réfléchissait à l’énigme. Jackson avait l’air musclé, en tout cas il était assez athlétique. « Alors … peut-être pompier ou un truc qui demande une condition physique. Et pour les airs … steward ? » Il aurait pu dire pilote, mais il avait bien compris qu’il n’aimait pas les maths. Le train démarrait et Esras ne s’occupait pas du paysage qui défilait préférant discuter avec son compagnon. Ils essayaient de déterminer les visites qu’ils feront et Esras se perdait un peu dans les légendes irlandaises. « On peut voir ce qu’il y a dans les autres villes ? Ou sinon on pourrait juste y aller à l’aveugle et voir ce que nous réserve les villes. » Il haussait les épaules avant de soupirer. « Enfin, j’te propose ça, mais t’auras peut-être envie d’être seul. » Ce qui était tout à fait possible et logique. Esras ne le prendrait pas mal si c’était le cas.

Il avait beaucoup de confiance en lui, ce Esras, pour penser qu’il arriverait à te faire aimer les mathématiques. T’avais jamais trop aimé toutes les matières scolaires confondues, mais les maths encore moins. Les professeurs qui connaissaient ta passion pour les acrobaties avaient même essayé de te faire apprendre via des scénarios reliés au cirque, pour calculer les angles de contorsionnistes ou les circonférences des cercles que tu faisais quand tu tournoyais sur toi-même … de belles idées et de beaux efforts, mais rien n’y avait fait. T’avais bien trop la tête dans les nuages pour ça. « J’aimerais bien voir ça ouais … » Répliquas-tu avec un sourire dubitatif aux lèvres. Le jeune homme te confia qu’il aurait bien aimé faire autre chose que de l’enseignement dans le domaine. « Pourquoi tu le fais pas ? Qu’est-ce qu’y’a d’autre à faire en maths en fait ? » C’était un peu con comme question, parce que si c’était enseigné forcément c’était parce qu’il y avait davantage que des règles de trois à faire. Mais tu ne savais pas trop ce que ça faisait, un mathématicien qui n’enseigne pas. Visiblement, ça étudie. Esras, il avait tout plein de diplômes peut-être affichés sur le mur de son salon. De quoi intimider un mec comme toi, qui n’avais pas accompli grand-chose au niveau académique. « Pas très important … » Répétas-tu en riant. « Faut vraiment aimer étudier pour suivre j’sais pas combien de cours tout ça pour un apprentissage pas très important. » Tu ne le disais pas avec jugement ou méchanceté, c’était juste une constatation qui te faisait assez sourire. Esras et toi, vous étiez aux opposés. Il eut d’ailleurs deux faux départs en essayant de deviner tes deux jobs à toi. Sans doute que le cirque, c’était presque inconcevable, aux yeux d’un homme aussi instruit et intelligent. Dommage, t’aurais bien eu envie de lui donner ce prix qu’il avait d’ailleurs eu l’air enclin à recevoir. « Raté … J’suis presque déçu, du coup. » Peut-être y aurait-il possibilité d’un prix de consolation, pensas-tu. « J’suis serveur dans un salon de thé, mais ça, comme ton diplôme de philo, c’est pas très important. Ma passion et ma carrière, un peu sur pause en ce moment, c’est acrobate aérien. » Lui révélas-tu enfin. C’était donc ton métier qui t’envoyait la tête dans les nuages qui te demandait une véritable force physique. T’avais hâte de t’y remettre mais ce n’était sans doute pas pour tout de suite, les promesses de Brooke s’allongeaient et tu ignorais si Sacha te laisserait un jour mettre les pieds au Delirium en tant qu’artiste. Tu te concentras sur le moment présent, ne voulant pas tomber dans la nostalgie alors qu’un si beau périple aux côtés de cet homme se profilait à l’horizon. Dès qu’Esras se reprit en mentionnant que peut-être voulais-tu être seul, tu t’empressas de le couper : « Non, non, non. Enfin, j’veux dire … Si t’as envie de compagnie moi j’en ai envie aussi, ce sera plus cool en duo qu’en solo j’pense. Et on peut y aller à l’aveugle, parfois c’est comme ça qu’on trouve les meilleurs endroits. » Les trésors cachés, les petits endroits locaux, les paradis naturels autour desquels ne s’agglutinent pas une centaine de touristes.

Il oubliait parfois Esras que les maths n’étaient pas faciles pour tout le monde. Il avait eu sa période l’irlandais où il jugeait les personnes en fonction de leur niveau académique. Mais il appris avec le temps à ne plus juger sur ses banalités. Lui il était incapable de faire quelque chose de ses mains. Sauf qu’il était sûr de lui quand il lui disait qu’il pouvait lui faire aimer les maths. Dubitatif Jackson, Esras lui fit un sourire amusé. « Je prends ça comme un défi. » Il riait. Jamais il ne le forcerait, surtout qu’il y avait de grandes chances qu’ils ne se revoient plus après cette petite escapade. Pourtant, ils avaient commencé rapidement dans les confessions. Lui qui parlait très peu de son métier, se trouvait légèrement surpris de lui avoir avoué qu’il n’aimait pas tellement enseigner. Evidemment qu’il y avait d’autres façon de faire des maths mais il n’avait jamais trouvé sa voie Esras, alors il avait préféré la facilité. « Plein de chose, comme ingénieur. » Mais il grimaçait. L’avantage de son métier était qu’il était presque son propre patron et avait beaucoup de liberté. Peut-être qu’il trouverait sa vocation dans un autre domaine, comme la psychologie. Mais l’irlandais ne trouvait pas ça important. C’était peut-être le mot à ne pas dire puisque son compagnon de voyage riait. « Je suis juste indécis en fait, donc j’ai voulu tester plein de choses. » C’était étrange pour Esras de parler avec autant de facilité avec un inconnu. Très vite il s’était sentie à l’aise, encore plus quand il lui avait lancé quelques indices sur ses préférences. Il s’était calmé Esras en matière de drague, mais il ne pouvait pas nier qu’il trouvait cet homme très séduisant. Un petit jeu s’était instauré entre eux. L’irlandais échouait lamentablement à deviner la profession de Jackson, et il était déçu, parce qu’il la voulait cette récompense. « Moi aussi. » Disait-il en riant. Mais s’ils continuaient comme ça, il y aurait d’autres occasions pour se lancer des petits défis. Autant serveur dans un salon de thé ne surprenait pas forcément le professeur. La suite l’étonnait. Il était acrobate. C’était tellement original et rare que l’irlandais se trouvait presque privilégié de rencontrer une personne au métier si particulier. «  Whaou ! Pourquoi tu as arrêté ? » Ce genre de profession relevait de la passion. Tout un tas d’image défilait devant ses yeux imaginant les différentes positions acrobatiques. Petit il était allé voir de temps en temps des cirques mais sa famille n’était pas fan. Lui il était émerveillé par les différents numéros. Ils avaient du temps pour découvrir l’autre, le voyage durait plusieurs jours. En prenant ses billets, il s’était un peu renseigné Esras sur les différents lieux à visiter. En parlant avec Jackson il s’imaginait visiter ces endroits avec lui, avant de se rendre compte qu’il s’imposait à lui. Rassuré par les mots de son compagnon, il avait l’air aussi emballé que lui sur ce partenariat de voyage. « Parfait alors. » Disait-il en riant timidement. « Puis l’avantage d’y aller à l’aveugle c’est qu’on a pas à préparer les visites. » Oui Esras était parfois un feignant.

Tu souris toi aussi, visiblement vous aimiez les défis, tous les deux. « Deal. Si jamais on trouve le temps long entre deux villes, tu pourras t’essayer. » Après tout, ce ne serait pas le temps qui allait manquer pendant ce voyage, certes il y avait tout un tas de wagons pour vous occuper avec des activités ou des cocktails et des repas, mais quand même, tu comptais passer un peu de temps plus tranquille dans la cabine aussi pendant les déplacements. Certes, vous n’aviez pas vraiment de matériel pour qu’Esras tente un cours magistral quelconque, mais vous trouveriez certainement de quoi vous débrouiller. Tu t’intéressas quand même un peu plus aux maths, rien que pour la possibilité d’apprendre à connaître un peu mieux ton partenaire de voyage. « Et à voir ta tête j’ai pas l’impression que t’aurais envie d’être ingénieur ? » Demandas-tu en riant légèrement. Pourtant, de ce que tu savais – et t’en savais pas grand-chose-, les ingénieurs gagnaient plutôt bien leur vie. Mais prof de maths à l’université ça devait être pas mal non plus. Pas mal mieux que tes maigres revenus au salaire minimum avec pourboire, en tout cas. Tu hochas la tête quand Esras t’expliqua qu’il était indécis, qu’il avait voulu tester plein de domaines. « Ouais, je vois. J’ai jamais eu ce problème, on me reprochait surtout le contraire d’ailleurs, de ne pas avoir des intérêts assez diversifiés. » Ce qui n’était pas faux, t’avais donné ta vie au cirque en oubliant qu’il y avait autre chose à la vie. Et maintenant que tu n’avais plus le cirque, tu te sentais complètement perdu. C’était ça la triste conséquence de ne pas avoir exploré d’autres choses avant. Esras tenta de deviner ton métier, ou plutôt tes deux métiers, en vain. Il était autant déçu que toi de ne pas aller jusqu’au bout de la récompense possible. « Peut-être qu’on peut transférer la récompense à ton défi d’me faire aimer les maths. » Tu ris. Ce serait encore plus difficile de l’obtenir, en fait. Tu révélas finalement ton ancienne carrière d’acrobate, souriant en voyant l’expression impressionnée du beau brun. « Le cirque a fermé … C’est pas facile pour des p’tits cirques indépendants et nomades, de nos jours. Pas quand y’a des gros noms comme le Cirque du Soleil et les autres du genre qui ont toute l’attention … Et après la fermeture j’savais plus trop où aller, j’me suis retrouvé ici, parce que ma partenaire d’acrobatie a atterri ici quelques mois avant moi. » Et tu l’avais suivi, comme un pauvre petit chien errant. T’étais pas trop le type à errer dans ce monde en solo, alors t’avais rapidement eu besoin de trouver de la compagnie. L’histoire se répétait pendant ce voyage, et tu réalisais que tu préférais largement sillonner les villes en compagnie d’Esras plutôt que d’être tout seul. T’étais une bête sociale, au fond. « Cheers to that, déjà que j’ai du mal à organiser une journée tranquille à Bowen, faut pas me demander d’planifier un voyage … » Tu ris.