Billie the kid [ft. Leo B.]

Vous savez ce qui craint dans la vie? Être trop généreux lorsqu'on n'a pas du tout les moyens. Ca, c'est un de mes problèmes, vivre comme Bill Gates alors que j'ai un salaire minable et faire péter les billets en rinçant tout le monde. Une soirée, j'ai tout payé. Je veux dire, je me suis faite baisée. On devait partager en deux de base, la carte de ma collègue n'est pas passée, j'ai allongé. Tout était clair de base, je devais me faire rembourser en divisant la note. Personne ne m'a rendu ce fric. Comment vous dire que je suis actuellement chaud bouillante, prête à péter la gueule de toutes ces personnes qui me prennent la tête? Des idées pour les faire cracher, j'en ai, ne vous en faites pas. J'ai vu assez de films sur la mafia pour savoir comment on fait mais on me ramène toujours à la réalité en me disant que je ne suis qu'une pauvre vendeuse, pas le Parrain. Mais là, ça commence à bien faire. Noël arrive. Je suis déjà presque fauchée et le fait d'attendre ce blé, c'est juste en train de me faire péter un câble. Et vous savez ce que je vais faire? Bien sûr que non, mais je vais vous le dire. Là, je suis en route pour aller acheter un flingue. Bon, un pistolet à billes, certes mais prenez vous ça dessus, ça fera presque aussi mal. Je me rappelle lorsque je m'en recevais dessus à l'école, c'était pas une partie de plaisir. Ouais on se faisait bizuter par les grands comme ça et alors? C'est une épreuve de la vie par laquelle tout le monde aurait dû passer. Moto garée dans un quartier où l'une des personnes pourraient me rendre possiblement mon fric, je me dirige vers un des immeubles avant de sonner à tous les numéros. "BON CONNARD. TU ME RENDS MON FLOUZE LA? CA COMMENCE A BIEN FAIRE." Connard ou connasse, dans tous les cas je les emmerde. Je planque mon foutu pistolet derrière mon dos, me reculant de quelques pas pour regarder les fenêtres des habitants de l'immeuble, espérant qu'il y en ait au moins un qui daigne montrer son visage. "TU SAIS PAS A QUI TU AS AFFAIRE. ON M'APPELLE BILLIE LA TAREE DANS LE MILIEU, C'EST PAS POUR RIEN DONC MAINTENANT TU MONTRES TA TRONCHE." Aucune réponse mais je suis bien déterminée à gueuler comme il faut. "FAITES PAS VOS CHIENS LA, JE SAIS OU VOUS HABITEZ!"

Vous savez ce qui craint dans la vie ? Pas dormir. Une Léo pas reposée, c’était une Léo de mauvaise humeur. Et Léo était très rarement reposée. Cependant, aujourd’hui allait être une chouette journée. Jour de congé, les factures fraichement payées, l’appart nettoyé, au aurait presque dit une adulte fonctionnelle. Seul objectif du moment, se sortir une bière et comater devant la télé.  Que demander de plus.
Trente seconde à peine après avoir décapsulé sa bouteille, Leo sursauta. Son T-shirt propre était maintenant recouvert de bière. Putain de merde. Qui sonne encore à la porte des gens déjà ? Tout le monde sait qu’on envoie un sms par politesse non ? Léo ne se donna pas la peine d’aller répondre. Elle n’attendait personne, et qu’ils aillent tous se faire foutre. Ayant bien évidemment la flemme d’aller chercher un T-shirt propre, Leo se contenta de l’enlever, et se mit à siroter sa bière tranquillement.
Elle eut à peine le temps de savourer sa première gorgées que des cris se firent entendre. Une chose important à savoir, c’est qu’ici c’était Bowen, et non pas Skid Row. La vie était généralement plutôt calme. Surement un type entrain de se faire larguer. L’optimisme de Leo fut de courte durée. Les cris ne semblait pas s’arrêter. Et Léo n’est pas une personne colérique. Elle-même plutôt du genre calme, tant qu’on ne la cherche pas. Mais là, elle voulait juste passer un moment tranquille. Un seul instant de répit. C’est forcément un signe divin à ce stade, se dit elle.  C’était sans compter sur la voix de la nana, qui semblait continuer à hurler sur le bâtiment en pierre. Léo sentit la rage monter. Anger is a sin, anger is a sin, anger is a sin , se répéta t-elle en boucle. Anger is a sin, anger is a sin, anger is a sin, continua t-elle tel un mantra. Sauf que pendant ses prières, Léo s’était instinctivement levée et, sans presque s'en rendre compte, était sortie sur son misérable balcon. Anger is a …. « NON MAIS TU VAS LA FERMER TA GUEULE NON » Le calme, c’était loupé. La jeune femme en bas eut donc un merveilleux spectacle : une Léo aux cheveux ébouriffés, en soutien-gorge, une bière à la mains, et définitivement en rogne. « Ecoute je sais pas c'est quoi ton problème, mais règle le en silence non??? C’est trop demander ???? »

Enfin une personne qui répondait! Malheureusement ce n'est pas le pélo que j'attendais mais je suppose que ça fera l'affaire pour le moment. Je relève ma trogne vers la jeune fêlée qui sort dévêtue sur son balcon. "Ouais c'est trop demandé ouais!" continuais-je sur la même lancée histoire qu'elle m'entende bien. "Tu connais John? Natasha? Alex? Une de ses personnes là? Si ouais, tu s'ras bien gentille d'aller les chercher et de leur demander de descendre!" Ouais, absolument aucune gêne et alors? Là, j'suis sur les nerfs et je vous assure que si ces personnes sont en face de moi, je les lapide. Plusieurs putain de mois, j'ai été assez patiente non? Là, vraiment, ça va chier. "Puis rhabille toi aussi toi, tu me donnes froid!" Ca n'a rien à faire là ok mais bon, au moins je reste bienveillante je crois. "BON VOUS ALLEZ DESCENDRE LA! JAI TOUTE LA JOURNEE S'IL LE FAUT, FAITES PAS LES CONS!" Reprendre de plus bel, c'est le secret pour mieux se faire comprendre. "Après, si tu veux te défouler tu peux venir gueuler un bon coup avec moi. C'est un bon exercice pour se chauffer la voix." Autant l'inviter dans la partie, peut-être qu'elle sera de mon côté cette fois.

La nana continuait à la baragouiner phrases sur phrases qui ne faisaient aucune plus de sens les unes que les autres. Un chien aurait pu aboyer, ça aurait été pareil pour Léo, qui voulait juste passer une après midi peinarde, et honnêtement, qui avait un peu la tête dans le coltar. John ? Natasha ? Alex ? Mais de qui est ce qu’elle me parle. En tant que barman, Leo aurait du connaître au moins un d'entre eux, mais les prénoms c’était pas son forte. "Meuf va falloir te calmer. Je sais pas qui tu cherches mais c’est pas en gueulant sur du placo que ça va régler quoique ce soit. Et puis baisse d’un ton aussi !"Léo se retourna, pensant que ça allait être la fin de l’interaction. Puis rhabille toi aussi toi, tu me donnes froid! Mais avant de rentrer à l’intérieur de son salon, Léo en profita pour décrocher un rapide doigt d’honneur à la jeune femme. Parce que voilà. Mais la nana continuait de s’égosiller. Mais cette fois, elle proposa à Léo de venir la rejoindre. Le pour et le contre étaient vite pesés. La jeune brune n’avait rien d’autre à faire et honnêtement, tout ce qui pouvait la sortir de son train train quotidien était le bienvenue. Alors elle fourra ses clefs et son paquet de clopes sans la poche de son jean, enfila un t-shirt propre (du moins en apparence), et prit deux cannettes de bière à la main. Une fois en bas de l’immeuble, elle en tendit une à la jeune fille. "C’est une offrande de paix.  Pourquoi t’es ici, explique moi et peut être qu’on arrivera à quelque chose ?" dit-Leo avec un sourire, prenant une gorgée de bière. "Tant que tu gueules moins fort"finit-elle en marmonnant. Quitte à la voir s’époumoner devant l’immeuble, autant être directement dans les coulisses.

"De me calmer? Tu sais que c'est clairement pas le bon plan pour que je me calme ça?" Oui j'ai la rage qui est en train de me tordre les tripes. En général, quand je m'énerve, je chiale et je perds toute crédibilité mais je dois rester forte, je pleurerais après coup, une fois que j'aurais retrouvé ces cons. Je continue mon charabia jusqu'à entendre la porte de l'immeuble s'ouvrir, laissant apparaître personne d'autre que mon interlocuteur. Je roule des yeux, soupire. "Oh c'est pas vrai." marmonnais-je avant qu'elle ne se rapplique à mes côtés et me tende une bière. Je glisse un petit "Merci." en réceptionnant la cannette et la déclipse. "Alors..." Je tente de me calmer histoire qu'elle puisse me comprendre. Histoire que je puisse articuler oui. "Il se passe que j'ai été trop conne, que j'ai eu foi en l'humain alors qu'en général je ne fais que dire que ce ne sont que des pourris et une fois de plus la vie m'a prouvé que j'avais raison." Une pause. Je prends une grande inspiration, lâchant un "Putain." en secouant la tête tout en allant m'asseoir sur le bord d'un trottoir. "J'ai avancé des gens pour une soirée, chacun devait payer sa part sauf que sur 6 ou 7 personnes il y en a 3 qui ont été réglo et les autres font les morts sauf que ça va bientôt faire bientôt 6 mois et ça commence à dailler là." Je lève légèrement la cannette en l'air comme pour un signe de trinquer et en bois quelques gorgées.

Léo était stupéfaite face à autant de colère. Bon, ce serait jamais mentir que de dire qu'elle n'avait eu l'occasionnel pétage de plomb. Mais à ce stade, c'était impressionnant à voir. La jeune femme semblait complètement hors de ses gonds, prête à exploser. Elle n'avait pas l''air ravie de la voir, mais à la vue de la bière, se calma légèrement. Léo était à la fois irritée et amusée. "Tu sais quoi, je suis d'accord. Les gens sont des connards." Elles avaient l'air d'être assez similaires. "Faut pas attendre grand chose de qui que ce soit." C'était pas pour raconter sa vie mais... au vu de ses expériences, c'était la vision du monde que Léo avait. L'histoire de la vie rocambolesque de la jeune femme lui arracha un sourire. Léo prit une gorgée de bière. "Mais c'est quelle genre de soirée que tu te coltines pour qu'ils te doivent autant de fric?  Vous buvez du champagne au Hilton ?" Léo observa la jeune fille s'asseoir et ressentit un peu de compassion. Elle avait vraiment l'air dans la merde. "Bon écoute. Tu peux me les décrire ces types ? Ptet que j'en connais quelques uns." Un peu de karma ça pouvait jamais faire de mal. En tant que barman, il y avait même un peu de chances qu'elle en ait croisé certains. Même si Léo était loin d'être le centre de la vie sociale de Bowen. Elle connaissait beaucoup de monde, mais peu la connaissaient. Une parfait invisible. Ce qui causait sûrement moins de problèmes que la vie de bohème de la boule de colère en face d'elle.

Assise là, cannette dans la main, j'hoche la tête à ses paroles sages. "Des connards ouais." Une gorgée. "Ha ben là, même si je viens réclamer, je crois que je n'attends plus rien du tout. Mais c'est fini, la prochaine fois qu'on me demande d'avancer ou quoi, ils iront se faire foutre." Iglou, iglou, iglou. "Même pas, c'est ça le pire! De base, on devait prendre l'alcool pour tout le monde, une autre devait payer avec moi et on faisait moitié-moitié et chacun devait donner sa part de la participation. Sauf que la carte de la meuf n'est pas passé, j'ai allongé et maintenant je me fais baiser. Pourtant c'est pas des mille et des cents que je demande, c'est 30 balles par tête." Je satisfais une fois de plus ma soif, la salive devenant pâteuse. "Et je crois que ce qui me fait chier le plus, c'est qu'ils me disent "ouais bientôt tu seras remboursée ne t'en fais pas" ou encore des "je te fais le virement demain" mais en attendant j'ai rien et je vois sur les réseaux qu'ils vivent leur meilleure vie à claquer leur fric pour des conneries." Je souffle du nez bruyamment. "Putain quoi! On m'a toujours appris à rembourser mes dettes, je ne comprends pas leur éducation." Une légère pause. "Bon on m'a aussi appris que si je voulais me faire des ennemis, fallait que je prête de l'argent..." marmonnais-je. Je soupire et secoue la tête négativement. "En soi, ils ont des têtes de monsieur et madame tout le monde, rien de bien distinctif. Par contre, je sais où ils travaillent. Pour la plupart ce sont des serveurs du côté de la plage." J'hausse les épaules. "Heureusement qu'ils ne sont pas tous comme eux, j'te jure. Faut vraiment que je revois mes fréquentations. Et pourtant, ce sont les plus réglos niveau travail etc. Même ceux que je fréquente et qui sont dans des milieux plus louches sont bien plus honnête et n'ont qu'une parole!" Je reprends une gorgée, laisse tomber ma tête en avant en shoutant dans un petit caillou.

Bizarrement, Léo se voyait assez en la jeune fille. La vie avait cette manière de te la mettre à l’envers. L'avantage d’être tout le temps seule, c’est que au moins on ne pouvait blâmer personne. Juste avancer. « Tu devrais penser à changer de potes. » fit-elle avec un haussement de sourcil. Enfin, c’était pas vraiment elle qui allait donner des leçons de sociabilisation. Léo écouta avec attention les déboires de son interlocutrice. « On vit pas dans le même monde je crois. Certains pensent s’en tirer avec n’importe quoi. Mais bon, si j’étais à leur place, j’aurais peur en te voyant. » fit-elle avec un sourire. La jeune semblait prête à en découdre. « Je sais pas si c’est parce que je suis barman, mais j’ai pris l’habitude de faire payer les gens aussi sec. Les gens essayent toujours de te la mettre à l’envers, surtout dès que y’a de l’alcool dans l’affaire. » Elle en avait vu des gens qui essayait de payer plus tard au bar, pour essayer de se barrer discrètement quand elle avait le dos tourné.  « Et c’est toi ton plan ? Débarquer là bas et les braquer ?  Les trainer en justice ? Foutre le feu à leur lieu de travail ? » fit Léo en riant. « Honnêtement c’est les gens avec le moins de fric qui se comportent le mieux avec. Ils savent ce que c’est que les conséquences de leurs actions. » Quand on vit salaire sur salaire, on fait pas de conneries. Léo n’était pas pour autant pauvre, mais elle ne pouvait pas se permettre d’écart. C’était comme ça la vie.

J'hausse les épaules avant de soupirer. "Ce ne sont même pas mes potes." soufflais-je. Elle reprend la parole, je l'écoute attentivement. Sa présence, malgré la situation, elle parvient à me calmer. Elle a l'air de ne pas se prendre la tête, elle a l'air si déconnectée de tout. J'aime ce genre de personnalités. Je lui souris en coin. "C'est ce que j'aurais dû faire je crois. Demander l'argent et ensuite faire les commissions  avec le budget que j'avais." Un autre soupir. C'est toujours après que je réfléchis il faut croire. Elle se marre. J'hoche la tête à sa remarque. Oui, 200 balles sur un salaire ça fait toujours quelque chose, c'est sûr. "J'imaginais aller leur casser la figure moi-même." Et j'en suis bien capable. "Mais je ne sais pas vraiment où ils se trouvent." Je marque une pause, prends une gorgée. "De toute façon, ils pointeront pas le bout de leur nez." Un autre soupir. "Je crois que je vais juste rester là en attendant de trouver une solution mais je pense aussi que je peux dire adieu à ce fric. Je le reverrais jamais, faut que je me fasse une raison." Un autre pause. "Tu travailles dans quel bar, dis moi?" Avec le temps, j'ai appris à les connaître.

« Ouais, c’est drôle que les gens avec qui ont passe le plus de temps sont pas vraiment nos potes. Meilleure solution, pas avoir de potes du tout. » Ca semblait ironique, mais elle le pensait un peu. Vaut mieux être seul que mal accompagné non ? Elle avait du mal à prétendre être encore le loup solitaire qu'elle était à son arrivée à Bowen. Au fur et à mesure, elle s'était faite des connaissances. Mais au fond d'elle, elle se sentait encore comme cette fille paumée sans attaches qui avait débarqué du jour au lendemain.  Mais elle semblait apprécier la présence de la jeune brune. Une franchise comme elle en avait rarement vu, et une niaque d'enfer. Bon effectivement, elle avait une grande gueule et lui avait globalement éclaté les tympans. Mais bon, ça changeait du quotidien on pouvait dire. « J’ai même pas capté ton prénom en plus. Moi c’est Leo. » Elle voyait bien que la situation l’avait impactée. Vivre salaire sur salaire, elle connaissait. « J'ai bien compris que t'avais envie de leur péter la gueule, mais à mon avis va falloir abandonner l’idée. » Ses désirs de vengeance risquaient de tomber à l’eau.  « Je bosse au Elm Street. Je fais partie des meubles à ce stade.  Au moins là bas, tu risques pas de te faire arnaquer. » Elle sourit un peu. Elle avait beau râler sur les lieux h24, elle aimait vraiment ce bar. « Ecoute, je sais que c’est un peu soudain, mais si jamais t’es vraiment dans la merde, tu peux toujours venir faire quelques heures au black. On dira rien. »  Leo ressortit une clope et tendit le paquet vers la jeune femme. Au diable la loi parfois. La vie c’était la vie, on faisait avec.