But if you kissed me now, I know you'd fool me again (charliam)

@Liam Reyes

Cette année Charlie mettait les bouchées doubles quant aux préparatifs de Noël. Elle s'était ardemment entraînée à améliorer sa recette de purée de patate douce et envisageait de préparer plusieurs desserts. En dehors des décorations de sa table, il lui manquait encore pas mal de cadeaux à acheter. Jamais elle ne s'était attendue, ce matin là, à bousculer l'homme qui avait pris son cœur. Les mains chargés de sacs et boite cartonné, Charlie s'immobilisa pour s'excuser. Lorsqu'elle souleva son visage pour découvrir les traits du bel espagnol, la rue commerçante sembla engouffrée dans un bruit sourd.

Ce froid, tranchant, sur ses joues, ses mains, son âme. Elle avait froid même si dehors il faisait 30 degrés, même si elle porterait un manteau de laine, même si elle serait entourée d'un dessus-lit. Un chagrin d'amour, ça fait mal. Mais en même temps c'était bon de le voir là, débout, bien réel, devant en elle. Elle eut l'envie imperceptible de se serrer contre lui, mais une chose inexplicable la retint de tout mouvement. Tétanisée, elle ne se rendit pas tout de suite compte qu'elle n'avait pas bougé d'un centimètre de l'endroit où elle l'avait bousculé. D'ailleurs elle semblait avoir perdu l'usage de la parole, si bien qu'elle ne sut d'où vint le courage de parler la première. Excuse-moi je n'avais pas vu... Confuse, elle baissa honteusement les yeux vers le sol. Tu vas bien? demanda t-elle, malgré elle et sans parvenir à contenir sa curiosité. Il n'y avait pas un seul jour, malheureux ou heureux, où elle ne pensait pas à lui. Elle avait mis fin à leur relation pour de nombreuses raisons, et malgré cela, elle l'aimait encore et toujours.

Détester Noël, est-ce que c'était possible ? Sans doute que les gens normaux criaient au scandale, de détester Noël, mais quel grincheux avait des idées pareilles dans la tête ? Liam. Liam n'aimait pas particulièrement Noël. C'était plat, pour lui, comme fête où la famille y était mis au centre et où, lui, n'avait pas vraiment de sentiment familial à y associer. Il passait généralement le 25 décembre chez ses parents, se prenant souvent bien des remarques de la part de son père, mais faisant bonne figure pour sa mère qui subissait assez déjà de tout ça, d'eux et de ce qu'elle vivait avec son mari. Mais pas cette année. Cette année, ce serait différent, et peut-être pour le mieux. Il avait décidé d'organiser, au Tabù, une soirée pour les coeurs solos, ceux qui n'avaient ni famille ni relation pour combler leur nuit de Noël, refusant catégoriquement au passage une soirée dans la famille de son épouse.

Absence de célébration de Noël ne voulait pourtant pas dire absence de présent. Et pour les cadeaux, si Liam était complètement nul pour les trouver, il était particulièrement heureux d'en offrir, si on choisissait pour lui. Or, Pippa ne lui avait pas fait de petite liste de souhaits... Et ça, ça l'embêtait vraiment. Surtout parce qu'il avait passé la matinée à flâner dans les rues commerçantes, passant d'une boutique à l'autre, dans l'espoir de tomber sur quelque chose de bien. Jusqu'à présent, il avait repéré une boutique de lingerie dans laquelle, cliché mais bon, il avait vu un ensemble pas trop mal. La tête dans les nuages, il ne faisait plus attention aux gens... Jusqu'à se faire bousculer. Et, évidemment, c'était Charlie qui l'avait fait. « C'est rien », assurait-il. Ça lui prenait quand même un peu plus qu'une femme toute menue et des sacs cartonnés pour lui faire perdre l'équilibre de sa droite posture. « Ça va », fit-il sèchement, sans vraiment chercher à élaguer sa réponse. Puis, il soupirait, longuement. « J'ai vu, pour ta maman. Je suis désolé pour toi. » Il avait épié son compte instagram, il avait donc vu qu'elle était à Paris et que le moral n'était pas au beau fix.

Ce n'était qu'une légère bousculade alors pourquoi avait-elle si mal? Si mal qu'elle était paralysée sur place. Et encore, le ton sec de Liam lui fit l'effet d'un poignard dans le cœur. Charlie l'avait prédit lorsqu'elle s'était séparée de lui. Il ne la rappellerait pas, il ne reviendra pas vers elle et ce fut ce qu'il s'est passé. Elle s'était envolé à Paris et en plus d'endurer un deuil elle dût endurer un chagrin d'amour. Qu'est-ce qu'elle en a pleuré Charlie. Chaque soir la pression retombait et toutes les larmes qu'elle retenait dans ses journées, coulaient à ne plus s'en arrêter. Elle pleurait jusqu'à épuisement et que lorsque ses yeux finissaient par se fatiguer et se fermer. Tous les matins elle espérait qu'il ne s'agissait que d'un cauchemar, que Liam allait lui envoyer un message. Ce qui jamais n'arriva. Alors quand il affirma avoir vu pour sa maman, elle ressentit une peine immense qu'il ne l'eût fait. Ne l'avait-il donc jamais aimé? Avait-il déjà tourné la page? Fut-il aussi facile pour lui d'être passé à autre chose? Des questions qui atteignaient sa poitrine comme un coup violent. À cet instant elle ne savait pas encore qu'elle allait pleurer durant des mois entiers, qu'elle allait longtemps lutter pour renoncer à lui. Cependant Charlie avait cette sensation que plus jamais elle n'irait bien et que sa vie s'était arrêté à lui. Puis le visage blanc, inerte, ce moment terrible où elle découvrit sa mère inanimée, lui vint à son esprit. Un autre moment s'échappa d'elle, celui du cercueil encore visible sous un trou de terre. Charlie crut que le monde s'écroulait. Elle dût souvent cacher ses larmes, Charlie, pour son frère, pour tous ses proches, elle avait voulut se montrer forte. Cette fois, la souffrance fut incomparable. Alors elle déglutit, toujours immobile face à lui, ne sachant vraiment quoi dire ; comme toutes ces fois où on lui donnait les condoléances. Elle fronça les sourcils et regarda tout autour d'elle, sauf lui. C'était un choc pour tout le monde, je ne te le cache pas. dit-elle inutilement.

Dans les yeux de Charlie, c'était Liam le fautif. Liam le connard. Liam l'homme qui ne l'avait pas rappelé. Et pourtant, en était-il réellement le cas ? Oui, il n'avait pas poursuivi la pâtissière, oui il n'avait pas couru derrière elle pour qu'elle lui laisse une chance de changer. Mais Liam, il n'était pas comme ça. Et il avait toujours été clair avec elle : il n'était pas le genre d'hommes qu'elle souhaitait trouver. Il ne lui avait jamais caché son fonctionnement, sa vision de l'amour et des relations avec les femmes, il ne lui avait pas fait de fausses promesses et de faux espoirs qu'elle serait la seule et l'unique. Il avait été honnête. Et c'était elle qui était partie, elle qui n'avait pas su le supporter. C'était elle qui l'avait plaqué. Lui, il n'avait pas demandé tout ça. Il acceptait. Il acceptait que Charlie ne pouvait supporter son mode de vie qui n'était évidemment pas typique. Il acceptait que ce genre de relation ne soit pas pour elle. Il acceptait son choix. Il acceptait même qu'elle le dépeigne comme le gros connard de l'histoire, le pire homme de l'univers. Il acceptait qu'elle raconte à ses copines combien il était salaud de vouloir d'elle et de sa femme. Mais il ne pouvait accepter que devant lui, elle fasse les victimes. Parce que le choix, c'était elle qui l'avait pris, en connaissance de cause. Elle avait accepté son fonctionnement et elle s'était rétractée. Cela ne l'empêchait pas d'être compatissant de la situation douloureuse que traversait la Française. S'il avait été sec au départ, sa voix s'était adoucie par la suite. « Comment tu vas, vraiment ? », demandait-il avec sincérité.

Aucune promesse n’avait été souillée puisque Liam ne lui avait fait aucune promesse. Charlie ne prétendait pas qu’elle n’avait pas été prévenue de ses intentions. Seulement la douleur était là, figée, profondément ancrée en elle. Non seulement elle avait perdu sa mère, elle l’avait aussi perdu lui. Elle aurait très bien pu l’accabler injustement, lui dire qu’elle avait encore mal de le savoir marié à une autre, qu’elle avait appris qu’il avait couché avec Alba et que pour couronner le tout elle souffrait de le voir se détacher aussi facilement d’elle. Mais Charlie se tut. La voix de Liam s'adoucit. Son cœur se serra un peu plus. Toujours sans le regarder dans les yeux, elle haussa les épaules. Triste lui répondit-elle, perdue. Elle redressa son visage pour le confronter. Ce n’est pas facile finit-elle par avouer. Ne parvenant à soutenir son regard plus longtemps elle baissa la tête.

Liam aussi avait été blessé. Mais parce que lui ne le montrait pas, ça semblait ne pas exister. Il avait mis son coeur à nu devant Charlie, lui avouant qu'il battait pour deux femmes à la fois. Et ces deux femmes lui apportaient toutes les deux quelque chose de crucial à sa vie. Charlie avait accepté de l'aimer de la façon qu'il pouvait lui promettre de le faire et, du jour au lendemain, sans vraiment lui donner plus d'explications, elle avait tout rompu. Peut-être croyait-elle qu'un jour elle aurait réussi à dompter l'Espagnol, comme toutes les femmes qui avaient passé plus d'une nuit avec lui, mais Liam, il ne fonctionnait pas comme tous les autres. Et plus il se sentait pris au piège, plus il fuyait. Mais dans cette histoire, perdre Charlie, ça n'avait pas été facile. Même s'il avait Pippa, même s'il aimait Pippa. La rancoeur, il la mit de côté sachant très bien que la blonde ne vivait pas des moments faciles et son affection pour elle n'était pas disparue aussi facilement, même après un coeur fracassé. « Je m'en doute. » Elle baissait le regard. Il lui releva le menton. « Je suis désolé pour toi. Mais tu iras mieux. Je le sais. »

Elle avait mal tout le temps, constamment, sans répit. Elle avait espéré, que Liam l'appelle au beau milieu de la nuit pour lui dire qu'il a compris. Qu'il a compris qu'elle l'aimait come une dingue. Que c'était d'elle dont il avait besoin maintenant et pour toujours. Charlie n'arrivait pas à comprendre la perception de l'amour dont c'était faite Liam. Elle ne comprenait pas qu'il puisse avoir deux femmes qui vivent à l'intérieur de sa poitrine, car elle, elle n'aimait que lui. Cette incompréhension les avait amener à leur perte. Il lui en voulait de l'avoir quitté, elle le savait. Mais le voyant ainsi si froid, si distant, elle se demandait si ne l'avait-il jamais aimé? Elle se demandait si était-ce possible de faire un massage cardiaque à cet amour, pour le ramener à la vie?

Contre toute attente, il redressa son menton, l'obligeant à affronter son regard pour la première fois. Elle se noya un instant dans ses yeux incroyablement bleus. Ses mots restaient coincés dans sa gorge. Il venait de la toucher. Non. finit-elle par dire. Elle avala sa salive avec difficulté. Cette douleur insoutenable, l'interdisait de se relever. Jamais j'y arriverais. Ce n'était plus de sa mère dont il était question quand elle disait cela. Bien évidemment elle parlait de lui.

Il ne demandait pas qu'elle le comprenne. Personne ne le comprenait. Pas même ceux qui lui avaient donné la vie. Trop souvent on avait tenté de le mettre dans un moule et de le faire accéder à ce que la société voulait. La société voulait que l'amour soit à sens unique, pour une seule personne, à la fois, et c'était comme ça. Mais Liam, il était en marge. Il ne fonctionnait pas comme ça. Il pouvait battre pour deux personnes. Ou ne pas battre du tout. Et il savait bien que ça n'était pas compris, il ne demandait pas qu'on le comprenne. Mais seulement qu'on l'accepte. Qu'on l'accepte tel qu'il était. Si c'était trop pour Charlie, il ne poussait pas plus loin les barrières qu'elle se mettait, il les respecterait. Mais il ne fallait pas non plus aller raconter à la ville entière qu'il était le grand méchant loup qui l'avait quitté, parce que les choses, elles étaient bien plus complexes que ça. Elle avait dit accepter, puis s'était ravisée. Liam ne lui en voulait pas de l'avoir fait, mais il lui en voudrait de le faire passer pour l'homme qu'il n'était pas.

Ceci dit, malgré la complexité de leur situation, le contexte complexe de leur relation, Liam n'était pas insensible à Charlie. Encore moins à la douleur qu'elle ressentait. Encore moins quand elle était certaine qu'elle n'y arriverait plus. « C'est faux », fit-il avec une douceur qu'il arrivait, parfois, à trouver. « Tu es sans doute l'une des femmes les plus fortes que je connaisse, Charlie. »

Novembre dernier a été un bouleversement dans la vie de Charlie. À cet instant elle ne pensait pas pouvoir s'en remettre, ni d'avoir perdu sa mère ni d'avoir perdu Liam. En réalité il lui fallut des mois entiers avant d'ouvrir son cœur à un autre et de tourner une page définitive à leur histoire. Durant ces mois elle avait espéré naïvement qu'il se rende compte qu'il ne voulait qu'elle, et personne d'autre.

Oui elle y croyait et c'était tellement stupide de sa part, elle le savait bien. Dès le début elle avait été averti que ce semblant de relation n'avait aucun avenir. Il se trompait si il croyait qu'elle ne disait pas à qui voulait l'entendre qu'il l'avait prévenue. Seulement, plein d'autres faits découlaient de son chagrin. Le fait qu'il s'est marié, alors que le principe d'union éternelle ne le correspondait pas. Le fait qu'il ne s'était pas battue pour elle, ce qui était  - elle en avait conscience - incohérent puisque c'est elle qui était partie. Puis enfin, c'était aussi son silence radio alors qu'il savait qu'elle venait de perdre sa mère. Malgré leur séparation elle espérait qu'il passe au-dessus et qu'il soit présent pour elle.

Face à la douceur innatendue de Liam, elle vit ses yeux s'embuer. Les larmes ruisselantes, elle se précipita pour les essuyer du revers de la main. Lui affirmait être une femme forte, alors pourquoi cse sentait-elle si faible? Elle hocha la tête, le regard fuyant. Non, sinon je nous aurais pas laissé tomber. affirma Charlie qui livrait intérieurement une bataille acharnée pour ne pas laisser de nouvelles larmes couler.