sealed with a kiss (léanche)

« Bonne nuit. » Ses lèvres étaient venues seller un baiser sur celles de Léo et en se détachant, elle lui souriait comme une adolescente qui avait son premier rencard, un peu intimidée par la beauté de son cavalier. Chez Blanche, c'était plutôt qu'elle tentait de résister à l'appel de le faire entrer chez elle, comme trop souvent. Cette fois, ils se quittaient comme de nouveaux amoureux, résistant à la tentation, créant une raison de vouloir se revoir rapidement, après une soirée à se balader sur la plage, une glace à la main pour contrer cette canicule qui enveloppait toute la ville. La blonde referma la porte de son immeuble, disparaissant dans la nuit, pensant très sincèrement qu'ils se reverraient dans quelques jours, trois tout au plus.

La lumière s'était fermée vers les environs de minuit moins vingt. Dans la maison, pas un bruit ne régnait. Et Blanche trouva le sommeil rapidement, assommée de glace et de baisers, et sans doute aussi épuisée par la chaleur haletante. C'est sans doute ce qui la força à se réveiller, à peine deux heures après avoir trouvé le sommeil. La bouche toute sèche, le corps moite par l'humidité de l'appartement, la blonde s'extirpa du lit, les yeux pourtant encore tout endormi. Direction la cuisine pour se couler un verre d'eau, une ombre se dessinait sur les murs du salon. Pas un bruit, du moins pas un bruit qu'elle aurait pu percevoir dans son sommeil profond. Mais à présent qu'elle s'avançait vers la pièce double, des tambourinages se faisaient entendre.

Elle n'eut pas vraiment le temps de voir quoi que ce soit ni même de réaliser ce qui se passait sous ses yeux. Devant elle, l'ombre se dessinait comme un homme, vêtu de noir. Le reste, elle ne pouvait le percevoir. Il semblait avoir des mèches blondes, sous son capuchon rabaisser près de ses yeux, mais rien de certain ne se concrétisait dans sa mémoire à court terme. Elle n'eut le temps que de réagir, d'un cri de surprise, et l'homme tentait déjà de prendre la fuite. Blanche s'avançait pour attraper son téléphone resté sur la table basse et, dans sa course, l'intrus la bouscula, elle tomba contre la table basse, une petite lésion se formant sur son front. Elle saignait, mais ce n'était sans doute rien. Son oeil, lui, avait heurté la patte de la table. Il était douloureux et elle sentait déjà le bleuté qui allait s'y imprégner.

Trois heures trente du matin, Blanche fichait la porte de cette maison qu'elle connaissait par coeur, celle qu'elle avait déjà habité. Elle hésitait à sonner ou à rebrousser chemin pour retrouver les bras de Charlize. La blonde savait trop bien ce que Léo lui dirait, lorsqu'il la verrait débarquer dans tous ses états, incapable de rester toute seule chez elle. Et, on ne sait par quel vent de courage, elle finit par sonner. Lorsque Léo ouvrit, elle s'empressa de dire : « Ne me dis pas je te l'avais dit, s'il te plait. Je ne peux juste pas rester toute seule cette nuit... Tu m'accordes tes bras? »

Léo s'était couché serein ce soir-là, heureux de cette soirée partagée avec Blanche, de la simplicité de leurs échanges, de la tendresse de leurs gestes. À ses côtés il apprenait la patience, la douce attente plutôt que de brûler les étapes. Ils s'étaient bien trop souvent cramés en vole, à force de vouloir s'aimer trop vite il s'étaient aimé si mal. Depuis quelques mois tout était si doux et le photographe se prenait à aimer ça. Pourtant il y avait toujours une ombre au tableau, cette nuit où Blanche l'avait appelé en urgence parce qu'elle avait cru que quelqu'un s'était introduit chez elle, depuis Léo lui répétait régulièrement qu'elle devait installer un système de surveillance, puisqu'elle ne voulait pas céder et revenir vivre avec lui. Mais la blonde était têtue, elle revendiquait son indépendance, elle n'avait pas besoin qu'il la traite comme une gamine, certes, cependant ça restait dans un coin de sa tête. La nuit était chaude, quand beaucoup d'habitants de Bowen subissaient la canicule et dormaient fenêtres ouvertes pour espérer faire entrer un peu de fraîcheur, Emerson dormait paisiblement dans sa maison climatisée, il ne faisait pas étalage de son argent chez lui, mais il avait installé de quoi être à l'aise et depuis quelques jours il en était bien content. Vers trois heures du matin il ouvrit péniblement un œil, il avait entendu frapper à sa porte, sans en être sûr. Nouveaux coups timides, il se leva, enfila un t-shirt et ouvrit, le regard encore tout ensommeillé, il était perdu, se demandant bien qui pouvait le faire lever au milieu de la nuit. Derrière la porte, il trouva une Blanche penaude. Merde, Blanche, tu t'es fait agresser ?! La belle avait le visage tuméfié et l'air effrayé. Il ne comprenait pas ce qu'elle voulait dire, en fait il s'en moquait bien, beaucoup trop inquiet pour elle pour penser à lui faire la morale. Tu restes là cette nuit, oui. D'autorité il l'attirait à lui, furtivement il frôla son visage abîmé, son œil qui devenait déjà bleu, cette vision lui faisait mal, il ne l'avait jamais vu ainsi, puis il passa un bras protecteur autour de sa taille et referma la porte derrière eux. Ils allèrent s'installer autour de la table à manger. Raconte-moi. Il grondait, le visage sévère, s'en voulant déjà de ne pas avoir insisté pour qu'ils passent la nuit ensemble. Dans sa tête, elle avait sûrement été agressée en rentrant chez elle après leur soirée et il ne le pardonnerait pas.

Elle fixait la porte, Blanche, à cette heure tardive où Léo devait déjà dormir sur ses deux oreilles, sommeil profond. Elle fixait la porte sans réponse et s'osait à toquer de nouveau. Elle aurait été même jusqu'à essayer encore, si elle n'avait pas entendu la serrure se déclencher et si elle n'avait pas aperçu la poignée de la porte tourner. Pourquoi était-elle ici? La question était la même qu'il y avait quelques mois, alors qu'elle avait appelé le photographe en panique, certaine qu'on s'était introduite chez elle. Pourquoi lui? Peut-être parce qu'il représentait la sécurité, le réconfort. Peut-être parce qu'il n'y avait aucun bras qui avait le même effet calmant sur elle. Et pourquoi pas la police? En vrai, Blanche ne n'y avait pas pensé. Et elle se fichait bien que l'inconnu s'introduise à nouveau chez elle et vole ses biens, des objets de valeurs elle n'en avait pas. Mais elle avait peur pour elle, à présent. Et les policiers ne lui ôteraient pas cette peur.

Léo ouvrit la porte. Ses yeux fatigués témoignaient de son sommeil profond. Un courant de son air climatisé vient chatouiller les bras de Blanche alors que le contraste avec l'extérieur caniculaire était étouffant. Agressée. Ce n'était pas tellement ça, mais Blanche n'arrivait pas à articuler ce qui venait de se passer. Elle fixait Léo avec des yeux perdus, de petites larmes qui grimpaient et qui lui faisaient mal à celui endommagé, sans compter la main de l'homme qui frôlait son visage lui rappelant ses blessures. Elle ne fit qu'hocher la tête lorsqu'il accepta qu'elle reste pour la nuit, se lovant dans son bras protecteur alors qu'il refermait la portée derrière eux, ne perdant pas dans la fraîche de sa maison. Déjà, le corps contracté de la blonde réagissait au froid et au bras de son amant. D'abord retrouvant un peu de pression retirée avant de trembler. Mais Blanche ne disait rien. Elle restait muette, se laissant guider par le photographe jusqu'à la salle à manger.

« Arrête... » Il ne pouvait pas la regarder comme ça. Il ne pouvait pas lui parler avec ce ton. Il ne pouvait pas gâcher la soirée qu'ils avaient eue. Blanche le connaissait trop bien pour savoir ce à quoi il pensait. Mais toute cette soirée, sa douceur et sa simplicité qui s'était terminée sur un au revoir rempli de tendresse, elle comptait pour la tatoueuse. Et elle n'aurait pas voulu en changer la donne. « Il y avait quelqu'un, chez moi. » Elle n'avait pas rêvé, la première nuit. Et même si plusieurs nuits s'étaient écoulées depuis, le malfrat avait récidivé. « J'aurais dû installer un système d'alarme... j'avais chaud, j'avais trop besoin que la fenêtre soit ouverte... J'ai un peu froid, là... » Son discours décousu ne faisait aucun sens, elle remonta les yeux vers Léo. « Qu'est-ce que je fais? »

Sans le vouloir, Léo fulminait, pas contre Blanche, surtout pas, mais plutôt contre lui-même, parce qu’il n’avait pas été là et qu’elle avait subi quelque chose, quoi, il ne le savait pas encore, il pensait deviner, mal, mais cette nuit elle était devenue victime et il n’avait rien fait. Il avait toujours eu ce côté protecteur, ça faisait partie de lui, envers ses amis, ses copines, s’il avait eu une petite sœur elle l’aurait toujours eu sur le dos. La peur de voir son entourage souffrir était sûrement l’une de celles qui le hantait le plus. Il avait été marqué par le décès de sa petite amie lorsqu’il était plus jeune, elle était malade, il n’avait rien pu faire d’autre que de la voir dépérir jusqu’au dernier jour, impuissant, une injustice qu’il gardait au fond de lui et dont il n’avait jamais peut-être totalement guéri. Alors que Blanche apparaisse comme ça devant lui cette nuit, si vulnérable avec ses larmes qui refusaient de faire déborder ses yeux, c’était trop, il se montrait acerbe, tandis que la blonde avait besoin de douceur, de tendresse. Elle lui fit comprendre qu’il devait se calmer et il rongea son frein, attendant qu’elle lui raconte ce qu’il s’était passé. Léo ne lâchait pas sa main qui frissonnait. Ce n’était pas du tout une agression, du moins pas comme il l’entendait et tout d’un coup il comprit ce qu’elle avait voulu dire quand il lui avait ouvert la porte. Évidemment qu’il n’avait eu de cesse de la prévenir, de lui rappeler qu’elle devait faire sécuriser son appartement et à chaque fois elle laissait couler. Mais il lui épargna le fond de sa pensée, de toute façon le mal était fait. T’as froid ? Tu… Il ne comprit pas tout de suite ce qu’elle voulait dire, elle sautait du coq à l’âne, mais il percuta assez rapidement et la rejoignit, s'asseyant sur le banc à côté d’elle et la serrant contre lui. Il attrapa également la télécommande de la climatisation et baissa de quelques degrés pour que la pièce se réchauffe un peu. Tu fais quoi ? Il se posait surtout la question à lui, nerveusement. On va aller porter plainte, déjà. Tu as vu le cambrioleur ? Il a volé quelque chose ? Tu penses que c’est celui qui était déjà entré ? On aurait du porter plainte la première fois ... Il la bombarde de questions, elle n’avait peut-être pas besoin de ça. Mais il était peut-être tout autant perdu qu’elle. Il soupira, se passant une main sur le visage, épuisé, rincé. Écoute. On arrête. Et si on dormait déjà ? Tu es en sécurité ici, tu le sais, love ? Il ne t’arrivera plus rien avec moi. C’était probablement tout ce dont elle avait besoin, qu’il la prenne dans ses bras, qu’il lui fasse oublier ce qu’elle venait de vivre.

Il n'y avait rien de clair dans la tête de la blonde. Encore moins ce qui c'était passé cette nuit et ce qui aurait pu être éviter. Ça avait été une soirée comme les autres. Une soirée chaude d'été, de canicule. Une soirée qui s'était traduit sur un flirt, de la séduction, sur une attirance que Blanche et Léo tentaient de consumer, pour une fois, de la bonne façon. Une longue balade sur la plage, des discussions profondes, aucune ombre au tableau, des doigts collés de glace et des baisers sucrés. Ça n'avait pas été une soirée comme les autres, tout compte fait, ça avait été bien mieux. Et elle s'était terminée sur ce que Blanche pensait être leur meilleure solution pour en savourer encore le goût un peu plus longtemps jusqu'à supplier l'autre de revenir se frayer un chemin jusque dans son lit. Mais Blanche avait visiblement mal pensé. Et son oeil en était maintenant victime. Sa maison aussi, sans doute, mais la peur l'avait emporté et elle n'avait pas pris le temps de regarder les dégâts causés par l'agresseur. La peur, elle l'emportait toujours. Le discours de Blanche en était encore tout décousu. Froid, elle avait froid oui. Mais pas pour qu'il baisse la clim. Elle le voulait près de lui, sans savoir comment lui faire comprendre. Parce que cette situation, ils ne l'avaient jamais vécu. Elle ne s'était jamais montré aussi vulnérable devant lui, Blanche. Même quand elle lui avait livré son coeur, elle s'était tout de même gardé une certaine retenue. Mais, cette fois, impossible de se retenir de quoi que ce soit. Enfin si, elle n'arrivait toujours pas à pleurer. Ses larmes perlaient au coin de ses yeux, sans pour autant réussir à tomber. Elle avait besoin de lui, de son Léo, de celui vers qui elle ne cessait de revenir, même s'il lui brisait sans cesse le coeur. Ce soir, ce n'était plus question de tout ça, il était sa personne. Avec lui, elle se sentait à la maison. Et après s'être fait cambriolé, tout ce dont elle souhaitait c'était d'un endroit où elle pouvait se sentir à la maison. Léo l'ensevelissait de questions auxquelles Blanche n'avait pas de réponse, pas dans l'immédiat. « plainte.. », répétait-elle, complètement désemparée. « Je pense qu'il était blond.. Ta grandeur.. Je ne sais plus. Je ne sais pas. » Elle n'avait plus tous ses souvenirs, comme si son corps tentait de créer un barrage entre la peur et la réalité. Blanche calla sa tête contre la main de Léo qui entrait en contact avec sa peau. « Je ne veux pas te déranger... » Elle sentait déjà qu'elle l'avait déjà assez fait, le déranger. « Je peux aller dormir chez Cha... Je ne me sens pas de retourner chez moi pour les prochaines nuits.. » Et elle ne voulait certainement pas que Jonah sente qu'elle essayait de voler la place de sa maman dans la vie de son papa..

Depuis des mois Léo espérait des retrouvailles heureuses avec Blanche, des mois qu'ils se tournaient autour, presque un an finalement, le temps passait si vite. Plus d'une année perdue depuis qu'il avait laissé ses vieilles habitudes le ramener vers Grace avant de comprendre avec fracas que son bonheur venait de lui filer entre les doigts, il avait laissé partir sa muse, refusant une vie de voyage avec elle, pour se retrouver seul, puisque Cambridge lui en voulait. Elle avait eu raison de se protéger, même si, au fond, ils savaient tous les deux qu'ils finiraient par se retrouver, il fallait juste qu'elle accepte de lui faire à nouveau confiance. Des mois à ramer, à regarder les tiroirs vides dans sa chambre, ceux qui avaient un temps accueilli ses vêtements au parfum délicat, à espérer qu'un jour son rire résonne à nouveau dans cette maison pour en faire leur nid, pas juste sa garçonnière à lui. Et cette nuit elle n'accueillait pas ce rire qu'il espérait mais plutôt ses larmes contenues, sa peur et la colère de Léo. Il aurait beau se détester d'avoir été impuissant pour protéger sa demoiselle en détresse, ça ne changerait rien, le cambrioleur était revenu et elle en garderait toujours la trace, celle physique autour de son œil s'effacerait, mais le traumatisme allait rester. C'était le pire. Il lui en demandait trop, trop d'un coup, c'était trop tôt. Et quand il l'a vit paniquer, Emerson pris sur lui, il ne servait à rien de la brusquer davantage, de toute façon le mal était déjà fait, le matériel restait secondaire. C'est rien. Pardonne-moi. Ça me rend malade de savoir que t'as vécu ça toute seule. Et que peut être ce malade va s'en sortir ou même revenir. Il lâcha un long soupir lasse, avant de décréter qu'il valait mieux qu'ils dorment. Ils y verraient sûrement plus clair avec quelques heures de sommeil en plus. Arrête de penser que tu me dérange. Il la serra un peu plus fort pour calmer ses tremblements. Tu ne crois pas que Charlize a autre chose à faire ? Je sais qu'elle t'adore. Mais elle doit penser à sa fille, à son commerce. Moi je peux être là pour toi, juste pour toi. Je n'ai pas Jon de toute la semaine, tu n'es pas obligée de rentrer chez toi. Il se sentait presque vexé que Blanche semble plus rassurée de dormir chez son amie plutôt que chez lui. Comme si elle n'avait pas totalement confiance en lui. C'est toi qui décides Blanche. Mais je peux prendre soin de toi. C'est ta maison, même si tu penses le contraire. Sans sa présence c'était une bicoque vide et Léo n'attendait qu'un mot de sa part pour qu'elle revienne y poser ses valises.

« On pouvait pas savoir.. », soufflait la blonde alors que Léo se faisait un sang d'encre. Pourtant, il l'avait presque prédit, cette nuit-là, celle où il était venu à sa rescousse, Jonah dans un bras, son armure de chevalier dans l'autre. Et les solutions pour éviter le problème à nouveau, Léo les lui avait dites. Système d'alarme, aménager chez lui... Blanche savait. Et il avait raison. C'est bien pour cela qu'elle lui avait fait juré, en débarquant ici, de ne pas lui sortir ces quatre petits mots qui la ferait tant grimacer. Je te l'avais dit, elle n'était pas prête à ça. Pas alors que tout ce dont elle avait besoin, c'était des bras de son amant et de se faire rassurer, de passer au moins la nuit ici. Enfin, c'était ce qu'elle tentait de lui faire croire. Mais dans son esprit, une autre idée fleurissait. Une idée qui rendrait Léo sans doute un peu trop euphorique, lui qui lui avait souvent fait part de son envie de la revoir trainer chez lui plus souvent. Mais elle avait pris son loft et ils avaient convenu que pour leurs retrouvailles, ça en était sans doute mieux. Léo était Léo, Blanche n'avait pas envie de se poser tout un tas de questions en vivant sous le même toit que lui. La première fois, elle lui avait fait confiance, jusqu'à ce qu'il passe la nuit avec Grace, derrière le dos de la blonde. À présent, sa confiance était ébranlée. Et, avec la présence d'Alba à Bowen, et les attentes que Jonah avait envers ses deux parents, puis ce baiser aux bords des lèvres qu'elle n'avait pas oublié, cette idée lui semblait encore plus un mauvais plan.

Ce n'était pas qu'elle était plus rassurée de dormir chez Charlize qu'ici. Léo était bien mieux placé que la pâtissière pour la rassurer et pour la faire sentir en sécurité. La question ne se posait pas sous cet angle. Mais elle était aussi non ambigüe avec la blonde. Elle était son amie, sans plus. Léo, c'était Léo. Son amant, l'amour de sa vie, son âme soeur et son coup de coeur. Et c'était plutôt lui qui avait sans doute d'autres chats à fouetter que de s'occuper de son amante effrayé. Il avait Jonah et Alba, et sans doute bien d'autres préoccupations. « Et si j'ai toujours peur la semaine prochaine? » Jonah n'était pas fautif du cambriolage chez elle, il n'avait pas à en vivre les conséquences. « Si j'avais besoin d'une présence constante... » Elle mourrait d'envie de lui dire ce qu'elle souhaitait réellement, mais les impacts sur sa vie de père étaient sans doute bien trop gros.

Blanche, toujours elle, inlassablement, depuis toujours et probablement pour toujours. Elle était son phare le seul inébranlable. Enfin c'était ce que Léo avait cru, des années durant, pensant qu'il pourrait revenir vers elle à chaque fois qu'il en aurait l'envie ou le besoin, sans qu'elle ne le rejette jamais. Il était sa faiblesse et il avait su en profiter, en abuser, tirer sur la corde jusqu'à ce qu'elle s'use. Il lui avait fait un enfant sans l'assumer, sans même le savoir, dans l'insouciance de leur fin d'adolescence, il lui avait promis la lune pour mieux l'offrir à d'autres. Il l'avait charmée, déçue, conquise, reconquise, encore et encore. Parce qu'à chaque fois il y avait l'ombre d'une autre qui se profilait, plus attirante plus intrigante, plus insaisissable. Mais cette fois-ci il y croyait dur comme fer, peut-être que l'âge était là, celui de la sagesse, de la raison. Celui qui lui donnait envie d'arrêter de courir et simplement de profiter d'avoir une femme si parfaite prête à l'aimer lui, encore, malgré leur passé, prête à pardonner. Il ne lui promettait plus la lune, mais il lui offrait son cœur, sa maison et son exclusivité. Il était conscient qu'il avait failli la perdre pour de bon, qu'elle n'était pas acquise, jamais, et que cette chance serait la dernière. Alors il en prenait soin. Et c'est probablement l'une des raisons pour lesquelles c'était si difficile pour lui de la voir si vulnérable ce soir. Tu prendras le temps qu'il faudra pour te sentir prête. La semaine prochaine ou plus longtemps, qu'importe. Pour Léo ce n'était pas un souci que Blanche reste chez lui, il savait aussi que son fils s'adapterait. Et s'il le fallait, il lui parlerait, après tout il n'était pas interdit pour le photographe de refaire sa vie. Sûrement que la partie la plus difficile serait de le faire accepter à Alba, mais il ne lui devait rien après tout. Et si tu revenais vivre ici, love ? J'en ai marre de te le demander, ou qu'on tourne autour du pot, ça fait des mois que ces murs sont tristes de ton absence. J'dis pas que c'est mal les soirées sur la plage, les nuits chez toi ou chez moi, comme un jeune couple qui se découvre. Mais à quoi ça rime quand on se connaît aussi bien que nous ? Je sais que t'as peur de ce que je suis. Pourtant si tu veux bien me donner ma chance il faut prendre le risque. Et je suis sûr que ça en vaut la peine. Il caressa sa joue très tendrement et vint déposer ses lèvres sur celles de Cambridge en songeant qu'avec toutes ces émotions ils ne s'étaient même pas vraiment embrassés, ce qui n'arrivait quasiment jamais, eux pour qui le contact physique, charnel, était si précieux, si fort, comme le meilleur des languages.

Et elle l'avait longtemps été, son phrase. Mais à présent, Blanche ne pouvait plus. Ça en était trop. Trop pour son coeur qui avait été meurtri avec les années. Trop de se faire prendre pour une imbécile, elle, la naïve qui retrouvait son prince charmant les bras ouvert inlassablement. Elle n'était jamais suffisante. Jamais assez bien. Et il y avait toujours d'un meilleur choix qu'elle dans ce monde. Une plus belle, plus intelligente, plus drôle, plus gentille, plus douce, plus séduisante. Plus tout. Alors qu'elle, elle n'était rien. N'importe quelle autre femme aurait mis un stop à cette histoire bien plus rapidement que Blanche l'avait fait. Et c'était vraiment parce qu'Emerson avait brisé sa promesse d'amour qu'elle l'avait repoussé l'an dernier, et que toute cette année avait été une suite succédante de chasse au bon moment. Le bon moment pour eux, pour leur ultime chance. Après une année à lui tourner autour, Emerson avait fini par convaincre Blanche qu'il avait peut-être changé. Et elle lui avait donné accès à plus que la surface de son coeur. Maintenant, elle le laissait réellement y entrer. Maintenant, elle savourait les premiers instants de reséduction. Jusqu'à ce soir. Ce soir, ça aurait dû être l'ultime marque pour leur couple renaissant. Balade sur la plage, fin de soirée digne d'un compte de fée où le prince ne restait pas à dormir, mais embrassait plutôt de façon chevaleresque sa compagne jusqu'au prochain rendez-vous. Ça aurait dû être un bon départ pour eux, eux qui prenaient à présent le temps sans se presser dans les sentiers qu'ils connaissaient trop. Mais non. Ce cambrioleur était réapparu, ce soir, à ce moment précis. Et sans doute pour une raison bien particulière. Cambrige l'ignorait cependant toujours, cette raison du destin qui avait fait en sorte de jouer la tragédie ce soir, de cette façon. Mais ce dont elle était certaine, c'était que l'idée de retourner dormir seule à son appartement la terrifiait à présent. Et elle montrait cette facette d'elle à Léo pour la toute première fois. Plus longtemps... Et si elle ne s'en sentait jamais réellement capable ? Blanche se tue, l'idée était folle. Bien trop folle. Et c'était plutôt le genre du photographe de proposer des folies comme celle-ci. Revenir habiller les murs de cette maison. Oui. C'était ce que la blonde déguisait. Le déclic qu'il lui avait fallu pour s'en rendre compte, pour comprendre qu'en réalité elle se mourrait de retrouver cette maison qu'elle avait déjà habité. Mais les choses étaient plus complexes à présent. Il y aurait Jonah, plus souvent. Et Alba, à l'occasion. Il y avait eu ce baiser volé aux coins des lèvres, que Léo avait nie, mais qui trottait toujours dans la tête de la tatoueuse. Était-elle prête à s'exposer à tout cela ? Le discours de Léo la fit sourire. Surement un peu parce qu'il était exactement ce qu'elle s'attendait de lui. Fou, romantique, mais aussi, il avait parlé avec son coeur et venait toucher celui de la blonde sans merci. « Ok... », murmurait-elle en souriant. Léo ne s'attendait sans doute pas à un accord aussi rapidement. C'est pourquoi Blanche répéta en cherchant ses yeux. « Ok, donnons-nous cette chance.. », lâcha Blanche dans un sourire. « Je n'ai pas peur de qui tu es. J'ai peur de qui je deviendrai si tu n'es plus dans les environs », adressa la blonde. Cette fois, il n'y aurait plus de pardon possible. Si Léo brisait leur relation, Blanche ne s'en remettrait pas.

Jamais Blanche ne montrait ses failles ou ses faiblesses, la seule que Léo lui connaissait c'était lui. Et pourtant elle en avait eu des coups durs dans sa vie, à commencer par tout son parcours familial, son frère, ses parents, cette vie qui ne lui correspondait pas et dont elle avait choisi de s'émanciper. Et les galères qui allaient avec, l'argent qui manquait, le salon de tatouage qui peinait à démarrer au début. Quelques fois Léo lui avait prêté de l'argent, jamais parce qu'elle le lui demandait, mais parce qu'il la connaissait. Elle avait probablement eu quelques déboires sentimentaux autres qu'avec lui aussi. Jamais Blanche ne se plaignait, jamais elle ne montrait que ça n'allait pas, elle était toujours souriante, prête à aider les autres plus qu'elle. Léo admirait cette femme, depuis toujours. Et cette nuit pourtant elle s'était présentée devant sa porte, vulnérable, affaiblie, il ne la connaissais pas ainsi et ça le bouleversait. Il avait envie d'ouvrir ses grands bras pour qu'elle s'y blottisse et qu'il ne lui arrive plus jamais rien. Il voulait être son phare, son ancre, malgré tous les tourments passés, il était temps que tout s'arrête et qu'ils s'aiment, qu'elle le laisse l'aimer et lui faire du bien, il en était capable. Capable d'autre chose que de la briser. OK… OK ? Il ne comprenait pas, est ce que ça pouvait être si facile, alors qu'il ramait depuis des mois ? Sûrement qu'elle assimilait juste ses paroles avant de trouver une raison de refuser. Mais non, il avait bien entendu, elle acceptait. Et il sourit alors, comme un gosse intimidé à qui on venait d'offrir son premier baiser. Elle allait revenir reremplir ses tiroirs laissés vides et redonner vie à cette maison. Je n'ai pas l'intention de partir. Mais quelque part cette réflexion le laissa songeur, elle était tellement de choses, Blanche, une femme indépendante, elle n'avait pas besoin de lui pour exister, il pouvait la compléter, adoucir sa vie et l'empire d'amour. Elle n'avait pas besoin de lui ni de n'importe qui pour briller. Mais sans le vouloir elle mettait beaucoup de poids sur les épaules d'un seul homme, surtout un homme qui, comme Léo, avait peur de l'engagement. Il la serra contre lui. Prends ton temps pour prendre ta décision et t'installer mais tu le sais, c'est chez toi ici. Et j'ai un système d'alarme. Il embrassa ses cheveux doucement. On va se coucher ? Evidemment il avait envie de serrer la peau nue de la blonde contre la sienne, mais surtout de lui offrir sa tendresse pour lui faire oublier cette nuit

Il était temps que toute cette attente arrête, que ce jeu du chat de France la souris cesse. Et c’était bien dommage que ça leur ait pris un cambriolage, un cocard à l’œil et beaucoup de frayeur pour s’en rendre compte. Blanche était fatiguée. Fatiguée de mettre de l’énergie à se retenir de vivre leur histoire, à Léo et elle, par peur. La peur, elle ne pouvait tout alimenter.Et peut-être que leur histoire était faite pour échouer, peut-être que Léo et Blanche se jetaient dans la gueule du loup dans se lançant non seulement dans une relation amoureuse, mais une nouvelle cohabitation. Peut-être qu'ils prenaient des risques trop grands pour eux. Mais sans risques, ils n'arriveraient à rien, encore moins à s'aimer comme ils le devaient. Ils devaient se laisser une chance, et pas que sur papier. Ils devaient s'accorder, réellement, la chance d'être heureux. Alors, cela suffisait de fuir et de remettre à demain ce qui pouvait être fait aujourd'hui, ils avaient passé l'année à se tourner autour sans réellement s'accorder ce qu'ils méritaient tous les deux : l'amour. Alors, oui, ok, ok. Ok comme dans oui. Ok comme dans d'accord. Ok comme dans une acceptation à ce qu'elle refusait depuis trop longtemps à présent. « Ok, ok », murmurait-elle avec le peu d'énergie qu'il lui restait. Le reste eut été utilisé pour lui expliquer ses réelles peurs. Ce que Léo chassa d'une simple phrase que Charlize aurait trouvé trop facile, sans doute. Mais la blonde était épuisée de se battre pour un rien, et de ses bras elle en avait envie toutes les nuits à présent. Elle ne se rendait pas compte que ses craintes étaient un fardeau lourd à porter et qu'elle mettait une pression sur les épaules du photographe, il n'avait surement pas envie d'en adresser un mot voyant l'état dans laquelle Cambridge se trouvait actuellement. Mais elle, elle ne s'en rendait pas compte. Et peut-être que cela lui porterait préjudice, mais pas ce soir.

La décision de la blonde était prise. Cependant, elle ne le contredit pas. Elle se contenta d'hocher la tête, pensive. « Je devrai retourner chez moi pour prendre quelques affaires... » Et, déjà, l'idée ne lui plaisait pas. Elle en était méconnaissable, Blanche l'indépendante. Blanche la femme forte. Là, toute petite face à une agression qui allait au-delà de ce qu'elle aurait pu contrôler. Néanmoins, elle acquiesça la demande du brun, le suivant jusqu'à la chambre où elle prit place au bord du lit. « Je ne sais pas si je trouverai le sommeil... » Avait-il enclenché le système d'alarme ? Avait-il verrouillé les portes ?