if all we see are the ruins of our past, we can take the rubble and rebuild (léo)

Woody qui s’excusait, c’était beaucoup pour une seule fois, entre ça et l’appel à l’aide. Léo ne s’attendait pas à autant de son ancien ami. Ils n’étaient pas du genre, ni l’un ni l’autre, à mettre leur fierté de côté. Mais il hocha la tête, reconnaissant. En vérité il ne lui en voulait pas tant que ça. Un poing dans la figure, c’était douloureux, c’était certes un geste fort, mais qu’est ce que c’était à côté de la sensation d’être trahi par l’une de ses plus vieilles connaissances ? Il pouvait le comprendre, s’il avait été à sa place il aurait pu faire pareil. Le problème étant que Léo s’était rarement trouvé à cette place-là, celle du cocu. Il avait toujours eu cette position de force, celle de faire chavirer les femmes, de prendre ce qui lui faisait envie sans se soucier des conséquences. Et rares avaient été les femmes à le tromper, ce n’était peut-être même jamais arrivé, seule Grace lui avait résisté, elle seule avait choisi de s’éloigner de lui pour se préférer elle-même et rien que ça, c’était déjà trop pour celui qui détestait perdre le contrôle. C’est rien ! Léo minimisait les choses, non, ce n’était pas rien, leur amitié, déjà vacillante, avait carrément volé en éclats ce soir-là. Et à présent il n’y avait plus grand-chose à sauver. Mais peut-être qu’ils pourraient reconstruire, balayer le passer, qui sait, seul le temps le leur dirait. Il rit un peu jaune, les imaginant se battre à nouveau, mais aussi tristement lucide sur leur situation. Tu crois vraiment que ça nous arrêterait, que ce soit un bar bondé ou tout bien clean ? Si t’as envie de m’en mettre une sur la gueule j’vois pas ce que ça changerait. Il n’était pas agressif ou revanchard dans ses paroles, seulement c’était l’exacte vérité, ils étaient suffisamment sanguins tous les deux pour se moquer d’où et quand, s’ils devaient se battre ça arriverait. Mais il pensait sincèrement que tout ça était derrière eux, seulement il n’avait pas songé une seconde à Charlie. Il sourit, un peu penaud, un peu gêné, par la réflexion de Woody. Pas vraiment avec Charlie, on était surtout copain avec Jules à cette époque. Mais avoue qu’on peut difficilement m’en vouloir d’avoir louché sur sa sœur… Il passa sa main dans ses cheveux, embêté. Ça a failli briser notre amitié avec Jules, je m’en suis mordu les doigts. Histoire éternelle, visiblement ! Mais Rutkowski le croyait, il pouvait, il ne se passerait plus rien entre les deux français, ce qui soulagea un peu Léo. Un sourire en coin se dessina sur le visage du photographe, Woody, pris à son propre jeu, qui l’eut cru, par Charlie en plus. Et pourtant, il pouvait le comprendre, elle ferait fondre bien des hommes, la jolie pâtissière. Il était touché que son ami se confie de la sorte. Elle est redoutable. Ca te va bien d’être heureux tu sais. Parce qu’il semblait vraiment l’être, quand il parlait de la blonde, ce qui rassurait Emerson. Il ne demandait vraiment que ça, à le croire, croire qu’il ne ferait pas de mal à son amie et qu’ils trouveraient une forme de paix, ensemble. Quand il le rappela à l’ordre Léo jeta un coup d’œil à son téléphone, il avait cinq appels en absence, mais il avait mis l’appareil en silencieux depuis l’appel de Woody. Il grimaça. J’ai peut-être loupé un contrat... Ca ne l’inquiétait pas tant que ça, mais il détestait ne pas se présenter à un rendez-vous, histoire de correction professionnelle. Il vaudrait mieux que j’essaye d’y aller. Il hésita cependant. Mais je te raccompagne chez toi d’abord, on ne va pas risquer un autre malaise.

C’était sans doute ce qui avait frappé le plus fort, pire encore que le poing sur la gueule de Léo : que ce soit lui qui se retrouve en position d’infériorité, que ce soit lui qui ressente la jalousie, que ce soit lui qui se sente trahi par deux personnes qu’il aimait plus que de raison. Woody avait eu l’habitude de briser des cœurs, de faire du mal autour de lui, de faire chavirer les femmes sans se soucier du tort laissé quand il ne les sauvait pas de la noyade ensuite. De se retrouver du côté de ceux qui souffrent, bien trop souvent dernièrement, cela laissait des marques sur l’égo de Woody. Un égo autrefois surdimensionné qui aujourd’hui s’atrophiait. « Non, t’as raison, ça ne changerait absolument rien. » Il rit, un peu jaune à son tour, avant de plonger dans son regard dans celui de son ancien ami. « Alors essaie de ne plus me donner d’raison d’en avoir envie, hein ? » Ça aussi, c’était Woody tout craché, incapable d’admettre que s’il sortait les poings c’était parce qu’il était incapable de bien gérer sa colère. Il fallait inévitablement que ce soit la faute d’un autre. Lui n’était que victime des mots le mettant hors de lui. Comme pour les mettre à l’épreuve encore, il fut question de Charlie, et pour ne pas lui mentir Léo admit lui avoir tourné autour à l’adolescence. Woody essaya de se détacher, de se rappeler que c’était de l’histoire ancienne, un passé dans lequel il n’était pas encore dans le portrait pour Charlie. C’était différent de Freja. Complètement différent. « T’as pas appris de tes erreurs visiblement. » Lâcha Woody à propos de son amitié presque brisée avec Jules, le frère de Charlie. Malgré cette pique, le jeune homme s’adoucit. Il n’était pas fâché, il ne doutait pas des intentions de Léo par rapport à Charlie. Là-dessus, il voulait lui faire confiance. L’aîné des Rutkowski grimaça quand son ami d’enfance souligna son air heureux. Il ne pouvait pas dire si ce mot-là lui collerait un jour. Mais c’est vrai que lorsqu’il parlait de Charlie, il y avait une certaine lueur dans son regard, comme une flamme qui se serait rallumée dans le noir. Au lieu de répondre, Woody dévia le sujet et demanda à Léo s’il n’avait pas raté son rendez-vous par sa faute. « Non, non, don’t bother. Va à ton rendez-vous. J’vais appeler un taxi. » Face à l’hésitation de son ami, Woody lui fit un signe de main lui indiquant de foutre le camp. « Go ! » Il sourit, regardant Léo s’en aller, avant de sortir son téléphone pour effectivement composer le numéro de la compagnie de taxi.

FIN