Not really sure how to feel about it, something in the way you move + Emersen

Ça faisait des semaines que la situation s'envenimait entre Alba et Léo. Tellement longtemps qu'il aurait pu ne pas se souvenir d'où ça avait commencé, sauf que c'était simple de s'en rappeler, la Saint Valentin, Concho chez Alba, Emerson et sa jalousie mal placée, tout simplement. S'en étaient suivis une quantité de messages inutiles qui avaient tous fait montrer la pression, pour finir par arriver au point de non retour. En vérité ça datait depuis bien plus longtemps que ça. Depuis le retour de la blonde à Bowen, la possessivité du photographe avait refait surface, violente, méchante. Il ne supportait pas d'apprendre qu'elle prenait du bon temps, avec à chaque fois ou presque, fait du hasard, des personnes qu'il connaissait. Cette situation le rendait fou, c'était démesuré, il rongeait son frein depuis un moment, parce qu'il n'avait pas à intervenir dans les relations de son ex. Par définition, tout était terminé entre eux et lui était parfaitement heureux avec Blanche. Et pourtant, tout n'était pas si simple dans la tête et pire, dans le palpitant du bel Emerson. Leur relation était telle qu'ils n'avaient quasiment échangé aucun mot la dernière fois qu'ils s'étaient vu pour Jonah. Parce qu'en vérité le problème était là, dans ce petit garçon qui n'avait rien demandé, qui les liait à jamais l'un à l'autre et qui subissait les gamineries de ses parents. Depuis des jours Léo n'était pas bien, il y avait plein de choses dans sa vie qui le tracassaient, comme le cambriolage de l'appartement de Cambridge aussi, mais cette absence de dialogue avec Alba aussi et les saloperies qu'ils s'étaient balancé lui laissaient un goût amer. Lui, surtout, n'avait pas été tendre et il avait beau avoir sa fierté, il n'était pourtant pas d'un naturel méchant. Blanche était rentrée chez elle ce soir-là, Léo avait alors décidé d'essayer d'arranger les choses, à sa façon, très maladroite. Il avait accepté la proposition de Charlie et elle gardait Jonah pour la soirée, l'enfant était trop content de pouvoir passer la soirée à faire des gâteaux et les manger devant des dessins animés après. La maison était rangée, il avait mis des bières au frais et allumé le barbecue pour dîner dehors, la chaleur était encore bien présente mais supportable en cette fin de journée. Alba pensait qu'elle venait récupérer son fils, c'était le prétexte de son ex pour la faire venir. La connaissant elle refuserait sûrement de rester manger avec lui, ça n'avait pas d'importance, ils devaient se parler, apaiser la situation, pour Jonah et parce que Léo refusait de vivre tout près de cette femme là sans supporter sa présence et vice versa. On sonna à la porte, par réflexe le barbu passa une main dans ses cheveux pour les replacer avant d'ouvrir. Alba était derrière, même en colère elle était jolie. Salut. Entre. A lui de jouer, à présent il devait la faire rester.

Rien ne calmait la photographe ces derniers jours. Il y avait eu trop de larme, trop de rage et trop de colère dans une même personne. Elle le détestait Léo, et elle en avait marre Alba de pleurer encore et toujours pour cet homme. Puis Karl était partie, blessé des choix de sa cousine par rapport à Freja. Rien n’allait et la seule chose qui avait illuminé un peu sa vie ces derniers jours était la Saint-Valentin avec Concho. Mais c’est aussi depuis cet événement que tout parfait en fumée. Même Jonah remarquait le froid entre ses parents, le rendant triste. Elle le connaissait son fils, et elle souriait presque en l’imaginant disputer son père et le bouder pour avoir faire pleurer Alba. Sauf que ça ne suffisait pas pour la photographe pour l’excuser. Ils n’arrivaient pas à se parler, et c’était encore pire qu’avant. Elle devrait retourner à Brisbane, fuir une nouvelle fois. Mais vivre dans la même ville que lui était difficile. Tout le ramenait à lui. Freja par exemple avait eu une relation avec lui. Concho le connaissait et Charlie était son ami d’enfance. Jonah chez son père, la blonde avait passé la semaine à essayer d’oublier ce Léo de malheur. Elle était sortir avec Charlie, Edd et Caspian. Elle aurait pu l’oublier dans les bras d’une autre personne pour une soirée, mais elle avait dû s’occuper de sa copine qui était trop bourrée pour son propre bien. Ce matin par contre, elle était surprise de voir un message de Léo. Il fallait qu’elle vienne chercher Jonah. Alba râlait une nouvelle fois, blâmant Léo de tous les maux. Mais toute la journée, elle avait cette boule d’angoisse. Elle ne voulait pas le voir, parce qu’à chaque fois elle pleurait. Jonah subissait leur gaminerie et se trouvait au milieu de deux adultes qui ne se supportaient pas. Pour son fils, elle pourrait faire des efforts, mais c’était trop lui en demander. La patience elle en avait eu pour Léo et cette fois-ci il l’avait épuisé. Vêtue d’une simple robe d’été et peu maquillée, elle sonnait à la porte. De toute façon, elle ne resterait que quelques minutes ignorant la plus possible sa présence. Il ouvrait la porte, mais elle ne le regardait pas. Elle relevait la tête d’un air fière rentrant dans sa maison. « ‘Lut » Répondait-elle à peine, froidement. Elle mettait le plus de distance avec lui, de toute façon Jonah n’allait pas tarder. C’était même étrange qu’il ne soit pas là, habituellement, il était déjà derrière la porte pour sauter dans les bras de sa mère. C’était trop étrange. Se retournant vers Léo, et fuyant son regarde elle demandait : « Il est où Jon ? » Il n’y avait pas ses chaussures à la place habituelle et ni ses rires qui animaient chaque maison. Avaient-ils était autant démonstratif Léo et Alba que même Jonah avait arrêté de rire ?

Léo était énervé ces derniers temps, il s'emportait pour un rien et Alba n'était pas étrangère à cet état qui ne lui ressemblait pourtant pas. Il lui en voulait d'avoir débarqué à Bowen et bouleversé tout l'équilibre qu'il s'était construit. Pourtant elle n'avait rien fait de mal, son but premier était même louable, puisqu'elle voulait que le père et le fils puissent se voir davantage. Mais il ne pouvait s'empêcher de croire qu'elle était un peu revenue pour lui, comme si elle voulait le reconquérir et ce qu'elle lui avait dit n'aidait pas puisqu'elle avait avoué avoir encore des sentiments pour lui. En vérité c'était surtout à lui qu'il devait en vouloir, parce que s'il restait droit dans ses bottes il n'y aurait aucun problème, il était en couple avec Blanche, enfin, depuis des mois qu'il lui faisait la cour, elle allait revenir vivre chez lui et pas comme une simple colocataire cette fois, tout allait bien. Tout allait bien... il ne pouvait pourtant pas s'empêcher d'être lui, d'être cet homme jaloux quand il imaginait Alba avec Freja, avec Concho, avec n'importe qui d'autre que lui. Il ne pouvait s'empêcher de la trouver belle et de détester ce sentiment, de lui en vouloir d'être si irrésistible, parce qu'il se savait faible, tout bêtement. La personne qu'il devait détester c'était lui, pas elle, c'était lui qui bouleversait tout son équilibre si instable. Sauf que c'était bien plus simple d'en vouloir aux autres que de se remettre en question. Et ils en étaient là, à ne plus pouvoir se parler. Et Emerson détestait ça. Alors pour une fois il mit sa fierté de côté et fit ce qu'il y avait de mieux à faire, il chercha à dialoguer avec Alba, en toute transparence, sans ambiguïté, Blanche savait que Léo et son ex devaient parler, il ne le lui avait pas caché, au contraire, même, il lui avait parlé de leurs différent, elle avait accepté sans broncher l'idée qu'il passe la soirée avec elle. Il voulait que les choses s'arrangent, elles devaient s'arranger, pour que l'air redevienne respirable, pour que Jonah puisse voir ses deux parents réunis sans qu'il y ait ce froid glacial entre eux. Parce que l'enfant avait beau être jeune, il comprenait tout, à sa façon, mais il comprenait et ça se ressentait dans son comportement. Quelques jours plus tôt, lors d'un goûter sur la plage, Léo avait tenté de lui expliquer qu'il n'était pas méchant avec sa maman, mais son discours n'avait pas semblé le convaincre, en même temps il n'y croyait pas lui-même à ce moment-là. Quand il accueillit Jensen il remarqua qu'elle faisait tout pour fuir son regard, c'en était presque risible mais il ne dit rien. Elle cherchait son fils, rien d'autre ne comptait pour elle. Il n'est pas là. Et la porte se referma sur cet aveu et sur les yeux de la blonde, braqués sur lui, prêts à le fusiller. Faut qu'on parle Alba. Juste toi et moi. Au son de sa voix il n'y avait pas d'objection possible, il était grave, dur, prêt à rendre coup pour coup, mais surtout conscient qu'il devait se montrer convainquant pour qu'elle reste. Jonah est chez Charlie, elle a promis de m'envoyer des messages et des photos de leur soirée. J'imagine qu'ils vont bien plus s'amuser que nous. Petit trait d'humour, de mauvais goût.

Elle en avait marre Alba qu’on lui trouve toujours des excuses à Léo. La possessivité et la jalousie n’était pas quelque de positif, qui montrait l’amour de la personne. Non, c’était oppressant pour Alba, parce que Léo elle l’aimait encore. Et ça la tuait d’avoir les mêmes sentiments pour lui que lors de leur année en Thaïlande. Ça la tuait parce qu’elle n’arrivait pas à avancer. Il y avait Freja, leur histoire aurait pu être belle mais tout comme la blonde, la norvégienne retournait vers ses ex s’ils se donnaient une nouvelle chance. Puis il y avait Concho, l’élément déclencheur de ce bordel. Elle se souvenait de cette soirée, de ce moment improvisé à la saint-valentin. Mais Léo était toujours là dans un coin de la tête. Peut-être que ça n’aurait pas si dur de lire ses messages si elle ne l’aimait plus Léo. Elle en avait marre de pleurer, elle en avait marre des disputes. Sauf que trop chose n’avaient pas été dites et elle le sentait Alba qu’ils en étaient presque à un point de non-retour. Les disputes ils connaissaient, mais cette fois-ci c’était allé trop loin. Trop loin parce que Jonah subissait ce froid. Trop loin parce que pour une fois, la colère était tellement grande qu’elle en oubliait presque le bonheur de son fils. Sauf qu’il oubliait quelque chose Léo, c’était qu’elle aussi était jalouse et qu’à la différence de lui, elle l’acceptait presque sa relation avec Blanche. Pourtant, elle y pensait souvent aux manières de briser ce couple, mais jamais elle n’en était arrivée là. S’il avait décidé de faire sa vie sans Alba, elle n’avait pas d’autres choix que de l’accepter. Parfois, Alba regrettait cette décision. Elle regrettait d’avoir écouté son corps plutôt que sa raison et de l’avoir rejoint dans cette chambre de Bangkok. La photographe avait décidé de ne pas se battre, elle préférait l’indifférence. C’était ce qu’elle allait utiliser pour récupérer son fils. Le seul qui lui apportait de la joie en ce moment. Léo elle ne le regardait à peine quand elle passait à ses côtés pour rentrer dans sa maison. Il l’avait blessé, peut-être plus que les autres fois et Alba était rancunière. Et elle gardait en elle depuis bien trop longtemps. Tout ce que la maman voulait, c’était de serrer son fils dans ses bras, de le ramener chez elle et de passer la soirée devant son dessin animé préféré. Mais il n’y avait aucun signe de Jonah. Fronçant les sourcils, elle demandait à Léo des explications. Son cœur claquait l’unisson des mots prononcés par Léo et de cette porte. Plus elle entendait sa voix et plus ses yeux se noircissaient. Charlie était dans le coup et cela fit mal à Alba. Au final, elle prenait le partie de Léo, au final elle défendait son ami d’enfance. Normal. « Pour qui est-ce que tu te prends ? » Demandait-elle froidement, méchamment. Il fallait qu’elle s’en aille parce que les larmes n’étaient pas loin et la blonde n’avait aucune envie de pleurer devant cet homme. Elle comptait sortir et s’approchait de cette porte, mais Emerson se posait devant, l’empêchant de sortir. « Mais putain t’en as pas marre de me pourrir la vie. » Il ne voulait pas la laisser passer ? soit elle trouverait un autre chemin. Mais il était hors de question de lui accorder son temps. Elle lui tournait le dos et à grandes enjambées se rapprochait de la porte vitrée. Au pire elle escaladerait les barrières extérieures.

Il y avait Charlie, soutien sans faille pour le garçon terrible que Léo était. Elle était de celle qui voulait tout arranger, qui voyait l'homme sensible et blessé qu'il était et qu'il cachait derrière son comportement de gamin égoïste. Et quand il était arrivé, penaud, ne sachant comment faire pour démêler la situation entre Alba et lui, elle avait tout pris en charge, Jonah en premier et même sa culpabilité en le rassurant, il mesurait toute la chance qu’il avait d’avoir une amie comme elle dans sa vie. Visiblement elle était optimiste pour les deux, même si Emerson avait du mal à voir comment les choses allaient s'arranger. Mais il devait essayer, bien conscient que sa belle gueule n'aiderait pas cette fois et que sa jalousie et sa possessivité n'excusaient pas son comportement auprès de son ex. Il l'avait quitté, par deux fois, sans ménagement, dans les deux cas. Alors, elle avait le droit de lui en vouloir, elle n'avait plus de comptes à lui rendre la belle Alba, elle pouvait bien mener sa vie comme elle l'entendait, avec et surtout sans lui. Il n'avait plus son mot à dire. Mais au fond, ce qui le gênait le plus, c'étaient ces sentiments qu'elle avait toujours pour lui et qu'elle lui avait avoué, ça et le fait qu'il ne lui était pas non plus indifférent, malgré tous ses efforts pour la tenir loin de ses pensées. Ça le foutait en rogne parce que cette attirance était une menace pour sa petite tranquillité. Il se connaissait trop bien, Léo, quand une fille l'intéressait il était incapable de se raisonner bien longtemps, esclave de ses sens il s'était bien trop souvent laissé guider par ses désirs plutôt que d'écouter la sagesse. Surtout avec Alba, comme pouvait en témoigner ces quelques mois passés à ses côtés en Thaïlande, incapable qu’il était de se séparer d’elle. J'me prends pour un homme qui s'y prend comme un manche. J'ai déconné. On a déconné. Certes il voulait bien prendre une grosse part de responsabilité, mais ils étaient tous les deux dans ce radeau. Et s'il voulait que Jon ne subisse pas les différents de ses parents, il fallait qu'ils mettent de l'eau dans leur vin, tous les deux, et ça, Jensen devait l’entendre. La blonde essayait de l'éviter par tous les moyens, leur danse était ridicule et lui ne voulait pas la retenir de force. Bordel Alba, arrête de faire ta gamine ! Je te dégoute à ce point pour que tu sois incapable de soutenir mon regard ? Elle allait lui échapper et il la rattrapa par le bras, la forçant par la même occasion à affronter son regard qui virait au bleu orage. Reste ! On ne peut pas continuer comme ça. J'supporte pas que tu me détestes, ni que Jonah subisse tout ça. J'ai merdé, j'le sais, je m'en veux de t'avoir dit tout ça. J'suis pas là pour gâcher ta vie malgré ce que tu crois. Il n’avait pas besoin qu’elle l’aime, il aurait préféré qu’elle soit passé à autre chose, à quelqu’un d’autre, avec qui elle aurait une vraie relation, ça les aurait aidé, c’aurait été plus simple pour tous les deux, sûrement que cette prise de tête n’aurait jamais eu lieu dans ce cas là. Mais actuellement il n'en pouvait plus de ces silences entre eux, de cette atmosphère malsaine.

Elle donnerait tout Alba pour être amoureuse de quelqu’un qui ne soit pas Léo. Il ne disparaissait jamais, depuis cette nuit à Bangkok, il ne la quittait plus. Ces dernières années, elle avait froidement cru que séparé Léo de Jonah avait été une mauvaise idée. Elle avait culpabilisé de sa décision de se choisir elle plutôt que son fils. Sauf que depuis ces disputes incessantes par sms, elle se demandait si la grosse bêtise n’avait pas été celle de revenir. Jonah s’était habitué à cette distance entre son père, à ce froid constant entre ses parents. Mais depuis quelques mois ils lui avaient offert une sorte de cocon familial. Il y avait eu des moments de rire et des moments de complicité, notamment cette danse à Noël. Et là, on lui arrachait ce bonheur simple. Il avait raison Léo, et c’était dur pour Alba de l’admettre, mais ils avaient déconné. Lui plus qu’elle, mais Jonah en souffrait. Léo en souffrait et Alba en souffrait. Sauf qu’elle n’appréciait pas du tout le kidnapping de Léo. Il la connaissait Alba, il savait qu’avec le temps elle lui aurait adressé la parole. Il lui fallait juste de temps pour arrêter de le détester, mais il lui avait imposé son choix. Le regard noir traduisait toutes les pensées de la blonde, sauf qu’elle se refusait à le regarder dans les yeux. Si elle croisait ce regard, elle risquait de pleurer parce qu’elle avait mal la blonde. Léo représentait tous ce dont elle avait peur. Il l’avait laissé deux fois, pour une autre femme et il recommençait. Elle lui avait avoué qu’elle l’aimait encore et lui il lui avait simplement dit qu’il resterait avec Blanche et que c’était très mature de se venger en couchant avec tout Bowen. Des mots durs qui avaient blessé la blonde. Elle voulait partir. Il n’avait qu’à discuter avec lui-même, mais la photographe ne sera pas partie à cette discussion. Comme deux enfants, il l’empêchait de sortir alors qu’elle insistait. Sa voix était dure, froide, mais rempli de tristesse. « Oui. » Mentait-elle avant de lui tourner le dos. Il y avait d’autres façon d’éviter cette conversation, la photographe allait être juste un peu plus créative. Sauf qu’Emerson était aussi têtu que Jensen. S’il voulait parler alors ils parleraient. Elle fit enfin face à son regard orageux, énervé et blessé. « Mais tu as tout fait pour que je te déteste. J’ai essayé je te jure, mais je n’en peux plus. » Lâchait-elle enfin. Elle récupérait son bras, s’éloignant de lui. Pour une fois, Alba ne voulait pas affronter son regard, et pour une fois Alba ne cherchait pas sa compassion. Les larmes montaient à ses yeux et elle se retournait pour pas qu’il ne la voit pleurer. « J’ai essayé Léo ne plus t’en vouloir et de ne plus t’aimer. J’essaye d’être ton amie, mais je n’y arrive pas. » Non parce qu’au fond d’elle, elle rêvait encore de ces douces nuits thaïlandaises, de son baiser fiévreux à la naissance de Jonah, du regard animal qu’il portait sur elle.

Noël, c’était le dernier bon souvenir que Léo gardait d’Alba. C’était pourtant une soirée qui n’avait pas bien commencée et malgré tout il avait suffit d’un peu de musique et de quelques pas de danse pour qu’ils se retrouvent. Il ne s’agissait pas de séduction, mais plutôt d’un instant empreint de tendresse, de deux personnes qui s’étaient rappelé qu’ils avaient partagé quelque chose à une époque, qu’ils avaient passé de bons moments ensemble, avant de se déchirer. Et qu’est ce qu'il aurait pu se passer après ? Léo n’avait plus rien à offrir à Alba, après il s’était empressé de faire avancer sa relation avec Blanche, comme pour mieux prouver qu’il avait oublié son ex, rejeté toute option avec elle. Noël et son pas de deux avaient été piétinés, oubliés, relégués dans le fin fond de sa mémoire comme si rien n’était arrivé, c’était plus simple comme ça. Et depuis tout allait de mal en pis, jusqu’à l’explosion. C’aurait été peut-être plus facile de laisser le silence s’installer entre eux, peut-être qu’à force ne serait resté qu’une indifférence froide avec juste Jonah entre eux. Mais il y avait ce petit garçon qui ne méritait pas que ses parents s’ignorent et puis aussi Léo qui ne supportait pas que son ex le déteste, même s’il le méritait vraiment. Alors il était évident que son oui fit serrer les dents au photographe, il la dégoutait, il avait sa réponse et quelque part ça faisait mal, mal à son amour propre, aux souvenirs de leur histoire qu’il gardait au fond de lui et qu’il ne voulait pas regretter. Il fut tenté de lui ouvrir sa porte en grand pour qu’elle dégage, qu’elle sorte de sa vie, mais le but de cette soirée c’était d’arranger la situation donc au lieu de ça il la rattrapa par le bras pour la confronter. Il entendit alors la voix d’Alba se briser sous le poids des reproches et de la douleur et ce fut son cœur à lui qui se fêla. A peine quelques minutes que la blonde avait pénétré chez lui et Emerson passait déjà par toutes les émotions, de la colère à la peine, mais on était encore loin de la réconciliation. Il la sentait sur le point de craquer sans savoir quoi faire, alors il recula, s’appuya contre la table de salle à manger en se passant la main sur le visage en évitant son regard à son tour. T’as essayé de me détester… En fait elle avait surtout essayé de ne plus l’avoir dans la peau, c’était visiblement un échec et en plus elle avait auprès d’elle tous les jours un mini Léo qui avait ses traits et ses yeux, impossible donc d’oublier leur histoire même si elle le voulait. On n’a jamais été amis Alba. Même quand je t’ai suivi pour Samut en la jouant cool et bon pote je savais que j’voulais pas être ton ami. On n’est pas capable d’être amis toi et moi, ce serait hypocrite de croire qu’on pourrait. Juste parce qu’il y avait toujours cette tension entre eux, cette électricité qui réveillait tous leurs sens, qui hérissaient les poils et qui donnait le tournis. Ils étaient incapables de rester enfermés seuls dans la même pièce trop longtemps, soit ils se hurlaient dessus, soit ils se sautaient dessus, c’était bien pourquoi cette proximité leur faisait peur quand Jonah était couché, ils n’avaient plus leur garde fou.

Bangkok avait été le seul endroit où Léo et Alba avait réussi à s’aimer sans déchirure. Peut-être parce qu’aucun des deux n’avaient vraiment dit à l’autre ce qu’il ressentait. Il y avait cette peur pour Alba d’être écarté de la vie de Léo. Ça la fatiguait d’attendre toujours un signe de la part de Léo, un indice qui prouvait que non elle n’avait pas tout inventé. Mais même à Bangkok ç’avait été passionnel. De leur première nuit à la dernière, Alba se souvenait du regard fou de Léo qu’il portait sur elle. Parfois ils leur arrivaient de se disputer dans cet appartement et finalement il annulait leur frustration dans une danse effrénée sur le lit ou le sol. Mais il n’y avait plus le côté charnel depuis longtemps, mais la passion demeurait. Alba s’énervait toujours facilement et Léo gardait cette même possessivité. Sauf qu’aujourd’hui ça en devenait invivable parce qu’ils se reprochaient trop de chose. Surtout Alba. Il fallait que ça s’arrête, pour Jonah, pour lui et pour elle. Il la dégoutait, parce que jamais elle n’avait eu autant mal. Léo avait réussi à atteindre les limites d’Alba. Sans Jonah, ils ne se seraient jamais revu. Sans Jonah, Léo ne serait rester qu’un doux souvenir à la fin amère. Mais il n’y avait pas eu de fin et l’amertume demeurait. Elle lui balançait un flot de reproche, tout ce qu’elle gardait avec sa voix brisée. Les traitresses de larmes commençaient à arriver, et non elle ne voulait pas laisser à Léo le plaisir de la voir d’effondrer. Alba était une femme forte, elle n’avait pas besoin de lui. Il la lâchait prenant enfin conscience de ce qu’elle ressentait. « Oui. Mais je n’ai pas réussi. » Disait-elle en riant presque ironiquement. Il fallait qu’il parle, même si cette conversation serait la dernière. Après ce soir, Jonah pourrait voir sa vie transformée. Soit ses parents s’entendaient soit il passerait le reste de sa vie au milieu de deux parents qui se toléraient pour lui. Alba ne voulait pas ça pour son fils. Alors elle affronterait Léo ce soir. La vérité venait de la bouche de son ex, pointant ce qui posait un problème. L’amitié était quelque chose de ne pas possible entre eux. Un léger sourire se dessinait que quelques secondes sur ses lèvres quand Léo évoquait Samut. « Alors on est quoi ? Je n’en peux plus de cet amour à sens unique. » Disait-elle la voix brisée. « Peut-être que je devrais retourner à Brisbane. » Ce n’était pas la bonne solution, elle le savait, il le savait. Jon n’avait jamais été aussi heureux et ça la brisait Alba de devoir sacrifié son fils parce qu’elle aimait trop Léo pour le supporter.

Assurément ces quelques mois passés loin de tout ses repères avaient été parmi les meilleurs de sa vie. Une presque année suspendue, comme si elle n’avait pas compté, des jours et des jours pour se retrouver, se reconstruire, pour réapprendre l’envie de vivre, plus fort. Loin des contraintes, des obligations. Léo avait tout plaqué du jour au lendemain sans un regard ni même un regret. Souvent il avait eu envie de recommencer depuis, partir, disparaître, renaître. Mais depuis Bangkok il avait un fils qui comptait sur lui, il avait vieilli et peut-être gagné en sagesse pour comprendre que ce n’était pas une solution de tout laisser derrière lui quand quelque chose n’allait plus dans sa vie. Et puis, surtout, où qu’il parte, jamais il ne revivrait la même chose que là-bas, parce qu’il ne s’agissait pas tant de l’endroit, mais plutôt de la personne qui l’avait accompagné. Il avait vécu quelques mois avec cette femme dont il ne voulait rien savoir au départ et qu’il avait appris à connaître au fur et à mesure, qui lui était devenue indispensable. Elle était responsable de sa reconstruction, maintenant il l’admettait, même si à l’époque il ne voulait pas le voir. Et à présent ils se déchiraient. Parce qu’ici à Bowen rien n’était aussi simple qu’à Bangkok, parce qu’il y avait Jonah et bien entendu la vie de Léo qui prenait trop de place, sa vie amoureuse, évidemment. Celle où il ne voulait pas laisser de place à Alba et où il combattait tous les jours les sentiments qui remontaient à la surface par vagues violentes pour venir fracasser son cœur. Mais la blonde aussi avait son mot à dire, elle s’était peut-être imposée sur son territoire mais elle avait le droit d’être traitée correctement, d’être libre de ses mouvements, de qui elle voyait, de ce qu’elle ressentait. Tout ce que Léo semblait lui refuser, pire, lui reprocher, comme s’il avait vraiment quelque chose à dire. Il était maladroit, le photographe, lui qui réclamait un amour exclusif, lui qui aimait être aimé, presque idolâtré et qui, de son côté, rêverait d’avoir le droit de butiner plusieurs fleurs sans qu’on lui dise quoi que ce soit. J’t’ai pourtant donné matière pour que t’y arrives, mets-y un peu du tien… Il faisait de l’humour, ou plutôt il était sarcastique. Emerson connaissait bien ses défauts, ils étaient légions, il savait à quel point il pouvait être désagréable, voir même toxique, parfois, dans son comportement envers les femmes. Il était séducteur, il était possessif, il était doux et tendre, autant que détaché et froid, il y avait cette dualité en lui qu’il n’arrivait pas à contrôler. Ils s’étaient aimés, tous les deux, de la pire des façons, sans rien se promettre, en refusant de mettre des mots sur leurs sentiments et en croyant que tout ça serait du vent alors qu’ils étaient déjà entrain de faire des ravages irréparables. Alors non, ils n’avaient jamais été amis et ils ne le seraient jamais, Léo était incapable d’être ami avec cette femme qu’il désirait tant. Elle posait des questions, Alba, maintenant qu’elle était là, face à lui, et qu’ils avaient arrêté de crier, elle voulait des réponses. Il la fixa un instant sans savoir ce qu’elle voulait entendre, quelle serait la bonne réponse à lui donner. On est les parents de Jonah. Il bottait en touche, il se dégonflait, il y aurait eu tellement de choses à dire qu’il leur refusait, pour ne pas faire plus de mal, parce qu’il y avait Blanche qui lui avait donné une dernière chance. Peut-être que tu devrais rester. Ce n’est pas une solution partir encore. Dîne avec moi Alba. On n’est pas amis mais on a des choses à régler. Il l’invitait, plus qu’à manger, il leur offrait la chance de se parler enfin, sans heurts, de façon adulte. Peut-être même à passer un bon moment, s’ils s’en donnaient les moyens.

Léo avait été un doux rêve dans cette folle aventure de vie. Parfois la photographe ne comprenait rien aux circonstances de ces disputes. Il était son alter ego, ils voyaient la vie de la même façon, ils s’entendaient sur l’éducation de leur fils. Mais dès qu’ils s’agissaient d’eux, plus rien n’allait, comme s’ils s’obligeaient à s’éloigner l’un de l’autre. Elle avait essayé de le récupérer Léo, quand elle était enceinte. La photographe avait toujours souhaité au fond fonder une famille, un peu à l’image de la sienne, avec deux parents aimants. Jonah avait deux parents aimants. Il avait une relation privilégiée avec chacun des deux. Mais il le ressentait cette hostilité entre eux et ça pesait sur le petit garçon. Il n’y avait pas d’autres choix que cette discussion. Sauf qu’Alba elle ne voulait pas, elle n’en pouvait plus de ces incessantes disputes. Ils avaient retrouvés pourtant à Noël un semblant de complicité, mais qui s’était très vite envolé. Elle ne savait même plus Alba à quand remontait la dernière fois où ils avaient parlé avec tendresse, amour et respect. Oui, elle le détestait parfois, mais trop vite les sentiments qu’elle éprouvait pour lui revenaient. Ce n’était que du gâchis, tout cette histoire et Jonah était au milieu, témoin de cette entente impossible. Les larmes ruisselaient sur ses joues et elle se détestait à ce moment-là de se montrer si faible devant lui. Elle riait pourtant à sa remarque et à son sarcasme. C’était le Léo qu’elle connaissait, un peu cynique, perdu mais dans le fond adorable. Et dans cette phrase, pour une fois il reconnaissait ses torts. « C’est vrai que je devrais en faire plus. » Répondait-elle en riant légèrement. La peine ne disparaissait pas, mais le rire de Léo avait toujours réussi à apaiser la blonde. Léo lui faisait peur à Alba, parce que d’un claquement de doigt il pouvait la récupérer et la blesser encore plus. Mais avec le temps, elle avait appris à lui laisser moins de place dans sa vie, et à accorder moins d’importance à son amour. C’était trop dur pour Alba d’attendre indéfiniment une réciprocité. Alors elle avait essayé l’amitié. En revenant à Bowen, elle se disait qu’un repas de temps en temps ne leur ferait que du bien. Quelle idiote d’avoir pu croire ça. Ils n’étaient pas amis et Léo ne faisait que confirmer cette vérité. Alors ils étaient quoi ? C’était la question de la dernière chance pour Alba. Tout ce qu’elle voulait était la vérité de la part de Léo. Elle voulait arrêter d’espérer qu’un jour elle pourrait regoûter à ses lèvres, qu’elle arrêter de rêver de la douceur de ses étreintes et qu’elle arrête de croire qu’il l’aime tout simplement. Il lui disait enfin ses mots douloureux mais libérateurs. La photographe fermait les yeux sous la douleur de la réponse. « D’accord. » Répondait-elle la voix basse et brisée. Même si c’était douloureux, elle avait besoin de savoir Alba. Evidemment qu’elle repensait à Brisbane. C’était la solution facile, celle qu’elle ne ferait qu’en dernier recours parce qu’elle ne voulait pas une nouvelle fois éloigné Jon de Léo. Ils se ressemblaient trop les deux parents et ils étaient aussi têtus que l’autre. Elle aurait pu accepter Alba, mais sa fierté prenait une nouvelle fois un coup. Ces dernières années, elle reléguait sa fierté au second plan pour Jonah mais pas ce soir, parce qu’elle avait trop mal. « Non … Si on est que les parents de Jon, on devrait se voir que lorsque Jon a des problèmes, non ? » Demandait-elle-même si dans le fond elle connaissait la réponse. Alors qu’elle évitait de croiser ses yeux depuis le début de leur entrevue, cette fois-ci elle plongeait son regard dans le sien. « Tu ne m’as jamais dit … pourquoi tu es parti ? » C’était la seule question dont elle n’avait jamais eu de réponse. Qu’est-ce qu’elle avait fait pour qu’il la laisse seule dans cette chambre après ces longs mois doux et merveilleux ?

Tellement de choses les liait, tous les deux, tellement de points communs, de passions communes, d'expériences de vie ou même de traits de caractère qui les rapprochaient, Alba et Léo. Ce n'était pas pour rien qu'ils s'étaient si bien entendu à Bangkok et qu'ils avaient décidé, sans même avoir à se le dire, sans explications, de se suivre pour ne plus se quitter durant des mois dans cette folle aventure. Ils étaient faits pour se rencontrer, ils étaient peut être même faits pour s'aimer. Alba y avait cru, elle aurait pu y croire pour deux, tellement c'était fort. Et ce fut exactement la force de son attachement qui avait effrayé le jeune homme. Parce qu'il avait cette peur de l'engagement et qu'il ne se voyait pas s'attacher à une femme une nouvelle fois, il l'avait fait avec Ana et voyez où ça l'avait mené. Il lui faudrait encore quelques années pour comprendre qu'il avait lui aussi droit à s'abandonner à ce genre d'amour. Et que ça pouvait être bon. Jamais ce matin là, quand il avait laissé la blonde encore endormie épuisée par leur nuit d'amour, il n'aurait cru qu'elle viendrait toquer à sa porte quelques mois plus tard pour lui annoncer qu'ils seraient à présent liés l'un à l'autre pour la vie entière de la plus terrible et à la fois la plus belle des façon. Il lui en avait voulu, violemment, méchamment, jamais Léo n'avait été aussi virulent envers une femme que lorsqu'il avait rejeté Alba en lui crachant qu'il ne voulait plus rien avoir à faire avec elle et qu'il ne reconnaîtrait pas cet enfant. Il ne voulait pas être père, il ne l'avait jamais voulu et la façon dont elle le lui imposait l'avait fait exploser. On n'imposait rien à monsieur Emerson… Mais outre cette grossesse, ce qui l'avait déçu, au fond, c'était qu'elle revienne, qu'elle fasse le chemin jusqu'à Bowen, pas pour lui, mais pour l'enfant. Égoïstement il aurait aimé qu'elle frappe à sa porte pour lui dire qu'il lui manquait et comprendre qu'il n'était pas la priorité l'avait blessé dans sa fierté. Il l'était toujours, fier, c'était d'ailleurs ce qui les avait amené à ce soir, à ces disputes incessantes, il le savait, c'est pourquoi il tenait tellement à arranger les choses, comme une façon bien à lui de s'excuser. Ils réussirent à rire de tout ça, pudiquement, sans trop se lâcher, ils s'en voulaient et un trait d'humour ne réglait pas tout. Mais cet instant, même furtif, de complicité, encouragea Léo à insister pour qu'elle reste. Alba avait besoin de réponses à ses questions, pour avancer, pour savoir si elle devait le faire seule, sans lui. Et ça rabattait les cartes, encore. Il aurait eu tant de choses à dire, à lui confier qu'il ne fit pas, par peur de tout perdre à nouveau, sa stabilité toute neuve avec une autre femme, ses belles résolutions qui vacillaient déjà quand il regardait Jensen. Il lui fit mal, une nouvelle fois, une fois de trop, à force il ne comptait plus. Elle ne resterait pas, Emerson le compris et il en était déçu, il avait échoué dans son projet de tout arranger, certes ils ne se hurleraient plus dessus, mais ils n'oseraient plus se regarder droit dans les yeux sans avoir le cœur qui se brise. Pas forcément quand il a des problèmes, ça peut être aussi pour les bons moments… mais rien qui ne le concerne pas. Si c'est ce qui est mieux. J'te dérangerai plus dans tes relations. J'aurais pas dû, je n'avais pas le droit. Premier pas qui lui arrachait presque la bouche, qu'il était dur pour cet homme là de se rabaisser à s'excuser, mais il avait abusé, il l'admettait. Et puis ce regard sur lui, ces yeux qui accrochaient les siens. Léo se douta que c'était important, il n'imaginait pas le tsunami que ça provoquerait en lui. Sa question le ramena six ans en arrière, dans la minuscule chambre de leur petit cocon depuis quelques mois. À ce dernier regard qu'il avait posé sur elle, à sa poitrine qui s'était serrée quand il avait réalisé que ce serait la dernière fois qu'il la verrait. Il n'avait pas envie de partir, il aurait préféré se recoucher avec elle et la serrer contre lui. Mais il avait fermé la porte et fait taire les murmures qui lui disaient que c'était une erreur. Retour en 2021, Léo soupira en fixant Alba d'un air triste. Parce que je m'étais promis que je ne retomberais pas amoureux d'une femme après Ana. Je n'aurais jamais dû te croiser. Confession du bout des lèvres de cet homme blessé qui, finalement, lorsqu'il s'agissait vraiment d'amour, ne faisait jamais le fier.

Jamais rien de bon ne ressortait de leur dispute. A force ils devaient être habitués, à force il devait le savoir Léo qu’Alba pleurait trop vite. Il devait le savoir qu’elle en avait marre de pleurer à cause de lui. Pourtant, Alba savait qu’entre eux il y avait un vrai potentiel. Si seulement ils arrivaient à passer au-dessus de cet amour destructeur et de ces regrets incessants, ils pourraient bien s’entendre. Jonah ne serait pas tiraillé dans cette ambiance pesante. Parfois Alba voulait remontrer le temps et ne jamais se trouver dans ce stupide bar à Bangkok. Et d’autres fois, elle voulait retourner dans cette chambre et succomber aux caresses et aux baisers du blond. Mais rien de tout cela était possible. A présent, Alba ne souhaitait qu’une chose, que Léo la libère. Il fallait qu’il arrête de la retenir parce que c’était égoïste et invivable. Elle n’avait plus de la force la maman pour aimer pour deux. Elle voulait savoir ce qu’ils étaient aujourd’hui, la réponse allait être dévastatrice et libératrice. Ça faisait mal, trop mal. Le cœur d’Alba se contractait et elle retenait les larmes dans un sursaut d’orgueil. C’était terminé pour elle. Cinq quand de torture. Cinq ans d’attente. Elle y avait cru mais au final, il ne l’avait jamais aimé comme elle l’avait fait. Elle n’était que la mère de Jonah, et ça faisait mal. Elle s’en remettait la photographe, mais pour le moment, elle voulait juste rentrer et pleurer. Sans surprise elle refusait le dîner, il n’y avait rien de bon à rester ensemble. Jonah deviendrait la priorité et l’unique raison de leur réunion. « Si tout va bien, pourquoi on se verrait ? » Répondait-elle. Cette fois-ci, elle essayerait de mettre le plus de distance possible entre elle et son ex. Il s’excusait mais elle n’arrivait pas à se réjouir de changement de comportement chez Léo. « Non tu n’as pas le droit ! C’est égoïste et ça m’a donné de l’espoir. » Elle lui en voulait parce qu’elle était blessée Alba. Elle aurait pu récupérer son sac, et sortir sans un regard. Il lui faisait peur ses yeux bleus parce qu’il était difficile pour elle de ne pas y succomber. Mais c’était la fin et il restait des questions sans réponse. Des réponses qu’Alba attendait depuis si longtemps. Pourquoi l’avait-il laissé ? Qu’est-ce qu’elle avait fait ? Le photographe lui répondait. Ana. Cette fois-ci elle ne baissait pas le regard, parce qu’elle connaissait l’histoire. Mais son excuse était bidon, c’était un mensonge. « Mais tu te fous de moi ? » Les larmes remontaient. « Tu en as aimé d’autres après. Moi je n’ai eu le droit qu’à ta colère et tes reproches. Je n’ai eu le droit qu’à ta méchanceté. Qu’est-ce qui cloche chez moi pour que ce soit simple de me laisser ? » Après Bangkok, ils n’avaient jamais réussi à retrouver cette complicité. Elle se souvenait de la dureté de ses mots. Ce jour-là quand elle lui annonçait sa grossesse il l’avait viré de sa vie, l’avait laissé partir encore une fois. C’était la triste histoire de sa vie. Une jolie blonde qui n’était pas assez bien pour qu’on s’intéresse à elle plus que quelques mois. Léo en avait aimé d’autre, en aimait d’autres mais jamais elle. Elle se sentait mal Alba et commençait à craquer, il fallait qu’elle s’en aille, qu’elle parte loin de cet homme qu’elle aimait tant.

Ils ne criaient plus, ils avaient arrêté, trouvé une sorte d’accord pour apaiser la situation. A présent seul un immense vide les séparait, avec, entre eux, un froid glacial qui s’insinuait. Léo comprenait sans mal qu’Alba cherchait à mettre toute la distance possible entre elle et son ex. Il avait été clair, il n’avait laissé aucune place au doute, ils n’étaient à présent que les parents de Jonah, comme si la seule chose qui les avait jamais lié avait été le sexe, cette attraction physique qu’il ne pouvait pas nier, cet accord charnel parfait  qu’ils avaient partagé. Tout le reste, il le refusait, il le rejetait, il le reléguait à une simple sensation erronée de la part de la blonde. Comme si elle s’était trompée sur toute la ligne depuis des années maintenant. Pourtant même après Bangkok, après la naissance de Jon, ils avaient essayé, ils avaient tenté la comédie de la famille parfaite, c’était joli à voir, ils étaient si beaux ensembles, les deux parents bien assortis et leur bébé tout neuf, une vraie famille de magazine. Léo se serait presque pris au jeu, acceptant pour un temps ses sentiments pour la blonde, il était prêt à lui en faire part, même, avant qu’une autre blonde ne bouleverse tout sur son passage. Grace, elle et ses bondieuseries qui faisaient rire Léo et la rendaient si attirante. Elle qu’il avait aimé un temps, quelques années plus tôt, la seule qui l’ait toujours rejeté, tout un programme, à ce moment Alba n’avait aucune chance face à cette tornade-là. Aujourd’hui il ne restait donc que des bribes de souvenirs confus, des sensations chaleureuses, des sentiments remis en cause et surtout, surtout, beaucoup trop d’amertume. C’était normal qu’Alba se protège, elle avait raison, mais ça faisait du mal à Léo. J’dis pas qu’on doit prendre un café ensemble, mais au moins avoir un échange agréable, quand l’un ou l’autre vient le récupérer, ce serait mieux pour tout le monde, non ? Il s’agaçait un peu, l’idée c’était qu’ils arrivent quand même à se parler un minimum, on en parlait pas de la garde partagée d’un poisson rouge tout de même ! Parce que je suis jaloux et désagréable ça te donne de l’espoir ? J’ai parfois du mal à comprendre le fonctionnement des femmes … Et pourtant, Léo était exactement comme Alba, c’était quand une femme le rejetait et se montrait presque virulente qu’il était le plus intéressé, allez juger qui était le plus tordu des deux !
Ana, il n’en parlait quasiment jamais, de temps en temps il allait fleurir sa tombe, mais en vérité il avait fait son deuil et Alba avait aidé dans cette démarche-là, bien qu’elle l’ignorât. Le barbu avait compris depuis longtemps que son amour pour cette fille était biaisé, que si elle n’était pas tombée malade elle n’aurait sûrement été qu’une conquête parmi tant d’autres. Les circonstances de leur relation, la fragilité et la brièveté des jours heureux, avaient cristallisé les premiers émois, les rendant plus forts qu’ils n’auraient dû l’être, faisant culpabiliser Léo sur son naturel volage. Il était resté des mois à son chevet, perdant ainsi sa jeunesse et une partie de son innocence, il avait beau avoir vingt-cinq ans, il n’avait encore jamais vécu de deuil comme celui-ci avant. A présent il comprenait tout ça, il avait fait son chemin, remercié à sa façon Ana pour ce qu’elle lui avait apporté et il avait repris sa liberté, comme il aurait dû le faire bien plus tôt. Depuis il avait vécu, aimé, bien plus fort qu’il n’avait jamais aimé Ana. Alba avait été une de ces femmes-là, bien qu’il ne lui ait jamais avoué. Elle s’emportait déjà, la photographe, les larmes montaient et Léo aurait voulu détourner le regard, pourtant il la fixait, un rictus mauvais se dessinant au coin de ses lèvres. Elle n’avait pas tort, ses reproches étaient justifiés, seulement elle se trompait, vraiment, tristement même. Tu crois que tu es l’exception Alba ?! Crois-moi j’suis bien meilleur que tu le crois pour foutre en l’air toutes mes relations amoureuses ! Blanche y a eu droit avant toi, tellement de fois ça me rend malade, mon père l’a forcée à avorter alors qu’elle attendait mon enfant et moi j’ai juste fermé les yeux ! Il s’approcha, finalement la colère montait aussi en lui, violente, contre elle, parce qu’elle le mettait face à sa culpabilité, face à toutes ses erreurs avec les femmes. Et autant dire qu’elles étaient nombreuses. Tu me reprochais à Bangkok de ne pas te parler, alors tu vas tout savoir, je détruis tout, toutes les femmes qui osent m’aimer, parce que j’aime mal, parce que j’ai peur des sentiments trop forts que je ressens. Je ne cherche pas à ce tu me plaignes, je ne peux m’en prendre qu’à moi. La seule que j’aurais pu aimer correctement elle a décidé d’elle-même de me quitter et entre nous elle a sûrement bien fait. Alors ne crois pas que tu es l’exception, vraiment ! Et si tu veux mon avis tu n’aurais jamais dû revenir à Bowen parce que si j’suis incapable de taire ma jalousie c’est que j’en crève de ne pas avoir le droit de te toucher. Il approcha une main fébrile vers son visage, il aurait tellement aimé, il pourrait, s’il le voulait… il pourrait la toucher, mais ce serait trahir Blanche à nouveau et faire Alba prisonnière de ce triangle malsain et il ne voulait pas. Alors il s’éloigna, à regret, rompant le contact visuel. Je donnerais beaucoup pour n’avoir jamais quitté Bangkok, pour ces nuits sans sommeil mais surtout pour nos discutions, pour la facilité qu’on avait à s’entendre, à se comprendre, à simplement se parler. Depuis plus rien n’avait jamais été simple entre eux.

Si Jonah n’était pas apparu, Alba n’aurait donné de l’amour qu’à cet homme Léo. Dans cette chambre d’hôtel à Bangkok, elle était dans le déni, vivant ces doux moments et ne réfléchissant pas au lendemain. Elle y avait cru à un moment à ce conte de fée, qu’à la fin du voyage il rentrerait ensemble. Quelle idiote. Mais ce matin-là, elle avait ressenti la douleur. Si Léo aimait mal, Alba elle aimait trop. Il y avait ce manque à combler. Et au lieu de compléter ce vide, Léo n’avait fait que de le creuser encore plus profondément. Il avait réussi à faire sentir Alba encore plus merdique que ce qu’elle pensait d’elle. Si sa mère ne l’aimait pas assez pour la garder, le seul homme qu’elle n’avait jamais aimé ne l’aimait pas également. C’était cette triste fatalité qu’elle acceptait Alba. Jonah lui l’aimait, mais pour combien de temps ? Si ça se trouve son fils se révèlerait être un parfait Emerson, briseur de cœur et briseur de vie. Léo n’était pas la cause de tous ses maux, elle arrivait très bien toute seule à se mettre dans des situations difficiles. Mais l’amour qu’elle lui portait ne s’estompait pas, comme si elle aimait souffrir la photographe. Il était si loin le temps de cette légèreté. Parfois elle se demandait si c’était bien la même personne entre le Léo d’aujourd’hui et celui de Bangkok. Elle était tombée amoureuse de lui et de ses sourires. Il avait cette façon de la faire rire. Son regard dévorant la rendait encore plus belle. Avec lui, elle était elle parce qu’ils se comprenaient. Mais plus aujourd’hui. Le dialogue était si dur, si tendu qu’elle se demandait Alba comment un jour ils avaient réussi à communiquer. Ce soir semblait être la fin de ces sept ans d’ambiguïté. Ils étaient au point de non-retour. La blonde était épuisée de cette bataille incessante et de ses reproches trop lourds à porter. Ils avaient besoin de vivre leur vie. Et même si Jonah les liait pour toujours, Alba sentait que quelque chose se brisait en elle. Il lui confirmait. Ils n’étaient que liés par ce petit homme. Il était la seul preuve qu’un jour Léo et Alba ont été plus que deux anciens amants qui se déchiraient. « C’est ce qu’on a toujours fait Léo. On a toujours été cordiale devant Jon. » Il ne resterait que ça. Des bonjours hypocrites et des soulagements quand la porte se renfermait derrière l’autre. Puis il y avait toujours des personnes tampons, qui pourraient être les médiateurs de cette future indifférence. Il était méchant le brun, sarcastique dans un moment déjà trop tendu. Elle levait les yeux au ciel Alba à sa remarque. « T’es vraiment qu’un macho. » Disait-elle en soupirant. Il savait qu’elle détestait ce genre de remarque. C’était lui qui cherchait à les garder. « Mais non, jaloux ça donne de l’espoir. Désagréable ça me donne envie de te frapper. » Combien de fois elle avait eu envie de gifler le photographe. Sa dernière remarque avait été de trop pour Alba. Critiquer ses relations, l’accusée d’être trop facile à son goût. Elle était encore libre Alba d’offrir ses fesses à qui elle voulait. Ce n’était pas de sa faute si Léo avait arrêté de les vouloir. Mais les questions sans réponses demeuraient. Combien de fois avant de se coucher Alba sentait cette boule qui venait se coincer dans sa gorge. Pourquoi était-il partis ? Au final elle aurait préféré ne pas le savoir parce que sa réponse l’énerva. Il était gonflé. La photographe lui avait apporté toute la douceur qu’elle pouvait à l’époque. Mais il se trouvait des excuses, n’assumant pas ses sentiments. Elle aurait accepté qu’il lui dise qu’il ne l’avait jamais aimé. Mais pas cette réponse. La suite de la conversation fut très dur, et beaucoup trop violente. Il s’acharnait presque contre elle, se décrivant comme le pire de l’espèce humaine. Sur le coup, elle était bien d’accord avec Emerson. Elle en pleurait Alba, se demandant pourquoi elle était liée à cet homme. Elle avait mal pour lui, pour Blanche, pour toutes les autres femmes qui avaient croisés sa route et pour elle. Et enfin, il lui avouait. Il crevait d’envie de la toucher. Ils ne se quittaient pas des yeux, mais Alba lui envoyait toute l’incompréhension et la colère. Il n’avait plus le droit de la toucher, et elle ne bougeait pas. Elle appréhendait cette main proche de sa joue, parce qu’elle se savait faible la maman. Mais son geste s’arrêtait et le moment était passé. Il détournait le regard et finissait d’achever Alba en éprouvait des regrets sur Bangkok. Avec la maternité Alba s’était calmée et avait appris à gérer ses émotions. Mais à ce moment-là elle redevenait cette jeune femme sensible, apeurée et en colère, très en colère. « Tu n’as pas le droit de dire ça. » Répondait-elle. Elle effaçait l’espace qu’ils s’étaient imposés en le poussant contre le mur le plus proche et le forcer à regarder son regard féroce. « Tu n’as pas le droit de regretter ! Je ne suis pas l’exception, ok ! Mais ça n’empêche pas que j’ai eu mal, trop mal à cause de toi. Jamais tu ne t’es excusé de m’avoir laissé dans cette chambre. Jamais tu ne t’es excusé de m’avoir fait penser que j’étais la pire personne parce que je gardais notre enfants. » Elle ne se retenait plus Alba, il avait épuisé sa patience. Elle s’en foutait de ses larmes et de ses yeux rougis. Il fallait juste qu’elle lâche tout ce qu’elle avait sur le cœur. « Si ça t’empêche de culpabiliser d’être le pire des cons tes excuses très bien pour toi. Mais toi qui essaye de ne pas ressembler à ton père, tu es son digne fils. » Elle le relâchait, s’éloignant de lui. Elle le regardait imposant le silence, puis enfin elle baissait les barrières. « Je suis fatiguée de te détester, d’être toujours en colère contre toi. Je suis fatiguée. » Elle soupirait et baissait son regard triste.

Il lui avait donné à rêver, Léo, il fallait bien l’avouer. Lors de leur rencontre et les quelques mois où ils avaient été inséparables, il avait été parfait, il l’avait couvert de tendresse et d’une passion débordante. Il n’avait fait aucune promesse mais peut-être que celle des gestes était encore plus marquante que les mots. Il l’avait aimé, sans jamais le lui dire, mais ils avaient été si bien ensemble. Emerson avait profité des sentiments qu’il devinait chez Alba pour se reconstruire, il avait pris tout ce qu’il avait eu à prendre à ce moment-là et puis il était parti come un voleur. Depuis rien n’avait été pareil, depuis rien ne serait jamais pareil. Si lui avait bafoué ce sentiment de sécurité qu’il lui avait offert durant cette période, à cette fille qui avait tant besoin d’être aimée, de se sentir importante aux yeux des autres et qui, surtout, était effrayée par l’abandon, elle ne l’avait pas épargné non plus. En revenant, ventre arrondi, frapper à sa porte, elle avait rendu l’un de ses pires cauchemars réels, mais elle ne s’était pas posé la question de savoir si ça pouvait le briser, lui, elle avait fait son choix, sans lui. Ce soir elle exagérait, l’idée était de faire qu’ils s’entendent mieux, pour leur fils et pour eux aussi, mais visiblement Alba restait campée pour ses idées, rester juste aimables, froids peut-être, mais qu’importe, comme si respirer le même air que lui n’était plus une éventuelle idée agréable. Sauf qu’ils avaient réussi à s’entendre, le premier Noël il y a deux ans, ils avaient passé quelques jours hors du temps, dont Léo se souviendrait toujours avec tendresse, il y avait eu ces quelques pas de danse au Noël dernier, toujours cette même fête, qui semblait plutôt bien leur réussir. Et même le jour de leur emménagement à Bowen, il y avait plusieurs souvenirs agréables malgré tout, mais qu’Alba choisissait d’oublier, comme s’ils n’avaient pas existé, comme si c’était trop difficile de se dire qu’ils pouvaient s’entendre. Merci… qu’il grommela amèrement quand elle le traita de macho, Léo avait horreur de ce qualificatif, parce qu’il ne pensait pas l’être, il avait bien des défauts, mais il espérait vraiment ne pas avoir celui-ci. Mais vas-y, frappe-moi si ça peut te faire du bien. Il espérait qu’elle ne le ferait pas, des gifles il en avait pris suffisamment dans sa vie. Plus que de se défouler sur lui, Alba avait besoin de réponses, des réponses difficiles, parce que la vérité n’était pas agréable, ni à révéler ni à entendre, parce qu’elle était complexe également. Léo avait espéré, en montant dans l’avion qui le ramenait à Bowen, ne jamais revoir cette fille, parce qu’il savait qu’il lui devrait des explications, une confrontation, il savait qu’il devrait lui dire que ce n’était pas le manque de sentiments qui l’avait fait fuir ce matin-là, mais bien le contraire. Mais comment intégrer ça, comme l’accepter ? Il s’en était voulu, puis il était passé à autre chose, parce que c’était pour lui la seule façon d’avancer, du moins il l’avait cru. Elle le prenait mal, c’était flagrant, elle lui en voulait, croyant à tort qu’elle n’était suffisante, que toute la tendresse qu’elle lui avait donnée n’avait pas été assez, pourtant elle se trompait, c’était lui qui avait un problème, pas avec elle, mais avec ses relations amoureuses dans leur globalité. Et ce fut ce qu’il lui cracha comme pour bien enfoncer le clou. Il lui parla de Blanche et lui fit comprendre qu’il y en avait eu d’autres, il n’en était pas fier, croyez-le bien, il ne savait simplement pas comment aimer autrement qu’en détruisant tout, en aimant trop fort et en faisant tout exploser par la suite. Il lui dit tout, sans concession, sans réfléchir, laissant la force de ses émotions parler pour lui, ne cherchant pas à ce qu’elle l’excuse, peut-être, au contraire, à ce qu’elle ait enfin une vraie bonne raison de le fuir. Pour finalement avouer qu’il mourrait de pas pouvoir la toucher, leurs regards se perdant l’un dans l’autre, comme si le temps se figeait quelques secondes, avant que Léo ne se ravise, pour ne pas tout briser, lisant également, au fond des yeux de son ex, une terreur profonde. Il s’éloigna, se radoucissant, parlant de Bangkok, encore et toujours, ces milliers de regrets qu’il ressentait en pensant à ces mois idylliques et à la façon qu’ils avaient de s’entendre, si naturelle. Ç’aurait pu s’arrêter là, mais Alba ne l’entendait pas de cette oreille, cette réminiscence ne lui apporta aucun réconfort, bien au contraire, elle réveilla sa colère. Elle poussa Léo contre le mur, ce geste, il le trouva brutal, non pas par la force qu’elle avait employée, mais par la colère qu’elle y avait mis. Je ne m’en suis pas excusé parce que ce n’est pas excusable, je le sais bien ! Tu pense que je n’ai jamais écouté quand tu me parlais de l’abandon que tu as subi, celui que tu ressens toujours quand quelqu’un part ? Tu crois que je n’ai pas hésité ? Il fallait que je parte, il fallait que je termine mon deuil, il fallait que j’me protège aussi ! Mais elle continuait, se moquant de ses explications. Faire un enfant avec un mec qui t’a abandonné c’était pas la meilleure idée. Puis là tu t’en foutais bien que moi je n’ai jamais voulu de gamin, que ce soit ma pire peur, peut-être l’un de mes pires cauchemars. Evidemment aujourd’hui c’est oublié, évidemment que je regrette la façon dont je t’ai traité, surtout quand je réalise que j’ai la chance de voir grandir notre fils. Mais toi aussi t’as été une foutue égoïste ce jour-là ! Tu ne me venais pas juste me dire que tu gardais l’enfant, non, tu m’imposais de le connaître, de vivre auprès de lui. Et oui, aujourd’hui cette simple idée lui donnait envie de vomir, mais à l’époque il avait pensé à ce qu’elle avorte. Puis soudain, le coup de grâce, la pire insulte qu’il puisse entendre, qu’il était comme son père. C’était amplement mérité mais ça le foutait en l’air. Il repoussa Alba, la fixa d’un regard mauvais alors qu’elle laissait retomber le silence. En Léo néanmoins ce n’était pas le calme, ça bouillait, il fulminait et pour faire sortir toute cette colère il se retourna contre le mur et frappa un grand coup. Putain Alba ! Ca ne mène à rien... La maison trembla, il hurla de douleur physique et de peine, avant de vaciller. Il ne s’était pas loupé, le mur était abimé et sa main le fit souffrir, à tel point que sa tête tourna et qu’il dû se retenir pour ne pas tomber.