the nearness of you (livio)

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the nearness of you
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@livio manzoni & @aura luciano

Ce moment où je plongeais ma cuillère dans le pot de glace pour aller chercher une noix de macadamia et un tout petit peu de caramel coulant était l’un de mes préférés de la journée. Et visiblement, mon fils partageait ce goût là puisqu’il se mit à gigoter doucement. Pour une fois, il ne me labourait pas les organes ! Tendrement, avec un sourire imprégné sur le visage, je caressai mon ventre rond.
— J’avais bien dis à ton papa que tu aimais la glace, rigolai-je avant de reporter mon attention sur mon livre.
Allongée à moitié sur le canapé, le ventilateur tournant à plein régime devant moi, j’essayai tant bien que mal de trouver un peu de fraicheur, la chaleur commençant à me peser. Quelques cuillerées de glace et quelques pages plus tard, j’entendis Livio rentrer. Je tendis l’oreille.
— Mon chéri ? appelai-je. Je suis au salon.
Je l’accueillis avec un grand sourire, et tandis le bras vers lui pour l’inciter à approcher. J’attrapai sa main et plaçai sa paume contre mon ventre nu. Le bébé continuai de bouger doucement.
— T’as senti ? demandai-je à Livio.
Cela faisait plusieurs semaines, maintenant, que Livio pouvait sentir le bébé. Il était assez grand maintenant pour que ses mouvements soient perçu à l’extérieur de mon ventre.
— Il gigote gentiment depuis tout…Aïe !
Mon fils venait de me donner un coup de pied.
— Rectification, fis-je en rigolant, il gigotait gentiment.

Sur le chemin du retour, Livio se perdit dans ses pensées. Il était tiraillé. Tiraillé entre sa petite amie et son entourage télévisuel, dont Giulia. Tiraillé entre son envie de clore un chapitre qui lui tenait à coeur et ses responsabilités de futur papa. Ajoutez à cela les problèmes avec sa marque et voilà qu'il était perdu. Il changeait d'avis tous les deux jours, sachant pertinemment qu'il finirait par blesser quelqu'un. Pourtant, aujourd'hui, la balance avait davantage penché. Il avait dit oui pour la dernière émission. Giulia était au courant. La production était au courant. Il n'y avait qu'Aura qui ne le savait pas. En rentrant à la maison, il savait qu'il allait devoir en parler. Et cela l'effrayait. Garant sa voiture dans l'allée, il entra dans la maison, la mine songeuse. Il salua Marlow qui venait à lui avant d'entendre la voix d'Aura provenant du salon. Il posa ses clés et ses lunettes de soleil, puis partit rejoindre sa petite amie, installée sur le canapé, livre et glace en main. Son visage se dérida quand elle prit sa main pour la poser sur son ventre. Un sourire s'afficha sur ses lèvres, restant immobile et silencieux jusqu'au moment où il sentit le mouvement de son fils. "Oui, j'ai senti." dit-il, avec émotion. Cela lui faisait toujours la même sensation. Il se souviendrait à tout jamais de la première fois où il avait senti leur enfant. Ils étaient couchés dans leur lit, Aura en train de lire, Livio en train de rêvasser, sa main sur son ventre. Puis, il avait senti un mouvement subtil. Il se souvient avoir relevé la tête et croisé le regard d'Aura. Elle avait juste hoché la tête face au regard interrogateur de Livio. Encore aujourd'hui, c'était de l'émotion pure. Il rit quand elle affirma qu'il gigotait doucement jusqu'à l'arrivée de Livio. "C'est parce qu'il est content de voir son papa..." Il s'assit et prit le pot de glace d'Aura, s'autorisant à prendre une cuillère avant d'ajouter, malicieux : "... ou alors, il réclame juste encore un peu de glace." Il lui redonna le pot puis s'installa sur le canapé, relevant les jambes d'Aura le temps de prendre place. Il redéposa les jambes d'Aura sur ses cuisses, ses mains venant masser doucement ses mollets. Il se mura dans un silence qui ne lui ressemblait pas. Alors que ses doigts continuaient son massage, il finit par dire : "Va falloir que je te dise quelque chose..."

Sentir mon bébé bouger dans mon ventre était encore quelque chose de magique, quand bien même cela se passait tous les jours maintenant. Pendant longtemps, j’avais été la seule a pouvoir appréhender ces petits mouvements, comme si l’enfant et la mère devait d’abord faire connaissance, tous les deux, avant de laisser le monde extérieur s’immiscer dans cette bulle. Mais quand Livio avait enfin été capable de ressentir les mouvements de notre fils, la magie c’était comme étendu. C’était beau, c’était incroyable, à chaque fois.
— Je crois qu’il est heureux d’entendre ta voix…Aieuuh, hé…doucement ! Maman n’est pas un punching ball.
Je tapotai légèrement mon ventre du bout de mon index.
— Non…bon…ça doit être la glace alors, fis-je en riant et en reprenant le pot de vanille & noix de macadamia que m’avait emprunté Livio.
Je pris une nouvelle cuillère, à deux doigts de l’overdose de sucres. Je fermai les yeux, et soupirai d’aise quand Livio entreprit son massage. Son initiative était bien venu. Je laissai mes muscles se détendre doucement jusqu’à ce que mon petit ami ne reprenne la parole. Je rouvris les yeux.
— Pourquoi est-ce que je n’aime pas entendre ça…  

Il pourrait passer des heures couché à côté d'Aura, ses mains sur son ventre, à essayer de capter le moindre mouvement de son fils, à lui parler pour qu'il entende sa voix, pour qu'il comprenne que son papa était bien là. C'était sa façon à lui de construire un lien, de se faire une place parmi Aura et ce bébé. Un bébé bien vigoureux qui n'hésitait pas à user des pieds et des mains pour montrer qu'il était là. Aujourd'hui, visiblement, il s'improvisait footballeur-boxeur dans le ventre de sa mère, ce qui arracha un rire à Livio. "Il faudra qu'on le mette au karaté. Il a l'air d'avoir de l'énergie à revendre." dit-il en souriant, la couvant d'un regard tendre alors qu'elle tapotait son ventre. Mais punching-ball ou non, toute raison était bonne pour récupérer le pot de glace que Livio avait brièvement subtilisé. "Gourmande." lança-t-il en la voyant prendre une nouvelle cuillère. Il allait être bon pour retourner au magasin et refaire le stock de glace. Il prit place à ses côtés et, sans même qu'elle ne le demande, se lança dans un massage des jambes et des chevilles. Il savait qu'avec la chaleur, elle souffrait de ces chevilles gonflées. Mais c'était aussi un moyen de la détendre. Il avait quelque chose à dire. Perspicace, Aura se doutait déjà que ce n'était pas quelque chose de sympathique. "Non.. mais rien de bien méchant. Enfin...." dit-il, hésitant. Il posa ses yeux bleus sur elle et reprit : "Ne t'énerve pas, s'il te plaît. Mais... j'ai changé d'avis par rapport à l'émission."

La relation que nous avions construit, Livio et moi, c’était révélée fusionelle au fil de mois, à tel point que j’avais le sentiment que rien ne pourrait plus nous séparer maintenant. Il était vrai que je me laissai parfois prendre par des doutes, par des peurs quelques fois, et nous avions tous les deux eu peur que cette grossesse inattendue ne change les choses entre nous. Elle nous avait pourtant rapprochés, elle nous avait fait vivre des moments riches, intense et tendre. C’est petits moments comme celui que nous vivions à l’instant présent, la main de Livio sur mon ventre à attendre les mouvements de notre enfant. Je n’étais pas sûre qu’il existe quelque chose de plus magique que cela dans ce monde. Mais quand Livio annonça qu’il avait quelque chose à me dire, je devinais que la magie allait se dissiper d’un moment à l’autre. Le regard rivé sur lui, je l’écoutais. Il me demanda de ne pas m’énerver, puis m’annonça simplement qu’il avait changé d’avis par rapport à son émission de télé-réalité. Je pris une longue inspiration, puis pinçai les lèvres.
— Ok…
Je n’étais pas vraiment surprise. En fait, je m’y étais même attendu. Mais cela ne me faisait pas plaisir pour autant.
— Tu vas pouvoir…clore ton chapitre.
Je gardai le silence un moment, évitant le regard de Livio et fixant plutôt le lustre au dessus de nous.
— Où ? Quand ? Combien de temps ? demandai-je après un moment.

Il avait le don, Livio, pour gâcher le moment. Ils auraient pu rester là, sur ce canapé, l'oeil pétillant, à partager ce doux moment familial. Aura arrivait doucement vers la fin de la grossesse, sans doute devait-il privilégier de tels instants, avant que leur fils ne pointe le bout de son nez. Mais il devait lui dire ce qu'il avait accepté aujourd'hui, sinon, il se défilerait, repousserait l'échéance et rendrait la situation plus complexe. Il ne voulait pas qu'elle l'apprenne par une autre personne que lui. Il prit une grande inspiration et lui annonça sa participation à l'émission de but en blanc. Il fallait toujours arracher le pansement d'un coup sec, lui disait sa mère. Il guetta sa réaction, ne sachant pas comment prendre ce simple Ok qu'elle lui lâcha. Il sentait qu'elle n'était pas emballée. Mais c'était une toute autre émotion qui s'emparait de lui. "J'ai comme l'impression que tu t'y attendais..." Soit elle le connaissait plus que bien et elle savait qu'il avait besoin de cette dernière émission. Soit il passait pour l'indécis, qui changeait d'avis comme de chemise. Il osait croire que la première proposition était la bonne. Il ne répondit rien quand elle lui souffla qu'il pouvait ainsi clore son chapitre, comme s'il s'attendait à ce qu'elle explose, à ce qu'elle lui lâche qu'il faisait une belle connerie. Qu'il allait encore passer pour un con à la télé. Qu'il allait les exposer. Et bla, et bla, et bla. Mais rien. Pas un mot de plus. Pas un regard. Pourtant, lui, il la fixait, décortiquait la moindre attitude, le moindre geste, analysait son langage corporel. Mais il n'arrivait pas à savoir ce qu'elle pensait réellement. Heureusement, elle vint rompre le silence pesant, en lui posant trois questions brèves, mais cinglantes. "Rio. Dans deux semaines. Pour 15 jours maximum." dit-il de la même façon. Sa main alla caresser le bras d'Aura, cherchant à ce qu'elle pose son regard sur lui. "J'ai tout négocié Aura. Je ne pars pas longtemps. Et j'ai très bien dit à la production que si tu m'appelais, je rentrerai de suite. Je ne veux pas que tu croies que je t'abandonne au plus mauvais moment."

Oui, je m’y attendais. L’ex pulpeuse de Livio qui faisait le voyage simplement pour le convaincre, et repartir sans lui ? Je n’y avais pas cru. Et puis il avait beau me dire qu’il préférait refuser pour assumer son rôle de futur père, je savais aussi qu’il avait besoin de tourner cette foutue page. Il s’était sans doute menti à lui même en se disant qu’il n’irait pas, il se rendait compte aujourd’hui qu’il ne pouvait pas refuser, pour tout un tas de raisons. Cela ne me faisait pas plaisir qu’il parte loin de moi, surtout à un moment pareil, mais je ne voulais pas le retenir. Je refusais d’être un boulet à ses chevilles. Rio. Dans deux semaines. Pour quinze jours. Au fond, la réponse importait peu. Qu’il aille à Rio de Janeiro ou bien à Los Angeles ne changeait rien. Quand au délai…on le savait mauvais dès le départ.
Livio cherchait à attirer mon attention, caressant mon bras pour m’expliquer que tout était sous contrôle. Je baissai le regard vers lui, serrant les dents pour contenir mon émotion.
— Tout va bien alors si tu as tout bien négocié…
Mon ton était plus froid que je le voulais. À croire que les émotions me rattrapait et que je n’arrivais plus à me contrôler. Je n’avais aucun droit d’être en colère. Je lui avais dis, à peine deux jours plus tôt que je ne voulais pas qu’il ait de regrets. Je ne pouvais pas lui en vouloir de choisir de faire cette émission. Et pourtant…
— C’est le mauvais moment, Livio…j’accouche dans un tout petit peu plus de deux mois. DEUX MOIS ! Aïeuuuh…
Mon fils venait de me donner un coup. Soit il n’aimait pas que je cris, soit…
— Tu te ranges du côté de ton père, ou quoi ? fis-je en baissant le nez sur mon ventre.
Je soupirai, puis tâchais de me calmer. Je pris le temps de respirer, puis tout d’un coup je sentis le museau chaud de Marlow se poser sur ma cuisse. Je me penchai pour observer le chien qui me regarda avec ses yeux suppliant.
— Ok…c’est une mutinerie ?
Il ne manquait plus que Livio me fasse les yeux du chat potté de shrek et le tableau était complet. J’avais horreur de passer pour la rabat-joie. Je soupirai longuement.
— Je pourrais…avoir des nouvelles de toi ? Je veux dire, ça se passe comment votre truc ? Je veux que tu me raconte tout, exactement comme c’est. Je veux savoir comment ça se passe de A à Z.

Il était bête de croire qu'il parviendrait à tout allier. A allier sa carrière télévisuelle et sa vie personnelle, sans trop d'accroches. Pourtant, en entendant toute la froideur dans sa vie, il comprit que c'était un échec. Il ramena sa main vers lui, déviant le regard. Il ne devrait pas lui en vouloir, mais malgré tout, il sentit une pointe de déception s'emparer de lui. Elle savait que c'était important pour lui. Il lui avait répété à plusieurs reprises à quel point cette émission l'avait sauvé. Certes, elle n'avait pas toutes les informations, mais il s'attendait à ce qu'elle ait un peu plus confiance en lui. Il ne partait pas deux mois - durée d'un tournage - il faisait juste un saut express pour mettre fin à sa carrière, pour remercier les producteurs pour tout ce qu'il lui avait apporté. C'était un juste retour des choses. Eux, ils faisaient le buzz en annonçant le retour de Livio. Livio, quant à lui, clôturait le chapitre pour ne se consacrer qu'à sa marque et à sa famille. Après cela, il serait tout à elle. Rien qu'à elle. Il baissa la tête, penaud, quand elle lui lâcha que c'était le mauvais moment. "Tu aurais préféré que je parte quand le petit sera là ?!" demanda-t-il en secouant la tête. D'ailleurs, en parlant de petit, le bébé choisit ce moment pour se faire remarquer, donnant un sacré coup de pied dans le ventre de sa mère. Puis, Marlow entra en jeu. Le bébé, comme Marlow, semblaient sentir toute la tension émaner d'Aura à cet instant. Livio releva la tête et regarda sa petite amie quand elle parla de mutinerie. Le timing parfait laissait croire à une bien belle solidarité masculine. Mais peu importe ce qu'il en était, Aura sembla lâcher prise. Mieux encore, elle essaya de comprendre. "Normalement, nous n'avons les téléphones que les jours off. Mais pour moi, ça ne sera pas le cas. J'aurai mon téléphone avec moi H24, sept jours sur sept. J'ai juste une clause de plus dans le contrat qui m'interdit de parler avec d'autres personnes que toi." Pour éviter les fuites, évidemment. "Ils m'ont proposé de te faire venir, pour que tu sois à mes côtés. Ils ne savaient pas à quel point tu étais avancée dans la grossesse." C'était bête mais il avait envie de la convaincre que les producteurs n'étaient pas là pour leur mettre des bâtons dans les roues. "Tu veux savoir quoi d'autre ?"

Bien sûr que je savais que cette dernière émission était importante pour lui. Il m’avait déjà longuement expliqué à quel point la télé-réalité, aussi futile que cela puisse paraitre de l’extérieur, avait été bénéfique pour lui. Cela l’avait construit et permit, entre autre, de monter sa marque de vêtement aujourd’hui. Je savais que tout ça avait participer à faire de lui l’homme que j’aimais, mais une part de moi n’aimait pas l’idée de le voir jouer un rôle à la télé. Car j’avais déjà regarder ces émissions, je ne reconnaissais pas le Livio que je connaissais. Son attitude, sa manière de parler, même son sourire n’était pas le même. Ou peut-être était-ce simplement avec moi qu’il était différent. Peut-être, oui…J’avais peur de ça, peur de le retrouver changer. Et puis, il y avait le timing aussi.
— Non, j’aurais préféré…
…que tu restes avec moi. C’était ce que je voulais, mais je savais aussi que c’était extrêmement égoïste de ma part, aussi préférais-je me taire.
— Non, Leandro aura besoin de toi.
Après l’intervention de mon fils et de notre chien, je cédai et demandai à Livio de m’expliquer comment les choses allait se dérouler. J’étais déjà rassurée de savoir que je pourrais le contacter quand je le souhaitais. Sa production avait visiblement offert de me faire faire le voyage avec eux, mais, évidemment, prendre l’avion quand on était presque 7 mois de grossesse n’était pas envisageable.
— Qu’est-ce qu’on va te demander de jouer ? Est-ce que…
Une image passa dans ma tête, toutes les images en fait, celles de Livio et Giulia dans les show précédent, amis…amants ou amoureux. Je ne pourrais pas le supporter, même si c’était pour le jeu.
— Est-ce qu’il vont te demander d’être avec elle ? À l’écran ? Avec…d’autres ?

Livio aimait aller jusqu'au bout des choses. Il n'aimait pas abandonner en route. Et si d'ordinaire, cette détermination était une véritable qualité, elle n'était pas forcément la plus acceptable dans une telle situation. En réalité, il se sentait juste redevable envers ses producteurs. Redevable pour ce coup de main qu'ils lui avaient donné dans sa vie. C'était bête mais cette émission lui avait apporté tant de choses : de la visibilité, un tremplin pour sa marque, la sensation de ne plus être Livio le boulet que l'on mettait de côté plus jeune. Et puis, elle lui avait apporté l'amour. N'oublions pas que Livio était venu en Australie grâce à son émission. Sans cela, il n'aurait sûrement pas revu Aura et ils n'en seraient pas là aujourd'hui. Voilà pourquoi il était tant redevable. Sans doute devrait-il l'exprimer plus clairement afin d'être mieux compris. Mais Aura semblait complètement fermée, estimant que le timing n'était pas bon. Il ne serait pas mieux après, non plus, sous-entendit-il. "Tu aurais préféré quoi ?" demanda-t-il alors qu'elle n'était pas allée au bout de sa phrase. Toutefois, elle admit que Leandro aurait besoin de lui, par la suite. Leandro qui, accompagné de Marlow, permirent de faire pencher la balance en sa faveur. Plus ouverte à la conversation, Aura commença à lui poser des questions. Des questions auxquelles il répondait à coeur ouvert. "On ne nous demande pas de jouer, à proprement parlé. Ils nous demandent d'agir plus ou moins naturellement. Il faut juste forcer quelques traits de caractère." Celui qui était le pote amusant devenait le vrai clown dans l'émission. L'impulsif devenait le sanguin. La production faisait évidemment en sorte d'alimenter ces traits, en faisant venir des personnes avec qui les candidats ne s'entendaient pas, ou en ramenant des bombes anatomiques prêtes à faire des ravages. Livio, lui, c'était le colérique séducteur. Il avait eu des coups de sang mémorable. Il avait été celui qui brisait des couples. Le seul moment où on le reconnaissait, c'était quand il amenait sa bonne humeur, qu'il soudait le groupe fragilisé par les disputes. Mais ce qui semblait faire peur à Aura, c'était les tumultes amoureux évidemment bien présents dans ce genre d'émission. Il lui adressa un tendre sourire en entendant sa dernière question, venant prendre sa main dans la sienne : "Non, bien sûr que non. Tout le monde sait que je suis en couple, prêt à devenir papa. Je suis dans la catégorie des 'rangés' maintenant. Quand nous sommes dans cette catégorie, on ne nous cherche plus de problèmes. En gros, je vais être le daron de l'émission." A devoir surveiller ses potes et leur dire de ne pas trop franchir les limites. "Je sais que tu avais peur qu'ils évoquent ma paternité, que toi et Leandro soyez exposés. Du coup, on a convenu que j'annoncerai mon départ parce que je me lance dans de nouveaux projets de vie. C'est en quelque sorte la vérité, mais c'est dit de manière subtile." Il esquissa un léger sourire, gardant son regard sur elle. "Je ne veux pas que tu aies la boule au ventre par rapport à tout ça, par rapport à l'émission. Je sais que c'est effrayant mais sache que je te protège. Fais-moi confiance."

Mes craintes étaient là, toujours en filigrane. J’avais beau savoir que Livio m’aimait, il avait beau me dire que j’étais l’amour de sa vie, quand une femme pulpeuse comme Giulia, qui connaissait ses points forts comme ses points faible, débarquait, cela ébranlait toutes mes certitudes. Je me sentais plus fragile que jamais, parce que j’avais la sensation de perdre pied. J’avais la sensation que tout pouvait m’échapper, du jour au lendemain. Et cette émission de télé ne faisait qu’accentuer cette impression-là. Pourtant, Livio avait tout fait, jusque là pour me rassurer et il continuait de le faire, répondant à chacune de mes questions clairement et précisément. Je n’y connaissais rien en télé-réalité, en télé tout court d’ailleurs, c’était un monde complètement étranger pour moi. Les seuls échos que j’avais étaient ce que m’avait racontés Livio jusque là, autrement peu de chose puisque c’était un sujet que nous avions, au final, assez peu évoqué ensemble. Il me raconta donc, à nouveau en étant précis sur les détails, ce dont j’avais besoin - il le savait, il commençait à connaitre mon fonctionnement. Je l’écoutai, sans rien dire. Ses mots me rassérénant petit à petit, si bien que quand Livio saisit ma main, je ne la retirai pas. Je le laissai terminé, puis inspirai longuement après l’avoir patiemment écouté.
— Je te fais confiance.
Livio, au fil des mois, m’avait inculqué ça. Je savais aujourd’hui que je ne pouvais avoir aucun doute sur son honnêteté, et je savais qu’il agissait toujours pour notre bien à tous les deux, à tous les trois désormais.
— Mais, de mon côté, j’ai peur de ne pas savoir le gérer…même en sachant tout ça.
Je portais mon regard sur Livio, puis me redressai - ou plutôt essayai de me redresser tant bien que mal, gênée par mon ventre qui commençait sérieusement à prendre de la place. Avec la grâce d’un éléphant, j’arrivai à me hisser jusqu’à Livio pour finalement me blottir contre lui. J’avais besoin de ça, de ce contact.
— Egoïstement, j’aurais envie de te garder avec moi…mais je te l’ai dis aussi, je ne veux pas que tu aies de regrets…
et être ton boulet…
— J’aime pas l’idée qu’on nous vole un moment important de notre vie. Je sais…c’est que deux semaines, mais deux semaines pour un bébé, c’est beaucoup. Il grandit tellement vite…Je sais que tu prendras le premier avion s’il y a quoique ce soit, mais Rio-Sydney ça doit pas être un vol court…tu sais combien de temps de vol il y a ?

Il ne savait pas quoi faire pour la rassurer, pour lui dire qu'il avait la situation en main, qu'il avait pensé à tout. Il répondait à toutes ses questions, en donnant de nombreux détails, pour lui permettre de mieux appréhender ce monde qu'elle ne connaissait pas. Il était vrai qu'ils n'en avaient jamais vraiment parlé, tous les deux. Il savait qu'elle détestait l'image qu'il renvoyait dans cette émission, que c'était loin de ce qu'il était réellement. C'était presque devenu tabou entre eux. Livio avait finalement honte de lui dire que cette émission à la con lui avait apporté énormément de choses, de peur d'être incompris. Il en avait pourtant l'habitude. Sa famille, ses amis proches ne comprenaient pas ce qu'il trouvait de positif dans ce monde superficiel. Mais là aujourd'hui, il demandait juste à Aura de lui faire confiance. Il ne demandait pas à ce qu'elle le comprenne, mais juste qu'elle s'appuie sur lui. Alors quand elle lui affirma qu'elle lui faisait confiance, il sentit l'étau autour de son cœur se desserrer quelque peu. Il n'était pas non plus prêt à crier victoire, il se doutait qu'elle n'était pas totalement sereine, qu'elle avait des choses sur le cœur, des craintes enfouies. Des craintes qu'elle mit enfin à la lumière du jour. Il hocha doucement la tête quand elle lui affirma qu'en dépit de tout cela, elle n'était pas certaine de pouvoir gérer. Cela lui mit un coup, évidemment. « Je comprends. » dit-il, d'abord, lui jetant un regard pour qu'elle s'explique davantage. En voyant qu'elle essayait de se relever, son ventre lui faisant obstacle, il lui tendit son bras pour qu'elle prenne appui. Et alors qu'elle vint se blottir contre lui, il passa son bras autour d'elle, sa main se posant sur le bras d'Aura qu'il caressa tendrement. Il l'écouta dévoiler ses craintes, cet égoïsme qui n'était pas vraiment un égoïsme, cette peur qu'on leur vole ce moment précieux, cette peur qu'il se passe quelque chose. Pour ce point-là, la destination était un frein. Rio, c'était loin. Très loin. Trop loin. « Beaucoup. » dit-il simplement pour ne pas l'affoler. Il y avait plus d'un jour de voyage, en comptant les escales. Il lâcha un long soupir. « Tu as une solution à tout ça ? Tu veux que j'annule ? Tu veux que je revois le temps de séjour à la baisse ? J'ai l'impression que peu importe le choix, il y en aura un qui sera lésé. » Et c'était la sensation la plus désagréable possible.  

Je n’étais pas rassurée, c’était le moins que l’on puisse dire. Ce n’était pas vraiment à propos de ce qui pouvait se passer à Rio, car j’avais confiance en Livio, je connaissais ses motivations et ce que cette dernière saison représentait pour lui, nous en avions déjà suffisamment parlé. Même si, il y avait toujours une part d’inconnu et donc d’appréhensions, ce n’était pas la source première de mes angoisses concernant ces deux semaines que Livio passerait loin de moi. Blottie contre mon amoureux, trouvant du réconfort contre sa peau, dont je percerai la chaleur rassurante même au travers de ses vêtements, je tâchai de ne pas laisser ses peurs m’envahir. Malgré tout, je devais le verbaliser, au moins pour les laisser sortir et tout mettre à plat. Je fronçai les sourcils, malgré tout, en entendant la réaction de Livio. Je me redressai légèrement.
— Bien sûr que non, je ne veux pas que tu annules. Tu m’as dit à quel point c’était important pour toi…mais, comprends-moi, aussi…je galère ne serait-ce que pour lasser mes chaussures ! Cela dit, ce n’est pas une raison pour que tu renonces…il faut juste que je refoule mes angoisses d’être seule pendant deux semaines…

Il savait déjà qu'il n'allait pas partir complètement serein, mais en sachant que sa petite amie était angoissée, cela n'allait pas arranger la situation de Livio. Il se sentait tellement impuissant à cet instant, ne sachant pas comment l'apaiser, étant complètement tiraillé. Il était à deux doigts de tout laisser tomber. Ce serait tellement plus simple, même s'il savait qu'il aurait un goût d'inachevé. La gardant tout contre lui, il ne fit pas réellement attention au ton qu'il employa quand il lui demanda si elle avait une solution. C'était peut-être un peu brusque puisque Aura se redressa et le regarda, sourcils froncés. "Je te comprends, justement. C'est pour ça que j'essaye de voir s'il y a une solution qui nous conviendrait à tous les deux !" reprit-il en mesurant ses mots, cette fois-ci. Ses yeux bleus posés sur elle, il sentit son coeur se serrer de nouveau alors qu'elle confia cette angoisse d'être seule. "Tu n'es pas seule, mon amour." dit-il avec douceur. "C'est vrai, je ne serai pas là, mais tu ne seras pas seule pour autant. Tu as Fede. Tu as Leti. Tu as Daniella. Si tu as le moindre souci, je sais que tu peux aussi appeler Judas ou Noa. Si je pars, c'est parce que je sais qu'il y a quelqu'un sur qui tu peux compter. Et puis, comme je te l'ai dit, je serai joignable H24. Au moindre coup de mou, tu m'envoies un message et on se voit en visio." Il ne serait pas là physiquement, mais il allait faire tout son possible pour atténuer un peu son absence. "Vois l'avantage, tu vas avoir la maison rien que pour toi, tu vas pouvoir faire ce que tu veux, faire la larve et manger des glaces toute la journée. Tu devrais en profiter, après tu m'auras dans les pattes pour le reste de ta vie..." Il lui adressa un léger sourire empreint de douceur. Il essayait d'alléger l'atmosphère comme il le pouvait, mettant le doigt sur les quelques points positifs. "Et puis, on va se manquer. On n'a pas souvent eu l'occasion de le vivre." Il y avait bien la fois où Livio était resté à Sydney pour rester auprès de son ami accidenté, mais ce n'était pas le même contexte. Là, ils allaient prendre le temps de se parler à distance, de s'aimer à distance, de manquer de l'autre pour mieux se retrouver.

Livio trouvait les mots pour me rassurer. Il savait exactement quoi dire pour apaiser mes craintes et si je ne me sentais pas à l’aise à l’idée de rester seule le temps de son tournage, il mettait aussi le doigt sur une vérité : je n’étais pas seule du tout. Mon frère était là, et Léti. Il y avait aussi Daniella sur qui je pouvais compter. Bien sûr la séparation serait dure, mais je n’étais pas non plus livrée à moi-même.
— Oui, tu as raison, dis-je en me blottissant un peu plus contre lui.
Livio avança que je devais voir les avantages dans tout ça, notamment celui d’avoir la maison pour moi toute seule, je levai les yeux au ciel puis ris. Je me fichais bien d’avoir la maison pour moi, je savais que le manque de lui serait plus fort que cette petite liberté-là. Mais je ne voulais pas être égoïste et le retenir. J’avais compris qu’il avait besoin de vivre cette aventure, et je respectais son choix.
— C’est vrai qu’on va se manquer…
Je gardai le silence un moment, entourait de mes bras le biceps de Livio et calai ma joue contre son épaule, puis soupirait doucement.
— Deux semaines, c’est quand même long…

fini