let them eat cakes ! (livio)

Les nuits, depuis quelques temps, étaient de plus en plus douces, et surtout complètes. Léandro commençait doucement à faire ces nuits, pour notre plus grand bonheur à Livio et moi. Ce matin-là, j’entr’ouvrai les paupières et me rapprochai presque aussitôt de mon amoureux dans le lit, pour venir l’enlacer. Je nichai mon visage dans son cou et m’imprégnai de son odeur. Je demeurai là un instant, profitant de la douceur du moment. Puis je relevai le visage, croisai le regard de Livio, esquissai un sourire puis déposai enfin un baiser sur ses lèvres. La tranquillité fut de courte durée puisque ce fut ce moment-là que les petits pleures de notre bébé, nous parvenant grâce au babyphone sur la table de chevet, vint troubler. Le sourire toucher accroché aux lèvres, je soupirai.
— Je m’occupe du petit monstre, tu t’occupes du café ? proposai-je à Livio.
Je me levai enfin, et, enfilant mon peignoir en soie, je me dirigeai vers la chambre de mon fils. Moins de cinq minutes plus tard, nous rejoignîmes Livio dans la cuisine. Leandro avait séché ses larmes et suçait son pouce, la tête posée contre ma poitrine. Je remerciai Livio pour le café qu’il venait de préparé et dont l’odeur emplissait délicieusement la cuisine. Nous nous installâmes au salon, et sirotant notre café tous les deux tandis que je donnais son biberon à notre fils.
— Tu savais que la jumelle de ton pote Jules était pâtissière ? J’ai vu ça sur instagram, on pourrait peut-être lui demander de faire le gâteau pour le mariage…

@livio manzoni

Les choses commençaient à se tasser. Leandro dormait plus paisiblement. Livio commençait à trouver son rythme avec le travail au haras et les aides ponctuelles qu'il apportait à Aura à la boutique. Elle aussi prenait doucement ses repères et c'était beau de la voir s'épanouir de jour en jour dans le métier d'antiquaire. Oui, tout se tassait. Mais malgré tout, les nuits de Livio n'étaient pas aussi reposantes. Il pensait à 1000 choses en même temps et le stress du mariage n'aidait en rien. Clairement, il était dépassé. Heureusement que Aura était derrière lui à lui rappeler – notamment – quand le rendez-vous avec le traiteur avait lieu ou les prestataires qu'il devait rappeler. Ce matin-là, il était déjà en train de faire le point sur sa journée, sortant peu à peu de son sommeil, quand Aura, elle aussi réveillée, vint lui offrir un moment de douceur en venant se blottir dans ses bras. Ce n'était que quelques minutes mais qui leur faisaient beaucoup de bien. Quand Leandro fit savoir qu'il était réveillé, il rendit son baiser à sa fiancée et hocha la tête pour le café. « Tu vois, je ne suis pas le seul à l'appeler le monstre. » dit-il en riant. Mais c'était affectueux. A son tour, il se leva, l'esprit un peu dans le brouillard, descendant dans la cuisine pour ouvrir la grande baie vitrée afin que Marlow aille se dégourdir les pattes. Minerva, quant à elle, se frotta entre ses jambes, poussant Livio à l'enjamber pour éviter de se casser la figure. Quand il disait que cette chatte voulait le tuer... Il mit en place la cafetière italienne, surveillant la montée du café avec attention. Les premières effluves se faisaient déjà sentir quand Aura arriva avec Leandro. Livio déposa un baiser sur la tête de son bébé puis servit le café, accompagné de tranches de pain grillés. Installés dans le salon, Leandro engloutissant son biberon, Livio beurrant sa tartine, ce dernier releva la tête quand Aura lui parla de la jumelle de Jules. « Je crois qu'il m'en avait parlé, ouais. » Ami de pacotille, oui. Il regarda Aura pour savoir où elle voulait en venir – précision : il n'avait pas encore bu son café et était toujours dans le coaltar – et hocha la tête quand elle parla du gâteau. « Si tu veux, oui. » Le gâteau. Il avait complètement zappé le gâteau. « On peut la contacter pour voir ce qu'elle peut nous proposer. » Il tendit une tartine à Aura puis but une gorgée salvatrice de son café, avant de reprendre, en se pinçant les lèvres : « Tu sais qu'il faudrait qu'on parle des invitations ? Et du plan de table, aussi... » C'était surtout le volet des invitations qui risquait d'être houleux, notamment l'invitation d'une personne, en particulier. « Je me posais des questions par rapport à Giulia. » dit-il, presque sur ses gardes.

Notre petit monstres commençait à nous donner du répit, à faire des nuits plus longues, son dernier biberon avalé à 22h, il ne réclamai le suivant qu’aux alentours de 8h du matin. Cela nous changeait des réveils toutes les trois heures. Leandro, en revanche, ne faisait toujours pas la sieste, ou très peu, mais il ne fallait pas être trop gourmand. Mon fils et moi descendîmes rejoindre Livio et, en famille, nous nous installâmes au salon pour prendre le petit déjeuner. Leandro se jeta sur son biberon. L’odeur du café emplissait la pièce, une vraie torture, je ne pourrais boire le mien qu’une fois mon fils rassasié. Heureusement pour moi, Livio me prépara une tartine dont je croquai rapidement un morceau. Mon regard fixé sur mon fils, j’entamai la conversation en évoquant la soeur jumelle de Jules, l’un des potes de Livio dont nous avons fêté l’anniversaire récemment. Charlie étant pâtissière, cela me semblait une bonne idée de lui proposer de réaliser notre gâteau de mariage, dont Livio et moi n’avons pas encore discuté.
— Je vais lui envoyé un texto, proposai-je.
J’embrassai le crâne de mon fils et en profitant pour recoiffer doucement le petite frange qui était en train de se former sur son front. Ce fut ce moment là que Livio évoqua le sujet délicat du plan de table, et un deuxième sujet encore plus délicat : l’invitation de sa meilleure amie et ex petite amie : Giulia. Je pris quelques secondes avant de réagir.
— Il est malin ton papa, dis-je à Leandro, il compte sur ta bouille d’ange pour m’attendrir.
Je relevai le regard vers Livio sans trop savoir quoi dire. Giulia comptait pour lui et je n’avais pas envie qu’il ait à choisir. Je savais qu’elle était importante pour lui, et si j’avais conscience qu’il n’existait plus rien de sexuel ou romantique entre eux, il substituait une petite pointe de jalousie que je ne parvenais à maitriser.
— Qu’est-ce que tu veux que je te dise, Livio, je vais pas t’interdir de l’inviter…

Plus les jours avançaient et plus Livio avait l'impression que la liste des choses à faire pour le mariage s'allongeait. Et cela était stressant, surtout pour un maniaque du contrôle comme lui qui, clairement, ne contrôlait plus rien. C'était à croire que ses compétences de gérant d'entreprise avaient coulé en même temps que sa marque... Les yeux posés sur sa fiancée et son fils - scène qui l'attendrissait toujours autant - l'italien n'eut qu'un haussement de sourcils quand Aura lui parla du gâteau. C'était dans ces moments-là qu'il remerciait Aura, ses to-do lists et sa capacité à faire des liens pour leur futur mariage. En l’occurrence, le lien, ici, c'était Charlie, la jumelle de Jules, pâtissière de profession. Il hocha la tête aux mots d'Aura. "Oui, et selon la réponse, on lui fera des propositions." Au moins, cela lui laissait un peu de temps pour chercher ce qui pourrait leur convenir. Mais puisqu'ils parlaient mariage, Livio en profita pour rebondir sur un sujet houleux. Les invitations. Enfin, pas les invitations en général puisque la plupart avait été envoyées, mais une invitation en général : celle de Giulia. Aura mit quelques secondes à réagir, ce qui ne rassura pas vraiment Livio qui se demanda si c'était le calme avant la tempête. Puis, elle parla à Leandro, mettant en avant le fait que son père l'utilisait sans vergogne pour adoucir la tempête Luciano. "Pas du tout !" s'exclama-t-il de mauvaise foi. Certes, il espérait que Leandro l'aide, mais ce n'était pas sa volonté première d'utiliser leur fils. Mais quand elle releva le regard vers lui, on sentait que Livio ne faisait clairement pas le malin. Il craignait qu'une nouvelle fois, Giulia soit une cause de dispute. Il ne savait donc pas comment prendre la dernière phrase de la belle brune. Il tenta d'analyser son visage afin de déceler d'éventuels sous-entendus qui diraient N'insiste pas ou change d'avis, de suite. Mais elle était impassible. L'italien lâcha un soupir, passant sa main dans ses cheveux déjà ébouriffés, comme à chaque fois qu'il était mal-à-l'aise. "Je ne dis pas que tu vas m'interdire de l'inviter, mais je veux que tu sois à l'aise avec l'idée. Je n'ai pas envie que sa présence te dérange. C'est notre mariage, tu as autant ton mot à dire." Il marqua un temps d'arrêt avant de reprendre : "ça te gênerait si je l'invitais ? Sois honnête, s'il te plaît..."

Organiser un mariage, c’était quelque chose, il fallait avoir la tête partout et on avait constamment le sentiment d’oublier quelque chose, quand bien même Livio et moi étions organisés. Le gateau, typiquement, était quelque chose que nous avions oublié, ou du moins que nous avions remis à plus tard, alors en apprenant que la soeur jumelle de Jules, ami de Livio, était pâtissière, j’y avais vu l’opportunité idéale.
— Je me charge de ça, dis-je avec un sourire à mon amoureux.
Je déposai un baiser sur le crâne de mon fils tandis qu’il engloutissait son biberon. Ce fut ce moment là que Livio choisit pour évoquer un sujet sensible : Giulia. Je soupirai longuement. Je n’avais pas envie d’être celle qui refusait catégoriquement qu’il invite sa meilleure amie, je n’avais pas envie d’avoir ce rôle là, seulement, voilà…Giulia n’était pas seulement une amie, elle était aussi cette ex avec qui il avait tant partagé et une femme qui n’avait pas toujours été tendre avec moi (et je le lui avais bien rendu d’ailleurs). Si les choses s’étaient calmé entre elle et moi, elles n’étaient pas apaisées pour autant.
— Je me sens…tiraillée, parce que je sais qu’elle compte pour toi, et que tu tiens à ce qu’elle soit là…mais ce serait mentir si je te disais que j’étais parfaitement à l’aise avec cette idée.
Je marquai une pause et recentrai mon attention sur mon fils que venait de terminer son biberon. Je le redressai pour l’aider à faire son rot.
— Et tu penses qu’elle accepterait de venir ? demandai-je posément.

Il hocha simplement la tête quand elle lui affirma se confier du gâteau, de prendre contact avec la sœur jumelle de Jules. Aura avait sûrement déjà des idées en tête et il lui laissait clairement le champ libre. Ils aimaient plus ou moins les mêmes choses alors il lui faisait pleinement confiance. Pour être honnête, Livio avait d'autres idées en tête et cela concernait notamment la liste des invités. Une invitée en particulier. Giulia. Regardant Leandro, dont il se nourrit de la sérénité, Livio se jeta dans la fosse aux lions, attendant la réaction de sa fiancée. Elle n'était clairement pas emballée, cela se voyait. Malgré tout, elle ne voulait pas être celle qui lui interdisait de l'inviter. Alors, Livio opta pour une autre stratégie afin de savoir comment elle voyait réellement la chose. Il se sentit mal en comprenant qu'elle était tiraillée. "Je le suis aussi." murmura-t-il d'abord, l'écoutant ensuite avouer qu'elle n'était pas vraiment à l'aise avec l'idée. "C'est tout ce que je voulais savoir." dit-il dans un soupir. Ce n'était pas le mariage de Livio. C'était le mariage d'Aura et de Livio. Il était normal que chacun se sente à l'aise. A sa question, il haussa les épaules : "Je ne sais pas du tout. Mais au moins, elle aurait été invitée." Vu comment il en parlait, la décision semblait prise. "Enfin, ça ne sert à rien de tergiverser. Elle ne sera pas sur la liste." Il ajouta ensuite pour ne pas la faire culpabiliser : "Je veux que tu sois à l'aise le jour de notre mariage, que tu sois entourée des gens dont tu as besoin. C'est tout ce qui m'importe." Mais au fond, on voyait qu'il était impacté, qu'il était attristé. Livio ne le disait pas, mais il se sentait seul, terriblement seul. Avec Enzo, ils n'avaient pas totalement retrouvé leur complicité. Il avait des amis, oui, mais venant d'Italie, il ne lui restait plus que Gigi. Mais la décision était prise. Ne voulant pas se prendre la tête davantage, il se releva, café en main. "Si tu me cherches, je serai dans le garage. Faut que je finisse ma moto..." A cet instant, c'était surtout un moyen pour lui de s'exiler, d'atténuer sa tristesse en s'occupant l'esprit. Il déposa néanmoins un baiser sur la tête de Leandro puis sur celle d'Aura avant de quitter la pièce, sans le moindre mot.

Fin