two lonely souls (nikora)

Les cartes ne mentent jamais. Mais devant son tirage, Sara restait tout de même dubitative. Elle ne comprenait pas tous les signaux que son jeu de tarot lui envoyait et, peut-être, ne devait-elle pas remettre son destin entre les mains de son interprétation des astres. Il y avait tout de même des informations marquantes dans ce tableau. La carte de la force et celle de l'amoureux qui étaient sorties en premier, par exemple. Il y avait aussi celles du pendu, de l'impératrice et de la maison dieu qui portaient à confusion, présageant à court et à long terme des changements et des transformations essentielles dans la vie de la brune et, aussi, un nouveau départ. Le voulait-elle, de ce nouveau départ? Il y avait tellement de choses, dans les dernières semaines, qui étaient venues déstabiliser son quotidien si routinier de base, mais que fallait-il en comprendre ?

Elle n'allait pas rester là, devant son tirage, toute la soirée. Puis, Hugo, allait finir par rentrer du boulot et Sara n'avait, actuellement, aucune envie de le regarder dans les yeux. Elle avait besoin de remettre de l'ordre dans son quotidien avant tout. Rangeant le jeu de cartes et le foutant dans son sac à main, elle passa la pas de la porte se dirigeant d'abord dans une boutique de crème glacée artisanale où elle acheta deux pots : du sorbet à la framboise et de la crème glacée pâte à biscuits. Avec les deux pots congelés, elle fit un trajet plus ou moins long avant de s'arrêter devant la villa de Niko où elle toqua sans même s'être annoncée à l'avance. Et comme ce n'était pas réellement dans leurs habitudes d'attendre une réponse positive pour entrer, Sara se permit d'ouvrir la porte. En mettant une main devant ses yeux et en avançant dans la maison, elle haussa le ton : « Nikoooooo ? J'espère que t'as pas les caleçons baissés et que j'n’interromps pas un truc ! », gloussait-elle en le cherchant dans la maison. « J'ai emmené de la glace et mon tarot. Je sais que tu le surnommes mon taré, mais je te jure que ça marche les cartes ! »

Nikolaj avait passé l’après-midi devant son ordinateur portable, à créer de toutes pièces un nouveau site internet pour un client. Ça allait lui prendre des plombes de boucler ce projet, mais il avait pas mal d’idées et était plutôt content du côté challengeant de ce qu’on lui demandait. Il avait bien avancé et après avoir terminé ses heures et pris une douche, il avait passé un moment sur son téléphone, à causer sur le Bowen Bowtie. Cette appli’, c’était quand même cool. Il aimait bien rencontrer des filles de façon plus naturelle aussi, sans passer par un écran, mais au fond, tant qu’il en rencontrait et parvenait à ses fins, le moyen utilisé lui importait peu. Des conversations étaient laissées à l’abandon, d’autres étaient plus fructueuses. Y avait cette fille qu’il avait déjà vu deux fois, et à qui il proposa sans hésitation de passer visiter sa piscine, si l’envie lui prenait. Réponse positive, et trente minutes plus tard, deux coupes de champagne posés sur le bord de la piscine – champagne piqué à Mads, mais elle ne lui en tiendrait pas rigueur, il se ferait pardonner -, ils étaient nus dans l’eau claire, occupés à une activité plutôt chaude. Fallait croire que c’était un bon jour, parce que l’Islandais n’eut pas de problème, comme ça arrivait parfois, à la satisfaire. Heureusement, et ça n’était encore jamais arrivé avec elle, parce que ça avait tendance à mettre le garçon de bien mauvaise humeur, enchaînait souvent sur une conversation moins physique et plus négative, et ça signifiait la fin de la relation de toute façon éphémère. Elle, il pourrait sans doute encore la revoir. Une voix résonnant dans la maison, s’engouffrant jusqu’à eux par la baie vitrée ouverte, les tirèrent de leur rendez-vous charnel. Pas gêné pour un sou, Niko répondit après un clin d’œil à sa conquête : « Deuxième option, Sara ! Mais tu peux te joindre à nous, à défaut de nous interrompre ! » cria-t-il en réponse avant de rire tout seul, devant l’air moyennement amusé de la fille qui avait commencé à se rhabiller en vitesse, après s’être sommairement séchée. "Tu me passes mon caleçon, babe ?" demanda-t-il à la jeune fille, qui avait bien compris qu’il était temps pour elle de partir. Elle passa en coup de vent devant Sara qui parvenait jusqu’à la terrasse, alors que le brun venait de remettre son caleçon, le torse encore mouillé de perles d’eau. « Ça marche surtout pour faire fuir mes dates ! Du coup, c’est assez utile, j’te l’accorde. » fit-il en s’approchant d’elle, avec cet habituel sourire narquois et aussi ravageur que suffisant.

Les cartes ne mentaient jamais, bis. Mais à force de les interpréter, Sara ne cessait de se ressasser les erreurs qu'elle avait commises. Et des erreurs, dans les dernières semaines, elle en avait commis quelques-unes. Certaines moins graves, d'autres un peu plus irréparables. Elle avait d'abord complètement merdé concernant le jour du défilé de Livio. Heureusement qu'elle avait su rattraper sa bourde. Puis, elle avait fait la connaissance d'une belle brune lors d'un cours de yoga chaud qui ne l'avait pas laissée indifférente, remettant en doute tout ce que Sara connaissait. S'était ajouté à ça, des doutes sur ses sentiments vers Hugo qui l'avaient mené à s'inscrire sur l'appli de rencontre BBT.. Avec la photo d'une fille trouvé sur internet. Et si ça pouvait s'arrêter seulement à ça, mais non. Il avait fallu que Sara rencontre un garçon, qu'elle veuille le voir et qu'elle y pense parfois en fermant les yeux. À lui, à cette Maé aux yeux envoutants, mais pas à Hugo... Il fallait clairement lui mettre des oeillères.

À force de trop penser, elle devenait misérable. Et elle avait clairement besoin d'une cure de rafraichissement et de changement d'idées qu'elle trouverait auprès de Nikolaj. Enfin, c'est ce qu'elle s'était imaginé. Mais avec le jeune homme, il fallait s'attendre à tout et n'importe quoi. Elle le connaissait par coeur, et s'il était à la maison, il y avait bien des chances qu'il ne soit pas seul. Et, évidemment, elle avait frappé en plein dans le mile. « T'aimerais trop ça », criait-elle à son ami alors qu'elle s'avançait prudemment dans la maison, sans trop avoir envie de le voir se rhabiller. En vérité, elle le traiterait sans doute de con dès qu'ils seraient seuls. Elle le trouvait con, mais drôle. Mais clairement que la date de Nikolaj ne trouvait pas ça marrant, elle qui passait à moitié habiller près de la potière qui, elle, passait le pas de la porte-jardin. « T'façon, tu allais vraiment la rappeler ? », demandait Sara quand la jeune femme fut sortie. « Elle est pas si belle, Niko... » Sara souriait, narquoise elle aussi, s'approchant de son ami qu'elle salua d'un bref bisou sur les lèvres. C'était leur façon de se dire bonjour, sans ambigüité, sans dérape. « Tu l'as rencontré où, celle-là ? C'était pas la femme de ménage, j'espère ! », gloussait la brune. « Tu me racontes ça autour d'un bol de glace? » De la glace, elle en avait besoin.

Heureusement que Sara le connaissait depuis longtemps, et trop bien. N'importe quelle autre personne aurait sans douté été scandalisée et mise extrêmement mal à l'aise par cette situation. Enchaîner des filles et les congédier en un rien de temps, le brun savait le faire et il l'assumait parfaitement. Chose qui ne plaisait clairement pas à tout le monde, et il pouvait bien voir pourquoi. Mais il s'en fichait. Par chance, il comptait dans ses amis des personnes qui ne lui en tenaient pas rigueur et ne le sermonnaient pas sur son sens moral douteux. Il ricana à la réponse de Sara, alors que son amie du jour se rhabillait en vitesse et que lui enfilait au moins quelque chose pour cacher son intimité. Même si franchement, être à poil devant la jeune femme ne l'aurait pas dérangé. Mais bon, un peu de décence tout de même, et il savait qu'avec la brune, rien de la sorte ne se passerait. Il avait pourtant tenté, auparavant, mais même lui savait déclarer forfait, parfois. « Peut-être bien. C'était déjà le troisième rappel. Mais t'as raison, c'est sans doute mieux d'arrêter là. Ash va encore criser. » répondit-il avec un haussement d'épaules, décochant un regard amusé à son amie, avant d'aller dans son sens. Sara connaissait bien son histoire avec Ashlee, seule femme récurrente dans sa vie qui était plus qu'une amie. Il pouffa de rire à la remarque de la belle potière sur le physique de sa dernière conquête, et secoua la tête. « Non, mais c'est un second très bon argument pour en engager une. » acquiesça-t-il en sifflotant. Il avait pas de limites, ce type, c'était effrayant. « Bien sûr. Tu veux quel goût ? Mads a fait des réserves, j'crois. » dit-il en se dirigeant à l'intérieur vers le congélateur. « J'nous sers un verre, aussi ? Histoire de m'assommer pendant que tu m'raconteras tes cartes. » lui cria-t-il de l'intérieur, riant pour lui-même.

Évidemment qu'elle ne lui en tenait pas rigueur. Niko était libre de ses fiats et de ses gestes. Ils ne partageaient pas les mêmes valeurs sur tous les points, n'avaient pas le même genre de lien avec les relations amoureuses, mais c'était ce qui faisait la beauté de leur relation toute en respect : la différence. Si Sara ne commentait pas les rendez-vous à répétition de Niko, lui ne commentait pas la longitude de son couple. Et c'était bien ainsi. Ils étaient complémentaires. « Ash? Elle ne s'est pas encore enfuie après le temps? », gloussait Sara, se moquant gentiment de Niko et de sa peur de l'engagement. « Fais attention mon chat, je n'ai pas envie de venir te tirer aux cartes dans la salle de visite de la prison après avoir été accusé de harcèlement sur une employée ou d'abus de pouvoir », le mit-elle en garde avec humour avant de proposer de l'entendre parler sur cette rencontre, cette femme qu'ils avaient tous les deux vus nue, Sara bien malgré elle. Ils partageait ça à présent, elle voulait tout savoir. Et, surtout, ça la tenait éloigner de ses propres soucis. « Fraise », demandait-elle en hésitant. « Prends chocolat aussi », ajoutait-elle à la dernière minute, avant de renchérir sur la question de son ami. « Pourquoi pas. T'inquiètes, j'te rabâcherai pas les oreilles sur mon tirage.. Mais si tu veux, je peux en faire un pour toi. »

Un air faussement angélique et malicieux, qui en disait long, suffisait à répondre à la question de Sara. Oui, Ash était encore là. Et son ego en était particulièrement satisfait. Bon, ça devait être la même dans l’autre sens. L’Islandais pouvait tout aussi bien être aux pieds de la sulfureuse rousse aussi, d’une période à l’autre. Mais il était vrai que ces derniers temps, c’était lui qui avait mis de la distance, qui la ghostait une fois sur deux et se barrait surtout du jour au lendemain sans trop rien dire. Mais après autant d’années, Ash était toujours là. Et Niko aussi, d’ailleurs. « Elle devrait, mais faut croire qu’on est aussi cons l’un que l’autre. » rétorqua le garçon avec un haussement d’épaules. Toxique était la définition simple et parfaite de leur relation. Il n’en fallait pas plus pour les décrire. D’accord, explosif était un bon adjectif aussi. « Moi, harceler quelqu’un ? T’sais très bien que je suis trop charmant que pour avoir besoin d’en arriver là avec qui que ce soit. » Franchement, il était à baffer. Ce sourire arrogant et franchement amusé n’arrangeait rien. Partant chercher la glace demandée par Sara, et gloussant en l’entendant rajouter rapidement qu’il pouvait prendre un deuxième goût, Niko prépara deux magnifiques coupes. « Chantilly ? » s’écria-t-il de la cuisine, à travers la baie vitrée ouverte. Revenant avec les deux coupes de glace et une bouteille de rosé, ainsi que deux verres à vin, il leva les yeux en ciel en exagérant le désespoir quand son amie lui parla de lui tirer les cartes. « Ce que je ferais pas pour toi… » souffla-t-il, toujours dans son rôle de martyr. Quel petit con, quand même. Mais la belle brune savait parfaitement qu’il était né pour faire chier son monde, et qu’elle ne devait pas le prendre personnellement. Et qu’il pouvait l’écouter parler de ses cartes pendant une heure s’il le fallait vraiment. Parce que c’était son amie, une amie proche, à qui il était heureux d’accorder son temps et son oreille. Et elle le lui rendait bien, malgré que Niko puisse être vraiment usant et insupportable. « Non mais d’accord. Sait-on jamais que tu m’annonces que je vais mourir demain. » se ravisa-t-il avec un petit clin d’œil et un sourire en coin amusé. En vrai, avec son cœur, ce n’était pas impossible. Bon, il était bien vivant, mais plus propice que d’autres à se prendre une attaque cardiaque à même pas 30 piges.