#7 - When I run out of road, you bring me home (owlia)

A croire que ces derniers mois, Gigi vivait la vie d’une autre. En dehors des multitudes disputes avec Livio, elle était sur son petit nuage. Sa relation avec Owen était belle, unique, en résumé, en parfaite osmose.

Ce soir-là, il l’avait prévenu qu’il la rejoindrait dans son lit après sa soirée avec Freja. Il avait la clé de son appartement, qu’elle considérait à ses yeux un peu comme le leur à tous les deux car Owen l’avait bien aidé à l’installer dans ce cocon. De plus, elle le réclamait à venir peut-être un peu trop, mais le manque de lui se faisait vite ressentir quand il dormait à la grange.

Ensommeillée, elle entendit la voix d’Owen accompagnée de son accent britannique qu’elle chérissait tant. Il lui arracha un sourire, un parmi des milliers depuis qu’elle le connaissait. Elle frissonna au contact de ses lèvres contre sa joue et se retourna doucement pour se blottir contre le papillon tatoué sur son torse. J’ai le droit de dire que tu m’as manqué ? souffla-t-elle en lui parsemant de baisers jusqu’à atteindre sa bouche. Elle posa ses yeux sur les siens. Ça va ? demanda-t-elle dans un murmure.

Owen venait de la rejoindre dans leur lit, alors instinctivement Giulia se retourna pour se lover contre lui. Elle s'imprègna de son parfum avant de pouvoir ouvrir les yeux. Un sourire se dessina sur ses lèvres à ses douces paroles. Ils ne se quittaient presque plus et pourtant ils se manquaient l'un et l'autre. Puis son sourire s'effaça peu à peu au silence qui suivit sa question. Elle comprit tout de suite qu'il n'allait pas bien. Et elle eut raison car Owen resta évasif. Il avait beau prétendre que ça allait mieux quand elle était là, son cœur se serra. Qu'est-ce qu'il y a? demanda-t-elle, fronçant les sourcils. Elle se redressa pour se mettre à sa hauteur, cherchant son regard. Si il pensait que Gigi n'insisterait pas, il se trompait. L'italienne avait un mauvais pressentiment. Dis pas de bêtises, tu ne m'embêtes jamais. assura Gigi qui ne pouvait plus cacher son inquiétude dans le ton de sa voix. Il glissa une main dans ses longs cheveux désordonnés et lui souffla délicatement qu'il l'aimait. Son cœur battait toujours autant la chamade quand il le lui disait. À croire que ce n'était qu'un rêve et qu'aucun miracle ne s'était produit.  Pourtant il était là son beau britannique, à l'aimer et à la chérir.  Moi aussi je t'aime. murmura-t-elle lentement, mais ne parvint qu'à  lui offrir un mince sourire. Dis-moi, s'il-te-plait... implora-t-elle alors que ses yeux ne faisaient que fixer le bleu des siens.

Inquiète, Guilia insista. Elle aurait dû s’y attendre, elle le savait qu’un jour Owen finirait par être atteint des médias. Peut-être avait-il lu des commentaires virulents sur insta à son propos. Oh amore souffla Gigi d'un air attendri. J'aimerais t'apporter une réponse mais malheureusement j'en sais rien.   admit-elle en posant sa main sur l'épaule juste pour avoir un contact physique. Il y a neuf ans qu’elle appartenait au milieu de la téléréalité et elle avait fini par se forger une carapace face aux critiques. Tu sais... Quand j'ai commencé la télé, je n'avais rien à perdre. J'étais jeune, sans attache et j'étais une vraie grenade. dit-elle les yeux rivés sur le magnifique papillon tatoué sur son torse. Elle y glissa ses mains, pensive. Owen ne serait jamais tombé amoureuse de cette fille-là, songea-t-elle. Personne ne pourrait d’ailleurs, elle était bien trop instable. Elle se montrait si différente en sa présence, et ça dès leur première rencontre. A croire que le coup de foudre lui était vraiment tombé dessus.   Avec toi je me sens bien. Je n'ai pas le sentiment que je dois me protéger. essaya-t-elle de s’expliquer. La Guilia qu’il avait en face de lui était l’authentique, celle qui n’avait pas besoin d’être sans cesse sur la défensive. C’était la douce, la sensible, la fragile. Elle n’avait rien à voir avec celle qu’on pouvait voir à l’écran. Apercevant les larmes dans ses yeux, elle ressentit le poids d’une menace. C'est trop pour toi, c'est ça? lui demanda-t-elle le cœur qui battait la chamade. Elle regretta aussitôt d'avoir posé cette question, qui ouvrait la possibilité à la fin de leur relation. En une seule fraction de seconde elle vit son monde s'écrouler.

Il avait l'esprit poétique, Owen, c'était un être doux. Gigi espérait ne jamais assombrir son innocence, et pourtant la triste réalité était telle que ses fans étaient aussi nombreux que ses persécuteurs. On ne l'aimait ou ne l'aimait pas, Gigi. Dans les yeux d'Owen, elle lisait qu'il lui portait un amour passionné. Elle le regarda d'un air davantage attendri, résistant à l'envie de l'embrasser fougueusement. Ainsi elle lui confia qu'avec lui elle ne ressentait pas le devoir de se protéger, ce qu'il confirma aussitôt.  Je sais. Et tu sais à quel point c'est précieux pour moi? T'es devenu bien plus qu'un amant, un ami, un amour. Tu représentes bien plus pour moi. murmura-t-elle doucement, le regard intense. Leurs mains s'entrelacèrent tandis que qu'Owen lâcha ce qu'elle craignait depuis un moment. La pression médiatique pesait bien trop lourde pour les épaules du britannique, dont la téléréalité était un monde totalement inconnu pour lui. Gigi vit ses propres yeux s'embuer de larmes en voyant celles d'Owen. Cela lui brisait le coeur de le voir si bouleversé. Sans plus attendre elle le prit dans ses bras, parsemant de petits baisers sur ses cheveux. T'as pas à me protéger. assura Giulia d'une voix tremblante. La peur qu'il la quitte la transperçait. Elle eut l'impression qu'une pierre lui tombait dans l'estomac. L'effort de retenir ses larmes devenait insoutenable. Tout ce qu'on raconte sur moi, ça ne m'atteint pas. Y'a que toi qui compte, toi et c'est tout. lui dit-elle précipitamment.  Elle n'avait aucune idée de comment le rassurer. Depuis ses dix-huit ans elle avait appris à ignorer les messages de haine sur les réseaux sociaux, jusqu'à les filtrer et parfois même à signaler les faux profils. En dehors de tout ça, Gigi avait vécu la solitude. Ses carences affectives durant son enfance l'avait aidé à forger son caractère. C'est pourquoi elle ne savait quelle était la clé, la solution aux tourments d'Owen.

Owen ne faisait que prouver son bon cœur, une fois de plus. Les commentaires haineux avaient donné raison de lui et Gigi ne savait pas comment le rassurer elle qui y était habitué depuis tant d'années. Il avait blotti sa tête contre elle, Gigi sentit les larmes couler sur sa peau et cela lui brisait le cœur de le voir ainsi. Quand il allait mal, elle allait mal. Ils se sont aimés très vite et très vite aussi partageaient bien plus qu'une simple relation. Elle ne croyait plus au coup de foudre et pourtant elle l'avait eut pour lui, à en traverser l'océan juste pour le retrouver et rester. Ce n'était qu'une épreuve à surmonter, songea t-elle, même si elle ne comprenait pas qu'il ait tant envie de la protéger.  Je n'en ai pas besoin. assura Gigi qui continuait de le parsemer de baisers sur ses cheveux ébouriffés. Mais la promesse qu'il lui demandait la fit hésiter. Elle ne voulait pas mentir Gigi et elle n'y arrivait pas auprès d'Owen. Ça m'atteint un peu. Juste un peu. Parfois, quand ça va pas, quand ça t'atteint toi, oui. avoua t-elle sans pouvoir lui faire une telle promesse. Mais depuis que je suis avec toi, je suis en paix. Tu me fais sentir bien.  Pas sûr que cela rassure le britannique mais au moins elle était sincère. La colère d'Owen, si inhabituelle, alerta Gigi. Elle posa une main sur sa joue et ferma les yeux. Te rends pas malade pour ça, amore. Peu importe ce qu'ils disent. Le plus important c'est toi. C'est nous. Tu crois pas à ce qu'ils disent, pas vrai? Tu me fais confiance? s'inquiéta Giulia qui connaissait les rumeurs sur éventuellement une liaison avec Livio pendant l'émission.

Owen était habituellement quelqu'un de solaire, souriant, bienveillant, que Gigi ressentit son mal-être comme son propre échec de rendre quelqu'un d'heureux. À croire qu'elle condamnait le malheur à tous les gens qu'elle aimait. En effet, elle aimait Owen à en perdre la raison. Elle avait d'ailleurs chamboulé tous ses plans juste pour lui alors qu'elle venait de le rencontrer. Pas une seule seconde elle le regrettait, depuis, ce qu'ils vivaient étaient tellement intense. Donc Gigi ressentit sa souffrance tout aussi intensément qu'elle recevait son amour. Face à son mince sourire et l'appelation de son nom, elle fronça les sourcils Non, ne m'appelle pas "Giulia" comme ça. implora-t-elle en entendant ses mots comme une alerte, un mauvais présage.  Appelle-moi Giulia quand je suis sur toi, quand tu es sur moi, ou même quand je t'énerve mais pas quand t'es triste. L'estomac noué, elle se sentait terriblement coupable d'être la cause de sa tristesse. Car selon Giulia, le problème venait d'elle. Elle aurait été une fille lambda, sans notoriété, sans un passé écorché, ils n'auraient jamai eut cette discussion. Elle essayait de le réconforter et pour le moment elle ne savait pas très bien si cela fonctionnait.

Beaucoup aurait déjà rebroussé chemin face aux rumeurs que subissaient Giulia au quotidien. Le fait qu'Owen ne regardait pas la télé était aussi un gros avantage pour elle, il n'avait donc que peu de notion sur ce monde dont elle appartenait depuis ses dix-huit ans. Au moins Owen lui assurait ne pas croire aux ragots. Il la voyait comme personne, ou peut-être sauf Livio, mais avec lui les disputes avaient abîmées leur relation. Celle avec Owen semblait plus saine et plus naturelle. Tu fais ressortir le meilleur en moi. expliqua Giulia qui le regardait amoureusement. Sa confiance était un cadeau du ciel, elle n'arrivait pas à croire qu'un homme aussi bon puisse l'aimer en retour. Ils étaient indéniablement très différents l'un et l'autre et pourtant ils s'accrochaient. Elle s'accrochait, réalisant que leur relation était fragilisée, par sa faute. Il vint déposer ses lèvres sur les siennes et sans parvenir à les contrôler, des larmes coulaient sur ses joues. En relâchant leur baiser mouillé, elle gardait les yeux fermés. Tu veux me quitter? lui demanda-t-elle dans un murmure. Sa peur de l'abandon venait de refaire surface.

Au fil des paroles échangées, Giulia avait la sensation que le monde était sur le point de s'écrouler sous ses pieds. Malgré la crainte grandissante qu'il la quitte, il parvint à la faire sourire. Un mince sourire. Oui t'es tout ça à la fois souffla-t-elle, le coeur réchauffé de voir une étincelle de complicité se rallumer entre eux. Mais elle ne put s'empêcher de poser cette question qui la rongeait à l'intérieur. Des larmes coulèrent quand elle lui demanda si il voulait la quitter. Il lui prit le visage entre ses mains et elle ferma les yeux pour pleurer silencieusement. Gigi se trompait, ce n'est pas où Owen voulait en venir. Il essayait de la rassurer mais il en fallait bien plus pour son âme écorchée. Elle rouvrit les yeux et plongea son regard dans le sien. J'ai peur de te perdre, tu sais. murmura Gigi, n'arrivant à détacher son ton suppliant. Il connaissait son passé, il savait qu'elle fut autrefois une petite fille carencée. Privée d'éducation, d'affection et de tout ce qu'une enfant de son âge aurait dû avoir. Maintenant adulte elle en avait gardé de lourdes séquelles. Elle était effrayée à la perspective d'être abandonnée par ceux qu'elle aimait. Et Owen, elle l'aimait à en perdre la raison. Elle était tombée amoureuse de lui tellement vite, trop vite. Ce qu'il y avait entre eux, personne ne pouvait le comprendre sans vraiment le vivre. Ils étaient si différents l'un de l'autre et pourtant unis par ce même amour. Sa voix trembla d'hésitation lorsqu'elle reprit la parole. Et... est-ce que... t'es... vraiment heureux avec moi? Elle baissa le regard, honteuse. C'est de ma faute, si t'es pas bien. rajouta-t-elle comme si il s'agissait d'une évidence absolue. Cela lui crevait le coeur de l'admettre. Avec une autre femme, avec une vie normale, Owen n'aurait pas à subir les commentaires haineux sur les réseaux. Il vivrait une belle histoire, sans oppression, sans elle. Rien que d'y penser, Gigi en avait la nausée. Si Owen n'était pas l'amour se sa vie, aucun homme ne pouvait l'être. Son coup de foudre, c'était lui.