If I risk it all, could you break my fall (enzo)

 
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if i risk it all, could you break my fall
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@lorenzo luciano & @aura luciano

— Lorenzo Luciano, dis-je, la voix tremblante à l’infirmière d’accueil de l’hôpital. Il…il est pompier, brun, les yeux noirs, 1m86…
L’infirmière secoua la tête, reprenant à l’oreille le téléphone qu’elle avait mis en attente pour moi. Elle s’excusa et je soupirai. La peur se crystalisait dans mon ventre. Depuis que j’avais vu la vidéo, sur ma tablette, juste avant d’aller me coucher, j’étais prise d’une angoisse terrifiante. J’avais vu mon frère, dans l’exercice de ses fonctions, vivre la pire scène du monde, retranscrite aux infos qui plus est : être confronté à l’accident grave d’une amie chere. Sa douleur, je l’avais sentie dans mes propres veines et, ce soir, malgré notre ressente dispute, plus virulente que toutes celles que nous avions eu, je ne songeai qu’à une chose. Le retrouver et le prendre dans ses bras pour qu’il étanche sa peine. C'est alors, qu’au milieu de la foule, je le trouvai, dans sa tenue de pompier qu’il n’avait pas daigné enlever. Nos regards se croisèrent et mon coeur se fendit en deux. Sans rien dire, je fonçai sur lui pour le prendre dans mes bras, glissant aussitôt mes mains dans ses cheveux et nichant mon visage dans son cou pour lui apporter autant de réconfort que possible.

Tu fais les quatre cent pas dans le couloir, tu es à deux doigts de céder à une colère sans précédent. Tu as l’impression que ta vie toute entière est une blague, que le bon dieu s’amuse à tester tes limites déjà lourdement atteintes par le départ de Gigi. Cette fois, c’est ta meilleure amie qui menace de te quitter, mais pas par manque d’amour à ton égard, mais bien parce que le vieux barbu au ciel, semble vouloir la reprendre. Les médecins ne te laissent pas entrer, aucun ne semble vouloir dévoiler le pronostic puisque tu n’es pas un membre de sa famille… tu es sur le point de tout casser et c’est sur l’aile psychiatrique qu’on risque de te ligoter. T’es à bout, le visage couvert de suie mélangé au sang de ta précieuse amie. Tu t’apprêtes à intercepter un médecin pour lui dire ta façon de penser lorsque ton regard capte celui de ta jumelle. L’effet est instantané, ton cœur s’enlise dans une série de battements plus douloureux les uns que les autres. Tu culpabilises pour tout ce que tu lui as dit, mais aussi pour avoir manqué à tes fonctions. Aura s’avance, tu fais de même, enlaçant son corps frêle contre les remparts du tien. Ta carapace se fend en deux et comme un gamin, tu te mets à pleurer. Tes larmes brûlent tes joues, un torrent de pluie inonde la chevelure soyeuse de ta sœur que tu serres jalousement contre toi. ‘’ Je ne veux pas qu’elle m’abandonne… qu’est-ce que j’ai fais de mal pour que tout le monde se barre ? ‘’ Ta voix défaille, tu hurles. ‘’ Pourquoi je ne l’ai pas ramené tout de suite plutôt que de la bercer comme un imbécile ? ‘’ Tu t’accroches solidement aux vêtements de ta sœur, laissant ton front épouser la courbe fine de son épaule. L’image du gros dur se fracasse, exposant aux yeux de ta sœur, l’être vulnérable qui règne sur ton cœur depuis le départ de l’être aimé.

Je n’avais pas réfléchi plus d’une seconde lorsque j’avais aperçus les image à la télévision. Mon coeur avait beau avoir été violemment ébranlé par notre dispute, par les mots durs qui l’avait cisaillé, il battait encore à plein forte pour mon frère jumeau. Je n’avais pas réfléchi et j’avais foncé. Je devais être là pour lui. Lorsque nos regards s’étaient croisés et que son corps massif était venu s’écraser contre le mien dans un étreinte salvatrice, j’avais vu les parcelles de nous qui nous manquait cruellement à l’un et à l’autre. Ce n’était qu’une bribe, je le savais bien, mais cela me prouvait que tout n’était pas perdu. Que nous étions encore là, bien envie et ensemble. Au moins pour quelques instants. Je pleurai à chaudes larmes, moi aussi, émue de sentir mon double se fracasser ainsi contre moi. Il n’apposait aucun résistance, ne jouait plus au dur, il avait besoin de lâcher. Je le serrai contre moi, aussi fort que je le pus, pour tenter de lui prodiguer le plus de réconfort possible. J’essayai de l’apaiser, caressant ses cheveux et sa nuque, avec toute la douceur dont j’étais capable. Son poids manquait me faire vaciller mais je tenais bon.
— On ne t’abandonnera pas, promis-je avec de l’émotion dans la voix.
Je resserrai mon étreinte autour de son dos et enfouis à mon tour ma tête dans son cou.
— T’as pas à t’en vouloir, tu as fais comme tu as pu…elle va s’en sortir, Enzo.

Rarement dans ta vie tu as été confronté à ce genre de situation. Il y a évidemment le départ de Gigi, mais cette fois c’est différent. On parle d’une vie, celle de ta meilleure amie. Cette jeune femme qui ne t’a jamais laissé tombé et qui aujourd’hui se retrouve dans le coma. Dans le contexte du travail, tu as l’habitude, tu fais face à des événements troublants, mais jamais aucun ne t’a affecté autant que celui-là. Tu es capable de te départir de tes sentiments lorsque tu entres en action. Tu te concentres sur ton boulot, ainsi que sauver des vies, sans te laisser guider par tes émotions. Tu en as vu des choses dans ta carrière, mais cette fois, tu as atteint le fond. L’image du super-héros se fracasse en mille morceaux. Le mec sûr de lui s’éteint pour laisser luire une flamme chétive et fragile. Aura arrive au bon moment. Tu es attiré vers elle comme les abeilles avec le miel. Tu ne penses plus aux différents, aux désaccords, à cette distance qui s’est creusée entre vous. Tu te reposes sur elle, de tout ton poids et de toute ton âme. Essence de vie qui s'effrite, tu es comme une fleur à qui on arrache les pétales une à une dans le but de trouver une issue favorable. Le genre de passe-temps qu’emploie les jeunes filles amoureuses pour connaître les intentions de l’être convoité. Ta jumelle dit qu’elle ne t’abandonnera pas, mais ne l’a-t-elle pas déjà fait ? Elle t’a relayé au troisième plan, laissant toute la place à son mec et à son gamin… peut-être même en favorisant Fede. Tu préfères ne rien dire, tu n’as pas la tête à te lancer dans une guerre, encore moins contre ta sœur. Tu es rancunier, peut-être trop alors tu préfères ravaler ton venin plutôt que d’anéantir le peu qui te reste. ‘’ J’aurais pu faire mieux, j’aurais dû faire les choses autrement ! ‘’ Comme quoi les sentiments n'amènent jamais rien de bon. Machinalement, tu serres le corps de ta sœur contre le tien. Tu ne la lâches plus, en dépit du verbe qui ne sort plus. Tout ce dont tu as besoin, c’est d’un pilier, un far dans la tempête. ‘’ Merci d’être là… je sais que ce n’est pas hyper facile pour toi de te libérer en ce moment. ‘’ Parce que c’est sans doute ça être mère… ne plus avoir le temps de vivre et d’être là pour les autres autant qu’on le souhaiterait. Tu relèves la tête, chassant le torrent de larmes sur tes joues d’un geste grossier de la main. ‘’ J’suis en fonction, pourquoi ils ne me laissent pas entrer dans cette foutue salle ? ‘’ Phalanges accrochées à tes mèches en bataille, tu tires dessus en faisant les cent pas, tournant autour de ta frangine sans être capable de t’arrêter. ‘’ Faut que je bouffe… ‘’ Reprends-tu l’air dépité. Y’a que ça pour te changer les idées.

Rare étaient les moments où mon frère laissaient ses barrières s’effondrer, même dans les moments où ses fondations étaient ébranlées. Même lorsque nous avions dû quitter Florence deux ans plus tôt, qu’il était venu me chercher, en plein milieu de mes horaires de travail, pour me dire que nous devions partir de toute urgence. Même là, il n’avait pas flanché. Il m’avait pris la main et ne l’avait presque pas lâché avant que nous arrivions tous les deux à Bowen, en sécurité. Aussi loin que je me souvienne, Lorenzo avait toujours été mon rempart que même la plus puissante bourrasque ne pouvait faire tomber à genoux. Il avait toujours été là pour moi, et aujourd’hui, c’était à mon tour de le soutenir. Alors que je le sentais lâcher prise dans mes bras, je tâchai, moi, de ne pas me laisser aller, malgré les larmes qui coulaient sur mes joues. Quand il mit fin à notre étreinte et qu’il me remercia d’être là, je lui offris mon sourire, avec tout l’amour que j’avais pour lui.
— Je ne pouvais pas être ailleurs, dis-je simplement.
Il avait raison, ça n’était pas facile pour moi, ces temps-ci. Mon accouchement avait eu lieu moins de quinze jours de ça, mes nuits étaient courtes, et même parfois blanches et les choses avec Livio n’étaient pas au beaux fixes. Nous avions besoin de tendresse et de parler sérieusement. Quant au retour de mon frère, il me fallait admettre qu’il m’avait ébranlé. Je vis Enzo repasser son armure et se blinder comme à son habitude. Il ne comprenait pas qu’on ne le laisse pas entrer pour avoir des nouvelles de Hope. Le protocole des hopitaux étant ce qu’il était, il n’y avait rien que nous puissions faire pour changer ça. Alors quand mon frère affirma qu’il devait manger, je hochai la tête.
— Il y a…un burger king pas loin, rappelai-je simplement.
Moins de vingt minutes plus tard, nous étions assis à une table, une douzaine de cheeseburgers devant nous, et Enzo qui en engloutissais déjà un comme un morfale. Je n’avais pas très faim pour ma part, mais j’avais choisi de l’accompagner avec un milkshake que je sirotai passivement, cherchant un sujet de conversation qui détournerai mon jumeau de sa douleur.
— T’as été…dans le Cyclades pendant…ton voyage ?
Voyage…je ne savais pas comment qualifié l’absence de mon frère. Ca n’était probablement pas le mot le plus approprié mais ce fut le seul qui me vint sur le moment. Je rêvais d’aller dans les Cyclades, passionnée que j’étais par l’art primitif cycladique, Enzo le savait.