so bring the discrepancies, I'll pour the drinks (tayron)

Le billard était probablement, pour Isaiah, l’une des meilleures manières de décompresser. Ça et créer des meubles et sculptures. Et fumer un joint en pleine nature. En réalité, les méthodes ne manquaient pas pour cet homme qui maîtrisait l’art d’atteindre la paix intérieure. Mais l’avantage avec le billard, c’était que c’était également une excellente manière de rencontrer de nouvelles personnes. Sans pour autant tomber dans la lourdeur et l’imposition, il était le genre d’homme à s’intégrer aux autres aisément, naturellement. Il était attentif aux signaux et comprenait rapidement s’il dérangeait. Généralement, ce n’était pas le cas. Il était un bon vivant, un bonhomme chaleureux et bienveillant. Sa lumière déteignait rapidement sur les autres. Ces derniers mois avaient été un peu plus sombres pour Isaiah qui avait vécu désillusions sur désillusions à la suite de manifestations qui avaient mal tourné. La lourdeur humaine commençait à l’atteindre plus que ce qu’il l’aurait imaginé. Il avait le bonheur un peu moins facile, et le découragement à bout de bras. Ses moments de simplicité, sans se prendre lui-même la tête avec mille et une remises en question, il se les créait comme ce soir, au billard. Il avait besoin de retrouver le Isaiah des premières lignes. Il s’était donc accolé à un groupe qui se disputait des parties depuis une heure, maintenant. Il ne connaissait personne parmi les joueurs, mais on n’y voyait que du feu. Il s’était intégré sans trop de mal. L’ébéniste avait actuellement une seule victoire à son actif, mais il ne perdait pas le sourire. Pendant que deux des hommes entamaient une nouvelle partie, Isaiah débarrassa les tables environnantes de leurs pichets de bière vides et il se dirigea vers le bar afin d’en commander de nouveaux. Il attendait patiemment, les coudes posés sur le bar, en regardant distraitement autour. Il échangea un rapide sourire et un hochement de tête en guise de salutations avec un homme plus âgé que lui, non loin de là, qui semblait le regarder. Ou alors il ne le regardait pas du tout, et l’artiste venait d’envoyer un sourire dans le vide. C’était le genre de chose qui lui arrivait tout le temps, et il s’en fichait pas mal. Il préférait être celui à sourire à n’importe qui même à ceux qui n’en avaient rien à faire.

Le monde est ainsi fait, il y a des personnes qui oeuvrent pour le bien et d’autre pour le mal, cependant il leur arrive de se montrer bon avec les siens simplement parce que c’est ainsi, la vie est ainsi, les gens sont ainsi mais il y a des moments des choses que j’ai du mal à cautionner surtout quand cela touche ma famille. Depuis que j’avais retrouvé ma fille, je me devais de la protéger au même titre que ma femme et ses enfants. Alors quand j’ai appris qui elle fréquentait d’une certaine façon puis qu’elle avait dormi chez lui ou inversement, je ne me souviens plus vraiment, il faut dire que je n’ai pas vraiment tout compris à son histoire mais je sais qui il est et ça ce n’est pas rien. La première fois que j’ai vu Isaiah, on ne peut pas dire qu’il a fait une forte impression, un petit revendeur de merde voilà ce qu’il représentait à mes yeux, aujourd’hui pour moi il est toujours ce mec qui n’a pas de perspective de vie et j’ai bien peur qu’il entraîne ma fille dans ses conneries et ses histoires. Après avoir fait pas mal de recherches, je sais où il est, Charlène était de sortie avec une de ses amis et il était temps pour moi de lui rendre une petite visite. Quand j’arrive au bar, je cherche du regard l’homme que je dois voir, je m’installe au bar et mon regard se pose sur lui, je reste silencieux alors que je porte mon verre à mes lèvres puis quand il sourit, je fais un signe de tête avant de me lever et d’aller le voir, je ne suis pas à faire des détours pour arriver à mes fins et puis j’avoue que j’ai une petite idée en tête mais ça on verra plus tard. “Tu es bien Isaiah ?” Je finis par lui tendre la main pour le saluer “Tayron Brennan, le père de Noa”  Voilà les présentations étaient faites maintenant à voir comment ça se passe.

Il fallait bien de la volonté pour retrouver un type comme Isaiah. Il errait, souvent sans but, souvent sans destination. On ne savait jamais vraiment où il se trouvait et en même temps on pouvait tomber sur lui n’importe quand ; il était partout. Le jeune homme n’ayant pas de téléphone portable intelligent, qu’un vieux modèle flip-phone en voie d’extinction qui ne lui servait qu’en cas d’urgence, on ne pouvait pas non plus faire de tour de magie pour le localiser. Isaiah ne vivait pas volontairement off the grid, mais on aurait presque pu croire qu’il en faisait la tentative. Pourtant, l’ébéniste n’avait pas grand-chose à cacher. Il préférait juste les bonnes vieilles méthodes de rencontres et de communications. Tout ça pour dire que l’homme, au bar, qui le fixait et qui savait exactement qui il était, avait de bons contacts pour s’être rendu jusqu’ici en sachant pertinemment qu’il y trouverait Isaiah. Isaiah lui-même n’aurait pas su, une heure plus tard, qu’il se retrouverait ici. Totalement ignorant de l’identité de cet homme, l’artiste lui envoya un sourire sincère, ne sachant même pas si le regard de l’autre lui était adressé. Il était de ceux à sourire à n’importe quel regard croisé. L’homme en question se leva et avança vers Isaiah, surprit pour une fois de ne pas être celui à faire le premier contact. Il comprit rapidement, en entendant son prénom, qu’il ne lui était pas inconnu. « Oui, c’est moi ? On s’est déjà croisés ? » Il n’oubliait que rarement les visages, Isaiah, et pourtant il en avait tellement abordé au courant de sa vie et de ses voyages. Ces traits plutôt durs et ce visage fermé ne lui disaient rien du tout. Il se présenta comme étant le père de Noa. « Oh ! Vraiment ? Ah, ça fait quelques semaines que j’ai pas croisée Noa, je ne savais pas que son père, enfin, que vous étiez en ville. » Il attrapa la main qu’on lui tendait et la serra vigoureusement, tout sourire, tout innocent. « Wait, Noa vous a parlé de moi ? » Demanda-t-il les sourcils légèrement froncés de surprise. Il était agréablement étonné.